Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Motifs et décision

Introduction

[1] L’appelant a présenté une demande de pension de la sécurité de la vieillesse (SV)Note de bas de page 1 le 21 mars 2002 et a également demandé le Supplément de revenu garanti (SRG).Note de bas de page 2  L’intimé a accepté l’ensemble de la demande le 13 janvier 2003.Note de bas de page 3  Le 15 décembre 2009, l’intimé a initié une enquête administrative au dossier de l’appelant. Suite à l’enquête, l’intimé conclu que l’appelant n’était pas admissible au SRG pour la période de juin 2003 à septembre 2010 puisque l’appelant était présent au Canada depuis novembre 2002 et n’était plus résident au sens de la loi. Dans une lettre de décisionNote de bas de page 4 datée le 2 novembre 2010, l’intimé a réclamé à l’appelant un trop-payé de 84 929.18 $ pour cette période durant laquelle il était inadmissible à recevoir le SRG.

[2] Le 26 mars 2018, l’appelant a déposé auprès de l’intimé une demande de réexamenNote de bas de page 5 tardive de la décision rendue le 2 novembre 2010.

[3] L’intimé a refusé la demande de réexamen tardive car il a déterminé que l’appelant ne répondait pas aux critères afin de lui accorder une prolongation du délai. L’intimé a communiqué à l’appelant les raisons de son refus de procéder au réexamen de sa décision le 20 septembre 2018.Note de bas de page 6

[4] L’appelant a interjeté appel de la décision de l’intimé de ne pas prolonger le délai afin de demander le réexamen de la décision de l’intimé devant le Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal) le 28 septembre 2018.Note de bas de page 7

Question préliminaire

[5] Lors de l’audience l’appelant n’était pas présent car il était à Haïti et était représenté par son fils, tel qu’indiqué sur son Avis d’appel.Note de bas de page 8  Son fils a donc fait des représentations au nom de son père à l’audience.Note de bas de page 9

Question en litige

[6] Est-ce que l’intimé a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire lorsqu’il a refusé d’accorder à l’appelant un délai plus long pour présenter une demande de révision? 

Analyse

[7] L’article 27.1 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (LSV) stipule qu’une personne qui se croit lésée par une décision de refus d’une prestation prise par le ministre en application de la Loi peut, dans les 90 jours suivant la notification par écrit de la décision, demander au ministre de réviser sa décision. Le ministre peut accorder un délai plus long si la demande de réexamen est soumise après les 90 jours suivants la notification par écrit de la décision.

[8] L’article 29.1(1) du Règlement sur la sécurité de la vieillesse (le Règlement) stipule que le ministre peut accorder une prolongation du délai pour la présentation d’une demande de révision d’une décision de refus, s’il est convaincu que, d’une part, il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai et, d’autre part, que l’intéressé a manifesté l’intention constante de demander la révision.

[9] L’article 29.1(2) du Règlement stipule également que si la demande de révision est présentée après 365 jours suivant la décision par écrit de refus, le ministre doit également être convaincu que la demande de révision a des chances raisonnables de succès et que l’autorisation du délai supplémentaire ne porte préjudice à aucune des parties.

[10] L’intimé considère donc que l’appelant ne rencontre pas les conditions à respecter pour la prolongation du délai de présentation d’une demande de révision d’une décision car l’appelant ne rencontre qu’un seul des 4 critères mentionnés ci-haut afin que le ministre puisse accepter de revoir son dossier. L’intimé a conclu que le seul critère rencontré par l’appelant est le quatrième critère, à savoir que l’autorisation du délai supplémentaire ne porte pas préjudice à l’intimé.Note de bas de page 10

[11] Lors de l’audience, le représentant de l’appelant a indiqué qu’il considère que le Tribunal devrait considérer la date du 28 septembre 2017 comme date à laquelle l’appelant a démontré son intention d’en appeler de la décision de l’intimé car c’est à cette date que l’appelant a fait une demande écriteNote de bas de page 11 afin d’obtenir son dossier de SV. L’appelant considère également que depuis cette date du 28 septembre 2017, l’appelant a toujours démontré une intention constante de demander la révision de la décision de l’appelant.

[12] La décision de l’intimé d’accorder ou de refuser une demande de révision tardive est considérée comme une décision discrétionnaire. La jurisprudence établit que la discrétion de l’intimé, doit être exercée de manière judiciaire ou judicieuse.Note de bas de page 12  Afin de démontrer que l’intimé n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière « judiciaire », il faut établir que l’intimé a agi de mauvaise foi, a agi dans un but ou pour un motif irrégulier, a pris en compte un facteur non pertinent, a ignoré un facteur pertinent, ou a agi de manière discriminatoire.Note de bas de page 13

[13] Le rôle du Tribunal est donc, non pas de déterminer si l’intimé était correct dans sa décision de ne pas procéder à une révision tardive du dossier, mais bien si l’intimé a exercé sa décision de manière judiciaire ou judicieuse.

Retard raisonnablement expliqué

[14] L’appelant soutient dans sa demande de réexamen datée le 13 mars 2018Note de bas de page 14 que son retard pour présenter sa demande de réexamen est dû d’une part à son âge avancé et d’autre part à son niveau d’éducation et d’alphabétisation qui constituent des barrières linguistiques qui le rendent vulnérable, voire même incapable et inapte à répondre à certaines demande d’informations et à comprendre les décisions prises à l’égard de son dossier de SV et de SRG.

[15] À l’audience, le représentant de l’appelant a indiqué qu’en raison de la santé de son père et son état général, il a décidé de s’occuper de lui plus personnellement et de l’héberger chez lui suite à son retour au Canada en avril 2017. C’est à ce moment qu’il s’est intéressé à la situation financière de son père et a communiqué avec Service Canada pour la première fois le 25 mai 2017.Note de bas de page 15  Le représentant a discuté avec l’agent de Service Canada après que son père eut donné l’autorisation verbale de transiger avec celui-ci. L’appelant a demandé à obtenir une copie de son dossierNote de bas de page 16 le 28 septembre 2017. L’appelant a par la suite donné un consentement afin d’autoriser Service Canada à communiquer avec son fils, le nouveau représentant de son père en date du 27 juin 2018.Note de bas de page 17 

[16] L’appelant avait au préalable donné son consentement afin d’autoriser Service Canada à communiquer avec un autre de ses fils du nom de D. et daté du 7 mai 2010.Note de bas de page 18

[17] À l’audience, le représentant a indiqué qu’il avait aidé son père à compléter sa demande initiale de SV en 2002,Note de bas de page 19 et ne s’était pas occupé des affaires de son père jusqu’à ce que celui-ci emménage chez lui en avril 2017. Le représentant actuel de l’appelant a indiqué également qu’il ne peut pas répondre des actions ou inactions du représentant au dossier qui le précédait, soit avant qu’il entreprenne les démarches pour comprendre ce qui advenait de la pension de SV et de la prestation de SRG de son père.

[18] Le représentant a indiqué que de 2010 à septembre 2012, mois auquel l’appelant est allé vivre à Haïti, que l’appelant habitait dans un triplex appartenant à deux de ses 13 enfants, son fils B. et sa fille M. Chacun de ses enfants vivait dans un appartement distinct à l’intérieur de cet édifice bien qu’ayant un numéro civique différent. En novembre 2010, le représentant a indiqué que seulement deux des enfants de l’appelant habitaient dans l’édifice en question, soit J., qui avait des problèmes de santé mentale, et la plus jeune fille de l’appelant qui était mineure à l’époque.

[19] Le représentant a indiqué que l’appelant n’a pris conscience et connaissance de la décision qu’après son retour au Canada en avril 2017, lorsque celui-ci a pris connaissance du dossier et a pu en expliquer la nature à son père. De plus, dans sa Demande de réexamen,Note de bas de page 20 l’appelant indique lui-même qu’il était de retour au pays en avril 2017.

[20] L’intimé maintient que l’appelant ne recevait plus de versements de pension ni de prestation depuis novembre 2010 car les paiements étaient retenus à 100% et affectés au trop-payé dans son dossier à ce moment-là. Si l’appelant ou son représentant d’alors, un autre de ses fils, jugeait bon de s’informer de cet arrêt de paiement, un ou l’autre aurait pu le faire. L’intimé soutient que l’appelant ne s’est seulement informé de son dossier qu’après son retour au Canada en 2017.Note de bas de page 21  Ceci a été confirmé lors de l’audience par le représentant de l’appelant lorsqu’il a commencé à s’occuper du dossier de son père.

[21] Je trouve difficile de concevoir qu’aucun des 13 enfants de l’appelant n’aidait leur père à cette époque, d’autant plus que le représentant actuel a indiqué que l’appelant avait des problèmes de santé et que son niveau d’alphabétisation était très bas en raison du peu d’éducation qu’il avait reçu.

[22] Je trouve également difficile de concevoir que lorsque l’intimé a cessé de faire des paiements dans le compte de banque de l’appelant à partir de l’année 2010, que l’appelant n’ait pas parlé à un de ses enfants de sa situation financière difficile ou qu’aucun de ses 13 enfants n’ait pu l’observer. Je comprends bien que le représentant a indiqué que son père est une personne fière et qu’il ne voulait pas incommoder ses enfants avec ses problèmes, mais l’appelant avait quand même des besoins minimaux à satisfaire tels un toit et ses repas, aussi bien au Canada, où il était entre la date de la lettre de l’intimé en novembre 2010 jusqu’à son départ en septembre 2012, qu’à Haïti. Le représentant a aussi indiqué que l’appelant est une personne sans moyen financier et n’était pas financièrement indépendant, ce qui rend encore plus invraisemblable qu’il n’ait pas demandé de l’aide à sa famille, que ce soit au Canada ou à Haïti.

[23] De plus, étant donné que le représentant a indiqué que son père avait des problèmes d’alphabétisation, il est difficile également de comprendre pourquoi l’appelant ne demandait pas l’aide d’un de ses enfants ou d’une autre personne afin de lui expliquer la nature des informations dans le courrier qu’il recevait. Encore une fois, la lettre de décision de l’intimé a été envoyée en novembre 2010 et le représentant a indiqué que son père était allé vivre à Haïti en septembre 2012.

[24] Je conviens avec le représentant qu’à partir de mai 2017 et depuis lors, le représentant s’occupe bien des affaires de son père, mais ceci ne peut expliquer raisonnablement la raison qui appuierait une demande de prolongation du délai 8 années plus tard, après que la décision de l’intimé fut rendue en novembre 2010.

Intention persistante de poursuivre l’appel

[25] L’intimé considère que l’appelant n’a pas démontré une intention persistante de poursuivre l’appel car il ne s’est pas informé de son dossier entre la date de l’avis de décision du 2 novembre 2010, et le premier appel au service à la clientèle de Service Canada le 25 mai 2017.Note de bas de page 22 

[26] Lors de l’audience, le représentant a indiqué qu’il avait commencé à s’occuper des affaires de son père au moment auquel l’appelant a emménagé chez lui en avril 2017 et qu’il ne peut pas répondre des actions ou inactions du représentant au dossier qui le précédait, soit avant qu’il entreprenne les démarches pour comprendre ce qui advenait de la pension de SV et de la prestation de SRG de son père. Il a aussi indiqué qu’il n’avait pas connaissance de ce qui s’était passé entre la demande de SV qu’il avait aidé son père à compléter et le moment auquel il a commencé à aider son père dans son dossier de SV en mai 2017. Donc, s’il ne sait pas ce qui s’est passé entre 2010 et 2017, je ne peux que conclure que le représentant n’a pas fourni de preuve au Tribunal sur l’intention continue de l’appelant de demander la révision durant ces années.

[27] Je conviens avec le représentant qu’à partir de mai 2017 et depuis lors, le représentant s’occupe bien des affaires de son père, mais ceci ne peut expliquer raisonnablement la raison qui appuierait une demande de prolongation tardive en réexamen. Le représentant ne peut pas expliquer pourquoi rien ne fut fait durant toutes les années durant lesquelles son frère représentait leur père. Le fait qu’il s’occupe depuis 2017 des affaires de son père n’explique toujours pas le délai de 8 ans entre la lettre de décision de l’intimé en 2010 et la demande de révision de celle-ci en 2018.

Cause défendable – ou la demande de révision a des chances raisonnables de succès

[28] L’intimé maintient que l’appelant n’a pas de chance de succès dans sa demande de révision car, l’appelant a communiqué avec l’intimé seulement le 25 mai 2017 bien que ses prestations étaient retenues à 100% depuis novembre 2010.Note de bas de page 23 L’intimé note également que les prestations réclamées à l’appelant sont pour la période de juin 2003 à septembre 2010, mois du dernier versement. L’intimé maintient que l’appelant n’a pas fourni de nouveaux éléments de preuves qui pourraient établir sa résidence ainsi que d’autres raisons pour appuyer sa demande de révision et ainsi, l’intimé considère que la contestation de la réclamation n’a pas de chance raisonnable de succès.Note de bas de page 24

[29] L’appelant considère que les éléments qui ont servi à établir le trop-payé sont truffés d’erreurs.Note de bas de page 25  Ces erreurs sont expliquées dans la demande de réexamen de l’appelant.Note de bas de page 26  L’appelant considère également qu’il a été victime de généralisation abusive et de déductions basées sur aucun fait, ni preuve raisonnables ou suffisants.

[30] L’appelant indique bien qu’il y a des erreurs au tableau des entrées et sortiesNote de bas de page 27 et de leur calcul, cependant, le fardeau de la preuve quant à la résidence de l’appelant demeure sur ses épaules et c’est à lui à démontrer qu’il était bel et bien résident du Canada au sens de la Loi, à savoir qu’il avait établi sa de demeure et qu’il vivait ordinairement dans une région du Canada. Cependant, je constate que l’appelant n’a pas soumis de preuves documentaires additionnelles qui démontreraient que l’analyse faite par l’intimé était erronée au moment de la décision initiale.

Préjudice à l’autre partie

[31] L’intimé ne semble pas être lésé étant donné la courte période de temps qui s’est écoulé depuis que la décision découlant du réexamen a été rendue. L’intimé a d’ailleurs confirmé qu’il possédait tous les documents nécessaires à la prise de décision.Note de bas de page 28

Conclusion

[32] Dans son analyse, le Tribunal n’a trouvé aucun élément qui laisserait croire que l’intimé a agi de mauvaise foi ou dans un but ou pour un motif inapproprié. Le Tribunal considère aussi que l’intimé n’a pris en compte aucun facteur non pertinent. Personne ne remet en question l’envoi de la lettre de décision de l’intimé le 2 novembre 2010. Le représentant a lui-même confirmé que ce n’est qu’à partir du moment auquel son père est venu habiter avec lui en 2017 qu’il a commencé à s’occuper personnellement des affaires de son père et que celui-ci a entamé les démarches afin de demander un réexamen du dossier de son père. L’appelant avait un autre représentant au dossier à partir du 7 mai 2010 qui était un autre de ses fils. Le représentant actuel de l’appelant a lui-même indiqué lors de l’audience qu’il ne sait pas ce qui s’est passé au dossier entre 2010 et 2017, donc il n’a pu démontrer que l’intention de demander la révision du dossier est continue depuis 2010.

[33] Le Tribunal considère également que l’intimé n’a pas ignoré de facteurs pertinents, même si dans sa demande de réexamen l’appelant a soumis que l’intimé avait fait des erreurs dans son analyse, étant donné que l’appelant n’a soumis aucunes preuves documentaires qui contrediraient l’analyse de l’intimé.

[34] À la lumière de la preuve au dossier et des soumissions entendues du représentant de l’appelant, le Tribunal considère que l’intimé a exercé sa discrétion de manière judiciaire ou judicieuse. L’appelant ne se voit pas accorder une prolongation de délai pour présenter une demande de révision.

[35] L’appel est rejeté.

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