Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : TF c Ministre de l’Emploi et du Développement social et DP, 2020 TSS 740

Numéro de dossier du Tribunal: GP-18-1368

ENTRE :

T. F.

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre

et

D. P.

Mise en cause


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale — Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : George Tsakalis
Requérante représentée par : Richard Pengelly
Mise en cause représentée par : Tara Vasdani
Dates des audiences : Les 5 et 20 septembre 2019, le 8 novembre 2019 et
le 13 février 2020
Date de la décision : Le 24 juillet 2020

Sur cette page

Décision

[1] T. F. est la requérante dans la présente affaire. Elle a épousé S. F. (le défunt) en 1993 et s’est séparée de lui en 2006Note de bas page 1. Le couple n’a jamais divorcé. Le défunt est décédé dans un accident de motocyclette le 16 mai 2017.

[2] D. P. est la mise en cause. Elle prétend qu’elle était la conjointe de fait du défunt au moment de son décès.

[3] La requérante a demandé une pension de survivant du Régime de pensions du Canada (RPC) en septembre 2017. Le ministre a cependant rejeté la demande une première fois, puis il l’a rejetée de nouveau après révision. Il a rejeté sa demande parce qu’il avait déjà décidé d’accorder la pension de survivant à la mise en cause.

[4] La requérante a appelé de la décision du ministre au Tribunal de la sécurité sociale du Canada.

[5] J’accueille l’appel de la requérante.

[6] Voici pourquoi elle a droit à la pension de survivant.

Questions préliminaires

Je n’ai pas le pouvoir de rendre une décision sur la demande de prestation de décès présentée par la requérante

[7] Ma compétence se limite aux pouvoirs qui me sont accordés par la loi habilitante du TribunalNote de bas page 2.

[8] Le 21 septembre 2017, le ministre a reçu la demande de prestation de décès présentée par la requérante. Le ministre a rejeté sa demande parce qu’il avait déjà versé la prestation de décès à la mise en cause.

[9] Je dispose du pouvoir d’examiner un appel quand une décision de révision a été rendue. Dans cette affaire, la requérante n’a pas demandé de révision. Le ministre n’a donc pas rendu de décision au terme d’une révision. Par conséquent, je ne peux pas me pencher sur cette question.

Aperçu

[10] La requérante a fait valoir que la mise en cause n’était pas la conjointe de fait du défunt au moment de son décès pour les raisons suivantes :

  • Le défunt conservait ses effets personnels à la maison de sa mèreNote de bas page 3.
  • La requérante fournissait de l’aide financière au défuntNote de bas page 4.
  • La mise en cause n’aidait pas le défunt sur le plan financierNote de bas page 5.
  • Le défunt a eu des liaisons amoureuses pendant sa relation avec la mise en cause et il fréquentait une autre femme au moment de son décèsNote de bas page 6.

[11] La mise en cause a fait valoir qu’elle avait droit à la pension de survivant parce qu’elle était la conjointe de fait du défunt au moment de son décès et qu’elle avait habité avec lui dans le cadre d’une relation conjugale pendant au moins un an. La mise en cause a soutenu qu’elle répondait au critère juridique de l’union de fait au sens du RPC pour les raisons suivantes :

  • Elle habitait avec le défuntNote de bas page 7.
  • Elle avait des relations sexuelles avec le défuntNote de bas page 8.
  • Le défunt et elle se rendaient service pour la préparation des repas, le lavage, les commissions, l’entretien de la maison et les autres services ménagersNote de bas page 9.
  • Le défunt et elle avaient des rapports sociaux. Ils participaient aux activités organisées dans leur quartier et leur collectivitéNote de bas page 10.
  • Le défunt et elle étaient considérés comme un couple dans leur collectivitéNote de bas page 11.
  • Le défunt et elle se soutenaient financièrementNote de bas page 12.

[12] Le ministre était persuadé que la mise en cause était la survivante du défunt au sens du RPCNote de bas page 13.

Question en litige

[13] Je dois décider si la mise en cause et le défunt vivaient en union de fait au moment où il est décédé et, dans l’affirmative, si les deux avaient ainsi habité ensemble pendant une période continue d’au moins un an.

Analyse

Le critère de la pension de survivant

[14] La mise en cause doit établir qu’il est plus probable qu’improbable (qu’il y a plus de chances) qu’elle vivait avec le défunt dans une union de fait au moment de son décès et que les deux avaient ainsi habité ensemble pendant une période continue d’au moins un an. Si elle ne réussit pas à établir ces faits, la requérante aura droit à la pension de survivant parce qu’elle est l’épouse légitime du défuntNote de bas page 14.

[15] Parmi les caractéristiques d’une relation conjugale qui sont généralement admises, on compte entre autres : le partage d’un toit, les rapports sexuels et personnels, l’échange de services, les activités sociales, le soutien financier et les enfants ainsi que l’image du couple dans la société. Ces éléments peuvent exister à divers degrés et il n’est pas nécessaire qu’ils soient tous présents pour qualifier la relation de conjugaleNote de bas page 15.

[16] Les unions de fait diffèrent des mariages légitimes. Souvent, il n’y a aucune preuve qui témoigne du moment précis où la conjointe et le conjoint de fait ont pris un engagement sérieux l’une ou l’un envers l’autre, contrairement au certificat de mariage. Les parties qui vivent en union de fait doivent démontrer par leurs actions et leur conduite une intention mutuelle de vivre ensemble dans une relation semblable au mariage d’une certaine permanenceNote de bas page 16.

[17] Les motifs présentés ci-dessous expliquent pourquoi je juge que la preuve n’a pas établi que le défunt et la mise en cause vivaient dans une telle union de façon continue pendant au moins un an.

Commentaires concernant les conclusions sur la preuve

[18] La loi ne m’oblige pas à mentionner tous les documents déposés au dossier. Je n’ai pas à mentionner chaque élément de preuve présenté à l’audience ni à répondre à toutes les observations. La loi exige que j’indique la démarche que j’ai suivie pour en arriver à ma décisionNote de bas page 17.

[19] Les deux parties ont fait témoigner des personnes à l’audience. Les témoignages de certaines de ces personnes n’ont pas été utiles pour ma décision. Parmi les éléments de preuve fournis par les témoins, je vais mentionner seulement ceux que j’ai considérés comme étant pertinents pour ma prise de décision. Je ferai la même chose pour la preuve documentaire.

La mise en cause n’a pas droit à la pension de survivant

[20] Je juge que le défunt et la mise en cause ne sont pas devenus conjoint et conjointe de fait avant octobre 2016, c’est-à-dire seulement environ sept mois avant le décès du défunt. La mise en cause n’a pas droit à la pension de survivant parce qu’elle n’a pas démontré qu’elle avait habité avec le défunt dans le cadre d’une relation conjugale pendant une période continue d’au moins un an avant que ce dernier décède en mai 2017.

[21] Je reconnais que la mise en cause a peut-être cru sincèrement qu’elle vivait en union de fait avec le défunt depuis mai 2014. Cependant, la preuve montre que le défunt ne voyait pas la relation du même œil. L’intention mutuelle de vivre ensemble dans une relation d’une certaine permanence qui ressemble au mariage est un élément décisif pour conclure à l’existence d’une union de fait. Une union de fait ne peut pas exister sans l’intention mutuelle des deux partiesNote de bas page 18.

[22] Je vais maintenant me pencher sur les facteurs qui montrent l’existence d’une relation conjugale comme le décrit la Cour fédérale dans la décision McLaughlin. Pour clarifier mon analyse, je vais diviser mes conclusions en trois périodes :

  1. de mai 2014 à février 2016, soit, selon les dires de la mise en cause, du début de l’union de fait jusqu’au moment où le couple a déménagé en Floride;
  2. de février 2016 à octobre 2016, soit la période durant laquelle la mise en cause et le défunt vivaient en Floride jusqu’au moment de leurs fiançailles;
  3. d’octobre 2016 à mai 2017; soit des fiançailles au moment où le défunt est décédé.

A. De mai 2014 à février 2016

Le partage d’un toit

[23] Je juge que la mise en cause et le défunt n’ont pas commencé à habiter ensemble avant de commencer à louer une demeure en Floride en février 2016Note de bas page 19.

[24] Dans son témoignage, la mise en cause a dit qu’elle vivait avec le défunt depuis le 1er mai 2014. Elle a rempli une déclaration solennelle à cet effetNote de bas page 20. Dès 2014, elle a précisé dans ses déclarations de revenus qu’elle vivait en union de faitNote de bas page 21. Dans la déclaration de revenus américaine qu’elle a produite pour l’année 2016, elle est décrite comme étant mariéeNote de bas page 22.

[25] Selon le témoignage du frère de la mise en cause, le défunt vivait avec celle-ci en Ontario et les biens du défunt se trouvaient à la maison de la mise en cause. La sœur de la mise en cause a déclaré que le défunt et la mise en cause avaient commencé à vivre ensemble en avril 2014Note de bas page 23. Ces éléments de preuve n’étaient pas convaincants puisque le frère et la sœur de la mise en cause n’ont pas précisé combien de temps ils ont passé avec la mise en cause et le défunt. V. M., une amie de la mise en cause, a déclaré que le défunt et la mise en cause vivaient ensemble depuis 2014. V. M. a dit qu’elle voyait la mise en cause et le défunt une fois par semaine. Par contre, la preuve documentaire, qui comprend des messages textes du défunt, ne permet pas de conclure que le défunt et la mise en cause vivaient ensemble durant cette période.

[26] Dans son témoignage, la requérante a dit que le défunt n’avait pas de domicile précis pendant de nombreuses années avant son décès. Il avait habité avec un ami, C. S., jusqu’en 2013. Puis, il était retourné vivre avec la requérante et leurs enfants. Le beau-père du défunt est décédé en 2014. Comme sa mère ne voulait pas vivre seule, le défunt avait fait des rénovations avant d’emménager chez sa mère à l’automne 2014. Le défunt restait à différents endroits, y compris chez des amis et chez la mise en cause. Il n’avait pas établi sa résidence à un endroit précis. Selon le témoignage de la mère du défunt, ce dernier vivait avec elle et conservait ses effets personnels chez elle durant cette période.

[27] Le défunt a passé du temps avec la mise en cause au domicile canadien de cette dernière avant février 2016. Toutefois, je n’admets pas qu’ils ont commencé à vivre ensemble le 1er mai 2014. En 2014 et en 2015, le défunt a envoyé plusieurs messages textes à la requérante. Il a écrit qu’il dormait dans un camion ou qu’il vivait avec sa mèreNote de bas page 24. La psychothérapeute du défunt a déclaré qu’il vivait la moitié du temps chez sa mère et l’autre moitié chez la requérante en septembre 2015Note de bas page 25. De plus, les déclarations de revenus qu’il a produites pour la période de 2014 à 2016 indiquent qu’il était divorcé. Le défunt a inscrit l’adresse de la requérante, et non l’adresse de la mise en cause, comme adresse postale sur les déclarations de revenusNote de bas page 26.

Rapports sexuels et personnels

[28] Les commentaires que le défunt a fait à sa psychothérapeute laissent croire que les relations sexuelles n’ont pas débuté avant février 2016.

[29] En février 2016, le défunt a dit à sa psychothérapeute que la mise en cause s’était fait offrir un emploi aux États-Unis. La mise en cause voulait que leur amitié devienne une relation intime. Par contre, lui voulait que la mise en cause demeure son amieNote de bas page 27. La mise en cause a déclaré qu’elle avait des relations sexuelles avec lui. Toutefois, je juge que la preuve fournie par la psychothérapeute est plus convaincante. Cette dernière n’est pas une partie à l’instance ni une membre de la famille du défunt. Elle est une professionnelle de la santé à qui le défunt se confiait.

[30] Même si j’admettais la preuve présentée par la mise en cause pour montrer que le défunt et elle avaient des relations sexuelles avant février 2016, je ne vois aucune preuve qui montre l’intention du défunt de vivre avec la mise en cause dans une relation d’une certaine permanence qui ressemble au mariage au cours de cette période.

[31] Rien de prouve que la mise en cause avait des relations sexuelles avec d’autres personnes durant la période où elle aurait soi-disant habité avec le défunt. Par contre, le défunt a eu des relations avec d’autres femmes de mai 2014 à février 2016. Dans un message texte, le défunt mentionne des relations avec deux autres femmes en juin 2014Note de bas page 28.

[32] La preuve ne montre pas que le défunt avait développé des liens intimes et émotionnels d’une grande importance envers la mise en cause durant cette période. Le 7 septembre 2014, il a dit que la mise en cause souhaitait avoir une relation plus intime avec lui. Mais il éprouvait seulement des sentiments d’amitié envers elleNote de bas page 29.

Services

[33] Dans son témoignage, la mise en cause a dit que le défunt et elle se partageaient les tâches ménagères. Le défunt aimait faire la cuisine. Elle s’occupait du ménage. Elle faisait son lavage.

[34] Selon le témoignage de V. M., le défunt et la mise en cause se partageaient les tâches ménagères quand ils vivaient à Georgetown. J’admets que le défunt a rencontré la mise en cause en 2014, mais la preuve ne permet pas de conclure qu’il a commencé à vivre avec elle en mai 2014. Il serait raisonnable de croire que le défunt effectuait certaines tâches ménagères quand il restait chez elle au Canada. La mise en cause a produit un courriel où on peut lire que le défunt lui a fait un souper en août 2014Note de bas page 30. Par contre, comme je l’ai déjà écrit plus haut, la preuve ne permet pas de conclure que le défunt s’était engagé à vivre avec la mise en cause dans une relation semblable au mariage durant cette période.

Activités sociales

[35] La mise en cause a déclaré que le défunt et elle participaient aux activités organisées dans le quartier et la collectivité. Les deux allaient aux fêtes de quartier. Leurs proches allaient les visiter à Georgetown. La mise en cause et son frère ont déclaré que le défunt était proche de leur famille. V. M. a déclaré que le défunt et la mise en cause avaient assisté à la fête pour son 50e anniversaire de naissance. Le défunt est allé prêter main forte à la mère de la mise en cause après qu’elle a eu un accident de voitureNote de bas page 31.

[36] La mise en cause a produit un courriel qui montre qu’elle a rencontré le défunt en février 2014Note de bas page 32. Elle est allée à Las Vegas avec lui en janvier 2015Note de bas page 33. Ils ont fait une excursion en bateau ensemble en juillet 2015Note de bas page 34.

[37] Je ne doute pas que le défunt et la mise en cause entretenait une relation quelconque de 2014 à février 2016, quand la mise en cause vivait à Georgetown. Cependant, ce que je ne vois pas durant cette période, c’est le défunt qui pose des gestes ou adopte une conduite montrant qu’il a l’intention de vivre avec la mise en cause dans une relation d’une certaine permanence qui ressemble au mariage.

Image dans la société

[38] La mise en cause a déclaré que les amies et amis du couple au Canada les considéraient, elle et le défunt, comme conjointe et conjoint de fait.

[39] Elle a produit des déclarations d’amies et amis, de gens du voisinage, de connaissances professionnellesNote de bas page 35 et d’un médecin canadienNote de bas page 36 voulant que le défunt et elle vivaient en union de fait depuis 2014. Le problème que posent ces déclarations est que nombre d’entre elles sont plutôt vagues et contiennent seulement des affirmations générales sur une union de fait. Je ne peux pas me fier uniquement à l’opinion que la mise en cause avait de la relation ou à l’opinion de la requérante ou à celle des témoins et aux personnes qui ont fait des déclarations. Je dois également examiner les éléments de preuve pour voir si le défunt avait l’intention de vivre avec la mise en cause dans une relation d’une certaine permanence qui ressemble au mariage. Après avoir examiné la preuve, je conclus que les actions et la conduite du défunt ne témoignent pas d’une telle intention durant cette période.

Soutien

[40] La mise en cause est une golfeuse professionnelle. Après avoir pris sa retraite de la police en 2013, le défunt avait de graves problèmes financiers.

[41] Dans son témoignage, la mise en cause a dit que le défunt contribuait aux dépenses du ménage et avait payé diverses rénovations. Mais il a aussi payé certaines rénovations chez sa mèreNote de bas page 37. Je n’ai vu aucun élément de preuve documentaire montrant que la mise en cause et le défunt se soutenaient financièrement de mai 2014 à février 2016.

[42] La mise en cause n’a pas été désignée comme bénéficiaire des polices d’assurance du défunt. Après le décès du défunt, la mise en cause a trouvé un accord de séparation conclu entre le défunt et la requéranteNote de bas page 38. L’accord obligeait le défunt à désigner ses enfants comme bénéficiaires de sa police d’assurance. La mise en cause a produit des documents montant qu’elle a désigné le défunt comme bénéficiaire de sa police d’assurance-vie de La Great-West, compagnie d’assurance-vieNote de bas page 39.

[43] La requérante et le défunt ont signé l’accord de séparation en juillet 2015Note de bas page 40. La requérante devait assumer la responsabilité de l’hypothèque. Le défunt était censé se charger d’une dette de carte de crédit et du prêt-autoNote de bas page 41. La requérante a déclaré qu’elle avait fini par assumer la responsabilité de cette dette. Le défunt avait aussi une police d’assurance-vie de l’entreprise Trans American Life Canada. Le défunt devait désigner la requérante comme bénéficiaire de cette policeNote de bas page 42. Toutefois, le défunt n’a pas conservé cette police d’assurance et elle n’était pas en vigueur au moment de son décès. Le défunt avait une autre police d’assurance-vie offerte par une association policièreNote de bas page 43. La requérante était la bénéficiaire de cette police.

[44] Dans son témoignage, la requérante a dit que c’était elle et non la mise en cause qui soutenait financièrement le défunt durant cette période. Elle a prouvé cette affirmation à l’aide de documents, dont :

  • une copie d’un chèque daté du 19 juin 2015 et signé par la requérante pour un versement sur le camion du défuntNote de bas page 44;
  • des chèques qu’elle a faits en 2015 et en 2016 pour payer les primes d’assurance-vie de la requéranteNote de bas page 45.

[45] Je ne vois pas de quelle façon la mise en cause a apporté un véritable soutien financier au défunt parce que de nombreux messages textes montrent qu’il vivait dans un camion pendant certaines périodes en 2014 et en 2015.

Attitude et conduite à l’égard des enfants

[46] Les enfants du défunt vivaient avec la requérante. La mise en cause a produit des documents montrant qu’elle connaissait les enfants et qu’elle passait du temps avec euxNote de bas page 46. Par contre, je ne crois pas que la mise en cause et le défunt partageait beaucoup de choses se rapportant aux enfants du défunt durant cette période.

B. De février 2016 à octobre 2016

Le partage d’un toit

[47] En février 2016, la mise en cause et le défunt ont signé un bail de location pour une demeure en FlorideNote de bas page 47. J’admets qu’il s’agit du moment où le défunt a commencé à passer la majeure partie de son temps avec la mise en cause.

[48] Toutefois, la preuve ne démontre pas qu’il avait l’intention de vivre avec la mise en cause dans une relation d’une certaine permanence qui ressemble au mariage de février 2016 à octobre 2016. Il a passé une bonne partie de son temps au Canada durant cette période. Il restait chez sa mère en mars 2016Note de bas page 48. Il était au Canada en avril et en mai 2016Note de bas page 49. Les notes prises par sa psychothérapeute montrent qu’il avait une relation avec une autre femme au Canada en juin 2016Note de bas page 50. La psychothérapeute a aussi noté qu’il restait chez un ami en Floride en juillet 2016. Cette personne ne semble pas avoir été la mise en causeNote de bas page 51. De plus, il voulait revenir au Canada en août 2016, mais il n’a pas pu le faire parce qu’il n’avait pas assez d’argent dans son compteNote de bas page 52.

[49] Le 3 mars 2016, le défunt a remercié la mise en cause de l’avoir hébergé et nourri pendant deux ansNote de bas page 53. Toutefois, je ne considère pas ce remerciement comme une indication que le défunt a vécu avec la mise en cause de façon continue pendant deux ans avant le mois de mars 2016. Je crois plutôt que le défunt a vécu avec la mise en cause pendant les périodes difficiles de sa vie, quand il avait besoin d’un endroit où rester. En octobre 2015, la psychothérapeute a mentionné que le défunt a quitté la résidence de la mise en cause quand il a senti que son état commençait à se détériorerNote de bas page 54.

Rapports sexuels et personnels

[50] La mise en cause a déposé des messages textes qui montrent l’existence d’une relation sexuelle durant cette périodeNote de bas page 55.

[51] Toutefois, je n’ai rien vu qui prouve que le défunt avait l’intention de vivre ensemble dans une relation d’une certaine permanence qui ressemble au mariage durant cette période.

[52] La mise en cause a produit des messages textes dans lesquels le défunt a écrit qu’il aimait la mise en cause durant cette périodeNote de bas page 56. Par contre, dans les dossiers de la psychothérapeute du défunt, la mise en cause est décrite comme une amie en mars 2016. Les dossiers mentionnent aussi que le défunt avait une relation avec une autre femme que la mise en cause en juin 2016Note de bas page 57.

Services

[53] La preuve documentaire contient des messages textes que le défunt a écrit en mars 2016 relativement à des travaux qu’il a faits dans la cour de la résidence de la mise en causeNote de bas page 58.

Activités sociales

[54] C. P., un ami du défunt en Floride, a déclaré que le défunt et la mise en cause jouaient dans une ligue de billard et participaient à des activités sociales ensemble.

[55] Cependant, quand j’ai examiné les éléments de preuve portant sur cette période, je n’ai pas vu que le défunt avait l’intention de vivre avec la mise en cause dans une relation d’une certaine permanence qui ressemble au mariage.

Image dans la société

[56] La mise en cause a déposé des déclarations d’amies, d’amis et de connaissances professionnelles en Floride pour montrer que le défunt et elle formaient un couple en union de faitNote de bas page 59.

[57] La représentante de la mise en cause m’a invité à regarder les éléments de preuve fournis par C. P. Le défunt a rencontré C. P. en Floride. Ils ont décidé de se lancer en affaires ensemble. La représentante a fait valoir que les éléments de preuve fournis par C. P. permettaient de conclure que le défunt et la mise en cause vivaient en union de fait. Je conviens que les éléments de preuve fournis par C. P. permettent de conclure que le défunt et la mise en cause vivaient en union de fait au moment où il est décédé.

[58] Par contre, ces éléments de preuve ne permettent pas de conclure que le défunt et la mise en cause ont habité ensemble dans le cadre d’une relation conjugale semblable à celle d’un couple marié pendant une période continue d’au moins un an. C. P. a déclaré qu’il avait fait la connaissance du défunt au printemps 2016. À l’époque, le défunt lui avait présenté la mise en cause en disant qu’elle était sa petite amie.

[59] À l’automne 2016, le défunt a dit à C. P. qu’il avait l’intention de se fiancer. Cet élément de preuve permet de conclure que l’union de fait a commencé en octobre 2016. C. P. a déclaré que la mise en cause et le défunt habitaient ensemble d’abord comme petite amie et petit ami, puis comme couple fiancé. La mise en cause et le défunt étaient toujours ensemble lors des événement sociaux et avaient une relation amoureuse.

[60] C. P. a signé une déclaration disant qu’il savait que le défunt et la mise en cause vivaient en union de fait depuis mai 2014Note de bas page 60. Par contre, il n’a pas précisé la façon dont il a appris cette information. J’accorde peu d’importance à la déclaration de C. P. voulant que le défunt et la mise en cause vivaient en union de fait depuis mai 2014 parce qu’il a fait la connaissance du défunt et de la mise en cause seulement en 2016.

[61] J’estime que le témoignage de C. P. est semblable à celui de toutes les personnes qui ont témoigné à l’audience. Il n’était pas d’une grande utilité pour déterminer la nature de la relation entre le défunt et la mise en cause. Il y a une partie des témoins qui affirment qu’elle et lui étaient conjointe et conjoint de fait tandis que l’autre partie déclare que leur relation n’était pas une union de fait. Cependant, lorsque j’examine les documents ainsi que les courriels et les messages textes du défunt, je ne vois aucune union de fait qui aurait duré pendant au moins 12 mois sans interruption à quelque moment que ce soit avant le décès du défunt. J’ai accordé une grande importance aux documents déposés au présent dossier pour m’aider à faire la lumière sur les témoignages et les déclarations contradictoires.

[62] Il y a de nombreux éléments contradictoires dans les documents. En mars 2016, un propriétaire en Floride a fait référence au défunt en disant qu’il était le mari de la mise en causeNote de bas page 61. Dans un courriel daté de mars 2016, la mise en cause écrit que le défunt était son petit amiNote de bas page 62. Je ne suis pas lié par la façon dont les personnes décrivent leur propre relation. Une personne peut dire que son mari est son petit ami. Ce qui complique les choses dans la présente affaire est l’existence de deux points de vue très différents quant à la nature de la relation entre la mise en cause et le défunt. La requérante et la famille du défunt ne considèrent pas la relation de la mise en cause et du défunt comme une union de fait. Je ne suis pas lié par ce fait non plus, mais il est important.

[63] Le défunt connaissait d’autres personnes qui considéraient aussi que la mise en cause et le défunt ne formaient pas un couple en union de fait. Le médecin de famille du défunt a rédigé une lettre où il déclare qu’il a vu le défunt pour la dernière fois le 13 septembre 2016. Le défunt ne lui a pas parlé d’une union de fait ou d’une relation de longue date au cours de cette visiteNote de bas page 63. Le syndic de faillite du défunt a fourni une déclaration précisant que le défunt ne lui avait pas parlé d’une relation avec la mise en cause lors de leur rencontre en septembre 2016. Le défunt a dit à son syndic qu’il avait acheté une maison en Floride avec une amie et qu’il planifiait lancer une entreprise. Les dossiers du syndic de faillite indiquent que l’état matrimonial du défunt était séparéNote de bas page 64.

[64] Les éléments de preuve contradictoires dans la présente affaire ne permettent pas de conclure que le défunt avait l’intention de vivre avec la mise en cause dans une relation d’une certaine permanence qui ressemble au mariage durant cette période.

Soutien

[65] La mise en cause a déposé des documents pour appuyer son argument voulant que le défunt et elle se sont soutenus financièrement durant cette période. Parmi ces documents se trouvait un message texte que le défunt a envoyé le 20 mai 2016 pour demander à la mise en cause de mettre de l’argent dans son compte de banqueNote de bas page 65.

[66] Toutefois, j’ai constaté l’absence de preuve matérielle du soutien financier entre la mise en cause et le défunt durant cette période.

[67] La requérante a présenté un rapport rédigé par une spécialiste judiciaire en écriture qui montre que la mise en cause a imité la signature du défunt sur deux documentsNote de bas page 66. L’un des documents soi-disant contrefaits était une lettre rédigée par le défunt dans laquelle il mentionnait une somme de 50 000,00 $ que la mise en cause lui avait prêtée. Il est difficile pour moi d’évaluer la preuve de cette spécialiste. Elle n’a pas été appelée à témoigner. Pour les besoins de mon analyse, je vais supposer que les documents sont authentiques.

[68] Les documents soi-disant contrefaits montrent que la mise en cause a prêté 50 000,00 $ au défunt en septembre 2015. Il devait rembourser la mise en cause au plus tard en février 2017Note de bas page 67. La lettre qui a supposément été contrefaite était adressée [traduction] « À qui de droit » et avait été signée par le défunt. Dans cette lettre, on peut lire que le 14 septembre 2016, il a transféré 50 457,99 $ US dans le compte de banque de la mise en cause en Floride. Il mentionnait avoir effectué cette opération parce que la mise en cause lui avait prêté 50 000 $. Cette dernière achetait une maison et elle avait demandé au défunt de lui rembourser une partie du prêt, soit 25 000,00 $. Il avait aussi acheté une nouvelle motocyclette en Floride et il devait remettre une traite bancaire au concessionnaire. Le défunt était alors en voyage d’affaires. Il a donc transféré une somme additionnelle à la mise en cause pour l’émission de la traite bancaire, qu’elle devait aller porter au concessionnaireNote de bas page 68.

[69] Une lettre de l’un des avocats de la mise en cause confirmait qu’elle avait prêté 50 000,00 $ au défunt en septembre 2015. Le défunt a remboursé une partie du prêt, mais la mise en cause lui a prêté 25 000,00 $ de plus pour qu’il achète sa motocyclette. Comme garantie d’emprunt, le défunt a accepté de céder le certificat de titre de la motocyclette à la mise en cause en cas de défaut de paiementNote de bas page 69. Le certificat de titre de la motocyclette a été délivré le 13 octobre 2016Note de bas page 70. Ce type de transaction où le défunt fournit une garantie à la mise en cause témoigne plus d’une relation entre un emprunteur et sa créancière que d’une union de fait. Elle a eu lieu le 13 octobre 2016, soit à peine deux semaines avant leurs fiançailles.

[70] La requérante a également déposé un message texte envoyé en août 2016. Il montre que le défunt voulait voyager de la Floride au Canada, mais ne pouvait pas le faire puisqu’il n’avait pas assez d’argent en banqueNote de bas page 71. Ce document montre que la mise en cause ne soutenait pas le défunt financièrement à cette époque, malgré ses difficultés financières.

[71] La requérante a déposé des documents montrant qu’elle soutenait le défunt financièrement durant cette période, dont :

  • une facture adressée à la requérante pour des soins dentaires fournis au défunt en septembre 2016Note de bas page 72;
  • des documents d’un assureur automobile datés de septembre 2016 à 2017. Sur ces documents, on peut voir le nom de la requérante à titre de personne assurée pour deux véhicules que le défunt conduisaitNote de bas page 73.
Attitude et conduite à l’égard des enfants

[72] Les enfants du défunt habitaient avec la requérante durant cette période. Je vois que le défunt et la mise en cause ne partageaient pas grand-chose en ce qui a trait aux enfants du défunt.

C. D’octobre 2016 à février 2017

Le partage d’un toit

[73] Je suis convaincu que le défunt vivait en union de fait avec la mise en cause dès leurs fiançailles en octobre 2016 jusqu’au moment de son décès.

[74] La mise en cause et le défunt ont acheté une maison en Floride en octobre 2016Note de bas page 74.

[75] Par la suite, le défunt a eu des doutes sérieux sur sa relation avec la mise en cause. Mais je ne crois pas qu’il a clairement mis fin à la relation avant son décès.

[76] Par contre, le fait que le défunt et la mise en cause vivaient ensemble au moment de son décès ne suffit pas à établir l’existence d’une union de fait au sens du RPC. En effet, une décision de la Cour suprême du Canada confirme que les personnes qui habitent ensemble ne vivent pas nécessairement en union de faitNote de bas page 75.

Rapports sexuels et personnels

[77] Dans son témoignage, la mise en cause a dit que le défunt l’avait demandée en mariage vers la fin du mois d’octobre 2016. Je suis convaincu que des fiançailles ont eu lieu. Des documents prouvent l’existence des fiançailles et de la préparation du mariageNote de bas page 76. De plus, le défunt a décrit la mise en cause comme sa fiancée dans un courriel envoyé le 20 février 2017Note de bas page 77.

[78] Au cours des deux derniers mois de sa vie, le défunt fréquentait une autre femmeNote de bas page 78. Il a aussi mentionné qu’il n’était pas heureux aux États-UnisNote de bas page 79. Le simple fait qu’une personne soit malheureuse dans une union de fait ne veut pas dire que la relation tire à sa fin. Il se peut que le défunt était sur le point de mettre fin à sa relation avec la mise en cause, mais je n’ai pas constaté qu’il avait rompu tous les liens avec elle avant son décès.

Services

[79] Le défunt a envoyé un courriel le 24 octobre 2016. Il se demandait s’il pouvait avoir accès à la maison en Floride pour y faire quelques rénovationsNote de bas page 80. Dans un autre courriel envoyé le 28 octobre 2016, il s’informait au sujet du nettoyage de la piscineNote de bas page 81. Le 1er décembre 2016, il a envoyé un courriel à une entreprise d’entretien de piscinesNote de bas page 82. D’autres courriels montrent qu’il participait à des rénovations résidentielles en Floride en novembre 2016Note de bas page 83.

[80] Le frère de la mise en cause a déclaré qu’il n’avait pas visité sa sœur et le défunt en Floride avant le décès de ce dernier. Il a remarqué que le défunt s’était aménagé [traduction] « une tanière » dans la maison en Floride. Les documents présentés par la mise en cause montrent que le défunt avait participé aux rénovations du garage en FlorideNote de bas page 84.

[81] Cependant, je ne crois pas que les éléments de preuve portant sur les services domestiques montrent que le défunt et la mise en cause vivaient ensemble dans une relation conjugale semblable à un mariage avant octobre 2016.

Activités sociales

[82] La mise en cause et le défunt n’avaient pas une relation très solide quand le défunt était en vie. La requérante a déclaré qu’elle avait l’impression que la mise en cause et le défunt entretenaient une simple amitié et que la mise en cause était obsédée par le défunt. La requérante a dit qu’elle ne savait rien des fiançailles du défunt avec la mise en cause en octobre 2016.

[83] La mère du défunt a aussi déclaré qu’elle n’était pas au courant des fiançailles de son fils avec la mise en cause. Dans une déclaration, le frère du défunt a précisé qu’il ne savait pas que son frère était fiancé à la mise en causeNote de bas page 85.

[84] Cependant, la mise en cause a déposé un courriel que le frère du défunt a envoyé le 30 mai 2017. Il a remercié la mise en cause de lui avoir permis de participer au service funèbre du défunt. Le frère du défunt a dit à la mise en cause que le défunt était heureux de partager sa vie avec elleNote de bas page 86. Toutefois, le frère du défunt a déclaré qu’il soupçonnait que la mise en cause s’intéressait aux biens de son frèreNote de bas page 87. Il a affirmé qu’il lui avait envoyé le courriel de remerciement pour le service parce qu’il pensait que ce message aiderait à prévenir un conflit potentiel avec la mise en cause. Je n’accorde pas beaucoup d’importance au courriel du 30 mai 2017 non plus, car le frère du défunt n’a pas précisé pendant combien de temps le défunt avait partagé sa vie avec la mise en cause.

[85] Le fait que la famille du défunt et la requérante, qui entretenait toujours des liens avec le défunt, n’étaient pas au courant de ses fiançailles ne joue pas en faveur de la mise en cause dans la présente affaire. Toutefois, je suis convaincu que la preuve documentaire est suffisante pour établir que des fiançailles ont eu lieu en octobre 2016.

[86] J’ai admis que la mise en cause et le défunt ont commencé à vivre en union de fait dès leurs fiançailles en octobre 2016, mais ce n’est qu’environ sept mois avant le décès du défunt. Cette période n’est pas assez longue pour que la mise en cause ait droit à la pension de survivant.

Image dans la société

[87] Les funérailles du défunt ont causé des conflits. Dans son témoignage, la mise en cause a dit qu’elle avait organisé les célébrations de la vie en Ontario et en Floride et qu’elle avait payé pour les cérémonies. Elle a fourni au ministre une facture pour la célébration de la vie qui a eu lieu en FlorideNote de bas page 88. Elle organise annuellement un tournoi de golf à la mémoire du défunt en FlorideNote de bas page 89.

[88] La requérante a déclaré qu’elle avait payé pour la crémation du défunt ainsi que pour des funérailles en bonne et due forme. Elle a aussi affirmé que les célébrations de la vie que la mise en cause avait organisées étaient uniquement pour ses proches à elle.

[89] La requérante a déposé une facture qui montre qu’elle a payé pour la crémation du défuntNote de bas page 90. Elle a aussi produit un relevé de son compte de banque qui montre qu’elle a déboursé l’argent pour la crémationNote de bas page 91. Les documents déposés par la requérante contredisent ceux que la mise en cause a présentés au ministre. La mise en cause avait présenté au ministre une facture montrant qu’elle avait payé pour la crémation du défuntNote de bas page 92. Je crois que la requérante a payé le coût de la crémation, car elle a produit une copie de son livret bancaire qui confirme le paiement.

[90] Je crois que les funérailles et les célébrations de la vie montrent que la mise en cause et le défunt avaient une relation. Toutefois, ces événements ne permettent pas de confirmer qu’ils vivaient en union de fait pendant une période continue d’au moins un an avant le décès du défunt.

[91] La requérante et la mise en cause ont aussi eu un différend au sujet de la nécrologie du défunt. La mise en cause a fait parvenir à la requérante une proposition de notice nécrologique, qui mentionnait que le défunt et elle étaient des partenaires de longue date. La requérante a envoyé un message texte à la mise en cause pour lui demander de ne pas publier la nécrologie proposée au Canada parce que la requérante n’avait jamais dit à ses enfants qu’elle était séparée du défunt. La requérante a expliqué que les enfants croyaient que le défunt était allé en Floride pour se lancer en affaires et faire de l’argent pour subvenir à leurs besoins. Elle a dit à la mise en cause que le défunt leur avait présenté ses petites amies simplement comme des amies. Elle a dit à la mise en cause qu’elle pouvait dire ce qu’elle voulait à ses proches sur sa relation avec le défunt. Mais elle ne voulait pas que les enfants du défunt soient au courant de leur relation. Elle a suggéré à la mise en cause d’écrire que le défunt était un ami cher ou un compagnon plutôt qu’un partenaireNote de bas page 93.

[92] Dans la présente affaire, le problème pour la mise en cause est que le défunt menait une double vie. Il est possible que le défunt ait eu une vie secrète tout en vivant en union de fait, pourvu que la preuve montre qu’il avait l’intention de vivre avec la mise en cause dans une relation d’une certaine permanence qui ressemble au mariage. Cependant, je n’ai vu aucune preuve montrant qu’il avait l’intention d’entretenir une telle relation avant ses fiançailles en octobre 2016.

Soutien

[93] La mise en cause et le défunt ont acheté une maison en Floride en octobre 2016Note de bas page 94. Elle a demandé une soumission d’assurance-vie pour le défunt et elle afin d’assurer la couverture de l’hypothèque en FlorideNote de bas page 95. Elle a précisé qu’elle n’avait pas de compte conjoint avec le défuntNote de bas page 96.

[94] Dans son témoignage, la requérante a dit que lorsque le défunt a démissionné de la police, il a désigné la requérante comme bénéficiaire de son compte de retraite immobilisé (CRI). À l’automne 2016, le défunt a retiré la moitié des fonds qui étaient dans son CRI en vertu d’une disposition de déblocage pour difficultés financières dans le but de lancer une entreprise en Floride. Au moment de son décès, la ou le bénéficiaire de son CRI n’avaient pas été désigné. La requérante a déclaré que le défunt lui avait dit que la mise en cause lui avait donné un ultimatum quand elle avait appris l’existence du CRI en août 2016. Selon les dires de la requérante, la mise en cause a dit au défunt que s’il voulait rester avec elle, il devait acheter une maison avec elle en Floride. La requérante s’est montrée catégorique sur un point : le défunt n’a pas acheté la maison pour s’installer en Floride avec la mise en cause, mais il a été forcé de le faire par la mise en cause. C. S., un bon ami du défunt, a déclaré qu’il croyait que le défunt avait été manipulé quand il était en Floride.

[95] La requérante a aussi mentionné un message texte envoyé en mars 2017 dans lequel on peut lire qu’elle a payé la facture de téléphone du défunt comme preuve qu’elle continuait de le soutenir financièrement durant cette période.

[96] Certains éléments de preuve fournis par la requérante et C. S. sont difficiles à évaluer parce qu’ils relèvent de la supposition. Par contre, lorsque j’examine l’ensemble de la preuve, je constate que les ententes financières avec la mise en cause ne démontrent pas l’existence d’une interdépendance notable dans le cadre d’une relation sérieuse d’une certaine permanence qui ressemble à celle d’un couple marié pendant une période continue d’au moins un an avant le décès du défunt. Je juge particulièrement important le fait que le 13 octobre 2016, une date relativement tardive, le défunt a supposément accepté de céder le certificat de titre de sa motocyclette à la mise en cause en cas de défaut de paiement. Je le répète, ce fait témoigne davantage d’une relation entre un emprunteur et sa créancière que d’une relation maritale.

Attitude et conduite à l’égard des enfants

[97] Les enfants du défunt habitaient avec la requérante. Celle-ci a présenté un message texte qu’elle avait échangé avec la mise en cause après le décès du défunt. La requérante a dit au défunt que les enfants croyaient qu’il était allé en Floride pour se lancer en affaires et subvenir à leurs besoinsNote de bas page 97. La requérante a aussi fait valoir qu’elle avait ouvert un compte en fiducie pour les enfants. La mise en cause n’a rien versé au compte, mais a fini par avoir accès au compte et a retiré l’argent qui s’y trouvait. Ce litige est devant une cour de la FlorideNote de bas page 98. La requérante a aussi soutenu que la mise en cause a refusé de rendre les effets du défunt aux enfantsNote de bas page 99.

[98] La mise en cause a déposé des documents qui montrent qu’elle connaissait les enfants du défunt et passait du temps avec euxNote de bas page 100. Les enfants ont visité le défunt en Floride en mars 2017Note de bas page 101. Toutefois, je ne crois pas que le défunt et la mise en cause partageaient grand-chose en ce qui a trait aux enfants du défunt.

Remarques finales

[99] Les parties d’une union de fait doivent démontrer qu’il y a une intention mutuelle de vivre ensemble dans une relation d’une certaine permanence qui ressemble au mariage. Une union de fait ne peut pas exister sans l’intention mutuelle des deux partiesNote de bas page 102.

[100] La mise en cause a peut-être cru sincèrement qu’elle vivait en union de fait avec le défunt depuis mai 2014. La preuve a cependant montré que le défunt ne voyait pas la relation du même œil.

[101] La mise en cause et le défunt n’ont pas commencé à vivre ensemble avant février 2016. Par contre, la preuve n’a pas montré qu’ils ont commencé à vivre en union de fait dès février 2016. Le défunt a dit à sa psychothérapeute en février 2016 qu’il considérait la mise en cause seulement comme une amie.

[102] Je juge que le défunt et la mise en cause sont devenus conjoint et conjointe de fait seulement vers la fin du mois d’octobre 2016, au moment de leurs fiançailles. Cependant, cet événement a eu lieu seulement sept mois avant le décès du défunt. Par conséquent, la mise en cause n’a pas droit à la pension de survivant, car elle n’a pas réussi à démontrer qu’elle avait habité avec le défunt dans une relation conjugale pendant une période continue d’au moins un an avant qu’il décède en mai 2017.

[103] La requérante a donc droit à la pension de survivant puisqu’elle est l’épouse légitime du défunt.

Conclusion

[104] L’appel est accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.