Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : NA c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 1192

Numéro de dossier du Tribunal: GP-20-533

ENTRE :

N. A.

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Kelly Temkin
Date de l’audience par
téléconférence :
Le 27 juillet 2020
Date de la décision : Le 7 août 2020

Sur cette page

Décision

[1] N. A. est la requérante dans la présente affaire. J’ai décidé qu’elle a droit à une pension de survivant à compter d’avril 2017. La présente décision écrite explique mes motifs.

Aperçu

[2] L’époux de la requérante (le cotisant décédé) est décédé le 15 mars 2017. Le 11 mars 2019, la requérante a présenté une demande en personne pour obtenir une pension de survivant. Le ministre a approuvé la demande et a versé des prestations rétroactives remontant à avril 2018 (11 mois avant la demande). La requérante a demandé au ministre de réviser sa décision parce qu’elle croyait avoir droit à une rétroactivité plus longue que celle qu’il lui avait accordée. Elle a expliqué qu’elle avait présenté des demandes de pension de survivant auparavant, et elle a fait valoir qu’il fallait calculer la rétroactivité à partir d’une des demandes antérieures. Le ministre a révisé la décision, mais il a décidé de maintenir le versement rétroactif des prestations à avril 2018. Le ministre a expliqué qu’il n’avait reçu aucune demande avant mars 2019. La requérante a porté la décision issue de la révision en appel au Tribunal de la sécurité sociale.

La position du ministre

[3] Le ministre est tenu d’appliquer la loi qui régit le Régime de pensions du Canada (RPCNote de bas de page 1). La position du ministre est que la pension de survivant est généralement versée jusqu’au mois qui suit le décès de la conjointe ou du conjoint, mais seulement si la demande est reçue au plus tard 12 mois après le décèsNote de bas de page 2. La pension de survivant a été versée à compter de la première date possible, soit en avril 2018, c’est-à-dire 11 mois avant la date de la demande. La requérante n’a droit à aucun versement supplémentaire de la pension de survivantNote de bas de page 3.

[4] La requérante conteste la décision du ministre selon laquelle elle a présenté sa demande seulement en mars 2019. La requérante soutient qu’elle ne conteste pas la disposition de rétroactivité. Elle fait plutôt valoir que le ministre a pris la mauvaise date de demande.

La position de la requérante

[5] La position de la requérante est qu’elle a demandé la pension de survivant le 4 avril 2017 et le 31 janvier 2018. Elle a droit au versement des prestations à compter d’avril 2017.

Question en litige dans le présent appel

[6] La requérante a-t-elle droit à d’autres prestations de la pension de survivant, en plus de celles qu’elle a déjà touchées?

[7] Je dois décider si le ministre a reçu la demande de pension de survivant de la requérante avant mars 2019 et, si oui, à quelle date.

[8] Il incombe à la requérante de prouver qu’il est plus probable qu’improbable (qu’il y a plus de chancesNote de bas de page 4) que le ministre a reçu les demandes de pension de survivant avant mars 2019.

Registre de repérage de Postes Canada

[9] Le ministre soutient qu’il lui est impossible d’utiliser les registres de repérage de Postes Canada pour justifier le paiement des prestations du RPCNote de bas de page 5. Le ministre soutient qu’il ne connaît pas le contenu des articles qui sont envoyés et qu’il ne peut pas utiliser le registre de repérage comme preuve que des documents précis ont été envoyés.

[10] La requérante soutient que le registre de repérage suffit à montrer qu’elle a envoyé la demande à Service Canada le 27 avril 2017 et le 31 janvier 2018. Lorsque je lui ai demandé si elle pouvait fournir une confirmation de la livraison, la requérante a admis qu’elle n’en avait pas. Postes Canada conserve les renseignements détaillés sur les articles livrés seulement pendant 60 jours. Toutefois, elle a attiré mon attention sur une lettre au dossier; le salon funéraire y mentionne que leur service d’accompagnement conseille maintenant à la clientèle de présenter leur demande en personne, puisqu’il y a eu des problèmes liés à des documents qui sont parvenus à Service Canada, mais qui n’ont pas été traitésNote de bas de page 6.

[11] Le ministre reconnaît que le SERTI [Système d’exécution du renouvellement de la technologie de l’information] contient un enregistrement daté du 15 mai 2018 indiquant que la requérante a téléphoné à Service Canada au sujet de la pension de survivantNote de bas de page 7. Toutefois, le ministre n’a trouvé aucun renseignement montrant que la demande avait été reçue et il a conseillé à la requérante de présenter à nouveau la demande dans un Centre Service Canada. La requérante a admis qu’elle n’avait aucune preuve que les demandes antérieures avaient bel et bien été livrées à Service Canada parce que le registre de repérage ne confirme pas la livraison.

[12] L’arrêt Vinet-ProulxNote de bas de page 8est une décision rendue par la Cour fédérale dans un contexte légèrement différent, car la requérante dans cette affaire avait demandé des prestations de la Sécurité de la vieillesse (et non une pension de survivant du RPC). Les deux affaires sont semblables, puisqu’une demande de prestations a été perdue on ne sait trop comment dans les deux affaires.

[13] Dans l’arrêt Vinet-Proulx, la Cour a souligné que les questions de savoir à quelle date une demande de prestations a été envoyée par une requérante ou un requérant et à quelle date la demande en question a été reçue par [le ministreNote de bas de page 9] sont des questions de fait qui sont du ressort du tribunal de révision. Il peut trancher la question à partir des témoignages entendus et des documents déposés, ou même en s’appuyant sur des présomptions, selon la prépondérance des probabilités. La Cour a examiné les dispositions législatives pertinentes et elle a conclu que le ministre était tenu d’appliquer les dispositions de la loi à la demande qu’il avait reçue. La Cour a conclu que le tribunal de révision avait outrepassé sa compétence en accordant quelque chose (une rétroactivité) que le ministre n’aurait pas pu accorder en premier lieu.

[14] En 2016, le Tribunal a confirmé que la prestation devient payable à la requérante ou au requérant seulement après la présentation et l’approbation de la demande et que le ministre ne peut approuver la demande avant de l’avoir effectivement reçueNote de bas de page 10. Le Tribunal a conclu que la réception d’une demande par le ministre est le principal facteur déclencheur, c’est-à-dire qu’une prestation n’est pas payable tant que le ministre n’a pas approuvé son versement et que le ministre ne peut pas donner son approbation avant d’avoir reçu une demande de prestationNote de bas de page 11.

Le ministre a reçu les demandes en mai 2017 et en février 2018

[15] Dans l’affaire SM, le Tribunal a tiré une conclusion de fait selon laquelle l’appelant ne pouvait pas démontrer que le ministre avait reçu la demande de pension de retraite qu’il avait présentée antérieurementNote de bas de page 12. Ce que je dois examiner, c’est si la preuve dans la présente affaire démontre que le ministre a reçu l’une ou l’autre des demandes de pension de survivant que la requérante avait présentées auparavant. Je peux trancher cette question d’après les témoignages entendus et les documents déposés, ou même en m’appuyant sur des présomptions, selon la prépondérance des probabilitésNote de bas de page 13.

[16] Je reconnais que, selon le ministre, il n’y a aucun document attestant de la réception des documents. J’admets que la preuve que je dois soupeser n’est pas idéale. Toutefois, on présume que le courrier recommandé est effectivement reçu. Le ministre convient du fait que l’adresse où les documents ont été envoyés par courrier recommandé est la bonne et que les documents n’ont pas été retournés au salon funéraire. Je suis convaincue que la confirmation du salon funéraire montrant que son personnel a posté les demandes et que leur clientèle a eu des problèmes semblablesNote de bas de page 14 combinée à une copie des demandes présentées par la requérante et datées d’avril 2017 et de janvier 2018 ainsi que les renseignements détaillés sur le repérageNote de bas de page 15 établissent que, dans ce cas particulier, le ministre a reçu les demandes en mai 2017 et en février 2018Note de bas de page 16. Pour conclure que les demandes ont été reçues, j’aurais préféré avoir des documents confirmant la livraison au ministre. Toutefois, le critère repose sur la prépondérance des probabilités.

[17] Même si je suis convaincue que le ministre a reçu les deux demandes, je remarque que la demande de 2017 ne semble pas porter de signatureNote de bas de page 17. Par contre, la demande de 2018 est signée. Cependant, je ne peux pas décider si la demande était complète.

[18] La loi stipule que le la pension de survivant est généralement versée de façon rétroactive jusqu’au mois qui suit le décès de la conjointe ou du conjointNote de bas de page 18 si la demande est reçue au plus tard 12 mois après le décès. Comme les demandes ont été reçues en mai 2017 et en février 2018, la date du premier paiement est le mois qui suit le décès du cotisant, soit avril 2017.

[19] L’appel est accueilli.

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