Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : SW c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 1090

Numéro de dossier du Tribunal: GP-19-483

ENTRE :

S. W.

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Pierre Vanderhout
Dates de l’audience par
téléconférence :
Les 15 juin, 16 juillet et 18 août 2020
Date de la décision : Le 27 août 2020

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Décision

[1] La requérante n’a pas droit à une pension de survivant du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] La requérante vivait avec S. M. (le « cotisant ») lorsqu’il est décédé le 9 février 2017. Le couple n’était pas marié, mais vivait ensemble depuis plus de 20 ans. Le 26 juin 2017, le ministre a reçu la demande de pension de survivant du RPC présentée par la requérante. Le ministre a rejeté la demande une première fois, puis il l’a rejetée de nouveau après révision. Le ministre admet que la requérante et le cotisant habitaient ensemble. Toutefois, le ministre soutient que la requérante n’était pas la conjointe de fait du cotisant au moment de son décès. La requérante a porté la décision issue de la révision en appel au Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Pour avoir droit à une pension de survivant du RPC, la requérante doit remplir les conditions énoncées dans le RPC. Plus précisément, elle doit répondre à la définition de « survivant ». Comme elle n’était pas mariée au cotisant, elle peut être sa survivante seulement si elle était sa conjointe de fait quand il est décédéFootnote 1.

Question en litige

[4] La requérante était-elle la survivante du cotisant? Autrement dit, était-elle la conjointe de fait du cotisant le 9 février 2017?

Analyse

[5] La requérante a dit qu’elle vivait avec le cotisant depuis 1993. Toutefois, elle a admis à l’audience que le cotisant a eu de nombreux problèmes au cours des dernières années de sa vie. Elle a dit qu’il souffrait de dépression et que ce trouble a fini par devenir une maladie mentale grave. Elle a déposé des extraits de documents issus des diverses demandes de prestations d’invalidité qu’il a présentéesFootnote 2, mais ces documents ne contenaient aucune preuve matérielle de l’invalidité. Cela signifie qu’il m’est impossible d’écarter les éléments de preuve du cotisant au motif qu’il était incompétent ou invalide.

La requérante était-elle la conjointe de fait du cotisant le 9 février 2017?

[6] Pour les motifs ci-dessous, je juge que la requérante n’était pas la conjointe de fait du cotisant au moment de son décès. Cela signifie qu’elle n’est pas la survivante du cotisant au titre de la pension de survivant du RPC.

[7] Comme je l’ai déjà mentionné, le ministre convient que la requérante et le cotisant résidaient à la même adresse à Guelph (« l’appartement ») lorsque le cotisant est décédé. Toutefois, le ministre soutient qu’à ce moment-là, leur cohabitation n’était pas une union de fait. Même si le fait de vivre sous le même toit est important, il ne prouve pas (en soi) l’existence d’une union de faitFootnote 3.

Qu’est-ce qu’une conjointe de fait ou un conjoint de fait?

[8] Le Régime de pensions du Canada définit le terme « conjoint de fait ». Dans la présente affaire, la requérante est une conjointe de fait si elle a vécu avec le cotisant dans une relation conjugale pendant au moins un an immédiatement avant le décès du cotisantFootnote 4. J’aborderai plus loin la notion de « vivre avec une personne dans une relation conjugale ». Il se peut que d’autres lois définissent la notion de conjointe ou conjoint de fait différemment. Cependant, comme le Régime de pensions du Canada définit le terme explicitement, je dois m’appuyer sur cette définition.

Comment dois-je interpréter la définition?

[9] Une décision que la Commission d’appel des pensions a rendue en 2001, intitulée Betts, est souvent citée comme une autorité en la matièreFootnote 5. La décision Betts a seulement une valeur persuasive, mais elle énonce les facteurs qui sont habituellement pertinents pour cerner la notion de « vivre avec une personne dans une relation conjugale » (je les appellerai « facteurs de la décision Betts »). Les voici :

  1. a) l’interdépendance financière
  2. b) les relations sexuelles
  3. c) la résidence commune
  4. d) l’achat de cadeaux pour des occasions spéciales
  5. e) le partage des responsabilités du foyer
  6. f) l’usage partagé des biens
  7. g) le partage des responsabilités liées aux enfants
  8. h) des vacances communes
  9. i) le fait de penser que la dépendance mutuelle va se poursuivre
  10. j) le fait d’être bénéficiaire du testament de l’autre
  11. k) le fait d’être bénéficiaire de la police d’assurance de l’autre
  12. l) l’endroit où chaque personne conserve ses vêtements
  13. m) le fait de prendre soin de l’autre en cas de maladie et de connaître ses besoins médicaux
  14. n) la communication entre les parties
  15. o) la reconnaissance publique
  16. p) l’attitude et le comportement des membres de la collectivité
  17. q) l’état civil selon divers documents
  18. r) les arrangements funéraires

[10] Dans la présente affaire, la preuve ne démontre ni ne réfute complètement l’existence d’une union de fait. Toutefois, une certitude totale n’est pas nécessaire. Il incombe à la requérante de prouver qu’elle vivait avec le cotisant dans une relation conjugale depuis au moins un an quand il est décédé. Je juge que le cotisant et la requérante ne vivaient pas en union de fait à ce moment-là. Je vais expliquer pourquoi j’en suis arrivé à cette conclusion, après avoir exposé les facteurs de la décision Betts dans la présente affaire.

Facteurs de la décision Betts appuyant l’existence d’une union de fait

[11] Dans les paragraphes suivants, j’énonce les facteurs de la décision Betts qui appuient l’existence d’une union de fait.

[12] La requérante et le cotisant vivaient sous le même toit. Ils partageaient le même lit. Ils mangeaient leurs repas ensemble. Ils partageaient les dépenses dans une certaine mesure, mais la requérante a dit que le cotisant ne pouvait pas assumer cette responsabilité. Elle payait le loyer et l’électricité, tandis que lui payait les autres dépenses.

[13] La requérante et le cotisant avaient des relations sexuelles. Même si cet aspect de leur relation était devenu moins important depuis la fin des années 1990, la requérante attribuait ce déclin aux antidépresseurs qu’elle prenait et à leur effet négatif sur sa libido.

[14] La requérante et le cotisant partageaient les responsabilités du foyer. Elle faisait la lessive et s’occupait d’entretenir l’appartement. Les deux faisaient les courses. Le cotisant préparait les repas.

[15] La requérante et le cotisant se lançaient dans de folles dépenses une fois par année et achetaient des cadeaux pour l’autre.

[16] Auparavant, la requérante et le cotisant partaient en vacances ensemble. Les deux [traduction] « ont fait de merveilleux voyages en Europe ». Cependant, lorsque l’emploi de la requérante à la RBC a été confié en sous-traitance en 2004, ils n’avaient plus les moyens de voyager. La requérante a dit que le cotisant avait parlé de faire un autre voyage en Europe, mais que cela ne s’est jamais concrétisé.

[17] La requérante a dit qu’elle était l’une des deux bénéficiaires du testament du cotisant. Elle a reçu les biens du ménage du cotisant et le produit de son compte bancaire, tandis que la sœur du cotisant a reçu des terres. La requérante a dit que la terre avait un statut spécial parce que le cotisant était autochtone et que la terre faisait partie de la Première Nation de Sarnia.

[18] La requérante et le cotisant gardaient leurs vêtements dans l’appartement.

[19] La requérante et le cotisant connaissaient les besoins médicaux de l’autre. L’une et l’un prenaient aussi soin de l’autre en cas de maladie. Le cotisant a rendu visite à la requérante lorsqu’elle a subi une chirurgie de la rétine, même s’il a dû prendre le train pour s’y rendre. Lorsque le cotisant a été admis à l’hôpital juste avant son décès, il a nommé la requérante comme étant son « plus proche parent » et [traduction] « la personne à aviserFootnote 6 ».

[20] Lorsque le cotisant effectuait un voyage d’affaires (avant son invalidité) ou s’absentait pour la fin de semaine, il téléphonait à la requérante tous les jours.

[21] La requérante a dit que leurs amies et amis ainsi que les membres de leurs familles les reconnaissaient comme un couple en union de fait. Elle croit que leur propriétaire faisait de même.

[22] La requérante a inscrit « conjointe de fait » comme état civil dans ses déclarations de revenus jusqu’en 2017. Elle a dit que le cotisant avait déjà déclaré qu’elle était sa conjointe de fait pour les programmes de prestations d’emploi, mais qu’elle ne figurait plus sur les documents après avoir commencé à travailler et à bénéficier de ses propres avantages sociaux à la RBC en septembre 2000.

[23] La famille du cotisant a rédigé sa nécrologie, y décrivant la requérante comme étant sa [traduction] « partenaire de vieFootnote 7 ». Lors des funérailles, la requérante a dit qu’elle était assise [traduction] « à l’avant, dans le siège spécial de la veuve ».

Facteurs de la décision Betts n’appuyant pas l’existence d’une union de fait

[24] Dans les paragraphes suivants, j’énonce les facteurs de la décision Betts qui n’appuient pas l’existence d’une union de fait.

[25] L’interdépendance financière de la requérante et du cotisant était faible. Leurs deux noms figuraient sur le bail de l’appartement, mais ils n’avaient pas de compte conjoint, que ce soit un compte bancaire, un compte en fiducie, un compte dans une coopérative de crédit ou un compte lié à une carte de créditFootnote 8.

[26] La requérante n’était pas l’exécutrice testamentaire du cotisant. À la première audience, elle a dit que le testament ne la décrivait pas comme étant sa « partenaire ». Par conséquent, elle avait décidé de ne pas l’envoyer. Elle a dit que l’idée que le cotisant se faisait d’elle [traduction] « avait été le problème » dans le passé. L’audience a été ajournée deux fois parce qu’elle voulait réfléchir à nouveau à la question d’envoyer le testamentFootnote 9. Toutefois, elle n’a jamais produit de copie du testament. Peu avant la troisième audience, elle a dit qu’elle ne pouvait pas en obtenir une copieFootnote 10.

[27] En ce qui concerne la dépendance mutuelle, l’attitude du cotisant à l’égard de la relation posait problème. La requérante a dit qu’au cours des 10 dernières années, [traduction] « ce n’était pas un secret » qu’il [traduction] « couchait avec d’autres femmes ». Cependant, elle a ajouté qu’il n’entretenait pas une véritable relation avec une autre femme : il voulait seulement vivre des « aventures superficielles ». Apparemment, une jeune femme voulait qu’il quitte la requérante, mais il n’a pas voulu le faire. En même temps, la requérante a affirmé que le cotisant la traitait comme un bien. Elle attribue ce comportement à l’égoïsme du cotisant et à sa maladie mentale grave. Toutefois, le cotisant aurait dit à la requérante qu’il serait mort sans elle. La requérante a dit qu’il la considérait comme une [traduction] « source de soutien » et même comme un [traduction] « paillasson ». Elle a dit qu’elle a voulu s’enfuir à un moment donné, mais leur médecin de famille lui a dit que le cotisant mourrait si elle partait.

[28] Alors que d’autres personnes les reconnaissaient parfois comme conjointe et conjoint de fait, le cotisant décrivait parfois leur relation différemment. Selon la requérante, il disait cela [traduction] « pour justifier ses aventures avec d’autres femmes ».

[29] Le cotisant a déclaré à plusieurs reprises qu’il était « célibataire » plutôt que « conjoint de fait » lorsqu’il devait préciser son état matrimonial. Il s’est déclaré « célibataire » dans la demande de pension de la sécurité de la vieillesse qu’il a remplie en février 2014 et il a nommé la requérante comme étant une personne non apparentée par le sang ou le mariage qui pouvait prouver qu’il résidait au CanadaFootnote 11. Il s’est également déclaré « célibataire » dans les demandes de Supplément de revenu garanti (SRG) qu’il a remplies en avril 2015 et en septembre 2016Footnote 12. Interrogée au sujet de ces formulaires, la requérante a répondu que le cotisant ne la considérait pas comme une partenaire à parts égales.

[30] La requérante croit que le cotisant a demandé la pension de retraite du RPC à titre de célibataire parce qu’il [traduction] « ne considérait pas leur relation comme une union de fait ». La requérante ne sait pas quel état civil il a déclaré dans la demande de prestations d’invalidité du RPC qu’il a présentée en 2012. Elle ne sait pas non plus quel état civil il a inscrit sur ses déclarations de revenus, puisqu’ils produisaient leurs déclarations de revenus séparément.

[31] Même dans les situations où cela ne lui procurait aucun avantage financier, le cotisant se déclarait quand même comme étant célibataire. Lorsqu’il a été admis à l’hôpital juste avant sa mort, il a dit à l’hôpital qu’il était « célibataire ». Il a précisé que la requérante était une « amieFootnote 13 ».

[32] La famille du cotisant s’est occupée des arrangements funéraires. Le conseil de bande du cotisant a payé les funérailles. La famille du cotisant a également rédigé la nécrologie, mais la requérante a dit avoir été consultée à ce sujet. La requérante n’apparaissait pas comme le plus proche parent sur le certificat de décès du cotisant. La copie dans le dossier du Tribunal était caviardéeFootnote 14, mais la requérante a confirmé que le neveu du cotisant figurait comme étant le plus proche parent. Elle a attribué cette mention au fait que le cotisant possédait des terres au sein de la Première Nation de Sarnia.

Facteurs de la décision Betts non pertinents dans la présente affaire

[33] Certains des facteurs de la décision Betts ne sont pas pertinents dans la présente affaire. La requérante a dit qu’ils n’avaient pas les moyens de se payer une voiture depuis les années 1990. Ils n’avaient pas d’enfants issus de leur relation ou de toute autre relationFootnote 15. Elle n’a jamais eu de testament. Ni elle ni le cotisant n’avaient d’assurance vie. La requérante n’a pas encore demandé une pension de retraite du RPC. Elle est trop jeune pour toucher une pension de la sécurité de la vieillesse.

Évaluation des facteurs de la décision Betts

[34] Si tous les facteurs de la décision Betts avaient la même importance, l’existence d’une union de fait aurait une légère avance. Toutefois, il ne s’agit pas d’un exercice purement arithmétique. Les facteurs de la décision Betts n’ont pas tous le même poids dans chaque affaireFootnote 16. Je remarque que le cotisant a précisé lui-même son état matrimonial à plusieurs reprises. Je considère que ces précisions sont plus convaincantes que la preuve circonstancielle sur son état matrimonial. Je constate également que certains éléments de preuve ne s’appliquent pas à la dernière année de la vie du cotisant. Par exemple, il n’y a eu aucun voyage après 2004. De plus, certains des facteurs qui appuient l’existence d’une union de fait pourraient venir appuyer un autre type de relation.

[35] En fin de compte, les facteurs de la décision Betts ne permettent pas de trancher cette affaire. Ils ne permettent pas de favoriser clairement un résultat plutôt qu’un autre. D’un point de vue critique, un autre précédent dicte la façon dont je dois trancher cette affaire. Je vais d’abord examiner la qualité de la relation entre la requérante et le cotisant.

Qualité de la relation

[36] La requérante a dit que le cotisant était un génie doué et polyvalent, mais qu’il était aussi égoïste et éprouvait [traduction] « un sentiment certain de supériorité intellectuelle ». Par exemple, il a arrêté de voir un psychiatre parce qu’il se pensait intellectuellement supérieur au psychiatre. En même temps, il était collant et manquait d’assurance au cours des dernières années de sa vie. Il la voyait comme un bien. Elle a aussi dit à maintes reprises qu’il faut voir les gestes qu’il a posés au cours des 10 dernières années à travers le prisme de la maladie mentale. Elle a affirmé que ces années avaient été très difficiles pour eux : vivre avec lui était un cauchemar.

[37] Au bout du compte, ces éléments de preuve ne m’aident pas à décider s’il y avait une union de fait. Ils portent davantage sur la qualité de la relation que sur sa nature. La Cour fédérale dit qu’il faut éviter d’évaluer la qualité de la relation quand je décide si la relation était vraiment une union de faitFootnote 17. Je vais maintenant regarder comment chacune des parties percevait la relation.

Comment les parties considéraient la relation

[38] La requérante considérait la relation comme une union de fait, quoiqu’elle soit imparfaite, mais je dois également évaluer la perception du cotisant.

[39] Dans l’arrêt Hodge, la Cour suprême du Canada a déclaré qu’une union de fait prend fin « lorsque l’une ou l’autre des parties la considère comme terminée et affiche un comportement qui démontre, de manière convaincante, que cet état d’esprit particulier a un caractère définitifFootnote 18 ». Dans le cas du cotisant, en septembre 2016, il a déclaré qu’il était célibataire dans sa demande de SRG. Fait important, en février 2017 (le dernier mois de sa vie), il a confirmé à l’hôpital qu’il était célibataire. Le cotisant n’obtenait aucun avantage financier à déclarer à l’hôpital qu’il était célibataire. Cette déclaration renforçait ce qu’il avait dit cinq mois plus tôt pour obtenir le SRG, et je n’ai vu aucune autre déclaration de la part du cotisant concernant une union de fait. On peut donc croire qu’en février 2017, il n’a pas déclaré être « célibataire » sur un coup de tête. En effet, il a également fait des déclarations semblables dans les formulaires qu’il a remplis en février 2014 et en avril 2015. Je ne vois pas non plus d’autres déclarations concernant une union de fait au cours de ces années. Même s’il s’est déclaré « célibataire » pour sa pension de retraite du RPC, je ne me fie pas à cette information parce qu’aucune date n’est mentionnée.

[40] La requérante croyait qu’au cours des dernières années de sa vie, la maladie mentale du cotisant l’empêchait de se laisser « encarcaner par des définitions ». Elle pensait que c’était [traduction] « pour qu’il puisse sortir et s’amuser, sans avoir le fardeau d’être dans une relation ». Elle a déclaré qu’il ne la considérait pas comme une partenaire parce qu’il [traduction] « s’est fabriqué sa propre réalité » et il pensait qu’elle était [traduction] « juste une amie ». Elle a dit qu’elle se sentait de plus en plus comme [traduction] « la femme résignée qui habitait, sans plus, avec » le cotisant.

[41] J’estime que les déclarations répétées du cotisant au sujet de son état matrimonial, y compris celles faites au cours de la dernière année de sa vie, démontrent de façon convaincante qu’il considérait toute union de fait comme tirant à sa fin. Elles montrent aussi que cet état d’esprit était définitif. La requérante a affirmé que le cotisant se sentait ainsi vers la fin de sa vie. Il se peut que ses déclarations étaient égoïstes et même qu’elles découlaient d’une maladie mentale, mais je ne vois aucune preuve qu’il était incompétent ou que sa croyance n’avait aucun fondement. En effet, la requérante a admis que le cotisant cherchait des façons de justifier son infidélité. Cela donne à penser qu’il avait une certaine conscience de ses gestes et de ses paroles.

[42] Je ne peux pas faire fi de l’arrêt Hodge. Les décisions de la Cour suprême du Canada ont un caractère tout à fait obligatoire pour le Tribunal. Comme le cotisant considérait toute union de fait comme tirant à sa fin, il m’est impossible de conclure qu’elle existait depuis au moins un an au moment de son décès. Même si les facteurs de la décision Betts avaient été plus convaincants, l’arrêt Hodge s’appliquerait quand même.

[43] Même s’il n’est pas nécessaire que je m’appuie sur cette décision, je remarque que ma conclusion est conforme à la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Dilka. Comme les décisions de la Cour suprême du Canada, les décisions de la Cour d’appel fédérale sont contraignantes pour le Tribunal. Dans l’arrêt Dilka, les prétendus conjointe et conjoint de fait avaient dit aux autorités fiscales et sociales être célibataires. La Cour d’appel fédérale a dit qu’il était raisonnable de trancher l’affaire sur ce fondementFootnote 19. Cette conclusion souligne l’importance des déclarations sur l’état matrimonial lorsqu’il s’agit de décider si une union de fait existe. Je remarque également que le prédécesseur du Tribunal a accordé beaucoup d’importance aux déclarations écrites des possibles conjoints de faitFootnote 20.

Remarques supplémentaires

[44] Les circonstances entourant cette affaire étaient difficiles. La requérante a décrit les nombreux problèmes de sa relation avec le cotisant. Elle a également divulgué des détails au sujet de cette relation dont il était probablement très difficile de parler. Ces détails comprenaient l’infidélité prolongée du cotisant. Sa mort l’avait aussi bouleversée.

[45] Malgré ces facteurs très réels, je suis obligé de suivre les décisions des cours supérieures. Même si le cotisant ne vivait pas en union de fait avec qui que ce soit d’autre au moment de son décès, la clarté de ses déclarations m’empêche de donner raison à la requérante. Je conviens également que la requérante « mérite » beaucoup plus que quiconque la pension de survivant du cotisant. Cependant, la question de savoir si une personne « mérite » une pension de survivant est un élément dont je ne peux pas tenir compteFootnote 21.

Conclusion

[46] L’appel est rejeté.

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