Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Citation : JS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 731

Numéro de dossier du Tribunal: AD-20-653

ENTRE :

J. S.

Appelant

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Intimé


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


DÉCISION RENDUE PAR : Pierre Lafontaine
DATE DE LA DÉCISION : Le 28 août 2020

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] Le 21 mars 2002, J. S. (appelant), a présenté une demande de pension de la sécurité de la vieillesse (SV) et a également demandé le Supplément de revenu garanti (SRG). Le 13 janvier 2003, l’intimé, le Ministre de l’Emploi et du Développement social (Ministre), a accepté l’ensemble de la demande.

[3] Le 15 décembre 2009, le Ministre a initié une enquête administrative au dossier de l’appelant. Suite à l’enquête, le Ministre a conclu que l’appelant n’était pas admissible au SRG pour la période de juin 2003 à septembre 2010, puisque le demandeur n’était pas présent au Canada depuis le mois de novembre 2002, et n’était plus résident au sens de la loi. Dans une lettre de décision datée du 2 novembre 2010, le Ministre a réclamé au demandeur un trop-payé de 84 929.18 $ pour cette période durant laquelle il était inadmissible à recevoir le SRG.

[4] Le 26 mars 2018, l’appelant a déposé auprès du Ministre une demande de réexamen tardive de la décision rendue le 2 novembre 2010. Le Ministre a refusé la demande de réexamen tardive car il a déterminé que l’appelant ne répondait pas aux critères afin de lui accorder une prolongation du délai. L’appelant a interjeté appel de la décision du Ministre de ne pas prolonger le délai afin de demander le réexamen de la décision devant la division générale du Tribunal.

[5] La division générale a déterminé que le Ministre avait exercé sa discrétion de manière judiciaire en n’accordant pas à l’appelant une prolongation de délai pour présenter une demande de réexamen.

[6] L’appelant a obtenu la permission d’en appeler. Il fait valoir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle.

[7] Le Tribunal accueille l’appel.

Question en litige

[8] Est-ce que la division générale a fait défaut d’observer un principe de justice naturelle?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[9] La Cour d’appel fédérale a déterminé que la division d’appel n’avait d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).Note de bas de page 1

[10] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure. 

[11] En conséquence, à moins que la division générale n'ait pas observé un principe de justice naturelle, qu'elle ait erré en droit ou qu'elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l'appel.

Est-ce que la division générale a fait défaut d’observer un principe de justice naturelle?

[12] L’appelant invoque le paragraphe 58 (1) (a) de la Loi sur le MEDS. Il fait valoir que la division générale a procédé en son absence alors que sa présence était nécessaire afin de répondre aux questions du membre de la division générale. Ceci a eu pour effet que la division générale a mal interprété les faits au soutien de sa décision. Il soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle en procédant de cette façon.

[13] Le Ministre soutient que la division générale a observé les principes de droit en matière de justice naturelle. Il fait valoir que l’appelant a eu l’occasion de demander l’ajournement de l’audience, mais il ne l’a pas fait.

[14] Cependant, le Ministre fait valoir en appel que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance lorsqu’elle a conclu que le Ministre avait exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire et judicieuse.

[15] En vertu de l’alinéa 29.1(2) du Règlement sur la sécurité de la vieillesse (Règlement sur la SV), le Ministre doit être convaincu que la demande de révision a des chances raisonnables de succès. Pour qu’une demande ait des chances raisonnables de succès, le demandeur doit invoquer des arguments défendables.

[16] Lorsque le représentant du Ministre (représentant) a examiné s’il pouvait accorder la prorogation de délai, il n’a pas évalué la preuve factuelle en regard du critère légal afin d’établir la résidence et ainsi décider s’il existait une cause ou des arguments défendables de la part de l’appelant.

[17] En guise de réponse à la question portant sur les chances raisonnables de succès, le représentant souligne simplement le fait que les prestations de l’appelant étaient retenues à cent pour cent depuis 2010, mais ce n’est qu’en 2017 qu’il a soumis sa demande. Cette réponse démontre que le représentant a pris en compte un facteur non pertinent et a ignoré les facteurs importants, tels que les arguments défendables de l’appelant. Alors, contrairement à ce que la division générale a conclu, le Ministre soutient qu’il n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire et judicieuse.

[18] Je constate que dans sa demande de réexamen, l’appelant conteste la conclusion du Ministre qu’il s’est absenté du Canada de 2003 à 2010. Il fait valoir qu’il n’a aucunement été démontré qu’il s’est absentée plus de 6 mois de juin 2003 à octobre 2010, en dehors des deux périodes mentionnées dans son rapport d’entrevue.

[19] L’appelant souligne que le document intitulé « Recap au 3 mars 2010 », indique qu’il a des attaches au Canada selon les transactions à son compte conjoint, qu’il n’a effectué aucune transaction hors pays, qu’il a produit des déclarations d’impôt chaque année de 1988 à 2008, à l’exception de 1989 et 1990. Un résumé de sa déclaration du 23 juillet 2002 indique qu’il a déclaré ses habitudes de sorties du pays, soit 2 à 3 fois par année. L’appelant fait valoir que le Ministre a appliqué arbitrairement son historique de voyages pour la période entre août 2008 et mai 2010, rétroactivement au moins de juin 2003 jusqu’en octobre 2010, sans l’avoir questionné pour cette période.

[20] Étant donné que le Ministre n’a pas exercé sa discrétion de manière judiciaire en ne considérant pas les arguments défendables de l’appelant et que la division générale a rendu une décision sans tenir compte des éléments de fait portés à sa connaissance, le Ministre demande que la division d’appel rende la décision que la division générale aurait dû rendre, à savoir, accorder la prorogation de délai pour la présentation d’une demande de révision conformément à l’article 27.1 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi sur la SV) et aux articles 29 et 29.1 du Règlement sur la sécurité de la vieillesse (Règlement sur la SV) et renvoyer le dossier au Ministre pour révision.

[21] Pour les motifs ci-dessus mentionnés, je suis d’avis d’accueillir l’appel. Il n’y a donc pas lieu de me prononcer sur le motif d’appel invoqué par l’appelant.

Conclusion

[22] L’appel est accueilli.  La prorogation de délai est accordée pour la présentation par l’appelant d’une demande de révision conformément à l’article 27.1 de la Loi sur la SV et aux articles 29 et 29.1 du Règlement sur la SV.

[23] Le dossier est renvoyé au Ministre pour révision.

Date de l’audience :

11 août 2020

Mode d’audience :

Téléconférence

Comparutions :

R. S., représentant de l’appelant

J. S., appelant

Me Suzette Bernard, représentante de l’intimé

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