Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : DB c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 991

Numéro de dossier du Tribunal: GP-19-1352

ENTRE :

D. B.

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Tyler Moore
Date de l’audience par
téléconférence :
Le 14 septembre 2020
Date de la décision : Le 5 octobre 2020

Sur cette page

Décision

[1] La requérante, D. B., est admissible à la pension de survivant du Régime de pensions du Canada (RPC). La présente décision explique les raisons pour lesquelles j’accueille l’appel.

Aperçu

[2] B. P. est le cotisant au RPC décédé en l’espèce. La requérante et ce dernier ont commencé à vivre ensemble le 1er janvier 2013 et ont cessé de cohabiter le 9 avril 2016. B. P. est décédé le 10 mai 2018. La requérante a fait une demande de pension de survivant du RPC le 31 mai 2018. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a refusé sa demande parce qu’elle n’était pas la conjointe de fait du cotisant décédé. La requérante a interjeté appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

Ce que la requérante doit prouver

[3] Pour avoir gain de cause, la requérante doit démontrer qu’elle est la survivante de B. P. selon la définition fournie dans le RPC.

[4] Le RPC précise qu’un conjoint de fait est une personne qui « vit avec un cotisant dans une relation conjugale » depuis au moins un an au moment du décès de la personne cotisanteNote de bas de page 1. Une pension de survivant peut être payée à une personne qui était en union de fait avec une personne cotisante lorsque celle-ci est décédéeNote de bas de page 2.

Motifs de ma décision

[5] Je reconnais que la requérante est la survivante de B. P. J’ai rendu cette décision en tenant compte des questions suivantes.

Contexte

[6] La requérante a rencontré B. P. à la fin de l’année 2012. En janvier 2013, ils ont commencé à vivre ensemble dans une relation conjugale dans une maison qui appartenait à la requérante. En juillet 2015, ils ont signé un bail conjoint pour une autre maison. Ils ont une fille, née en janvier 2016.

Admissibilité à une pension de survivant du RPC

[7] La cohabitation n’est pas synonyme de corésidence. Deux personnes peuvent cohabiter même si elles ne vivent pas sous le même toitNote de bas de page 3. Dans cette affaire, la requérante et B. P. vivaient séparément entre le 9 avril 2016 et le moment de son décès en mai 2018. Je dois déterminer s’il existait une intention commune de continuer la relation même s’ils ne vivaient pas sous le même toit.

[8] Le RPC n’explique pas ce que [traduction] « vivre dans une relation conjugale » signifie, mais des décisions des tribunaux judiciaires et administratifs nous fournissent certaines lignes directrices. L’une des décisions comprend une énumération des éléments que l’on retrouve habituellement dans une relation conjugale. Il n’est pas nécessaire qu’ils soient tous présents, mais ils comprennent entre autres les suivants :

  • l’interdépendance financière;
  • les relations sexuelles;
  • la résidence commune;
  • l’achat de cadeaux pour l’autre lors d’occasions spéciales;
  • le partage des responsabilités du foyer;
  • l’usage partagé des biens;
  • des vacances ensemble;
  • le partage des responsabilités associées à l’éducation des enfants;
  • chaque jour, le fait de penser que la dépendance mutuelle va se poursuivre;
  • le fait d’être nommé bénéficiaire dans le testament et les polices d’assurance de l’autre;
  • le fait de prendre soin de l’autre en cas de maladie;
  • la connaissance des besoins médicaux de l’autre;
  • la communication entre les parties;
  • la reconnaissance publique des parties en tant que couple;
  • l’état matrimonial déclaré par les parties sur des demandes ou des formulaires;
  • la prise en charge des arrangements funéraires de l’autreNote de bas de page 4.

[9] J’ai conclu que la requérante et les témoins étaient crédibles. Leurs témoignages étaient sincères et ont permis de mieux comprendre la relation entre B. P. et la requérante au cours de la période concernée.

[10] B. P. avait de lourds antécédents de dépendance. Cette situation a atteint son paroxysme en avril 2016 lorsque la requérante est rentrée chez elle avec sa fille après avoir visité sa mère malade. B. P. prenait de la drogue dans le domicile familial et il voulait un endroit sûr pour consommer. Cela a rendu le domicile dangereux pour leur jeune enfant. La requérante et leur fille ont donc déménagé. La requérante est partie avec l’intention de revenir une fois que B. P. serait sobre et cesserait l’usage des drogues. Les facteurs de stress de la vie quotidienne avaient été un grand déclencheur de la dépendance de B. P. dans le passé. Tant B. P. que la requérante ont cru que le fait de vivre seul, sans facteurs de stress familiaux, suffirait pour lui faire prendre conscience de la nécessité de devenir sobre et lui permettrait de mieux se concentrer sur son traitement.

[11] Entre avril 2016 et mai 2018, B. P. a participé à plusieurs programmes de traitement en établissement. En 2017, sa mère l’a aidé à trouver son propre appartement. Les centres de traitement que B. P. a fréquentés ont été trouvés par la requérante et la famille de ce dernier. Entre avril 2016 et mai 2018, la requérante et B. P. ont gardé des liens étroits. La requérante et leur fille lui ont rendu visite lors de ses traitements. Lorsqu’il n’était pas en traitement, elle le reconduisait et allait le chercher lorsqu’il en avait besoin, l’aidait à faire la lessive, faisait son épicerie et partageait avec lui des fournitures pour bébé comme une poussette et de la nourriture pour leur fille. Elle se rendait même à son appartement pour l’aider à cuisiner et à faire le ménage.

[12] Lorsque B. P. n’était pas en traitement, la requérante le visitait presque tous les jours. Ils assistaient aux leçons de natation et de gymnastique de leur fille. Leur relation intime a continué. Malgré le fait que leurs finances étaient séparées, c’était par précaution et parce qu’ils avaient tous deux très peu d’argent et comptaient sur leur famille et leurs amis pour les aider à subvenir à leurs besoins. Ils avaient un compte bancaire commun au nom de leur fille auquel ils contribuaient tous les deux.

[13] La requérante et les témoins ont affirmé que B. P. et cette dernière se présentaient toujours comme un couple lors d’activités familiales et de rassemblements sociaux après avril 2016. Lorsqu’ils passaient la nuit quelque part, ils dormaient dans la même chambre. Ni l’un ni l’autre n’était dans une relation amoureuse avec quelqu’un d’autre. La requérante a gardé des liens étroits avec la famille de B. P.

[14] Selon la mère de B. P., qui lui parlait chaque jour au téléphone jusqu’au moment de son décès, son fils a toujours cru être en couple avec la requérante. Malgré le fait qu’ils ne vivaient pas ensemble, son amour pour elle n’a pas changé. Il a dit à plusieurs reprises qu’il comptait devenir sobre afin de pouvoir retourner vivre avec la requérante et leur fille. La seule raison pour laquelle il souhaitait devenir sobre était pour être avec elles.

[15] La requérante a reconnu que sa déclaration de revenus de 2016 indiquait bien qu’elle et B. P. étaient séparés. C’était uniquement pour qu’elle puisse être admissible à une prestation fiscale pour enfants. Elle avait besoin de cet argent et elle était toujours en congé de maternité. D’avril 2016 à avril 2018, elle est restée chez des amis et de la famille parce qu’elle n’avait pas les moyens d’avoir sa propre maison.

[16] J’accepte que la requérante et B. P. n’ont jamais eu l’intention de vivre pour toujours séparément et indépendamment l’un de l’autre. Ni l’un ni l’autre n’a perdu l’intention de reprendre la vie commune à temps plein. La preuve appuie plusieurs éléments d’une relation conjugale continue qui ne se fondait pas seulement sur le partage des responsabilités parentales.

[17] Tant B. P. que la requérante ont, par leur comportement, démontré qu’ils espéraient reprendre une relation conjugale normale en continuant de s’épauler l’un et l’autre. Malheureusement, B. P. n’avait pas résolu ses problèmes de dépendance au moment de son décès. C’est pourquoi ils vivaient encore séparés à l’époque. Le fait qu’un couple ne vivait pas dans la même résidence en raison des problèmes de dépendance du cotisant décédé n’empêche pas de conclure à une cohabitation aux fins d’admissibilité à une pension de survivant du RPCNote de bas de page 5.

Conclusion

[18] L’appel est accueilli.

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