Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

Informations sur la décision

Résumé :

RPC – invalidité – application du critère Villani à la situation personnelle

La requérante était conductrice de chariot élévateur. Elle a eu un accident de voiture qui l’a laissée avec de la douleur et des maux de tête. Elle avait une 8e année et aucune connaissance en informatique. Neuf ans après l’accident, elle a présenté une demande de pension d’invalidité, mais le ministre l’a rejetée. Elle a fait appel à la division générale (DG). La DG a rejeté l’appel. La DG a examiné les problèmes de santé et les antécédents personnels de la requérante et a conclu qu’elle pouvait encore travailler.

La requérante a donc fait appel à la division d’appel (DA). Celle-ci a conclu que la DG avait commis une erreur de droit. La décision de la DG mentionnait les antécédents de la requérante, mais ne montrait pas que la DG avait examiné les répercussions de son niveau d’éducation limité et du fait qu’elle n’a aucune connaissance en informatique sur sa capacité à travailler. La DA a rendu la décision que la DG aurait dû rendre et a conclu que la requérante était invalide. À cause de ses problèmes de santé, il était très difficile pour la requérante de travailler dans des emplois exigeants physiquement. Puisqu’elle a seulement occupé des emplois exigeants sur le plan physique, ses compétences d’emploi n’étaient pas transférables à un travail sédentaire. Son manque de connaissances informatiques et ses autres difficultés de lecture et d’écriture font en sorte qu’il serait difficile pour elle de se recycler. Avec peu de scolarité, elle aurait du mal à trouver des emplois sédentaires sur le marché du travail. Ses problèmes de santé ne se sont pas améliorés après neuf ans et rien ne prouvait qu’il était possible d’y remédier; sa condition était donc prolongée. La DA a accueilli l’appel, ce qui signifiait que la requérante était admissible à la pension d’invalidité.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : LG c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2020 TSS 1236

Numéro de dossier du Tribunal: GP-20-239

ENTRE :

L. G.

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Lianne Byrne
Représentante de la requérante : Allison Schmidt
Date de l’audience par téléconférence : Le 12 novembre 2020
Date de la décision : Le 29 décembre 2020

Sur cette page

Décision

[1] La requérante n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] La requérante a travaillé comme conductrice de chariot élévateur jusqu’en août 2012, lorsqu’elle s’est blessée dans un accident de la route. Depuis, elle a des maux de tête et de la douleur au dos, au cou et à l’épaule droite. Le ministre a reçu la demande de pension d’invalidité de la requérante le 7 mai 2018. Il a rejeté la demande initialement et après révision. La requérante a porté la décision découlant de la révision en appel au Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, la requérante doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, elle doit être réputée invalide au sens du RPC au plus tard à la date marquant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations de la requérante au RPC. J’estime que la PMA de la requérante a pris fin le 31 décembre 2015.

Questions en litige

[4] Les problèmes de santé de la requérante ont-ils entraîné une invalidité grave, ce qui signifie qu’elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en date du 31 décembre 2015?

[5] Le cas échéant, l’invalidité de la requérante s’est-elle étendue sur une période longue, continue et indéfinie en date du 31 décembre 2015?

Analyse

[6] L’invalidité est définie comme étant une invalidité physique ou mentale grave et prolongéeFootnote 1. Une invalidité est grave seulement si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Elle est prolongée si elle doit vraisemblablement s’étendre sur une période longue, continue et indéfinie ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décès. La personne doit prouver que, selon la prépondérance des probabilités, son invalidité satisfait aux deux éléments du critère, ce qui signifie que, si la requérante satisfait seulement à un élément, elle n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

Invalidité grave

[7] La requérante a travaillé à temps plein de 2002 jusqu’au 8 août 2012 chez Georgia-Pacific comme conductrice de chariot élévateur. Ses tâches comprenaient transporter des boîtes, charger des remorques et emballer des palettes dans du plastique. Elle pouvait effectuer ce travail sans difficulté jusqu’au moment où elle a subi un accident de la route en août 2012.

[8] Depuis, elle a de la douleur au cou, à l’épaule droite et au bas du dos. Elle a aussi des maux de tête (environ dix fois par mois). Elle a une sensation d’engourdissement et des picotements à la main droite et une perte de force de préhension. Elle a de la difficulté à dormir (trois à quatre heures par nuit). Elle peut rester assise pendant quinze minutes ou marcher pendant dix minutes avant d’avoir mal au dos. Elle est incapable de lever et de transporter des objets, de pousser ou de tirer. Elle n’est pas retournée au travail depuis l’accident.

[9] Après sa PMA, en décembre 2016, elle a été admise à l’hôpital pendant quatre jours. On lui a d’abord dit qu’elle avait eu un accident vasculaire cérébral. Par la suite, elle a reçu un diagnostic de migraines.

[10] T. R., l’épouse de la requérante, a également témoigné à l’audience. Avant l’accident de la route, elle a décrit la requérante comme une personne active qui travaillait fort. À compter du 31 décembre 2015, elle avait des maux de tête et de la douleur au cou et au dos. Elle n’était pas capable de faire beaucoup des tâches ménagères qu’elle faisait avant l’accident.

[11] T. R. a dit que la requérante est peu scolarisée. Elle a des difficultés à lire et à écrire les mots. Son écriture est illisible. Elle ne croit pas que la requérante soit qualifiée pour faire du travail sédentaire.

[12] J’ai examiné tous les rapports médicaux au dossier. Je me suis concentrée en particulier sur les rapports médicaux faits au moment ou aux environs de la fin de la PMA. Il y a de multiples rapports médicaux au dossier de la Dre J. Nixon, la médecin de famille de la requérante. Ces rapports indiquent que, bien que la requérante ait eu de la douleur continue et des limitations depuis l’accident de la route, elle conservait la capacité d’effectuer du travail plus léger dans le respect de ses limitations.

[13] Dans le rapport médical du RPC daté du 18 mai 2018, la Dre Nixon a noté que la requérante avait subi une entorse cervicale et une entorse lombaire lors de l’accident de la route. Sa douleur a diminué, mais elle continue de nuire à sa capacité de lever des objets et de faire le ménage et de l’exercice. La Dre Nixon ne croit pas qu’elle pourra travailler dans une usine comme elle l’a fait précédemment.

[14] Les rapports médicaux de la Dre Nixon font également mention des points suivants :

  • Le 19 décembre 2012, la Dre Nixon a écrit que la requérante se remet lentement de ses blessures. Elle ne peut pas reprendre le travail de conductrice de chariot élévateur, car cela exigerait qu’elle subisse des rebondissements. Si elle devait retourner au travail, elle devrait éviter les rebondissements, d’avoir à se pencher ou à lever quoi que ce soit de plus de 10 kg.
  • Le 26 février 2013, la Dre Nixon a écrit qu’elle ressent encore de la douleur au cou et au dos et qu’elle ne peut pas retourner au travail.
  • Le 27 janvier 2014, La Dre Nixon a écrit qu’il est très peu probable qu’elle pourra retourner travailler comme conductrice de chariot élévateur.
  • Le 7 avril 2014, la Dre Nixon a écrit il serait raisonnable de s’attendre à ce que la requérante puisse occuper un autre emploi que celui de conductrice de chariot élévateur. S’il y avait un emploi plus sédentaire ou qui n’exigeait pas qu’elle tourne constamment la tête, cela pourrait lui convenir. Elle devrait également éviter de soulever des objets lourds (plus de 10 kg) et les mouvements répétitifs avec son bras droit.
  • La Dre Nixon a rempli un rapport médical du RPC le 23 février 2015, qui indiquait que la requérante avait de la douleur chronique au cou et au dos, de la douleur à l’épaule droite et de l’engourdissement dans le bras droit.

[15] Plusieurs mois après la fin de la PMA, le 15 mai 2016, la Dre Nixon a signalé que la requérante avait de la douleur chronique au cou et au dos depuis l’accident de la route d’août 2012. Elle était incapable de réintégrer son occupation antérieure de conductrice de chariot élévateur. Elle n’aurait pas pu occuper des emplois où elle devait effectuer des travaux généraux qui exigeaient qu’elle soulève, pousse ou tire des charges, ou qu’elle demeure assise ou debout pendant de longues périodes. Elle ne peut rien lever qui pèse plus de 5 kg ni se pencher de façon répétée, demeurer assise et rester debout longtemps. La Dre Nixon considérait que son invalidité était grave.

[16] Bien que j’admette que la requérante ne pouvait retourner travailler comme conductrice de chariot élévateur, les rapports de la Dre Nixon indiquent qu’elle demeurait capable d’effectuer du travail plus léger dans le respect de ses limitations. Cela transparaît également des autres rapports médicaux au dossier.

[17] Le 9 août 2012, Cameron Burns, physiothérapeute, a signalé qu’un retour au travail est improbable compte tenu du niveau élevé de douleur et d’incapacité signalé par la requérante. Le 18 novembre 2013, M. Burns a écrit qu’il n’y avait aucun changement important quant à son niveau de fonctionnement.

[18] Le 12 juin 2013, la Dre Margaret Dziedzic (médecine physique et réadaptation) a écrit que la requérante a de la douleur myofaciale, cervicale et lombaire. Elle a aussi des symptômes d’arthrite et de douleur à l’articulation acromio-claviculaire de l’épaule droite. Sa douleur lombaire s’est améliorée d’environ 50 à 60 %.

[19] Le 28 avril 2014, le Dr Gregory Murphy (orthopédie) a signalé que la requérante a un syndrome des facettes cervicales, de la douleur myofaciale cervicale et une pathologie de l’épaule constituant probablement une tendinite de la coiffe des rotateurs.

[20] Dans un rapport d’évaluation des capacités fonctionnelles daté du 9 octobre 2014, Lesley Spada, ergothérapeute, a noté que la capacité de la requérante est de niveau sédentaire, ce qui comprend la manipulation de 10 livres à l’occasion et d’un poids négligeable de façon plus fréquente. Elle manifeste des limitations en ce qui concerne sa capacité à soulever des charges à répétition du sol à  la taille et de la taille au sommet du crâne; à transporter des charges des deux côtés; à travailler en position surélevée de façon soutenue; à se pencher de façon soutenue vers l’avant et à se positionner près du sol.

[21] Le 30 octobre 2015, le Dr Dana F. Wilson, chirurgien orthopédique, a indiqué que la requérante a des symptômes de douleur au cou et au dos. Elle peut se débrouiller dans ses activités sédentaires et prendre soin d’elle-même, mais ne peut rien faire qui soit de nature physique. Sa carrière a uniquement consisté en du travail physique, ce à quoi elle n’est pas en mesure de retourner actuellement. La seule occupation qu’elle peut être en mesure de détenir à l’avenir serait de nature sédentaire et fort probablement à temps partiel seulement.

[22] Il y a également de nombreux rapports au dossier indiquant que la santé de la requérante s’est détériorée après la fin de la PMA. Il s’agit notamment de rapports relatifs à son hospitalisation en décembre 2016, de rapports concernant l’apnée du sommeil et de rapports sur de la douleur au genou gauche qui a été soulignée comme ayant commencé après la fin de la PMA. Je conviens avec le ministre que la preuve ne permet pas de conclure que ces troubles de santé posaient problème pour la requérante avant la fin de la PMA.

[23] J’admets que la requérante éprouve de la douleur continue, qu’elle a des limitations fonctionnelles et qu’elle ne peut retourner à un travail exigeant physiquement. Toutefois, j’ai considéré que, pour décider si une invalidité est « grave », il ne s’agit pas de savoir si la personne a des déficiences graves, mais si l’invalidité l’empêche de gagner sa vie. Il ne s’agit pas de savoir si une personne est incapable d’accomplir son travail habituel, mais plutôt si elle est incapable d’accomplir un travail véritablement rémunérateurFootnote 2.

[24] Les rapports de la Dre Nixon, du Dr Wilson et de Mme Spada montrent que la requérante avait la capacité d’essayer d’effectuer du travail léger qui respecte ses limitations. Je conclus donc qu’il y a des preuves de capacité de travail.

[25] Lorsqu’il existe des preuves d’une certaine capacité à travailler , la personne doit démontrer que ses efforts pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santéFootnote 3. Dans le présent cas, la requérante a déclaré qu’elle n’a repris aucun type de travail après l’accident. Il n’y avait pas de tâches plus légères chez son employeur. Elle n’a cherché aucun autre travail plus léger ou sédentaire et n’a pas tenté de se recycler en vue de ce genre de travail.

[26] Je dois évaluer le caractère grave du critère dans un contexte réalisteFootnote 4. Cela signifie qu’au moment de décider si l’invalidité d’une personne est grave, je dois garder à l’esprit des facteurs comme l’âge, le niveau de scolarité, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie. Dans le cas qui nous occupe, en concluant que l’invalidité de la requérante n’est pas grave, j’ai tenu compte du fait qu’elle avait 46 ans à la date de fin de la PMA et une 8e année. Elle est incapable d’utiliser un ordinateur. Elle peut parler et comprendre l’anglais. Elle a surtout occupé des emplois en usine comme conductrice de chariot élévateur. Elle a également travaillé comme gardienne d’enfants et comme caissière chez PFK.

[27] Je note son faible niveau de scolarité et son incapacité à utiliser un ordinateur. Cependant, son âge et ses limitations fonctionnelles ne l’empêcheraient pas d’essayer un travail plus léger, de suivre une formation visant un travail plus léger ou de se perfectionner. En examinant ses caractéristiques personnelles, j’estime qu’elle n’était pas inapte au travail dans un contexte réaliste à la date de fin de la PMA. Bien que je comprenne qu’elle serait incapable d’accomplir un travail très exigeant sur le plan physique, il ne serait pas impossible pour elle d’essayer du travail plus léger ou sédentaire qui respecte ses limitations ou de suivre une formation visant ce type de travail. Elle n’a fait aucune tentative pour trouver un tel emploi. Par conséquent, elle n’a pas démontré que ses efforts pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santé.

[28] Je dois évaluer l’état de santé de la requérante dans sa totalité, ce qui signifie que je dois tenir compte de toutes les déficiences possibles, et non pas uniquement de celles qui sont les plus importantes ou celle qui est la principaleFootnote 5. Après avoir examiné l’ensemble de la preuve et l’effet cumulatif des problèmes de santé de la requérante, je ne suis pas convaincue que, selon la prépondérance des probabilités, elle est atteinte d’une invalidité grave.

Conclusion

[29] L’appel est rejeté.

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