Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : CS c Ministre de l’Emploi et du Développement social et BC, 2021 TSS 287

Numéro de dossier du Tribunal: AD-21-63

ENTRE :

C. S.

Appelante

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Intimé

et

B. C.

Mise en cause


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


DÉCISION RENDUE PAR : Neil Nawaz
DATE DE LA DÉCISION : Le 21 juin 2021

Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Cette affaire concerne deux demandes concurrentes de pension de survivant du Régime de pensions du Canada (RPC).

[3] L’appelante, C. S., a épousé C. G., un cotisant au RPC, en mai 1986. Ils se sont séparés en février 2002, mais sont demeurés mariés jusqu’au décès de C. G. en mars 2018.

[4] Plus tard le même mois, B. C., la mise en cause, a demandé une pension de survivant du RPC. Dans sa demande, elle a dit qu’elle vivait en union de fait avec C. G. au moment de son décès. Elle a également présenté une déclaration solennelleNote de bas de page 1 dans laquelle elle a affirmé qu’elle et C. G. ont vécu ensemble du 20 septembre 2015 au 9 mars 2018. En mai 2018, le ministre a accordé à C. B. la pension de survivant.

[5] C. S. a demandé la pension de survivant en septembre 2018. Le ministre a rejeté sa demande parce qu’il avait déjà conclu que C. G. vivait en union de fait avec quelqu’un d’autre au moment de son décès.

[6] C. S. a porté cette décision en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a tenu une audience par téléconférence et, dans une décision datée du 21 novembre 2020, a rejeté l’appel. La division générale a examiné les conditions de vie de C. G. au cours de ses dernières années et a conclu qu’il vivait en union de fait avec B. C. au moment de son décès.

[7] C. S. a ensuite demandé à la division d’appel du Tribunal de lui accorder la permission d’en appeler et de réexaminer la preuve. Elle a prétendu que la division générale n’avait pas tenu compte de renseignements indiquant que B. C. avait fait de fausses déclarations concernant sa relation avec C. G.

[8] Au début de l’année, j’ai accordé à C. S. la permission d’en appeler parce que j’estimais que certaines de ses observations semblaient indiquer qu’elle avait une cause défendable. J’ai convoqué une audience par téléconférence. À ce moment-là, B. C. a déposé une lettre pour défendre la décision de la division généraleNote de bas de page 2. Elle a insisté sur le fait qu’elle et C. G. étaient des conjoints de fait au moment de son décès et a nié avoir menti pour obtenir la pension de survivant.

[9] Le ministre a informé le Tribunal qu’il ne prendrait pas position dans cette affaireNote de bas de page 3.

[10] Après avoir examiné le dossier et écouté les arguments oraux des parties, j’ai conclu qu’aucun des motifs d’appel de C. S. ne justifie l’annulation de la décision de la division générale.

Questions en litige

[11] Il existe trois moyens d’appel à la division d’appel. Une partie requérante doit démontrer que la division générale :

  • n’a pas suivi les principes d’équité procédurale;
  • a mal interprété la loi;
  • a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 4.

[12] J’ai examiné les trois questions suivantes dans le cadre de cet appel :

  • La division d’appel peut-elle instruire à nouveau la preuve portée à la connaissance de la division générale?
  • La division générale a-t-elle ignoré une partie importante de la preuve de C. S.?
  • La division générale a-t-elle fourni des motifs compréhensibles pour appuyer sa décision?

Analyse

La division d’appel peut-elle instruire à nouveau la preuve portée à la connaissance de la division générale?

[13] La loi prévoit que la pension de survivant doit être versée à la personne légalement mariée au cotisant, à moins qu’il puisse être établi que celui-ci vivait en union de fait au moment de son décès. L’existence d’une union de fait peut dépendre de nombreux facteurs, dont le lieu de résidence des parties, leur relation sexuelle et leur interdépendance financièreNote de bas de page 5.

[14] Une grande partie des observations déposées par C. S. auprès de la division d’appel sont centrées sur sa conviction selon laquelle B. C. a fait des fausses déclarations concernant sa relation avec C. G. L’appelante a formulé les allégations suivantes :

  • B. C. et le gestionnaire du salon funéraire ont comploté pour lui refuser le certificat de décès jusqu’à ce que B. C. ait demandé la pension de survivant;
  • B. C. lui a dit qu’elle avait payé les funérailles, mais elle a appris plus tard que les fonds provenaient du compte bancaire de C. G.;
  • B. C. a prétendu être en relation amoureuse avec C. G., mais la preuve montre que celui-ci vivait dans sa maison comme pensionnaire et dormait dans sa propre chambre;
  • B. C. a prétendu être la conjointe de fait de C. G. de septembre 2015 à mars 2018, même si i) C. G. a déclaré qu’il était séparé dans ses déclarations de revenusNote de bas de page 6 de cette période et ii) elle s’est décrite comme [traduction] « l’amie » de C. G. dans un avisNote de bas de page 7 qu’elle a fait publier après son décès.

[15] C. S. a fait les mêmes allégations à la division générale. Comme nous le verrons, la division générale les a dûment prises en considération, mais a finalement décidé que B. C. disait la vérité lorsqu’elle a prétendu vivre en union de fait avec C. G.

[16] Je ne peux pas prendre en compte les arguments et les éléments de preuve qui ont déjà été présentés à la division générale. En tant que membre de la division d’appel, mes pouvoirs sont limités. Je suis seulement autorisé à décider si la division générale a commis certains types d’erreurs en rendant sa décision. Pour cette raison, il n’est pas possible dans le cadre d’un appel à la division d’appel de présenter des éléments de preuve qui ont déjà été soumis ou qui auraient pu être soumis à la division générale. En résumé, une audience devant la division d’appel n’est pas censée être une « reprise » de l’audience devant la division générale.

[17] L’appel de C. S. ne peut pas être accueilli sur ce fondement.

La division générale a-t-elle ignoré une partie importante de la preuve de C. S.?

[18] C. S. est en profond désaccord avec la décision de la division générale. Elle soutient que la division générale n’a pas tenu compte d’éléments de preuve importants indiquant que B. C. et C. G. ne vivaient pas en union de fait au moment de son décès.

[19] J’ai examiné la décision de la division générale dans son contexte et je ne suis pas d’accord. Rien n’indique que la division générale a ignoré la preuve de C. S. La décision de la division générale contient un résumé complet des documents et des arguments de C. S. et de B. C ainsi que des témoignages de leurs témoins. L’enregistrement de l’audience révèle que la membre de la division générale a écouté activement ce que les parties et leurs témoins avaient à dire. Lorsque des éléments de preuve semblaient contredire le récit d’un témoin, la membre a pris soin de les porter à leur attention. Par exemple, la membre a demandé à B. C. :

  • pourquoi elle et C. G. faisaient chambre à part;
  • pourquoi elle a accepté de l’argent de C. G. s’il ne s’agissait pas d’un loyer;
  • pourquoi elle et G. C. n’avaient pas déclaré qu’ils étaient des conjoints de fait dans leurs déclarations de revenus;
  • pourquoi elle s’est décrite comme étant [traduction] « l’amie » de C. G. dans l’avis de décès;
  • pourquoi son avocat a rédigé une lettreNote de bas de page 8 déclarant qu’elle n’était pas l’épouse de C. G.

[20] B. C. a fourni des réponses à chacune de ces questions, que la division générale a acceptées. En fin de compte, après avoir examiné ces réponses et d’autres éléments de preuve pertinents, la division générale a conclu que la cause de B. C. était plus solide que celle de C. S.

[21] Il incombe à la division générale de tirer des conclusions de fait. Dans ce rôle, elle a droit à une certaine marge de manœuvre dans la manière dont elle choisit d’évaluer la preuve disponibleNote de bas de page 9. Dans la présente affaire, la division générale a examiné les documents, écouté les témoignages et décidé que la preuve, tout compte fait, confirmait l’existence d’une union de fait entre B. C. et C. G. La division générale n’a peut-être pas accordé au témoignage de C. S. l’importance que celle-ci pense qu’il méritait, mais je ne vois rien dans son analyse qui constitue une erreur.

La division générale a-t-elle fourni des motifs compréhensibles pour appuyer sa décision?

[22] Devant la division générale, C. S. et B. C. ont chacune présenté des éléments de preuve sur les conditions de vie de C. G. à la fin de sa vie. C. S. a reconnu que C. G. avait vécu dans une maison appartenant à B. C. et son frère avec ceux-ci, mais elle a soutenu qu’il n’y était que pensionnaire. Pour étayer son affirmation, elle s’est appuyée sur les témoignages de la sœur de C. G. et de son neveu, ainsi que sur la preuve documentaire mentionnée ci-dessus, qui porte à croire qu’il y a des incohérences dans la manière dont B. C. a décrit sa relation avec C. G.

[23] J’ai accordé à C. S. la permission d’en appeler parce que j’ai jugé que l’on pouvait soutenir que les raisons pour lesquelles la division générale avait rejeté son appel n’étaient pas tout à fait logiques. Pour être plus précis, je n’ai pas tout de suite compris pourquoi la division générale était d’avis que la preuve de B. C. l’emportait sur celle de C. S.

[24] La Cour suprême du Canada a récemment réaffirmé que les décisions administratives doivent « être fondée[s] sur un raisonnement intrinsèquement cohérent qui est à la fois rationnel et logiqueNote de bas de page 10 ». Dans le même ordre d’idées, la Cour fédérale du Canada exige des décideurs qu’ils fournissent des motifs compréhensibles et transparents à l’appui de leurs décisions de sorte que leur [traduction] « fondement [soit] précisé […], compréhensible, rationnel et logiqueNote de bas de page 11 ».

[25] J’ai examiné la logique qui sous-tend la décision de la division générale. J’ai décidé que les raisons pour lesquelles elle a favorisé la preuve de B. C. par rapport à celle de C. S. sont fondées sur un raisonnement intrinsèquement cohérent qui est à la fois rationnel et logique.

[26] La belle-sœur et le neveu de C. S. ont affirmé que lorsqu’ils ont aidé C. G. à emménager dans la résidence de r. C., on leur a dit qu’il déménageait uniquement en tant que pensionnaire. En revanche, le frère de B. C. a dit que C. G. et sa sœur vivaient en relation conjugale et que C. G. contribuait aux dépenses ménagères, mais ne payait pas de loyer. La division générale a accordé plus d’importance au témoignage du frère de B. C., mais elle n’a pas fait ce choix de façon arbitraire. Elle a expliqué clairement et de façon convaincante pourquoi elle l’a fait : C. S. et ses témoins ont admis qu’ils n’avaient que peu ou pas de contacts avec C. G. pendant qu’il vivait avec B. C. Contrairement à R. C., ils n’avaient pas de connaissance directe de la nature précise de la relation de C. G. avec B. CNote de bas de page 12. Il est vrai que R. C. ne correspond pas à l’idée que l’on se fait habituellement d’un observateur désintéressé, mais on pourrait dire la même chose des témoins de C. S. De toute évidence, la division générale savait que R. C. avait témoigné pour soutenir sa sœur, et elle en a vraisemblablement tenu compte dans l’évaluation de sa crédibilité en tant que témoin.

[27] La crédibilité a également été le facteur déterminant lorsque la division générale a examiné les contradictions et les incohérences apparentes dans les affirmations de B. C. Pour dire les choses simplement, la division générale a accepté comme étant vraies les affirmations de B. C. suivantes :

  • elle et C. G. faisaient chambre à part parce qu’il ne voulait pas être réveillé lorsqu’elle se levait tôt pour aller travailler;
  • elle et C. G. n’ont pas porté attention à l’état civil qu’ils ont déclaré dans leurs déclarations de revenus et ont oublié d’informer l’Agence du revenu du Canada lorsqu’ils ont emménagé ensemble;
  • sa description d’elle-même comme [traduction] « amie aimante » de C. G. dans l’avis de décès était exacte et n’était pas incompatible avec le fait qu’ils vivaient en union de fait;
  • elle a fait déclarer par son avocat qu’elle n’était pas [traduction] « l’épouse » de C. G. à la demande de C. S. seulement pour faciliter la nomination de cette dernière à titre d’administratrice de la succession.

[28] Encore une fois, la division générale avait le pouvoir d’accepter ces explications et de les évaluer par rapport au reste de la preuve. Comme l’a dit la division générale :

[traduction]
Toutefois, lorsque je les examine [les documents qui contredisent la position de B. C.] avec le reste de la preuve documentaire au dossier et les témoignages de la mise en cause et de R. C., je n’ai d’autre choix que de conclure que la mise en cause et le cotisant ont démontré, par leur comportement et leur attitude, une intention mutuelle de vivre ensemble en tant que conjoints de faitNote de bas de page 13.

[29] À mon avis, la division générale a soupesé la preuve de façon rationnelle et équitable. Elle a expliqué pourquoi elle a favorisé certains éléments de preuve plutôt que d’autres. Ses conclusions découlent logiquement de ses constatations.

[30] Les motifs de la division générale étaient adéquats et conformes aux normes exigées par les grandes décisions. Je suis convaincu que la division générale n’a pas commis d’erreur de droit.

Conclusion

[31] Pour les raisons susmentionnées, je conclus que C. S. n’a pas démontré que la division générale a commis une erreur correspondant à au moins un des moyens d’appel prévus par la loi.

[32] L’appel est donc rejeté.

 

Date de l’audience :

Le 7 juin 2021

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

C. S., appelante

B. C., mise en cause

Jordan Fine, représentant du ministre

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.