Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : CS c Ministre de l’Emploi et du Développement social et BC, 2020 TSS 1239

Numéro de dossier du Tribunal: GP-19-1000

ENTRE :

C. S.

Appelante (requérante)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Ministre

et

B. C.

Mise en cause


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


Décision rendue par : Lianne Byrne
Date de l’audience par téléconférence : Le 11 septembre 2020
Date de la décision : Le 21 novembre 2020

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Décision

[1] La requérante n’est pas admissible à une pension de survivant du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] Le ministre a reçu la demande de pension de survivant de la requérante le 12 septembre 2018. Il a rejeté la demande une première fois, puis de nouveau après révision. La requérante a porté la décision de révision en appel au Tribunal de la sécurité sociale.

Question en litige

[3] La requérante est-elle admissible à une pension de survivant du RPC?

Analyse

[4] L’article 44(1)(d) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension de survivant du RPC. Une pension de survivant doit être payée à la personne qui a la qualité de survivant d’un cotisant qui a versé des cotisations pendant au moins la période minimale d’admissibilité, si le survivant :

  1. soit a atteint l’âge de soixante-cinq ans;
  2. soit, dans le cas d’un survivant qui n’a pas atteint l’âge de soixante-cinq ans :
    1. ou bien avait au moment du décès du cotisant atteint l’âge de trente-cinq ans;
    2. ou bien était au moment du décès du cotisant un survivant avec enfant à charge,
    3. ou bien est invalide.

[5] L’article 42(1) du RPC définit un survivant comme étant la personne qui était mariée au cotisant ou qui vivait en union de fait avec le cotisant au moment de son décès.

[6] L’article 2 du RPC définit un conjoint de fait comme étant la personne qui vit avec le cotisant dans une relation conjugale au moment considéré (c’est-à-dire au moment du décès du cotisant) depuis au moins un an.

[7] C. G. (cotisant) est décédé le 9 mars 2018Note de bas de page 1. On a noté qu’il est décédé au X.

[8] La mise en cause a demandé une pension de survivant du RPC le 21 mars 2018. Elle a mentionné dans sa demande qu’elle vivait en union de fait avec le cotisant au moment de son décès. Elle a affirmé qu’ils vivaient ensemble au X.

[9] À l’appui de sa demande, la mise en cause a rempli un formulaire intitulé Déclaration solennelle d’union de fait daté du 21 mars 2018Note de bas de page 2. Elle a déclaré solennellement dans celui-ci avoir vécu avec le cotisant pendant trois ans, du 20 septembre 2015 au 9 mars 2018. Elle a affirmé que le cotisant avait une assurance-vie dont elle était la bénéficiaire. L’intimé a approuvé la demande de pension de survivant du RPC de la mise en cause en mai 2018.

[10] La requérante a par la suite demandé une pension de survivant du RPC le 12 septembre 2018Note de bas de page 3. Elle a affirmé qu’elle s’est mariée au cotisant le 10 mai 1986 et qu’ils étaient toujours mariés au moment de son décès. Elle a précisé qu’ils ne vivaient plus ensemble au moment de son décès. Elle a mentionné que l’adresse du domicile du cotisant au moment de son décès était X.

[11] À l’appui de sa demande, la requérante a rempli un formulaire intitulé Déclaration solennelle – Séparation d’époux légaux ou conjoints de fait daté du 9 octobre 2018Note de bas de page 4. Elle a mentionné dans celui-ci qu’elle et le cotisant ont vécu séparément du 24 février 2002 au 9 mars 2018 en raison du « travail ». Elle a affirmé que le cotisant n’a vécu en union de fait avec personne d’autre pendant cette séparation.

[12] L’intimé a rejeté la demande de la requérante le 18 octobre 2018.

Résumé de la preuve

[13] Les parties à l’appel ont présenté de nombreux documents. La requérante et la mise en cause ont chacune convoqué des témoins à l’audience. Je n’ai inclus dans ces motifs qu’un bref résumé des documents et des témoignages qui me semblent les plus pertinents pour la question en litige.

Preuve de la requérante

[14] La preuve documentaire de la requérante comprend ce qui suit :

  • une lettre de l’avocat de la mise en cause, Patrick J. Kraemer, à l’Agence du revenu du Canada, datée du 14 mai 2018Note de bas de page 5, indiquant que la mise en cause n’est pas l’exécutrice testamentaire de la succession du cotisant, qu’elle n’était pas la conjointe du cotisant et que l’épouse de celui-ci était C. S.
  • une note manuscrite de la requérante indiquant qu’elle est la bénéficiaire du régime enregistré d’épargne-retraite du cotisant et qu’elle est toujours sa conjointe légalement mariée;
  • une déclaration d’Investissements ManuVie indiquant que la requérante est la bénéficiaire du régime du cotisant.

Témoignage de la requérante

[15] La requérante a dit lors de l’audience qu’elle s’est mariée avec le cotisant en mai 1986. Ils ont eu deux enfants. La requérante a affirmé que le cotisant avait de la difficulté à tolérer leurs enfants. Il avait parfois un comportement agressif envers eux. C’est ce qui a conduit à leur séparation. En 2001, ils ont commencé à vivre séparément, mais les enfants et elle ont continué de le voir les fins de semaine. En 2002, leur relation amoureuse a pris fin et ils ont fermé leurs comptes bancaires conjoints. Par la suite, le cotisant a rendu visite à leurs enfants de temps en temps. Ils n’ont jamais recommencé à cohabiter ou à sortir ensemble.

[16] La requérante reconnaît que le cotisant vivait avec la mise en cause au X. Elle admet qu’elle n’a jamais discuté avec lui de ses conditions de vie. Elle ne lui a jamais rendu visite à cette résidence. Néanmoins, elle estime qu’il n’avait pas d’autre choix que de s’y installer.

[17] En ce qui concerne la mise en cause, la requérante l’a rencontrée une fois. Le cotisant ne les a pas présentées, mais la requérante s’est présentée elle-même. Elle n’a revu la mise en cause que lors des funérailles du cotisant.

[18] La requérante estime que la mise en cause était méchante avec ses enfants. Elle n’avait aucun lien avec eux. Elle juge que la mise en cause contrôlait le cotisant et l’empêchait de voir ses enfants. Elle affirme que les enfants avaient très peu de contacts avec le cotisant en raison de la mise en cause.

[19] Un ami a dit à la requérante que le cotisant n’était pas heureux et voulait quitter X. Elle n’en a jamais discuté directement avec le cotisant.

[20] La requérante était en vacances lorsque le cotisant est décédé. À son retour, elle a appris que la mise en cause avait fait des arrangements funéraires sans la consulter. La requérante voulait payer les frais funéraires du cotisant en utilisant sa carte de crédit. Sa fille en a informé la mise en cause, mais cette dernière a payé les funérailles à l’aide de fonds provenant du compte bancaire du cotisant. La requérante est mécontente à ce sujet. Elle est également contrariée par le fait que le cotisant n’a pas subi d’autopsie.

[21] La requérante prévoit poursuivre le salon funéraire. Elle croit que la mise en cause avait une bonne relation avec un employé du salon funéraire nommé P et que celui-ci a menti dans la documentation en déclarant que la mise en cause était la conjointe du cotisant.

[22] La requérante reconnaît qu’elle n’a pas parlé au cotisant depuis qu’il a déménagé au X.

Témoins de la requérante

[23] K. W., le neveu du cotisant, a dit qu’il communiquait régulièrement avec lui jusqu’à ce que sa grand-mère tombe malade vers 2015. Le cotisant vivait à l’époque avec la grand-mère de K. W. Cependant, lorsque sa grand-mère a dû aller vivre dans une maison de soins infirmiers, le cotisant a dû déménager de la maison. K. W. a affirmé que le cotisant n’avait pas d’autre choix que d’emménager avec la mise en cause au X.

[24] K. W. a aidé le cotisant à déménager au X, où il avait sa propre chambre et ses effets personnels. Il ne connait pas les arrangements entre le cotisant et la mise en cause. K. W. a vu le cotisant quelques fois après son déménagement, mais pas au X.

[25] Après le décès de sa grand-mère, le cotisant a intenté une poursuite, alléguant qu’il avait été expulsé de la maison et que celle-ci avait été vendue illégalement. La poursuite impliquait le cotisant et la mise en cause d’un côté, et K. W. et ses parents de l’autre. K. W. n’est pas certain si la mise en cause était techniquement citée dans la poursuite, mais il l’a décrite comme étant du côté du cotisant. La poursuite a empêché les parties de communiquer librement et a été réglée au début de 2017, après environ un an.

[26] K. W. a été interrogé sur la relation du cotisant avec la mise en cause. Il sait qu’ils se sont rencontrés dans le cadre de leur travail. Il ignore s’ils se fréquentaient ou s’ils étaient des « amis sexuels » avant que le cotisant n’emménage au X. Il n’est pas sûr de ce qui s’est passé pendant qu’ils vivaient ensemble. K. W. a confirmé que la mise en cause était présente à certains événements familiaux, mais il ne pouvait pas dire si elle y était en tant que petite amie du cotisant. Il se souvient que sa grand-mère ne l’acceptait pas.

[27] B. S., la sœur du cotisant, a également témoigné à l’audience. Elle a expliqué que le cotisant avait vécu avec leur mère jusqu’à ce qu’elle doive être transférée dans une maison de soins infirmiers. La maison de leur mère avait dû être rénovée et vendue. Par conséquent, le cotisant n’avait pas d’autre choix que de trouver un autre endroit où vivre. Il était en colère contre B. S.

[28] La seule option du cotisant était d’emménager avec la mise en cause et son frère au X, ce qu’il a fait. B. S. l’a aidé à déménager. La mise en cause lui a dit que le cotisant serait pensionnaire et qu’il payerait un loyer. Il avait sa propre chambre. B. S. n’est entrée dans la maison qu’une ou deux fois après cela.

[29] Au début, la mise en cause n’était pas invitée aux réunions de famille parce que la mère du cotisant ne l’aimait pas. Cependant, plus tard, elle a assisté aux célébrations de Noël et de Pâques ainsi qu’à une fête d’anniversaire au domicile de B. S. Le cotisant l’a présentée comme étant son « amie ».

[30] Le cotisant est décédé au X. Après son décès, la mise en cause a fait les arrangements funéraires. Elle était assise dans la première rangée.

[31] E. S., le mari de B. S., a affirmé à l’audience qu’il avait une bonne relation avec le cotisant avant son déménagement au X. Il le voyait une fois par mois lorsqu’il vivait encore chez sa mère. Il a rencontré la mise en cause à quelques reprises lorsqu’elle est venue chez lui à Noël, à Pâques et pour une fête d’anniversaire. Il ne se souvient pas de la façon dont elle a été présentée.

[32] E. S. a expliqué que le cotisant avait dû quitter la maison de sa mère parce qu’elle n’avait pas d’argent. E. S. payait toutes les dépenses de celle-ci. Il a aidé le cotisant à déménager au X. Il se rappelle que la mise en cause avait précisé que le cotisant déménageait en tant que pensionnaire.

[33] E. S. n’a plus revu la mise en cause ni le cotisant après ce déménagement. Il a assisté aux funérailles du cotisant. La mise en cause était assise dans la première rangée, du côté droit.

[34] E. S. a reconnu que la requérante et le cotisant étaient séparés depuis de nombreuses années au moment de son décès.

Preuve de la mise en cause

[35] La mise en cause a fourni un certain nombre de documents, notamment :

  • des documents confirmant que l’adresse du cotisant était X, y compris un formulaire de renouvellement de carte d’assurance-maladie, une déclaration de son dentisteNote de bas de page 6, son permis de conduireNote de bas de page 7, un feuillet T4E de l’Agence du revenu du Canada, une ordonnanceNote de bas de page 8 et un document du ministère des TransportsNote de bas de page 9;
  • une confirmation de l’American Income Life Insurance Company datée du 12 février 2017 selon laquelle elle avait reçu des instructions du cotisant lui demandant de changer le bénéficiaire en faveur de la mise en cause, qu’il a déclaré être sa petite amie;
  • une déclaration de l’American Life Insurance Company indiquant que la mise en cause était la conjointe de fait du cotisantNote de bas de page 10;
  • une facture du Westmount Memorial Celebration Centre adressée à la mise en cause;
  • un formulaire d’avis de décès rempli par la mise en causeNote de bas de page 11;
  • un formulaire d’inscription à un régime d’assurance collective rempli le 1er octobre 2016 par la mise en cause, qui indique qu’elle vivait en union de fait avec le cotisant depuis le 19 septembre 2015;
  • un courriel de S. B., un employé d’un centre d’emploi, adressé à la fois à la mise en cause et au cotisant, demandant comment celui-ci se débrouillait dans son nouvel emploi, auquel la mise en cause a répondu que le cotisant avait eu du succès dans son nouvel emploi, mais qu’il était décédé;
  • un avis préparé par la mise en cause pour souligner l’anniversaire de décès du cotisantNote de bas de page 12;
  • la demande de prestation de décès du RPC de la mise en cause datée du 3 avril 2018Note de bas de page 13, dans laquelle elle a indiqué qu’elle vivait en union de fait avec le cotisant au X.

Témoignage de la mise en cause

[36] La mise en cause a affirmé avoir rencontré le cotisant pour la première fois lorsqu’il travaillait comme camionneur et qu’elle travaillait comme réceptionnaire. Ils sont devenus amis et ont entamé une relation amoureuse il y a environ 12 ans.

[37] La mise en cause vivait avec son frère au X dans la maison qu’ils avaient héritée de leurs parents. Elle avait discuté avec le cotisant de la possibilité d’emménager ensemble, mais son [traduction] « expulsion de sa maison » avait accéléré les choses. Il est déménagé au X le 19 septembre 2015.

[38] Ses boîtes ont été placées dans la chambre d’amis de la maison. Il s’est installé dans cette pièce afin d’avoir son propre espace où ranger ses effets personnels. Il ne voulait pas s’installer dans la chambre à coucher de la mise en cause parce qu’elle y expose sa collection de Barbies. Ils avaient l’intention de réorganiser la maison pour pouvoir partager la même chambre à coucher. Cependant, ils ont décidé de continuer de faire chambre à part parce que la mise en cause devait se réveiller à 5 h pour aller travailler et que le cotisant ne voulait pas se lever aussi tôt. Ils dormaient ensemble les fins de semaine et l’été, lorsqu’elle était en congé.

[39] La mise en cause, le cotisant et R. C. versaient le même montant dans un compte bancaire pour les dépenses ménagères, y compris l’électricité, la télévision par satellite et l’épicerie. La mise en cause et le cotisant n’avaient pas de compte bancaire conjoint parce que celui-ci ne pensait pas que c’était nécessaire. Toutefois, la mise en cause avait accès à son compte bancaire et il avait accès à sa carte de crédit.

[40] La mise en cause et le cotisant possédaient conjointement une roulotte. Ils l’utilisaient pour faire des voyages ensemble, y compris à l’île Manitoulin et à l’île Pelée. Ils vivaient la majeure partie de l’été dans la roulotte.

[41] La mise en cause et le cotisant faisaient tout ensemble. Parfois, le frère de la mise en cause les accompagnait. Elle conduisait le cotisant partout où il devait aller. Tous les amis de la mise en cause étaient également amis avec le cotisant. Elle amenait le cotisant à ses fêtes de travail et aux fêtes organisées par ses amis. La mise en cause et le cotisant organisaient ensemble des réveillons du jour de l’An.

[42] La mise en cause et le cotisant étaient dans une relation monogame. Ils ont eu des relations sexuelles normales jusqu’à sa mort.

[43] Ils s’offraient des cadeaux lors d’occasions spéciales. En mai 2016, le cotisant a amené la mise en cause dans une bijouterie d’un centre commercial. Il avait choisi une bague de fiançailles avec l’aide de sa mère. Il a acheté la bague pour la mise en cause et ils se sont fiancés. Ils plaisantaient en disant qu’ils étaient [traduction] « fiancés pour ne pas être mariés » parce qu’aucun des deux ne pensait avoir besoin d’un bout de papier pour consolider leur engagement.

[44] La mise en cause a décrit sa relation avec la mère du cotisant comme étant initialement difficile. Cependant, quand celle-ci est allée vivre dans une maison de soins infirmiers, elle s’est rendu compte que c’était la mise en cause qui amenait son fils pour les visites. À partir de ce moment-là, elles se sont bien entendues. La mère du cotisant appelait souvent la mise en cause pour discuter. La mise en cause l’amenait même à ses rendez-vous chez le médecin et l’invitait au restaurant. Elle lui achetait du vin en emballage cartonné et des craquelins qu’elle conservait dans sa chambre à la maison de soins infirmiers.

[45] La mise en cause admet qu’elle n’avait pas une bonne relation avec les enfants du cotisant. Elle nie avoir jamais essayé de s’ingérer dans leur relation avec leur père. Ce dernier n’a pas parlé à ses enfants pendant huit mois. Elle lui disait de les appeler et lui proposait de le conduire chez eux pour qu’il leur rende visite, mais il refusait. Il était parfois très têtu.

[46] La mise en cause a expliqué que le cotisant avait été impliqué dans deux accidents de voiture. Le deuxième accident était peut-être attribuable à une crise. Après le deuxième accident, il a passé une semaine à l’hôpital. Elle lui rendait visite.

[47] Pendant la période où ils ont vécu ensemble, la mise en cause a souvent dû appeler une ambulance parce qu’il avait une crise. Elle a pris soin de lui en lui trouvant de bons médecins, en l’amenant à tous ses rendez-vous et en s’assurant qu’il prenait ses médicaments. Elle l’accompagnait à presque tous ses rendez-vous médicaux parce qu’il voulait toujours qu’elle soit là. Si elle ne pouvait pas s’absenter du travail, elle s’arrangeait pour que sa meilleure amie l’accompagne. Tous les matins, avant de partir au travail, elle s’assurait qu’il allait bien.

[48] On a demandé à la mise ne cause d’expliquer la lettre de son avocat, qui indique qu’elle n’était pas l’épouse du cotisant. Elle a expliqué que la requérante avait dit très clairement qu’elle voulait être l’exécutrice testamentaire de la succession du cotisant. La mise en cause ne voulait pas se battre. Son avocat lui a conseillé d’envoyer cette lettre pour résoudre le problème. Elle avait été rédigée dans le seul but de permettre à la requérante d’agir comme exécutrice testamentaire.

[49] On a aussi demandé à la mise en cause pourquoi elle et le cotisant n’avaient pas déclaré qu’ils étaient conjoints de fait dans leurs déclarations de revenus. Elle a expliqué qu’ils n’étaient pas ensemble depuis une année complète la première fois qu’elle a produit sa déclaration de revenus et qu’elle n’avait pas fait le changement par la suite. Elle n’avait pas d’aide professionnelle à l’époque.

[50] Après le décès du cotisant, la mise en cause a communiqué avec la police pour qu’elle puisse communiquer avec la famille de celui-ci. Comme ils n’ont pas réussi, elle a demandé l’aide d’un des amis du cotisant. Elle a fait tous les arrangements funéraires. Elle a fait publier un avis dans le journal. Elle a payé les funérailles avec les fonds du compte bancaire du cotisant. Elle est restée près de son cercueil pendant l’exposition. Elle était assise dans la première rangée à ses funérailles.

[51] La mise en cause ne comprend pas pourquoi la requérante et certains membres de la famille du cotisant estiment qu’ils peuvent juger de sa relation avec le cotisant alors qu’ils n’habitaient pas près d’eux. Ils ne l’ont pas appelé, même pas le jour de son anniversaire deux semaines avant sa mort. Même deux jours le décès du cotisant, ils lui ont crié qu’ils avaient besoin d’un certificat de décès.

Témoin de la mise en cause

[52] R. C., le frère de la mise en cause, a témoigné à l’audience. Il habite au X.

[53] Il a rencontré le cotisant vers 2005, lorsque la mise en cause l’a présenté comme son petit ami. Il a assisté à « quelques » réunions familiales avec la mise en cause, où il a été présenté comme son petit ami.

[54] Le cotisant a été [traduction] « expulsé » de la maison de sa mère. Il a emménagé avec la mise en cause et lui au X. Il avait sa propre chambre dans la maison.

[55] R. C. a affirmé que la mise en cause et le cotisant formaient un couple charmant. Ils passaient beaucoup de temps ensemble et s’entendaient bien. Il connaît bien leur relation parce qu’il a vécu avec eux et a tout vu.

[56] R. C. mangeait souvent avec la mise en cause et le cotisant. La mise en cause et le cotisant faisaient souvent l’épicerie ensemble, et il les accompagnait parfois. Ils étaient tous responsables des tâches ménagères. Le cotisant s’occupait habituellement de tout l’entretien extérieur.

[57] Ils payaient tous 500 $ par mois pour les dépenses ménagères. Aucun d’entre eux ne considérait cet argent comme un loyer, mais plutôt comme un partage des dépenses ménagères. Le cotisant n’a jamais demandé de reçu pour déclarer ce montant comme loyer aux fins de l’impôt sur le revenu.

[58] La mise en cause et le cotisant ont pris des vacances ensemble. Ils possédaient conjointement une roulotte. Ils se rendait dans le Nord jusqu’au chalet de leurs amis ou à la pointe Pelée.

[59] Ils prenaient soin l’un de l’autre lorsque l’un d’eux était malade. La mise en cause conduisait le cotisant à tous ses rendez-vous chez le médecin.

[60] La mise en cause planifiait des célébrations pour l’anniversaire du cotisant. Le cotisant lui a acheté une belle bague de fiançailles à diamant en 2016. Ils déclaraient tous les deux ouvertement qu’ils étaient fiancés.

[61] Le cotisant n’a jamais parlé de quitter X. Pour autant que R. C. le sache, il ne prévoyait aller nulle part. Lorsqu’il est décédé, c’est la mise en cause qui a fait tous les arrangements funéraires.

Observations

[62] La requérante soutient qu’elle est admissible à une pension de survivant pour les raisons suivantes :

  1. elle était l’épouse légale du cotisant au moment de son décès;
  2. le cotisant n’était pas le conjoint de fait de la mise en cause au moment de son décès, mais un pensionnaire dans sa maison.

[63] L’intimé a soutenu que la requérante n’est pas admissible à une pension de survivant pour les raisons suivantes :

  1. la preuve ne permet pas de conclure que la requérante était la survivante du cotisant;
  2. la preuve montre que le cotisant vivait en union de fait avec la mise en cause au moment de son décès, et la requérante n’a donc pas droit à une pension de survivant.

[64] La mise en cause a fait valoir que la requérante n’est pas admissible à une pension de survivant pour la raison suivante :

  1. elle vivait en union de fait avec le cotisant depuis plus d’un an au moment de son décès.

[65] Il ressort clairement de la preuve que la requérante et le cotisant se sont mariés en mai 1986 et qu’ils l’étaient toujours au moment de son décès. La requérante a reconnu qu’ils se sont séparés vers 2002, ce que j’admets aussi. Ils n’ont jamais recommencé à sortir ensemble après leur séparation.

[66] Je note qu’il a été jugé que lorsqu’il existe des intérêts concurrents entre la personne devenue veuve au sens de la loi d’un cotisant et la conjointe de fait présumée du cotisant, il existe une présomption simple selon laquelle la prestation sera versée à la personne veuve au sens de la loi. Par conséquent, il incombe à la conjointe de fait présumée de prouver qu’elle vivait en relation conjugale avec le cotisant au moment de son décès depuis une période continue d’au moins un an (Betts c Shannon (22 octobre 2001) CP 11654 (CAP)). C’est donc à la mise en cause qu’il incombe de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle vivait en relation conjugale avec le cotisant au moment de son décès depuis une période continue d’au moins un an.

[67] Dans la présente affaire, la preuve documentaire montre clairement que le cotisant vivait au X, une maison appartenant conjointement à la mise en cause et à R. C. Les parties en conviennent. Il est également clair que le cotisant y a déménagé le 20 septembre 2015, lorsqu’il a dû quitter la maison de sa mère. Il est demeuré continuellement et est décédé dans cette maison. Je conclus donc que la mise en cause et le cotisant ont vécu ensemble du 20 septembre 2015 jusqu’à son décès le 9 mars 2018, comme l’indique la Déclaration solennelle d’union de fait de la mise en cause.

[68] Je dois maintenant décider si la mise en cause et le cotisant vivaient en relation conjugale au moment de son décès depuis une période continue d’au moins un an. La Cour fédérale a examiné si un des facteurs pour décider si une personne satisfait à la définition de « conjoint de fait » consiste à savoir si celle-ci a commis des abus de confiance ou un autre acte répréhensible au détriment d’un cotisant (McLaughlin c Canada (Procureur général), 2012 CF 556). En outre, comme indiqué dans l’arrêt McLaughlin, la Cour suprême du Canada a confirmé dans l’arrêt M. c H., [1999] 2 RCS 3 que les facteurs qui devraient être examinés pour décider si une relation conjugale existe comprennent le partage d’un toit, les rapports personnels et sexuels, les services, les activités sociales, le soutien financier, les enfants et l’image sociétale du couple.

[69] J’ai également tenu compte des caractéristiques d’une union de fait énoncées par la Commission d’appel des pensions dans la décision Betts Shannon (22 octobre 2001), CP 11654 (CAP), qui comprennent, entre autres, l’interdépendance financière, une relation sexuelle, une résidence commune, un partage des responsabilités, l’utilisation partagée des biens, le fait chaque jour de penser que la dépendance mutuelle va se poursuivre, le fait pour un conjoint d’être nommé bénéficiaire dans le testament ou la police d’assurance de l’autre, en cas de maladie, la question de savoir qui s’est occupé de l’autre partie, la communication entre les parties, la reconnaissance publique des parties, l’attitude et le comportement des membres de la collectivité et des familles des parties envers elles, l’état civil déclaré par les parties dans diverses demandes et divers formulaires, la question de savoir qui a pris en charge les arrangements funéraires du défunt et comment les parties ont été décrites dans l’avis de funérailles, s’il y en a eu un. Il n’est pas nécessaire que tous ces facteurs soient présents pour conclure à l’existence d’une union de fait entre la mise en cause et le cotisant. Le noyau d’une union de fait, c’est que les parties ont, par leurs actions et leur conduite, démontré une intention mutuelle de vivre ensemble dans une relation semblable au mariage d’une certaine permanence (MDS c Pratt (11 avril 2006), CP 22323 (CAP)).

[70] La requérante et ses témoins croient fermement que la mise en cause et le cotisant ne vivaient pas en union de fait au moment de son décès. Ils ont tous souligné que la mise en cause avait déclaré qu’il serait pensionnaire chez elle. Cependant, j’accorde très peu de poids à leur témoignage sur la relation entre la mise en cause et le cotisant. Ils reconnaissent tous qu’ils ont eu très peu de contacts avec le cotisant et la mise en cause après qu’il a déménagé au X. En fait, comme K. W. l’a déclaré, ils étaient impliqués dans une poursuite qui les empêchait parfois de communiquer. Par conséquent, ils n’étaient pas en mesure de connaître les détails de la relation entre la mise en cause et le cotisant.

[71] En revanche, j’ai trouvé le témoignage de R. C. particulièrement convaincant parce qu’il vivait au X avec la mise en cause et le cotisant et connaissait les détails de leur relation.

[72] La conclusion selon laquelle le cotisant était simplement pensionnaire serait contraire à l’essentiel de la preuve. Les éléments de preuve suivants indiquent que la mise en cause et le cotisant étaient des conjoints de fait :

  • K. W. a affirmé que la mise en cause était impliquée dans une poursuite intentée par le cotisant contre lui et ses parents;
  • la mise en cause et le cotisant avaient des amis communs et allaient à des événements sociaux ensemble;
  • la mise en cause et le cotisant ont entretenu une relation sexuelle pendant qu’ils vivaient au X;
  • la mise en cause et le cotisant ont échangé des cadeaux, dont une bague de fiançailles achetée pour la mise en cause par le cotisant;
  • la mise en cause amenait le cotisant rendre visite à sa mère;
  • la mise en cause amenait la mère du cotisant à ses rendez-vous chez le médecin, lui a acheté du vin et des craquelins qu’elle conservait dans sa chambre et discutait au téléphone avec elle;
  • la mise en cause amenait le cotisant à ses rendez-vous chez le médecin et a prenait des dispositions pour que son amie l’y emmène lorsqu’elle ne pouvait pas s’absenter du travail;
  • la mise en cause a pris soin du cotisant lorsqu’il était malade et s’assurait qu’il allait bien tous les matins avant de partir au travail;
  • la mise en cause a aidé le cotisant à trouver un emploi;
  • la mise en cause et le cotisant possédaient conjointement une remorque qu’ils utilisaient pour faire des voyages ensemble;
  • la mise en cause s’est occupé des arrangements funéraires;
  • la mise en cause est restée près du cercueil du cotisant pendant l’exposition et était assise dans la première rangée à ses funérailles;
  • le cotisant a nommé la mise en cause bénéficiaire de sa police d’assurance-vie.

[73] J’ai tenu compte du fait que la mise en cause et le cotisant ne dormaient pas toujours ensemble au X. Cependant, j’accepte l’explication de la mise en cause selon laquelle le cotisant ne voulait pas s’installer dans sa chambre à coucher parce qu’elle y exposait sa collection de Barbies. Bien qu’ils avaient l’intention de réorganiser la maison pour pouvoir partager la même chambre à coucher, ils ont décidé de continuer à faire chambre à part parce que la mise en cause devait se réveiller à 5 heures du matin pour aller travailler et que le cotisant ne voulait pas être réveillé. J’admets également qu’ils dormaient ensemble les nuits où elle ne devait pas travailler et qu’ils passaient la majeure partie de l’été ensemble dans la roulotte.

[74] J’ai tenu compte du fait que les enfants du cotisant n’avaient pas de relation avec la mise en cause. Cependant, il est également évident qu’ils n’ont presque jamais communiqué avec leur père après qu’il ait déménagé au X.

[75] Il n’y a pas d’élément de preuve crédible à l’appui de l’observation de la requérante selon laquelle le cotisant ne voulait pas vivre au X et prévoyait de déménager.

[76] J’estime que plusieurs documents au dossier sont ambigus quant à la nature de la relation entre la mise en cause et le cotisant, notamment :

  1. les déclarations de revenus de la mise en cause, dans lesquelles elle n’a pas indiqué qu’elle et le cotisant étaient des conjoints de fait;
  2. la lettre de l’avocat de la mise en cause selon laquelle elle n’était pas l’épouse du cotisant;
  3. l’avis funéraire dans lequel elle est mentionnée comme étant l’amie du cotisant.

[77] Pris isolément, ces documents pourraient jeter le doute sur l’observation de la mise en cause selon laquelle elle vivait en union de fait avec le cotisant. Toutefois, lorsque je les examine avec le reste de la preuve documentaire au dossier et les témoignages de la mise en cause et de R. C., je n’ai d’autre choix que de conclure que la mise en cause et le cotisant ont démontré, par leur comportement et leur attitude, une intention mutuelle de vivre ensemble en tant que conjoints de fait.

[78] Par conséquent, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, la mise en cause vivait avec le cotisant dans une relation conjugale au moment de son décès depuis une période continue d’au moins un an. Conformément à l’article 42(1) du RPC, la requérante n’est pas admissible à une pension de survivant du RPC puisque la mise en cause était la conjointe de fait du cotisant au moment de son décès.

Conclusion

[79] L’appel est rejeté.

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