Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : LS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 537

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale – section de la sécurité du revenu

Décision


Partie appelante : L. S.
Représentante ou représentant : C. O.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante ou représentant : Anita Hoffman

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision du ministre de l’Emploi et
du Développement social datée du 10 février 2021
(communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raymond Raphael
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 22 juillet 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’appelante
Représentante du ministre
Date de la décision : Le 10 août 2021
Numéro de dossier : GP-21-612

Sur cette page

Décision

[1] La requérante et son ex-époux, W. S., étaient en union de fait lorsqu’il est décédé. La requérante est admissible à la pension de survivant du Régime de pensions du Canada (RPC ).

Aperçu

[2] La requérante et W. S. se sont mariés en novembre 1957Note de bas de page 1. Ils ont commencé à vivre séparément en 1969Note de bas de page 2. La requérante soutient que c’était pour des raisons indépendantes de leur volonté. Même s’ils ne vivaient pas ensemble, elle est demeurée sa fournisseuse de soins et son épouse. W. S. avait reçu un diagnostic de schizophrénie paranoïde en 1980Note de bas de page 3. La requérante et lui ont divorcé en novembre 1996Note de bas de page 4. W. S. est décédé en mars 2000Note de bas de page 5. En mars 2020, la requérante a demandé une pension de survivant du RPCNote de bas de page 6. Le ministre a rejeté sa demande initialement et après révision. La requérante a fait appel au Tribunal de la sécurité sociale.

Question en litige

[3] Je dois décider si la requérante et W. S. étaient en union de fait lorsqu’il est décédé.

Position de la requérante

[4] La requérante et W. S. demeuraient dans des lieux de résidence différents en raison de circonstances indépendantes de leur volonté. W. S. était atteint de schizophrénie paranoïde. La requérante était donc incapable de vivre sous le même toit que lui. Ils ont divorcé pour que W. S. soit considéré comme célibataire afin d’obtenir de l’aide sociale et des soins médicaux. La requérante a continué de prendre soin de lui et ils sont demeurés en union de fait jusqu’au décès de W. S. en mars 2020Note de bas de page 7.

Position du ministre

[5] Bien que la requérante ait continué de s’occuper de W. S. après leur divorce, ils n’étaient plus en union de fait. Ils entretenaient plutôt une relation semblable à celle d’un patient et d’une fournisseuse de soinsNote de bas de page 8.

Analyse

[6] Pour être admissible à la pension de survivant du RPC, la requérante doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable que W. S et elle étaient en union de fait lorsqu’il est décédé. Elle doit aussi établir qu’ils ont été en union de fait pendant une période continue d’au moins un anNote de bas de page 9.

[7] La Cour fédérale a déclaré que les facteurs indiquant une union de fait comprennent les suivantsNote de bas de page 10 :

  1. 1) le partage d’un toit, notamment le fait que les parties vivaient sous le même toit ou partageaient le même lit ou le fait qu’une autre personne habitait chez elles;
  2. 2) les rapports sexuels et personnels, notamment le fait que les parties avaient des relations sexuelles, étaient fidèles l’une à l’autre, communiquaient bien entre elles sur le plan personnel, prenaient leurs repas ensemble, s’entraidaient face aux problèmes ou à la maladie ou s’offraient des cadeaux;
  3. 3) les services, notamment le rôle des parties dans la préparation des repas, le lavage, les courses, l’entretien du foyer et d’autres services ménagers;
  4. 4) les activités sociales, notamment le fait que les parties participaient ensemble ou séparément aux activités du quartier ou de la collectivité et leurs rapports avec les membres de la famille de l’autre;
  5. 5) l’image sociétale, notamment l’attitude et le comportement de la collectivité envers chacune des parties, considérées en tant que couple;
  6. 6) le soutien, notamment les dispositions financières prises par les parties pour ce qui était de fournir les choses nécessaires à la vie et la propriété de biens;
  7. 7) l’attitude et le comportement des parties à l’égard des enfants.

[8] Je vais maintenant examiner chacun de ces facteurs.

Partage d’un toit

[9] W. S. avait des accès de violence imprévisibles. Ceux-ci ont commencé à s’intensifier en 1969. Il était d’humeur égale pendant un certain temps, puis il devenait violent. Il était impossible de vivre avec lui à cause de cela. Il a commencé à vivre dans une caravane à environ un mile de la maison familiale. La maison familiale avait toujours été au nom de la requérante, car son père l’avait construite pour elle. La caravane était située sur un terrain [traduction] « en périphérie de la ville ». Il n’y avait ni électricité, ni eau courante, ni salle de bain.

[10] Même si W. S. vivait dans la caravane, il faisait des [traduction] « allées et venues » à la maison familiale pour utiliser la salle de bain et manger. Il y restait de deux à trois nuits par semaine. Il dormait cependant dans une chambre distincte.

Rapports sexuels et personnels

[11] La requérante et W. S. n’avaient pas de rapports sexuels. Ni elle ni lui n’avaient de relation avec une autre personne.

Services

[12] La requérante préparait les repas de W. S. Elle faisait sa lessive lorsqu’il venait à la maison. W. S. emportait de la nourriture supplémentaire. La requérante lui rendait visite à la caravane pour prendre de ses nouvelles. Elle lui offrait des vêtements en cadeau à son anniversaire et à Noël. Ils ont divorcé uniquement parce qu’elle essayait de l’aider à obtenir des services médicaux et de l’aide financière. Rien n’a changé après le divorce. Ils ont continué de vivre comme avant. La seule différence était que l’état de santé de W. S. continuait à se détériorer.

Activités sociales

[13] La requérante organisait une fête à l’anniversaire de W. S. Lorsqu’il le pouvait, celui-ci rendait visite à la requérante à Noël.

Soutien et dispositions financières

[14] W. S. travaillait par intermittence, mais cela n’a jamais duré. La requérante travaillait comme femme de chambre. W. S. n’était pas bénéficiaire de l’aide sociale. Il n’a pas obtenu les soins médicaux et l’aide sociale qu’ils espéraient après leur divorce, parce qu’il refusait de passer une évaluation ou de se rendre dans un bureau gouvernemental pour signer des formulaires. Il avait peur du gouvernement. La requérante et lui ont toujours eu des comptes bancaires distincts. Elle avait pris l’avion jusqu’à Coquitlam (à plus de 1 000 milles) pour lui rendre visite lorsqu’il avait été interné dans un hôpital psychiatrique par la Gendarmerie royale du Canada en 1980Note de bas de page 11. Il avait été arrêté après avoir utilisé une arme à feu à la caravane.

[15] La requérante a payé les frais funéraires et la pierre tombale de W. SNote de bas de page 12. Les lettres d’administration de sa succession la désignaient comme son épouse légitimeNote de bas de page 13. La lettre comprenant le rapport du coroner la désignait comme son épouseNote de bas de page 14.

Attitude et comportement à l’égard des enfants

[16] Leurs enfants les ont toujours considérés comme époux et épouse. Ils connaissaient les raisons de leur divorce. Ils savaient que la requérante n’aurait pas divorcé si ce n’avait été pour essayer de l’aider. Le voisinage ne savait pas qu’ils avaient divorcé. La sœur de W. S. était la seule membre de la famille (à l’exception de leurs enfants) qui était au courant.

Mes conclusions

[17] La mesure dans laquelle les différents facteurs d’une union de fait devraient être pris en compte varie selon les circonstances de chaque casNote de bas de page 15. Je dois tenir compte de la nature infiniment variée du mariage dans notre société et évaluer les circonstances spécifiques pour décider si la requérante et W. S. vivaient dans une relation semblable au mariageNote de bas de page 16.

[18] La Cour suprême du Canada a affirmé que la cohabitation dans le contexte d’une union de fait n’est pas synonyme de corésidence, et que deux personnes peuvent cohabiter même si elles ne vivent pas sous le même toit. Il pourrait y avoir des périodes de séparation physique s’il existe une intention commune de demeurer en union de faitNote de bas de page 17.

[19] Bien qu’une union de fait consiste généralement en une résidence commune, chaque cas doit être examiné selon ses propres faitsNote de bas de page 18. Il pourrait y avoir des périodes de séparation qui n’ont aucune incidence sur le statut juridique d’une union de fait. La séparation en raison d’une relation de violence n’interrompt pas l’union de fait, s’il y avait une intention commune de poursuivre la relationNote de bas de page 19.

[20] W. S. a déménagé dans une caravane à environ un mile de la maison familiale en 1969 uniquement à cause de son comportement violent dû à sa schizophrénie paranoïde. La requérante et lui ont divorcé en 1996 pour essayer d’obtenir les soins médicaux et l’aide financière sociale dont W. S. avait besoin. Ils ont continué à vivre dans une relation semblable au mariage. Rien ne prouve que la requérante ou W. S. avaient l’intention de mettre fin à cette relation.

[21] Je conclus que la requérante et W. S. sont demeurés en union de fait jusqu’au décès de W. S. en mars 2000.

[22] La requérante a prouvé qu’il est plus probable qu’improbable que W. S. et elle étaient en union de fait lorsqu’il est décédé.

Conclusion

[23] La requérante est admissible à la pension de survivant du RPC. Celle-ci est payable à compter d’avril 2019, ce qui représente la rétroactivité maximale permise par le RPCNote de bas de page 20.

[24] L’appel est accueilli.

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