Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : PB c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 536

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision


Partie appelante : P. B. (requérante)
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision datée du
19 octobre 2020 rendue par le ministre de l’Emploi
et du Développement social (communiquée par
Service Canada)

Membre du Tribunal : Raymond Raphael
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 20 juillet 2021
Personnes présentes à l’audience : Requérante
Fille de la requérante : D. B.
Date de la décision : Le 6 août 2021
Numéro de dossier : GP-20-1993

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Décision

[1] La requérante et son ex-époux, J. B., n’étaient pas des conjoints de fait au moment de son décès. Elle n’est pas admissible à la pension de survivant du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] La requérante et J. B. se sont mariés en décembre 1961Note de bas de page 1 . Ils se sont séparés en septembre 1985 et ont divorcé en avril 1999Note de bas de page 2 . J. B. est mort en mai 2020Note de bas de page 3 . En juin 2020, la requérante a demandé la pension de survivant du RPCNote de bas de page 4 . Le ministre a rejeté la demande initialement et après révision. La requérante a fait appel de la décision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Le ministre estime que la requérante n’est pas admissible à la pension de survivant du RPC. Même si la requérante et J. B. ont continué de cohabiter après leur divorce, ils n’étaient pas conjoints de fait au sens du RPCNote de bas de page 5 .

[4] La requérante affirme qu’elle a cohabité avec J. B. et qu’elle était sa conjointe de fait d’avril 1999 (lorsqu’ils ont divorcé) jusqu’en mai 2020 (lorsque J. B. est mort)Note de bas de page 6 .

Question en litige

[5] Est-ce que la requérante et J. B. étaient conjoints de fait selon la définition du RPC au moment de la mort de J. B.?

Analyse

[6] La requérante doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle cohabitait avec J. B. et qu’elle était sa conjointe de fait au moment de sa mort. Elle doit démontrer qu’ils ont cohabité pendant au moins un anNote de bas de page 7 .

[7] La Cour fédérale a énuméré les facteurs qui indiquent l’existence d’une relation conjugaleNote de bas de page 8  :

  1. 1) le partage d’un toit, notamment le fait que les parties vivaient sous le même toit ou partageaient le même lit ou le fait que quelqu’un d’autre habitait chez elles;
  2. 2) les rapports sexuels et personnels, notamment le fait que les parties avaient des relations sexuelles, étaient fidèles l’une à l’autre, communiquaient bien entre elles sur le plan personnel, prenaient leurs repas ensemble, s’entraidaient face aux problèmes ou à la maladie ou s’offraient des cadeaux;
  3. 3) les services, notamment le rôle des parties dans la préparation des repas, le lavage, les courses, l’entretien du foyer et d’autres services ménagers;
  4. 4) les activités sociales, notamment le fait que les parties participaient ensemble ou séparément aux activités du quartier ou de la collectivité et leurs rapports avec les membres de la famille de l’autre;
  5. 5) l’image sociétale, notamment l’attitude et le comportement de la collectivité envers chacune des parties, considérées en tant que couple;
  6. 6) le soutien, notamment les dispositions financières prises par les parties pour ce qui était de fournir les choses nécessaires à la vie et la propriété de biens;
  7. 7) l’attitude et le comportement des parties à l’égard des enfants.

[8] Je vais maintenant examiner chaque facteur énuméré ci-dessus.

Le partage d’un toit

[9] La requérante a dit qu’ils habitaient dans une maison sur X lorsqu’ils se sont séparés en 1985. Elle a racheté les parts de la maison de J. B. Ce dernier a déménagé et vivait ailleurs pendant une année et demie. Il a emménagé de nouveau parce qu’il n’avait plus d’argent et qu’il avait des problèmes de santé. En 1990, la requérante a vendu sa maison sur X. Elle a acheté et emménagé dans une maison sur X. J. B. a emménagé dans la maison sur X avec elle. Ils vivaient là lorsqu’ils ont divorcé en 1999. Elle l’a divorcé parce qu’il devenait trop contrôlant — elle n’aimait pas se faire contrôler.   

[10] J. B. continuait à vivre dans la maison sur X après le divorce. La maison appartenait à la requérante. Elle payait l’hypothèque et les autres dépenses pour la maison. En 2004, elle a vendu la maison sur X. Elle a acheté et emménagé dans une maison sur X. Elle a fait les démarches pour hypothéquer la maison de X. Elle payait l’hypothèque et les autres dépenses pour la maison. J. B. a emménagé dans la maison de X pour y vivre jusqu’à sa mort en mai 2020.

[11] Ils avaient des chambres séparées dans chaque maison. Ils ne dormaientas ensemble. J. B. était [traduction] « difficile à supporter ». Ils n’étaient pas compatibles. Elle a caractérisé leur relation comme étant une codépendance. Ils avaient « besoin » l’un de l’autre. Ils avaient une [traduction] « vie de couple ». Ils s’occupaient l’un de l’autre. Elle a dit [traduction] : « Il veillait en quelque sorte sur moi ».

Comportements sexuels et personnels, les services, et les activités socialesNote de bas de page 9

[12] Après s’être séparée en 1985, mais avant son divorce, la requérante a fréquenté quelqu’un pendant quelques mois. Ils vivaient dans la maison sur X à cette époque. J. B. pouvait être très [traduction] « méchant » en ce qui concerne cette relation. Cela était une des raisons de leur divorce. Elle voulait un compagnon. C’est un rôle d’ailleurs que J. B. ne pouvait pas remplir.

[13] La requérante cuisinait et préparait les repas de J. B. Elle faisait les tâches ménagères. Il entretenait le terrain et il pelletait la neige. Elle achetait ses vêtements et faisait ses courses. Elle a acheté une télévision pour sa chambre.

[14] Ils ne mangeaient pas leurs repas ensemble parce que J. B. mangeait seul. Ils ne sortaient pas ensemble parce que J. B. restait à la maison. Elle allait à l’église toute seule. Ils faisaient des courses et allaient au Home Depot ensemble.

[15] La requérante apportait J. B. à ses rendez-vous avec son médecin. Elle allait chercher ses médicaments. Elle lui rendait service en téléphonant à ses médecins. Quand il est tombé très malade, elle changeait ses couches. Elle allait le voir chaque jour quand il était à l’hôpitalNote de bas de page 10 . Le dossier d’urgence de l’hôpital la désigne comme l’épouse de J. B. en mai 2020Note de bas de page 11 . Les cartes de condoléances désignent J. B. comme son épouxNote de bas de page 12 . Elle a payé ses frais funérairesNote de bas de page 13 .

[16] Ils n’avaient pas eu de rapports intimes depuis 1990 parce que J. B. avait des problèmes de santé. En décembre 2020, le Dr Rockman, le médecin de famille, a affirmé que la requérante et J. B. ont vécu ensemble pendant des années avant la mort de J. B. Ils n’avaient pas de rapports intimes en raison des problèmes de santé de J. B. Le Dr Rockman a aussi dit [traduction] : « De tout autre point de vue, ils s’occupaient l’un de l’autre, de leurs besoins émotionnels et physiquesNote de bas de page 14  ». Une déclaration écrite d’une personne avec qui la requérante travaillait et avait une relation amicale affirmait que la requérante et J. B. continuaient à vivre ensemble après leur divorce. Ils partageaient les tâches ménagères et s’occupaient l’un de l’autre au quotidien. Ils se comportaient [traduction] « comme un couple marié » malgré leur divorceNote de bas de page 15 .

Le soutien et les dispositions financières

[17] Leurs affaires financières étaient séparées. La requérante a affirmé [traduction] : « Je ne partageais pas mes finances… j’avais déjà payé par le passé pour l’égalisation de la maison… Je n’allais pas courir le risque de devoir payer de nouveau… Je ne voulais pas que J. B. puisse faire de réclamation. »  

[18] Elle avait son propre compte bancaire. J. B. lui donnait 400 $ par mois pour les dépenses. J. B. avait son propre compte bancaire. Elle avait une carte de crédit qui était à son nom. Elle avait une voiture qui était à son nom. Après le divorce, leur fille, D. B., était la seule bénéficiaire du testament et de la police d’assurance-vie de la requérante. La requérante a prévu dans son testament que J. B. pouvait continuer à vivre dans la maison. Tous les deux avaient une procuration. J. B. et D. B. ont signé la procuration de la requérante. La requérante et sa fille ont signé la procuration de J. B.

[19] La requérante a défini son état civil comme étant divorcée (non pas en union de fait) dans sa demande de pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) et dans sa demande de Supplément de revenu garanti (SRG) en 2009Note de bas de page 16 . J. B. a défini son état civil comme étant célibataire (non pas en union de fait) pour obtenir des prestations de SRG par l’intermédiaire d’un programme de pensions de la SV de 2001 jusqu’à sa mort en 2020Note de bas de page 17 .

[20] La requérante préparait ses déclarations de revenus ainsi que celles de J. B. Après 1999, elle indiquait qu’ils étaient divorcés. Je lui ai demandé pourquoi elle n’a pas indiqué qu’ils étaient conjoints de fait. Elle a dit qu’elle ne croyait pas aux unions de fait. Elle est une chrétienne régénérée et croit que l’union de fait est un péché. Elle a affirmé qu’elle ne savait pas que J. B. recevait le SRG parce que son état civil indiquait qu’il était célibataire et non en union de fait.

L’attitude et le comportement à l’égard des enfants

[21] Ils n’ont qu’une seule fille : D. B. Son père, J. B., ne faisait pas d’activités avec elle puisqu’il menait une vie recluse. La requérante a amené D. B. et ses enfants à Disney World en 2003 et en 2011. J. B. ne les a pas accompagnés parce qu’ils ne partaient jamais en vacances.

[22] D. B. a témoigné qu’en dépit du fait que leur relation était inhabituelle, ses parents se sont toujours aimés. Sa mère n’aurait pas pris la peine de s’occuper de lui comme elle l’a fait si elle ne l’avait pas aimé.  

Mes conclusions

[23] Bien qu’une union de fait implique d’habitude une résidence commune, on doit évaluer chaque cas et ses faits individuellementNote de bas de page 18 . Deux personnes peuvent cohabiter sans vivre sous le même toit. D’un autre point de vue, deux personnes peuvent vivre sous le même toit sans pour autant cohabiter comme on l’entend ici. Une union de fait prend fin lorsqu’une des deux parties estime que la relation est terminée et que son comportement démontre de manière convaincante que cet état d’esprit particulier a un caractère définitifNote de bas de page 19 .

[24] Les circonstances distinctes de chaque cas vont influencer jusqu’à quel point on tient compte des différents facteurs d’une union de faitNote de bas de page 20 . Je dois être conscient de la nature variable du mariage dans nos sociétés et évaluer les circonstances précises pour décider ensuite si la requérante et J. B. avaient une relation qui ressemblait à un mariageNote de bas de page 21 . Je ne dois pas évaluer la qualité de leur relationNote de bas de page 22 .

[25] Il n’existe pas de définition complète e la cohabitation conjugale. Il s’agit de la manifestation des intentions des parties comme en témoignent les interactions sociales et économiques entre ellesNote de bas de page 23 .

[26] J’ai conclu, non pas sans réticence, que la requérante et J. B. n’étaient pas conjoints de fait au moment de la mort de ce dernier.

[27] Leurs interactions sociales et économiques n’indiquent pas qu’ils avaient l’intention d’établir une union de fait. Après leur séparation, la requérante s’est assuré de séparer leurs affaires financières. Il n’y avait quasiment aucune interaction sociale. Sa relation avec lui se résumait à être une aide-soignante plutôt qu’une conjointe de fait.

[28] De plus, la requérante a défini son état civil comme étant « divorcée », non pas en « union de fait », dans sa demande de pension de la SV et dans sa demande de SRG. J. B. a défini son état civil comme étant « célibataire », non pas en « union de fait », lorsqu’il obtenait des prestations de SRG pendant plus de 20 ans. La Cour d’appel fédérale a affirmé qu’il est raisonnable de décider que des personnes n’étaient pas en union de fait lorsqu’ils se sont décrits comme étant « célibataires » et non « conjoints de fait » aux responsables de l’aide sociale et aux autorités fiscalesNote de bas de page 24 . On ne devrait pas pouvoir se présenter au gouvernement comme étant célibataire pour obtenir des prestations et plus tard se présenter comme étant en union de fait pour obtenir la pension de survivant du RPC.

[29] La requérante se fie aussi aux renseignements reçus lors d’une visite avec J. B. au bureau de Service Canada en 1999. C’est lors de cette visite que le ministre a égalisé leurs cotisations au RPC. Ils ont dit à Service Canada qu’ils voulaient s’assurer qu’ils continueraient à être admissibles à la pension de survivant du RPC comme s’ils étaient toujours mariés. Une lettre écrite à Service Canada à ce moment-là confirme celaNote de bas de page 25 . Toutefois, on décide qui est admissible à la pension en se fiant au RPC, non pas en se fiant à une entente entre les parties. Étant donné qu’ils étaient divorcés, la requérante ne serait admissible à la pension de survivant que si elle était la conjointe de fait de J. B. au moment de sa mort. J’ai décidé qu’elle n’était pas sa conjointe de fait.

[30] La requérante n’a pas démontré qu’il est plus probable qu’improbable que J. B. et elle étaient conjoints de fait au moment de sa mort.

Conclusion

[31] La requérante n’est pas admissible à la pension de survivant du RPC.

[32] L’appel est rejeté.

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