Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : TF c Ministre de l’Emploi et du Développement social et DP, 2021 TSS 685

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale - Section de la sécurité du revenu

Décision

Appelante/Requérante : T. F.
Représentant : Richard Pengelly
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Partie mise en cause : D. P.
Représentante : Tara Vasdani

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision datée du 2 mars 2018 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Anne S. Clark
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 13, 14 et 15 juillet 2021
Personnes présentes à l’audience : Appelante/Requérante
Représentant de l’appelante/requérante
Partie mise en cause
Représentante de la partie mise en cause
Témoins de la partie mise en cause
Date de la décision : Le 8 octobre 2021
Numéro de dossier : GP-21-336

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La requérante, T. F., n’est pas admissible à la pension de survivant du Régime de pensions du Canada (RPC). Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] Le cotisant, S. F., est mort le 17 mai 2017. Au moment de son décès, il était l’époux de la requérante, mais ils étaient séparés depuis octobre 2006. La partie mise en cause, D. P., vivait avec la requérante.

[4] Le ministre a décidé que la partie mise en cause était la conjointe survivante du cotisant et lui a accordé une pension de survivant en vertu du RPC. La requérante a fait appel de la décision devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale et a eu gain de cause.

[5] La partie mise en cause a fait appel de la décision de la division générale devant la division d’appel du Tribunal et a obtenu gain de cause. Le présent appel est la deuxième audience devant la division générale. Je fournirai plus de détails sur les différentes procédures d’appel dans cette décision.

Ce que la requérante a dit

[6] La requérante a affirmé qu’elle estimait que le cotisant n’était pas le conjoint de fait de la partie mise en cause. Elle dit qu’il ne se comportait pas comme s’il était dans une relation sérieuse. La requérante affirme que même si elle était séparée du cotisant, ils sont restés en contact étroit jusqu’à son décès. Elle dit que le cotisant lui parlait toujours des femmes qu’il fréquentait. Elle affirme qu’il lui a dit que la partie mise en cause était son amie. La requérante a déclaré que le cotisant séjournait chez la partie mise en cause en tant qu’ami ou partenaire d’affaires et non en tant que conjoint de fait.

Ce que la partie mise en cause a dit

[7] La partie mise en cause a dit qu’elle a rencontré le cotisant vers 2014 et qu’ils ont eu une relation amoureuse. Au début de 2016, ils ont signé un bail de location pour une propriété en Floride. Ils y ont vécu jusqu’en octobre 2016, date à laquelle ils ont acheté et emménagé dans une autre propriété en Floride. Ils ont vécu en tant que conjoints de fait et, en octobre 2016, se sont fiancés. Le cotisant a fait des voyages d’affaires et des voyages personnels au Canada, mais il habitait avec elle en Floride pendant plus d’un an avant son décès.

 Ce que le ministre a dit

[8] Le ministre a participé aux appels précédents devant la division générale et la division d’appel. Le ministre a déclaré que la partie mise en cause était la conjointe de fait du cotisant au moment de son décès et pendant au moins 12 mois avant son décès. Le Tribunal a envoyé au ministre un avis de toutes les procédures de la nouvelle audience (ou de la deuxième audience) devant la division générale. Le ministre n’a pas participé à l’audience et n’a pas déposé d’observations.

Ce que la décision doit aborder

[9] En tant qu’épouse du cotisant, la requérante serait sa conjointe survivante à moins qu’il ait vécu avec une conjointe de fait au moment de son décès et pendant au moins 12 mois avant son décès. Les parties ont convenu que la seule question en suspens à laquelle je dois répondre en appel est de savoir si, au moment du décès du cotisant, la partie mise en cause était sa conjointe de fait et l’avait été pendant au moins 12 mois.

Questions dont je dois tenir compte en premier

Historique de l’appel

[10] De nombreuses étapes ont conduit à cet appel. Elles ont abouti à des décisions et à des ententes. La preuve et les observations des audiences précédentes font partie du présent appel. Pour éviter toute confusion, j’appellerai cet appel la « nouvelle audience ». Le dossier contient des lettres et des décisions présentant les détails de chaque étape. Je vais fournir un résumé ici en faisant référence à chaque étape précédente.

  • Le 21 septembre 2017 – La requérante a demandé une pension de survivant du RPC. Le ministre a rejeté la demandeNote de bas de page 1 .
  • Le 2 mars 2018 – Le ministre a refusé la demande de révision du rejet de la requéranteNote de bas de page 2 .
  • Le 7 juin 2018 – La requérante a fait appel de la décision découlant de la révision devant la division généraleNote de bas de page 3 .
  • La requérante, la partie mise en cause et le ministre ont déposé des éléments de preuve et des observations à être examinés dans l’appel devant la division générale. La division générale a tenu des audiences orales; la requérante et la partie mise en cause ont présenté des éléments de preuve en plus des documents déposésNote de bas de page 4 .
  • En avril 2020, la division générale a accueilli l’appel de la requérante et a décidé que la partie mise en cause n’était pas la conjointe de fait du cotisant pendant une année complète avant sa mort. La division générale a donc conclu qu’elle n’était pas sa survivante en vertu du RPC.
  • Le 29 janvier 2021 – L’appel de la partie mise en cause devant la division d’appel a été accueilli. La division d’appel a décidé que la division générale a négligé d’offrir un processus équitable puisque la partie mise en cause n’a pas eu suffisamment de temps pour examiner et répondre à tous les éléments de preuve dans un paquet de documents nommé GD12. La division d’appel a dit que la partie mise en cause n’a pas eu la chance de contester de manière appropriée la preuve dans GD12. La division d’appel a ordonné à la division générale de réexaminer l’appel. 

Le processus de la nouvelle audience

[11] La requérante et la partie mise en cause ont participé à chaque étape du processus. Elles avaient tous les deux des représentants. Il était nécessaire de clarifier les questions en appel et le processus de la nouvelle audience. J’ai estimé qu’il était important de donner aux parties l’occasion de participer à l’établissement du processus. Je leur ai donc demandé de se joindre à une conférence préparatoire à l’audience à cette fin.

[12] La requérante et la partie mise en cause se sont entendues sur la plupart des questions du processus. Lorsqu’elles n’étaient pas d’accord, elles ont présenté des observations que j’ai examinées avant de décider comment continuer.

[13] Pour rendre ma décision, j’ai pris en compte tous les éléments de preuve et tous les arguments importants concernant la question en litige en appel. Il ne serait pas pratique et il n’est pas nécessaire de résumer tous les éléments de preuve. Je ferai référence à des éléments de preuve précis lorsqu’il sera nécessaire d’expliquer ma décision ou de fournir des exemples du type de preuves au dossier.

La requérante et la partie mise en cause ont convenu de ce qui suit

[14] Les parties ont convenu de ce qui suit :

  • Elles voulaient que la nouvelle audience soit tenue aussi tôt que possible. Elles ont convenu qu’elle devrait se faire par téléconférence.
  • La seule question en litige en appel est de savoir si la partie mise en cause était la « conjointe de fait » du cotisant au moment de son décès en mai 2017 et pendant au moins 12 mois avant son décès.
  • La requérante était l’épouse du cotisant au moment de son décès donc elle n’a pas besoin de prouver ce fait.
  • Elles ont des copies complètes du dossier de l’appel précédent de la division générale, y compris les transcriptions des audiences, la preuve et les observations. Elles ont confirmé qu’elles ont tous les documents déposés pour cette nouvelle audience.
  • Le dossier de l’audience précédente était complet à l’exception des éléments de preuve supplémentaires que les parties présenteront. Les parties ou les témoins n’auront pas à répéter leur preuve ou leurs observations.
  • Après une discussion détaillée, les parties ont convenu que la requérante n’aurait pas à déposer une copie non éditée du GD12. Elles ont convenu que l’information qui a été caviardée ne devrait pas être incluse dans le dossier.

Quand elles n’étaient pas d’accord

[15] Les parties n’ont pas pu se mettre d’accord sur certaines questions relatives à la preuve et au processus. Dans ces cas, j’ai rendu une décision après avoir examiné les observations.

[16] Les points suivants ont nécessité une décision.

Les messages textes et les courriels de la partie mise en cause

[17] La partie mise en cause a déposé des copies de certains messages textes et courriels qu’elle a échangés avec le cotisant. La requérante a déclaré que les courriels semblaient former une sélection de messages et non une copie complète de tous les messages pendant une période donnée. Elle a demandé une ordonnance exigeant que la partie mise en cause produise une copie complète de tous les courriels et messages textes qu’elle a échangés avec le cotisant au cours de la période pertinente.

[18] La partie mise en cause a déclaré qu’elle ne disposait pas d’une copie complète des messages textes et des courriels. Elle a également avancé qu’on ne devrait pas lui ordonner de présenter ses renseignements personnels. Elle a présenté des informations qu’elle jugeait pertinentes pour l’appel et a soutenu qu’on ne devrait pas lui ordonner de trouver et de présenter tous ses relevés téléphoniques et ses relevés de courriels.

[19] J’ai refusé la demande de la requérante. Le Tribunal n’a pas le pouvoir explicite de contraindre les parties à produire des éléments de preuve. Pour ordonner à une partie de produire des éléments de preuve, je dois être convaincue que j’ai le pouvoir de le faire et que éléments de preuve demandés sont pertinents pour l’appel. La requérante n’a pas précisé quels éléments de preuve pertinents la partie mise en cause retenait. Elle a demandé les documents au cas où ils contiendraient des informations pertinentes. La requérante n’a pas démontré comment les éléments de preuve demandés seraient pertinents pour l’appel.

Témoins supplémentaires

[20] La partie mise en cause a soumis une liste de 17 témoins qu’elle souhaitait interroger au cours de la nouvelle audience. Cela s’ajoutait au temps dont elle avait besoin pour terminer son interrogatoire et son contre-interrogatoire concernant GD12. Elle a dit qu’elle avait besoin d’une demi-journée pour terminer l’examen concernant GD12 et pas plus d’une journée pour le témoignage supplémentaire.

[21] La requérante n’a pas accepté les témoins supplémentaires. Elle a soutenu qu’il s’agissait d’une tentative d’avoir une nouvelle audience et que la partie mise en cause voulait [traduction] « peaufiner » l’affaire précédente parce qu’elle n’avait pas obtenu gain de cause. La requérante a également dit qu’elle pourrait avoir besoin d’une demi-journée pour présenter des témoignages supplémentaires de témoins qui n’ont pas participé à l’audience précédente.  

[22] La division d’appel a conclu que le processus antérieur n’était pas équitable, notamment parce que la partie mise en cause n’a pas eu l’occasion d’examiner les informations contenues dans le GD12 et d’y répondre. La partie mise en cause a dit que les témoins parleraient tous de ce qu’ils savent de la relation qu’elle a entretenue avec le cotisant l’année avant son décès. L’information contenue dans le document GD12 comprend des renseignements sur les relations du cotisant avec d’autres personnes, ses conditions de vie et ses messages concernant ses conditions de vie. Étant donné que la division d’appel a conclu que la partie mise en cause n’a pas eu l’occasion de répondre à la preuve contenue dans le document GD12, j’ai estimé qu’il était raisonnable de lui donner l’occasion de présenter des preuves supplémentaires.

[23] Étant donné la quantité d’informations dans le dossier, il était raisonnable de consacrer jusqu’à une journée à la preuve pour permettre à la partie mise en cause de répondre aux questions soulevées dans le GD12. De plus, la requérante aurait l’occasion de présenter des preuves supplémentaires pour répondre aux nouveaux témoins après avoir examiné le résumé des témoignages.

Erreurs dans les observations présentées après l’audience de la partie mise en cause  

[24] La partie mise en cause a fait référence à des numéros de page incorrects dans ses observations. Par exemple, elle a dit que les éléments de preuve concernant les frais funéraires du cotisant se trouvent à la page GD7. La page GD7 correspond aux observations du ministre. Il se peut que la partie mise en cause ait voulu dire GD6 et qu’il s’agisse d’une simple erreur typographique. Elle a aussi fait référence à GD28 et a utilisé à tort les numéros d’« onglet » plutôt que les numéros de pièces. Toutefois, je suis convaincue que je dispose de toutes les informations et preuves auxquelles la partie mise en cause a fait référence dans ses observations. Je suis également convaincue que la requérante possède toutes les informations et pourrait reconnaître les preuves auxquelles la partie mise en cause fait référence dans ses observations. Il n’y a aucune raison de retarder l’appel pour corriger des erreurs typographiques.

Motifs pour ma décision

Ce que le RPC dit au sujet de la pension de survivant

[25] Une pension de survivant du RPC est payable à la personne qui a la qualité de survivant d’un cotisant qui a versé des cotisations de base pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA)Note de bas de page 5 . Il n’y a pas de problèmes concernant les cotisations de base du cotisant.  

[26] Un « survivant » est l’époux ou l’épouse du cotisant ou de la cotisante au décès de cette dernière personne. Toutefois, si la personne cotisante avait un conjoint ou une conjointe de fait au moment de son décès, le « survivant » est le conjoint de faitNote de bas de page 6 .

[27] Le terme « conjoint de fait » signifie une personne qui cohabitait avec le cotisant dans une relation conjugale depuis au moins un an au moment du décès du cotisantNote de bas de page 7 . Autrement dit, ils vivaient dans une relation semblable à un mariage pendant l’année complète qui précédait le décès du cotisantNote de bas de page 8 .

[28] Les facteurs suivants indiquent l’existence d’une relation conjugale entre deux personnes qui cohabitaientNote de bas de page 9  :

  1. le partage d’un toit, notamment le fait que les parties vivaient sous le même toit ou partageaient le même lit ou le fait que quelqu’un d’autre habitait chez elles;
  2. les rapports sexuels et personnels, notamment le fait que les parties avaient des relations sexuelles, étaient fidèles l’une à l’autre, communiquaient bien entre elles sur le plan personnel, prenaient leurs repas ensemble, s’entraidaient face aux problèmes ou à la maladie ou s’offraient des cadeaux;
  3. les services, notamment le rôle des parties dans la préparation des repas, le lavage, les courses, l’entretien du foyer et d’autres services ménagers;
  4.  les activités sociales, notamment le fait que les parties participaient ensemble ou séparément aux activités du quartier ou de la collectivité et leurs rapports avec les membres de la famille de l’autre;
  5. l’image sociétale, notamment l’attitude et le comportement de la collectivité envers chacune des parties, considérées en tant que couple;
  6. le soutien, notamment les dispositions financières prises par les parties pour ce qui était de fournir les choses nécessaires à la vie et la propriété de biens; et

[29] l’attitude et le comportement des parties à l’égard des enfants.

Je conclus que la partie mise en cause et le cotisant étaient conjoints de fait au moment du décès du cotisant (mai 2017)

[30] La partie mise en cause a présenté des éléments de preuve provenant de personnes qui les connaissaient, en tant que couple, lorsqu’ils vivaient en Floride. À partir de février 2016, la partie mise en cause et le cotisant ont rencontré leur propriétaire et ont signé un bail pour la propriété locative dans laquelle ils allaient vivre. Le propriétaire pensait qu’ils formaient un couple. Il a dit qu’ils lui ont parlé de leurs projets d’acheter une maison dans le même quartier.

[31] Des voisins et des collègues ont témoigné qu’ils connaissaient la partie mise en cause et le cotisant en tant que couple dès février 2016. L’ancien employeur de la partie mise en cause était de l’avis qu’elle était dans une relation qui ressemblait à un mariage. Le cotisant lui rendait visite sur son lieu de travail et était considéré comme son partenaire. Un membre du conseil d’administration les a aidés à trouver des meubles pour leur maison.

[32] Socialement, ils assistaient régulièrement à des événements en tant que couple et parlaient de leurs projets d’avenir. Ils organisaient des événements à leur domicile. La sœur de la partie mise en cause a entendu la partie mise en cause parler du cotisant pendant plusieurs années. Elle leur a rendu visite en Floride et a séjourné dans leur maison.

[33] Les conseillers financiers ont témoigné de leurs projets financiers, notamment l’achat d’une maison ensemble. Le directeur de la banque et le courtier en hypothèques les voyaient comme un couple. Le directeur de la banque a affirmé qu’il a connu la partie mise en cause et le cotisant de mars/avril 2016 à avril 2017, date à laquelle il a changé d’emploi. Il a aidé la partie mise en cause à ouvrir son compte bancaire en mars 2016. Il a aidé le cotisant à ouvrir son compte en avril 2016. Ils lui ont demandé d’organiser un prêt hypothécaire lorsqu’ils ont acheté leur maison. Il n’a pas été en mesure de travailler avec eux pour organiser un prêt hypothécaire et il les a orientés vers le courtier en prêts hypothécaires. Ce dernier a dit avoir commencé à travailler avec eux en juillet ou août 2016.

[34] Un témoin a déclaré avoir rencontré le cotisant en Ontario au début de 2016 et a affirmé catégoriquement avoir vu la partie mise en cause et le cotisant à la salle de sport en Ontario au moins deux fois par semaine pendant l’année suivante. J’estime que le témoignage de ce témoin n’est pas plausible. Sa déclaration est contraire à tous les autres témoignages et à la preuve au dossier. La partie mise en cause et le cotisant ont vécu en Floride dans des maisons (en tant que locataires et propriétaires) à partir du début de février 2016. Même si le cotisant est revenu au Canada pendant certaines périodes, il n’était pas en Ontario chaque semaine du début de 2016 au début de 2017. De même, la preuve démontre que la partie mise en cause est restée en Floride pendant toute cette période. Rien n’explique l’erreur de ce témoin. Pour cette raison, j’estime que je ne peux pas me fier à sa déclaration. Je ne tiendrai pas compte de son témoignageNote de bas de page 10 .

[35]  La preuve au dossier montre que le cotisant et la partie mise en cause ont partagé une résidence depuis, au moins, février 2016, date à laquelle ils ont signé le bail. Il existe des éléments de preuve indiquant qu’ils avaient des relations sexuelles et se sont comportés comme un couple dans une relation qui ressemblait à un mariage. Tous les témoins qui se sont rendus à leur domicile savaient qu’ils le partageaient en tant que couple. Ils partageaient une chambre à coucher, les responsabilités ménagères et se présentaient comme un couple. Ils assistaient à d’autres événements en tant que couple et se présentaient mutuellement comme des partenaires. Dans leur communauté, leurs affaires et leur cercle social, ils étaient considérés comme ayant une relation qui ressemblait à un mariage depuis février 2016.

La partie mise en cause et le cotisant étaient dans une union de fait pendant plus d’un an même s’ils ne vivaient pas tout le temps dans la même résidence   

[36] Le mot « cohabitation » n’est pas synonyme de « co-résidence ». Cela signifie que deux personnes peuvent cohabiter même si elles ne vivent pas sous le même toitNote de bas de page 11 . Une union de fait prend fin lorsque l’une ou l’autre des parties la considère comme terminée et affiche un comportement qui démontre, de manière convaincante, que cet état d’esprit particulier a un caractère définitifNote de bas de page 12 .

[37] Il y a eu des périodes où la partie mise en cause et le cotisant ont été temporairement séparés. Le cotisant s’est rendu au Canada pour des raisons familiales et personnelles. Les périodes où il s’est absenté de son domicile en Floride ressemblaient davantage à des voyages personnels ou d’affaires. Rien ne permet de conclure qu’il avait l’intention de mettre fin à son union de fait avec la partie mise en cause.

[38] La preuve a démontré que le cotisant utilisait différentes adresses postales pour différentes raisons. Il utilisait son adresse en Floride pour ses affaires immobilières et financières, l’adresse de la requérante pour certaines affaires d’assurances et pour sa correspondance professionnelle, et finalement l’adresse postale de sa mère pour d’autres affaires.

[39] La relation entre la partie mise en cause et le cotisant changeait très peu lorsqu’ils n’étaient pas ensemble. Les conditions de vie étaient temporaires et ils n’ont pas démontré, par leur comportement, qu’ils avaient l’intention de mettre fin à leur relation. Lorsque le cotisant était au Canada, il a continué à écrire à la partie mise en cause et à planifier son retour. Les messages qu’ils se sont envoyés démontrent leur intention de poursuivre leur relation à son retour.

La preuve ne soutient pas les affirmations de la requérante

[40] La requérante soutient qu’il y a suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que le cotisant n’avait pas l’intention de vivre en union de fait avec la partie mise en cause. Elle estime que lorsque le cotisant était au Canada, ses actions démontraient son intention de vivre comme une personne célibataire et non comme le conjoint de fait de la partie mise en cause. Selon elle, une union de fait n’est possible que lorsque les deux parties démontrent par leurs paroles et leurs actes qu’elles ont l’intention d’être considérées comme des conjoints de fait.

[41] La requérante a déclaré que le cotisant n’a pas démontré au cours de l’année avant son décès qu’il avait l’intention de vivre en union de fait avec la personne mise en cause. Elle dit que les faits prouvent qu’il n’était pas sérieusement engagé envers la partie mise en cause. Voici les faits :

  • Il vivait dans la maison de sa mère en mars 2016.
  • Il était dans une relation sérieuse avec une autre femme jusqu’en juin 2016.
  • Il a renoué avec une ancienne amante pendant les cinq ou six dernières semaines de sa vie.  
  • Il était dans une relation à distance sérieuse avec une troisième femme. 
  • L’alliance qu’il a donnée à la partie mise en cause n’avait pas de valeur.  

[42] La requérante a déclaré que le cotisant se fiait à elle financièrement et émotionnellement. Il était en contact constant avec elle et il parlait rarement de la partie mise en cause. Il n’a pas dit qu’ils avaient une relation sérieuse. Mais ce n’est pas ainsi qu’il a présenté sa relation aux autres.

[43] La requérante soutient que les amis et la famille du cotisant le connaissent depuis beaucoup plus longtemps que ses amis et ses connaissances en Floride. Elle semble suggérer que je devrais préférer leurs opinions concernant la relation du cotisant parce qu’ils l’ont connu plus longtemps. Je ne suis tout simplement pas d’accord avec la requérante. En fait, ses amis et ses connaissances en Floride le connaissaient pendant la période en question. Comme indiqué précédemment, la question est de savoir si le cotisant était le conjoint de fait de la partie mise en cause en mai 2017 et pendant au moins un an auparavant. Ce qui est important, c’est la façon dont il a agi pendant cette période et s’il a démontré l’intention de vivre dans une relation semblable à un mariage avec la partie mise en cause.

[44] Il est clair que les actions du cotisant durant ses visites au Canada montrent qu’il n’était pas honnête avec de nombreuses personnes, y compris la requérante et la partie mise en cause. Sa fidélité n’était pas claire et, pour ses amis et sa famille au Canada, il semblait être une personne malhonnête et déloyale. La requérante lui a pardonné ses actions et les a attribuées à ses problèmes de santé mentale.

[45] Lorsque le cotisant était en Floride, il était perçu par la communauté comme une personne très différente. On le décrit comme étant loyal, honnête, dévoué à la partie mise en cause, amusant, heureux et décidé à vivre en Floride avec elle.

[46] Le cotisant avait une résidence en Floride à partir de février 2016. Une témoin a déclaré qu’elle les avait aidés (la partie mise en cause et le cotisant) à trouver la propriété à louerNote de bas de page 13 . Ils ont signé un bail en février 2016Note de bas de page 14 et un voisin les a aidés à trouver des meubles. Les voisins, les collègues et les entreprises les voyaient comme un couple. Proches, affectueux et se soutenant mutuellement.

[47] La requérante affirme que la partie mise en cause manque de crédibilité parce qu’elle a menti et a déposé des documents falsifiés pour avoir accès à la succession du cotisant et à des prestations de décès potentielles. Je n’ai pas le pouvoir d’enquêter sur ces allégations. De plus, une agence autorisée à enquêter sur la question n’a trouvé aucune preuve appuyant ces allégations. Si la requérante avait prouvé que la partie mise en cause n’était pas honnête quant à ses transactions relatives à la succession du cotisant, cela affecterait sa fiabilité en tant que témoin. Cela pourrait affecter le fait que je l’accepte ou non comme témoin crédible. Toutefois, cela n’affecte pas la crédibilité des nombreux témoins qui ont témoigné de leurs observations personnelles et de leurs contacts avec la partie mise en cause et le cotisant.

Est-ce que le manque de fidélité du cotisant montre qu’il n’avait pas l’intention d’être le conjoint de fait de la partie mise en cause?

[48] La requérante a présenté plusieurs éléments de preuve concernant le manque de fidélité et la malhonnêteté du cotisant. Elle prétend que cela prouve qu’il n’avait pas l’intention de vivre en union de fait avec la partie mise en cause. La question que je dois examiner n’est pas de savoir si le cotisant était une personne bonne ou honnête. La seule question à laquelle il faut répondre est de savoir si le cotisant et la personne mise en cause ont vécu en union de fait pendant au moins un an avant son décèsNote de bas de page 15 .

[49] La requérante souligne ce que les témoins ont dit au sujet des autres relations du cotisant. Une témoin a dit qu’elle était dans une relation avec le cotisant pendant « plusieurs mois » entre mars et juillet 2016. Elle a dit qu’ils étaient ensemble jour et nuit, sauf s’il était avec la requéranteNote de bas de page 16 . Le frère du cotisant a dit que le cotisant était malheureux en FlorideNote de bas de page 17 . Sa mère a dit qu’il avait une petite amie qui lui a rendu visite chez elle en juin 2016 et qu’il sortait avec une autre femme à l’hiver 2016. Elle a dit qu’il est « retourné » en Floride à la fin du mois de juin 2016. Elle a ensuite déclaré que le cotisant vivait avec elle du printemps 2016 à mars 2017Note de bas de page 18 .

[50] Selon la requérante, la mère du cotisant, le frère du cotisant et plusieurs autres femmes, le cotisant a eu des contacts étroits intimes avec plusieurs femmes de mars à juin 2016 environ. C’est également à cette époque qu’il aurait entamé une relation à distance sur Internet avec une autre femme. Selon cette femme, il avait l’intention de déménager en Oregon et de l’épouser.

[51] En février 2016, le cotisant et la partie mise en cause ont conclu un contrat de location en Floride pour une maison. À un moment donné au printemps 2016, il s’est rendu au Canada et a séjourné chez sa mère. Le nombre de voyages qu’il a effectués entre le Canada et la Floride au cours de ces mois n’est pas clair. Il aurait rencontré ou repris contact avec d’anciennes amantes et essayé de contacter une troisième [traduction] « petite amie » pour tenter d’établir une relation. La requérante prétend qu’il était instable et qu’il ne pouvait pas maintenir une relation durable avec qui que ce soit.

[52] La requérante a également déclaré qu’il y avait une autre femme qui disait avoir eu une relation avec le cotisant pendant qu’il vivait en Floride. Elle estimait qu’ils avaient une relation sérieuse. Elle affirme qu’ils avaient l’intention d’être ensemble dès que le cotisant serait en mesure de se déplacer jusqu’à chez elle. Après la mort du cotisant, elle a publié des photos et des lettres à son sujet et a dit qu’ils avaient l’intention de se marier.

[53] Il est vrai qu’une attitude de fidélité envers une autre personne peut démontrer l’intention de vivre dans une relation engagée. Toutefois, de nombreux facteurs peuvent démontrer l’intention d’une personne de vivre dans une union de fait. Le cotisant a vécu avec la partie mise en cause, a loué une maison et a ensuite acheté une maison avec elle. Il la traitait comme sa partenaire en public et lors des rencontres sociales à leur domicile. Tous ces faits me portent à croire qu’il avait l’intention de vivre en union de fait pendant au moins un an avant son décès.

[54] Les allégations selon lesquelles le cotisant n’a pas maintenu une attitude de fidélité envers la partie mise en cause peuvent avoir éventuellement affecté leur relation, mais depuis au moins mai 2016 jusqu’à son décès en mai 2017, lui et la partie mise en cause étaient des conjoints de fait. La partie mise en cause est sa conjointe survivante au sens du RPC.

Conclusion

[55] Je conclus que la requérante n’est pas la conjointe survivante du cotisant et n’est pas admissible à la pension de survivant du RPC.

[56] Cela signifie que l’appel est rejeté.

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