Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : TL c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 663

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Partie demanderesse : T. L.
Partie défenderesse : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 10 octobre 2021 (GP-21-1401)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 5 novembre 2021
Numéro de dossier : AD-21-356

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Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée parce que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse, T. L. (requérante), fait appel de la décision de la division générale. La division générale a jugé que la requérante et son ancien époux G. S. n’étaient pas conjoints de fait lorsqu’il est décédé en septembre 2020. Par conséquent, la division générale a conclu que la requérante n’était pas admissible à la prestation de survivant du Régime de pensions du Canada.

[3] La requérante soutient que la division générale a commis une erreur de fait importante en ignorant des éléments de preuve importants. Elle fait valoir que la division générale a appliqué une [traduction] « définition désuète » en concluant qu’elle et G. S. n’étaient pas conjoints de fait. Elle dit qu’en se fondant sur une [traduction] « définition désuète », le membre de la division générale a fait preuve de discrimination à son endroit en raison de sa situation familialeNote de bas de page 1 .

[4] Je dois décider si l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 2 . Le fait d’avoir une chance raisonnable de succès équivaut à avoir une cause défendableNote de bas de page 3 .

Questions en litige

[5] Les questions en litige sont les suivantes :

  • Peut-on soutenir que la division générale a ignoré des éléments de preuve importants concernant la relation de la requérante avec son ancien époux?
  • Peut-on soutenir que la division générale s’est fondée sur une [traduction] « définition désuète » lorsqu’elle a décidé qu’elle n’était pas une conjointe de fait?

Analyse

[6] La division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès avant d’autoriser une partie demanderesse à aller de l’avant avec son appel. Il existe une chance raisonnable de succès si un certain type d’erreur est commisNote de bas de page 4 . La division générale doit avoir commis l’une des erreurs suivantes, c’est-à-dire qu’elle doit avoir :

  1. a) omis de s’assurer que le processus était équitable;
  2. b) omis de trancher une question qu’elle aurait dû trancher, ou tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  3. c) commis une erreur de droit;
  4. d) fondé sa décision sur une erreur de fait importante. (L’erreur doit avoir été commise de façon abusive ou arbitraire, ou sans que la division générale ait tenu compte des éléments portés à sa connaissance.)

[7] Une fois qu’une partie demanderesse obtient la permission de la division d’appel, elle peut passer à l’appel en tant que tel. La division d’appel décide alors si la division générale a commis une erreur et, dans l’affirmative, décide de la manière de corriger cette erreur.

Peut-on soutenir que la division générale a ignoré des éléments de preuve importants?

[8] La requérante soutient que la division générale a ignoré des éléments de preuve importants, bien qu’elle n’ait cerné aucun de ces éléments de preuve.

[9] La requérante a énuméré certaines des raisons qui, selon elle, démontrent qu’elle était la conjointe de fait du défuntNote de bas de page 5  :

  • Ils n’ont jamais annulé leur mariage auprès de leur église. L’Église catholique considérait donc qu’ils étaient toujours mariés. Ni l’une ni l’autre n’a épousé ou n’a vécu avec une autre personne.
  • Ils détenaient un compte bancaire conjoint.
  • Elle l’a inscrit comme étant son époux dans son régime d’avantages sociaux pendant les dix ans au cours desquels elle a travaillé dans le Nord.
  • Le défunt l’a nommée exécutrice et bénéficiaire dans ses testaments, avant et après leur divorce.
  • Il l’a demandée en mariage à quelques reprises après qu’ils ont divorcé.
  • Il lui a donné de l’argent chaque mois.
  • Ils prenaient des repas ensemble et il lui apportait souvent à manger.
  • Il tondait son gazon et déneigeait son allée chaque hiver.
  • Ils ont passé chaque Noël ensemble, ainsi que la plupart des fêtes. Il apportait des cadeaux et organisait des fêtes d’anniversaire pour elle. Elle lui donnait aussi des cadeaux pour son anniversaire et célébrait cette occasion avec lui.
  • Ils partageaient les responsabilités vis-à-vis leurs enfants et petits-enfants.

[10] Lorsqu’elle a déposé son appel devant la division générale, elle a ajouté les éléments suivants :

  • Elle a habité la maison du défunt à divers moments après leur divorce. Elle est restée avec lui les jours de congé, pendant l’été, durant sa convalescence après son hystérectomie et à d’autres occasions.
  • Elle voyait à l’entretien de sa maison quand il avait besoin d’aide. Elle a reverni ses armoires de chêne, a peint sa maison et a fait un peu d’entretien ménager. Il s’est occupé de sa maison quand elle a enseigné dans le Nord.
  • Bien qu’étant divorcés, ils ont maintenu une relation aimante. Il a toujours voulu la soutenir.
  • Ils se voyaient plusieurs fois par semaine et se parlaient constamment au téléphone.
  • Il lui a donné de l’argent pour une mise de fonds sur sa première maison. Au cours de sa dernière année, il a acheté une laveuse pour sa maison et a payé pour faire refaire sa toiture.
  • Elle a organisé ses funérailles et a coordonné une [traduction] « célébration de la vie » pour la famille et les amis.

[11] Les enfants de la requérante et du défunt ont fait une déclaration, confirmant une bonne partie de ce que leur mère a écrit sur sa relation avec leur père. Ils ont décrit la relation entretenue par leurs parents comme ayant été [traduction] « unique et aimanteNote de bas de page 6  ».

[12] La division générale a examiné la majorité, sinon la totalité, de ces éléments de preuve lorsqu’elle a évalué si la requérante et son ancien époux vivaient en union de fait pendant au moins un an, jusqu’à ce qu’il décède.

[13] La division générale a accepté que la requérante et G. S. passaient beaucoup de temps ensemble, y compris avec leurs enfants, les jours de congé et à d’autres moments. La division générale a aussi reconnu qu’ils faisaient des tâches ménagères l’un pour l’autre, et que G. S. lui a donné de l’argent pour un acompte en vue de l’achat de sa maison, a payé la toiture, a acheté et installé une laveuse, et lui a envoyé de l’argent [traduction] « par-ci par-là ». La division générale a accepté le fait que la requérante et G. S. détenaient un compte bancaire conjoint, mais le membre a souligné qu’ils ne l’avaient pas utilisé depuis leur séparation en 2003.

[14] La division générale a également accepté que G. S. avait nommé la requérante exécutrice et bénéficiaire dans son testament. Il a cependant fait ce testament en 1993, bien avant qu’ils se séparent. La division générale a aussi admis que G. S. a rédigé un second testament, nommant la requérante à titre d’exécutrice, et leurs enfants à titre de bénéficiaires, mais il n’a jamais signé ce deuxième testament. La division générale a noté le témoignage de la requérante selon lequel, après le décès de G. S., elle a signé des documents transférant les biens de ce dernier à leurs enfants.

[15] La division générale a aussi admis la preuve de la requérante selon laquelle et a séjourné au domicile de G. S. après qu’ils ont divorcé. La division générale a toutefois conclu qu’elle n’était pas restée là pendant la période visée. De plus, G. S. n’a jamais séjourné chez la requérante. La division générale a également reconnu le fait que la requérante envisageait les deux demandes en mariage faites par G. S. en 2020, mais qu’il est décédé subitement.

[16] Le seul élément de preuve que la division générale n’a pas abordé était le fait que la requérante et G. S. n’ont pas demandé l’annulation de leur mariage. Le membre savait que la requérante et G. S. n’ont pas fait annuler leur mariageNote de bas de page 7 . Le membre a cependant signalé qu’il ne trouvait pas ce fait pertinent. Il a expliqué que l’absence d’annulation ne conférait aucun statut à la requérante et à son ancien époux aux fins du Régime de pensions du Canada. La requérante n’indique d’aucune façon que ce seul fait était d’une importance telle que le membre aurait dû l’aborder dans sa décision.

[17] Comme la division générale a abordé tous les autres faits que la requérante et ses enfants ont soulevés (à part la question de l’annulation), je ne suis pas convaincue que la division générale a ignoré des éléments de preuve importants.

[18] Il se peut que la requérante laisse entendre que la division générale aurait dû accorder plus de poids à certains facteurs, comme le fait que G. S. subvenait à ses besoins financiers et l’avait demandée en mariage. Il est bien établi, toutefois, que le poids accordé à la preuve relève de la division générale à titre de juge des faitsNote de bas de page 8 .

[19] Je ne suis pas convaincue que la requérante ait une cause défendable selon laquelle la division générale a ignoré des éléments de preuve importants.

Peut-on soutenir que la division générale s’est fondée sur une [traduction] « définition désuète » du terme « conjoint de fait »?

[20] La requérante soutient que la division générale s’est fondée sur une [traduction] « définition désuète » lorsqu’elle a décidé qu’elle n’était pas une conjointe de fait.

[21] La requérante n’a pas de cause défendable à ce sujet. Tant que le Régime de pensions du Canada n’est pas modifié, la division générale doit appliquer la définition d’un conjoint de fait qui est prévue dans ce texte de loi, même si la requérante affirme qu’elle est désuète.

[22] Voici la définition que donne le Régime de pensions du Canada du terme « conjoint de fait » :

La personne qui, au moment considéré, vit avec un cotisant dans une relation conjugale depuis au moins un an. Il est entendu que, dans le cas du décès du cotisant, « moment considéré » s’entend du moment du décèsNote de bas de page 9 .

[23] La division générale a reconnu que les couples non mariés peuvent présenter une infinité de variations quant à leurs arrangements. En effet, la division générale a admis que la séparation causée par une relation de violence ne mettrait pas fin à l’union de fait, pourvu qu’il y ait eu une intention mutuelle de continuer à vivre ensemble dans une relation semblable au mariage. Cependant, comme la division générale l’a correctement reconnu également, le Régime de pensions du Canada exige un [traduction] « élément de cohabitation avec la personne cotisante dans une relation conjugale ».

[24] La requérante soutient aussi que la définition de « conjoint de fait » est discriminatoire. Elle fait valoir qu’il faudrait l’élargir, pour qu’elle tienne compte de relations comme la sienne. Elle a été mariée à G. S. pendant 20 ans et ni l’une ni l’autre ne s’est remarié. Il voulait se remarier avec elle. Elle a maintenu une relation étroite avec lui.

[25] Toutefois, il s’agit de la première fois où la requérante a fait valoir que la définition de « conjoint de fait » est discriminatoire. En général, les parties requérantes ne devraient pas soulever des arguments similaires pour la première en appel fois devant la division d’appel.

[26] Il y a un certain pouvoir discrétionnaire pour permettre à une partie demanderesse de soulever une question pour la première fois en appel devant la division d’appel. Il faut tenir compte de l’ensemble des circonstances, dont la « teneur du dossier, l’équité envers toutes les parties, l’importance que la question soit résolue par la Cour, le fait que l’affaire se prête ou non à une décision et les intérêts de l’administration de la justice en généralNote de bas de page 10  ».

[27] Ici, il y a peu ou pas d’éléments de preuve à ce sujet et la division générale n’a tiré aucune conclusion de fait sur la question. C’est insuffisant pour alléguer qu’il y a eu discrimination. Le ministre subirait probablement un préjudice si l’appel était instruit sur la question constitutionnelle à ce stade-ci. Je note également que la requérante n’a pas respecté les conditions relatives au dépôt d’un avis prévues à l’article 20(1)(a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, même si ce seul facteur n’aurait pas permis de décider s’il y avait lieu de prendre en considération la question constitutionnelle.

[28] Compte tenu de l’ensemble de ces facteurs, il serait inapproprié de trancher la question constitutionnelle à ce stade-ci.

Conclusion

[29] La requérante n’a pas de cause défendable selon laquelle la division générale a commis des erreurs de droit ou de fait. En conséquence, la permission de faire appel est refusée. Autrement dit, l’appel n’ira pas de l’avant. L’appel de la requérante devant la division d’appel se termine ici.

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