Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : TL c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 664

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante :(requérante) T. L.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 31 mars 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raymond Raphael
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 7 octobre 2021
Personne présente à l’audience : Appelante (requérante)
Date de la décision : Le 10 octobre 2021
Numéro de dossier : GP-21-1401

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Décision

[1] La requérante et son ancien époux G. S. n’étaient pas conjoints de fait lorsqu’il est décédé. Elle n’est pas admissible à la prestation de survivant du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] La requérante et G. S. se sont mariés en avril 1984. Ils se sont séparés en 2003. La requérante dit que c’est arrivé en raison de l’alcoolisme de G. S. et de sa violence psychologique. Ils ont divorcé en janvier 2005. G. S. est décédé en septembre 2020. En octobre 2020, la requérante a demandé la pension de survivant du RPCNote de bas de page 1 . Même s’ils habitaient des résidences distinctes, la requérante a déclaré qu’elle et G. S. étaient conjoints de fait de 2017 jusqu’au décès de G. S. en septembre 2020. Le ministre a rejeté la demande initialement et après révision. La requérante a fait appel devant le Tribunal de la sécurité sociale. 

[3] Le ministre reconnaît que la requérante et G. S. faisaient tous deux partie de la vie de l’autre lorsqu’il est décédé. Cependant, la preuve n’établit pas qu’ils étaient conjoints de fait.

Question en litige

[4] Je dois décider s’il est plus probable qu’improbable que la requérante et G. S. étaient conjoints de fait lorsqu’il est décédé. 

Récit de la requérante 

[5] La requérante a déclaré avoir quitté G. S. en 2003 parce qu’il était alcoolique et psychologiquement violent. Elle a emménagé en appartement avec leur fils. G. S. est resté dans leur maison de St. Sault Marie jusqu’à son décès. Elle a d’abord emménagé en appartement, puis dans une maison. G. S. lui a donné 13000 $ pour l’achat de la maison. Après leur divorce en 2005, elle a surtout habité très loin de St. Sault Marie et a travaillé comme enseignante. Son dernier poste d’enseignante était près de Timmins (à environ cinq heures de route). Elle a travaillé là-bas de 2009 à 2014.

[6] En 2014, son emploi a pris fin et elle est revenue vivre à St. Sault Marie. Elle a acheté et a emménagé dans une maison située à environ trois minutes de chez G. S. De 2005 à 2014, elle et G. S. étaient bons amis, mais ils n’étaient pas conjoints de fait. Après 2014, leur relation a commencé à changer. Elle croit qu’ils vivaient en union de fait de 2017 jusqu’au décès de G. S. en septembre 2020.

Analyse

[7] Pour être admissible à la pension de survivant du RPC, la requérante doit établir qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle et G. S. étaient conjoints de fait lorsqu’il est décédé. Elle doit également établir qu’ils avaient vécu ensemble pendant une période continue d’au moins un anNote de bas de page 2

[8] La Cour fédérale a affirmé que les facteurs qui indiquent l’existence d’une relation conjugale sont les suivantsNote de bas de page 3  :

  1. 1) le partage d’un toit, notamment le fait que les parties vivaient sous le même toit ou partageaient le même lit ou le fait que quelqu’un d’autre habitait chez elles;
  2. 2) les rapports sexuels et personnels, notamment le fait que les parties avaient des relations sexuelles, étaient fidèles l’une à l’autre, communiquaient bien entre elles sur le plan personnel, prenaient leurs repas ensemble, s’entraidaient face aux problèmes ou à la maladie ou s’offraient des cadeaux;
  3. 3) les services, notamment le rôle des parties dans la préparation des repas, le lavage, les courses, l’entretien du foyer et d’autres services ménagers;
  4. 4) les activités sociales, notamment le fait que les parties participaient ensemble ou séparément aux activités du quartier ou de la collectivité et leurs rapports avec les membres de la famille de l’autre;
  5. 5) l’image sociétale, notamment l’attitude et le comportement de la collectivité envers chacune des parties, considérées en tant que couple;
  6. 6) le soutien, notamment les dispositions financières prises par les parties pour ce qui était de fournir les choses nécessaires à la vie et la propriété de biens;
  7. 7) l’attitude et le comportement des parties à l’égard des enfants.

[9]  Je dois me concentrer sur la période allant de 2017 à septembre 2020 (période visée) puisque, d’après la requérante, il s’agit de la période au cours de laquelle elle et G. S. étaient conjoints de fait.

[10] J’aborderai maintenant chacun des facteurs énoncés ci-dessus au cours de la période visée.

Partage d’un toit 

[11] Ils habitaient des résidences séparées à environ trois minutes l’une de l’autre. La requérante a affirmé qu’elle ne pouvait pas vivre sous le même toit que G. S. en raison de son alcoolisme et de son tempérament contrôlant. Leur relation fonctionnait parce qu’ils ne vivaient pas ensemble. Même si elle a parfois séjourné chez lui après leur divorceNote de bas de page 4 , elle n’est pas restée là au cours de la période visée. Il n’a jamais logé chez elle.

Rapports sexuels et personnels 

[12] Ils n’avaient pas de rapports sexuels. La requérante a dit que c’était parce que G. S. était atteint de dysfonction érectile. Ni l’un ni l’autre n’entretenait une relation avec une autre personne. Ils se voyaient environ trois fois par semaine. Ils communiquaient aussi par téléphone et par texto. Ils se rendaient ensemble chez leur fils. À Noël, ils dormaient là-bas. La requérante ne partageait pas une chambre avec G. S. parce qu’il s’évanouissait sur le canapé. G. S. l’a demandée en mariage à deux reprises en 2020. Il lui a dit qu’il ne leur serait pas nécessaire de vivre ensemble. Elle a envisagé cela, mais il est décédé subitement.

Services

[13] Parfois, ils préparaient des repas l’un pour l’autre et mangeaient ensemble. Il a payé la réparation du toit de la maison de la requérante. Il a acheté et installé une machine à laver pour sa maison. Il a déneigé son allée. Il lui a montré à conduire une tondeuse pour tondre le gazon. Elle a peint la maison de G. S. Ils célébraient les anniversaires et les fêtes ensemble. Ils échangeaient des cadeaux à Noël et lors des anniversaires.

Activités sociales et image sociétale 

[14] Ils ne participaient à aucune activité sociale ensemble. La requérante avait de l’anxiété sociale et ne sortait pas. La seule activité sociale de G. S. consistait à aller boire un verre avec ses [traduction] « copains ».

Soutien et dispositions financiers 

[15] Ils avaient des comptes bancaires séparés et ne mélangeaient pas leurs finances. Même s’ils avaient un compte bancaire conjoint, on ne l’avait pas utilisé depuis leur séparation en 2003. G. S. lui envoyait des versements mensuels irréguliers. Il lui envoyait environ 150 $ [traduction] « par-ci par-là ». Pendant les deux mois ayant précédé son décès, G. S. lui a envoyé 500 $ par mois. Même s’il était inscrit à son régime de soins de santé, les avantages de la requérante ont pris fin en 2014 lorsqu’elle a cessé d’enseigner. Elle s’est occupée de toutes les dispositions pour ses funérailles.

[16] La requérante a fourni des copies de deux testaments de G. SNote de bas de page 5 . Elle était l’exécutrice testamentaire et la bénéficiaire selon le premier testament ayant été rédigé en juillet 1993. Ce testament datait de bien avant leur séparation et leur divorce l’a automatiquement révoqué. Le deuxième testament datait d’octobre 2015. La requérante était l’exécutrice testamentaire, mais leurs enfants étaient les bénéficiaires. Cependant, G. S. n’a jamais signé ce testament. Je ne suis pas en mesure de tirer des conclusions de ce document non signé, qui date d’environ 10 ans après le divorce. La requérante a déclaré qu’après le décès de G. S., elle a signé des documents qui cédaient les biens de ce dernier à leurs enfants.

Attitude et comportement à l’égard des enfants 

[17] Ils célébraient Noël, Pâques, l’Action de grâces et les anniversaires ensemble avec leurs deux enfants.

Mes constatations 

[18] La mesure dans laquelle on tiendra compte des divers facteurs d’une union de fait varie selon les circonstances propres à chaque affaireNote de bas de page 6 . Bien qu’une union de fait implique habituellement une résidence commune, chaque affaire doit être tranchée selon les faits qui lui sont propresNote de bas de page 7 .

[19] La séparation causée par une relation de violence ne met pas fin à l’union de fait s’il existe une intention commune de continuerNote de bas de page 8 .

[20] Alors que les couples non mariés peuvent présenter une infinité de variations sur un même thème quant à leurs arrangements conjugaux ou de cohabitation, une union de fait doit se fonder sur un point de départ. Le noyau de la relation, c’est que les parties ont, par leurs actions et leur conduite, démontré une intention mutuelle de vivre ensemble dans une relation semblable au mariage d’une certaine permanence. Si ce noyau est absent, il ne peut y avoir d’union de faitNote de bas de page 9 .

[21] Même si la requérante et G. S. étaient bons amis et entretenaient une relation étroite au moment du décès de celui-ci, je ne suis pas convaincu qu’il y avait une intention mutuelle de vivre ensemble dans une relation semblable au mariage.

[22] L’union de fait qu’ils auraient entretenue n’a pas de point de départ. Même s’ils communiquaient ensemble et s’entraidaient, ils traitaient leurs finances séparément. Ils habitaient des résidences distinctes. Ils ne passaient jamais la nuit chez l’une ou l’autre durant la période visée. Leurs seules activités sociales communes étaient la célébration de fêtes et d’anniversaires avec leurs enfants. Rien ne prouve qu’ils se soient d’une quelconque façon présentés à la collectivité comme étant en union de fait. G. S. lui a demandé de l’épouser, mais elle a [traduction] « envisagé cela » seulement. Pour établir une union de fait, les deux parties doivent respectivement avoir l’intention de s’engager.

[23] Le fardeau de la preuve incombe à la requérante. Elle n’a pas établi qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle et G. S. étaient conjoints de fait lorsqu’il est décédé.  

Conclusion

[24] La requérante n’est pas admissible à la pension de survivant du RPC.

[25] L’appel est rejeté.

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