Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : La succession de B. P. c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 189

Numéro de dossier du Tribunal: AD-21-83

ENTRE :

La succession de B. P.

Appelant

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Intimé


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division d’appel


DÉCISION RENDUE PAR : Neil Nawaz
DATE DE LA DÉCISION : Le 10 mai 2021

Sur cette page

Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est accueilli. Je renvoie l’affaire à la division générale pour une autre audience.

Aperçu

[2] B. P. a cotisé au Régime de pensions du Canada (RPC). Elle est décédée en septembre 2019. Le mois suivant, sa succession a demandé la prestation de décès du RPC.

[3] Le ministre a rejeté la demande parce que ses dossiers indiquaient que B. P. (la défunte) avait versé des cotisations valides pendant seulement huit ansNote de bas de page 1. Le ministre a dit que, pour être admissible à la prestation de décès, la succession devait démontrer que la défunte avait versé des cotisations valides pendant au moins dix ans.

[4] La succession a fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.Le 4 décembre 2020, la division générale a sommairement rejeté l’appel parce qu’il n’avait aucune chance raisonnable de succès. La division générale a noté que le registre des gains de la défunte indiquait que celle-ci avait fait des cotisations valides pendant huit ans seulement. La division générale a présumé que le registre des gains était complet et exact.

[5] La succession fait maintenant appel du rejet sommaire auprès de la division d’appel du TribunalNote de bas de page 2. Elle allègue, entre autres choses, que la division générale n’a pas tenu compte d’un écart entre les gains de la défunte tels qu’ils ont été déclarés dans sa déclaration de revenus de 1983, et les gains enregistrés dans son registre des gains pour la même année.

Conférence de règlement

[6] Le 8 avril 2021, les parties ont participé à une conférence de règlement à ma demande. Au cours de la conférence, le ministre a concédé que la division générale avait omis de respecter un principe de justice naturelle en rejetant sommairement l’appel de la succession sans lui donner pleinement l’occasion de présenter sa causeNote de bas de page 3.

[7] J’ai accepté la demande des parties d’avoir plus de temps pour envisager une réparation appropriée. Après avoir reçu leurs observations écrites sur la question, j’ai décidé que je n’avais pas besoin de les entendre en personne.

Questions en litige

[8] Il y a seulement trois moyens d’appel à la division d’appel. La partie appelante doit démontrer que la division générale a agi injustement, qu’elle a mal interprété la loi, ou qu’elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 4.

[9] Dans la présente affaire, j’ai dû trancher les questions suivantes :

  1. Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis des erreurs?
  2. Question en litige no 2 : Dans l’affirmative, quelle réparation s’impose?

Analyse

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis des erreurs?

[10] Je suis d’accord avec le ministre pour dire que la division générale a injustement rejeté l’appel de la succession avant qu’elle puisse présenter pleinement sa cause. Comme le ministre l’a écrit dans ses plus récentes observations :

[traduction]
En rejetant sommairement l’appel, la division générale a omis d’instruire la cause de l’appelant. L’appelant n’a pas eu l’occasion de recueillir et de présenter des éléments de preuve admissibles pertinents à la question. Ce faisant, la décision de la division générale de rejeter sommairement l’appel était prématurée et elle a entraîné un manquement à la justice naturelleNote de bas de page 5.

[11] Lorsque l’exécuteur testamentaire de la succession a fait appel auprès de la division générale, il a relevé ce qu’il considérait comme des écarts dans les chiffres du ministre pour 1974 et 1983. Il a fait remarquer que les cotisations de la défunte pour ces années, qui selon le ministre étaient trop faibles pour être valides, étaient en fait plus élevées que les autres années où elle avait versé des cotisations valides. L’exécuteur a ajouté :

[traduction]
Je n’ai pas de copies des déclarations de revenus de B. P. pour 1974 et 1983. Cependant, j’ai pu demander une copie de la déclaration de revenus de 1983 à l’Agence du revenu du Canada (ARC), mais la déclaration de 1974 n’était pas disponible. Comme il faudra peut-être un certain temps à l’ARC pour me fournir la déclaration de revenus de 1983, je demanderais que le délai de 90 jours soit prolongé jusqu’à ce que je reçoive ce documentNote de bas de page 6.

[12] Plus tard, l’exécuteur testamentaire a informé le Tribunal qu’il n’avait toujours pas reçu la déclaration de revenus de 1983 de la défunte :

[traduction]
J’avais demandé les déclarations de revenus de B. P. pour les années 1974 et 1983. On m’a dit que la déclaration de 1974 n’était pas disponible, mais qu’une copie de la déclaration de 1983 me serait envoyée, même si cela prenait quatre ou cinq mois. Puisque je n’ai pas reçu la déclaration, j’ai communiqué avec l’ARC le 23 octobre pour demander de nouveau que l’information relative à la déclaration de revenus me soit envoyée de leur bureau de Saskatoon, et on m’a informé que je devrais la recevoir en novembre. À ce jour, je n’ai pas reçu cette information.

[13] Un mois plus tard, la division générale a rejeté l’appel de la succession. Dans sa décision, la division générale a reconnu que la succession avait demandé à l’ARC [traduction] « une copie de la déclaration de revenus de la cotisante pour continuer d’examiner cette questionNote de bas de page 7 ». Toutefois, malgré le fait que l’exécuteur testamentaire ait demandé qu’on lui accorde plus de temps, la membre qui présidait a choisi de ne pas attendre la déclaration de revenus de 1983 de la défunte. Elle est allée de l’avant et a tranché l’appel sans ce documentNote de bas de page 8. La division générale ne l’a pas dit explicitement, mais elle a laissé entendre que la déclaration n’aurait eu aucune incidence sur la décision. Elle a laissé entendre qu’aucun élément de preuve, qu’il figure au dossier ou non, n’aurait permis à la succession d’être admissible à la prestation de décès.

[14] La division générale aurait pu avoir raison si les préoccupations de la succession étaient sans importance, non pertinentes ou autrement vouées à l’échec. Toutefois, cela n’était pas le cas. La succession avait un argument. Elle avait seulement besoin de plus de temps pour le présenter.

[15] La division générale est allée de l’avant même si elle savait que la succession attendait un élément de preuve potentiellement important. Ce faisant, elle n’a pas tenu compte des facteurs suivants :

  • Le registre des gains détailléNote de bas de page 9  de la défunte indiquait qu’elle avait gagné 1 507 $ en 1983, ce qui est inférieur au seuil de 1 800 $ de cette année-là. Cependant, la déclaration de revenus de la défunte pour la même annéeNote de bas de page 10 indiquait un autre chiffre, soit 2 202 $ en revenu d’emploi du T4 [sic].
  • Le registre des gains détaillé donnait également deux chiffres pour 1984, soit 1 341 $ et 1 843 $, qui totalisent 3 184 $. Si la défunte a effectivement gagné ce montant, il était bien supérieur au seuil de 2 000 $ de cette année-là.

Il ne m’appartient pas de dire si 1983 et 1984 sont des années de gains valides aux fins de la prestation de décès du RPC, mais si elles le sont, la succession aurait alors les dix années requises.

[16] La division générale semblait avoir l’impression que le registre des gains était définitif et irréfutable lorsqu’elle a affirmé : « [l]’appelant était conscient que le Tribunal doit considérer les gains et les cotisations au RPC de la défunte qui ont été présentés comme étant exactsNote de bas de page 11 ». Bien qu’il soit vrai que le Tribunal ne peut pas réviser un registre de gains, le ministre et l’ARC peuvent le faire. Selon l’article 97(1) du RPC, un registre de gains est présumé exact quatre ans après avoir été produit. Toutefois, le RPC prévoit également un mécanisme permettant de réfuter la présomption. En vertu de l’article 97(2), le ministre peut rectifier un registre des gains s’il reçoit de l’information selon laquelle un renseignement est inexact. La succession tentait de convaincre l’ARC (et par extension le ministre et le Tribunal) que le registre des gains de la défunte était inexact lorsque la division générale a rejeté sommairement son appel.

Question en litige no 2 : Quelle réparation s’impose?

[17] La division d’appel a le pouvoir de corriger les erreurs de la division générale. J’ai conclu que la division générale avait refusé à la succession le droit à une audience équitable, ce qui me laisse essentiellement deux options. Je peux renvoyer l’affaire à la division générale pour une nouvelle audience ou je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 12.

[18] Le ministre m’a recommandé de renvoyer l’affaire à la division générale pour une nouvelle audience. Je suis d’accord.

[19] Il n’y a pas assez d’information au dossier pour me permettre de trancher moi-même cette question. Il en est ainsi parce que la division générale a procédé avant que la succession puisse recueillir les éléments de preuve nécessaires pour prouver sa cause d’une façon ou d’une autre. Contrairement à la division d’appel, le mandat principal de la division générale est d’entendre la preuve et de tirer des conclusions de fait. Par conséquent, elle est mieux placée que moi pour décider si la succession était admissible à la prestation de décès.

Conclusion

[20] J’accueille le présent appel parce que la division générale n’a pas donné à la succession suffisamment de temps pour se préparer et présenter sa cause. Ce faisant, la division générale a privé la succession et son exécuteur testamentaire de leur droit d’être entendus.

[21] Je renvoie l’affaire à la division générale pour une autre audience. Je demande à la division générale d’attribuer cette cause à une ou un membre autre que la membre qui l’a entendue la dernière fois. Je demande également à la division générale d’accorder à la succession au moins 120 jours pour recueillir les éléments de preuve que l’exécuteur testamentaire juge nécessaires pour faire valoir ses arguments.

 

Mode d’instruction :

Sur la foi du dossier

Représentants :

G. R., exécuteur testamentaire de la succession

Attila Hadjirezaie, représentante du ministre

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.