Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : RC c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 694

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : R. C.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social le 6 mars 2020 (transmise par Service Canada)

Membre du Tribunal : Jackie Laidlaw
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 19 octobre 2021
Personnes présentes à l’audience : Partie appelante
Témoin no 1 : A. R.
Témoin no 2 : P. R.
Date de la décision : Le 29 octobre 2021
Numéro de dossier : GP-20-992

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La requérante, R. C., n’est pas admissible à la pension d’invalidité [sic] du régime de pensions du Canada (RPC). Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] La requérante était la partenaire de C. G., cotisant, qui est décédé le 20 décembre 2018. La requérante fait appel de la décision qui a rejeté sa demande de pension de survivant du RPC. La question en litige est celle de savoir si la requérante était la conjointe de fait du défunt au moment de son décès.

Ce que la requérante doit prouver

[4] Pour que la requérante ait gain de cause, elle doit prouver qu’elle était la conjointe de fait de C. G. (le cotisant) au 20 décembre 2018.

[5] Aux fins de la prestation de survivant, la conjointe ou le conjoint de fait est la personne qui, au moment considéré, vit avec un cotisant dans une relation conjugale depuis au moins un an. Il est entendu que, dans le cas du décès du cotisant, « moment considéré » s’entend du moment du décèsNote de bas de page 1 .

Preuve

[6] Pour commencer, je tiens à transmettre une fois de plus mes sympathies à la requérante pour le décès de C. G.. Bien que sa demande soit rejetée, et que j’aie conclu qu’elle n’était pas sa conjointe de fait au moment de son décès, j’admets qu’ils entretenaient une relation.

[7] J’ai tenu compte de plusieurs facteurs qu’il faut examiner pour décider si une personne est une conjointe ou un conjoint de fait : actifs en commun; assurance ou bénéficiaire après le décès; amis communs; conditions de vie; responsabilités partagées de la maison et des enfants, ainsi que le témoignage d’amies de la requérante, dont l’une était la sœur du cotisant décédé.

[8] La requérante a affirmé qu’ils entretenaient une relation monogame. Ils avaient toujours voulu se marier, mais cela ne s’est jamais produit. Le défunt conservait une partie de ses vêtements à la maison, et une partie de ses biens dans sa voiture. Il avait des problèmes de toxicomanie qui lui causaient une dépendance sexuelle et le portaient à fréquenter des prostituées. La requérante a affirmé qu’ils se chicanaient souvent et qu’elle le mettait à la porte tous les trois mois. Il partait alors pendant quelques jours puis revenait à la maison. Elle a dit qu’ils ont toujours eu des rapports physiques.

[9] La requérante a dit avoir fait une demande de pension alimentaire au palais de justice de Calgary en 2016. Elle a affirmé l’avoir fait en guise de menace s’il la trompait, et parce qu’il consommait de la drogue et fréquentait des prostituées. Elle ne se souvient pas de ce qu’elle a inscrit dans sa déclaration sous serment, mais elle ne pense pas avoir affirmé qu’ils étaient séparés. Il était censé lui verser 400 $ par mois, mais il ne l’a jamais fait. Elle a été admissible à la pension alimentaire jusqu’à son décès.

[10] Dans sa demande de pension de survivantNote de bas de page 2 , la requérante a d’abord inscrit que l’état matrimonial du défunt au moment du décès était : « célibataire ». Elle l’a ensuite modifié et a inscrit « séparé ». Elle a fourni une adresse personnelle différente de la sienne. Elle a aussi inscrit qu’elle ne vivait plus avec lui au moment de son décès. Il s’agit de l’une des raisons pour lesquelles le ministre a rejeté sa demande. Dans sa demande de révisionNote de bas de page 3 , la requérante a mentionné qu’ils travaillaient à résoudre leurs problèmes et qu’ils prévoyaient vivre de nouveau ensemble, après une courte pause, puis se marier. Dans son témoignage, la requérante a mentionné qu’elle ne savait pas pourquoi elle avait inscrit qu’ils étaient séparés.

[11] Il a dormi chez elle une semaine avant son décès. Il est ensuite allé travailler, puis a fait des excès de consommation. La sœur du défunt a affirmé que la requérante l’avait appelée pour l’aider à le retrouver.

Amies et famille

[12] La requérante a affirmé qu’il était divorcé de sa première épouse. Elle a dit qu’il avait deux enfants, une fille (âgée de 25 ans) et un fils. La notice nécrologique note toutefois qu’il avait trois enfantsNote de bas de page 4 . Elle ne connaissait pas sa fille, S. S., jusqu’à son décès, et le défunt ne parlait jamais à S. S.. Son fils, D., était ami avec le sien lorsqu’ils ont commencé à se fréquenter. D. a emménagé dans leur sous‑sol de 2015 à 2016, puis il est retourné à Grande Prairie, où vit le père du défunt. Elle n’est jamais allée au domicile du père du défunt. Elle n’a pas vu le père du défunt depuis le décès.

[13] Elle a une fille, C. C.. Le défunt l’a ramenée de l’hôpital à la maison avec la requérante, et il a pris soin d’elle comme de son propre enfant par la suite. Il la reconduisait à l’école, lui achetait des cadeaux de Noël et des soupers, et lui donnait de l’argent pour qu’elle fasse des achats pour la requérante. Il l’emmenait en vacances. La fille touche une prestation d’orphelin par suite du décès du défunt.

[14] La première témoin, la sœur du défunt, a affirmé qu’elle vivait dans une autre ville, à huit heures de route, et qu’elle ne les voyait pas souvent. La requérante et elle sont très proches. Elle était également proche du défunt, mais malgré cela, elle ne lui parlait pas très souvent. Elle a mentionné que la requérante et le défunt étaient en couple depuis 18 ans. Pour autant qu’elle sache, ils étaient toujours ensemble. Le défunt avait des problèmes de toxicomanie et d’alcoolisme, et il arrivait fréquemment qu’il parte pendant quelques jours. Mais ils [formaient] encore un couple. Elle considérait la requérante comme sa belle‑soeur.

[15] La deuxième témoin est une voisine depuis 2006, l’année où ils ont emménagé dans la maison de la requérante. Cette témoin a fait référence au foyer « matrimonial » comme étant la maison de R. C.. Le défunt partait pendant quelques jours, puis revenait. Il déménageait, puis emménageait de nouveau. La dernière année pendant laquelle il a vécu à cet endroit, ce n’était pas régulier, car ils se disputaient. Il était mis à la porte tous les mois, puis revenait. Le défunt a laissé ses [traduction] « affaires » dans sa cour, quelques sacs de [traduction] « trucs » pour ses loisirs, des bottes, des outils et des cannes à pêche dans sa remise à outils. Il y a laissé ces articles à l’Action de grâce de l’année de son décès. Ils avaient rompu en octobre, et il était revenu vivre chez elle en novembre. Sa voiture était souvent là jusqu’en décembre.

Actifs communs

[16] La requérante a affirmé qu’ils avaient essayé d’avoir un compte conjoint en 2007, mais il était toxicomane, et ils avaient laissé tomber cette idée. Ils ne possédaient pas de voiture ensemble, ni d’actifs communs.

[17] La preuve comprend une carte de débit de remplacementNote de bas de page 5 , datée du 26 juillet 2021, sur laquelle figurait l’adresse de la requérante. Elle a mentionné qu’il pouvait s’agir d’une carte de remplacement émise automatiquement. Lorsque je lui ai demandé pourquoi une carte aurait été émise trois ans après le décès en 2018, elle a expliqué que son compte bancaire n’a pas encore été fermé.

[18] La requérante loue la maison depuis 2006, lorsqu’ils y sont emménagés. Elle a affirmé qu’il vivait à cette adresse de manière épisodique, et qu’il n’a jamais officiellement quitté cette maison. En 2006 et en 2009, il ne vivait pas à cet endroit. Lorsqu’ils se disputaient, il partait pendant trois jours, jusqu’à ce qu’il se calme. Il quittait aussi la maison en raison du travail, parfois pendant des périodes de 21 jours.

[19] C’est elle qui payait le loyer au propriétaire depuis qu’ils avaient emménagé en 2006. En théorie, elle est la locataire. Le défunt lui versait un loyer. Lorsqu’il passait la nuit chez elle, il lui versait une somme. Ils avaient convenu qu’il lui verse 20 $ par jour lorsqu’il restait à la maison. Au cours de certains mois, il contribuait davantage pour les services publics si elle était à court d’argent. Il participait aussi à l’entretien de la maison.

[20] La preuve comprend une lettre écrite par la requérante en 2013 à l’intention de Service CanadaNote de bas de page 6 , qui mentionne qu’il ne vit pas dans sa maison et qu’il n’a pas l’autorisation d’utiliser son adresse comme adresse personnelleNote de bas de page 7 . La requérante a affirmé avoir rédigé cette lettre sous l’effet de la colère pendant une de leurs disputes, alors qu’il était parti depuis deux jours.

[21] Lorsqu’elle a produit sa déclaration de revenus, elle a inscrit être [traduction] « célibataire ». La requérante a dit qu’elle ne sait pas pourquoi ils ont fait cela. Le défunt et elle ont produit leurs déclarations de revenus séparément.

Planification des funérailles, testament et bénéficiaire

[22] Le défunt n’avait pas de testament ni d’assurance. La requérante et lui ne s’étaient pas désignés comme bénéficiaires.

[23] La requérante a affirmé que personne, y compris elle‑même, n’a fait quoi que ce soit avec ses finances. Personne ne s’en est mêlé. Elle a dit que son compte bancaire n’avait pas été fermé, ce qui a été attesté par la carte de débit de remplacement trois ans après son décès.

[24] Lorsque le défunt est décédé, la police s’est rendue au domicile de la requérante. Ce n’était pas pour lui parler à elle, mais plutôt pour parler à D., le fils du défunt, afin de l’informer du décès de son père. Elle ne sait pas comment la police a obtenu son adresse, et présume qu’il s’agissait de la dernière adresse connue du défunt. La police ne lui a pas dit qu’il était décédé avant qu’elle ne pose la question. On lui a demandé quelle était sa relation avec le défunt, et elle a répondu qu’il était son copain. Elle n’a pas été la première personne à être appelée lorsqu’il est décédé. Elle n’a pas été appelée du tout. Elle l’a appris de la police, qui était là pour informer son fils, et non elle.

[25] La fille et le fils du défunt se sont occupés des funérailles. Elle ne sait pas pourquoi. Étant donné que toute sa famille vit à Grande Prairie, à huit heures de route, les funérailles ont eu lieu à cet endroit. Elle est allée aux funérailles et a séjourné chez ses parents à elle.

[26] Le salon funéraire n’a pas communiqué avec elle en tant que conjointe du défunt ou plus proche parent, et elle n’a eu aucun contact avec le salon jusqu’au moment où elle a appelé pour obtenir une copie du certificat de décès. Le salon funéraire a dû demander le consentement de S. S., qui l’a accordé. La fille, S. S., et le fils, D., ont payé les funérailles.

[27] Le défunt a été incinéré, et ce sont sa fille S. S., sa soeur A., la fille de la requérante et la requérante qui ont les cendres. S. S. lui a donné les cendres ainsi que la permission de récupérer sa voiture à la fourrière. La voiture avait malheureusement été vendue aux enchères avant qu’elle ne puisse la récupérer. Elle n’a pas touché l’argent de la vente, s’il y en a eu.

[28] Dans la demande relative aux frais funérairesNote de bas de page 8 , la fille S. S. est désignée comme plus proche parent du défunt.

[29] Elle n’a pas été nommée dans la notice nécrologiqueNote de bas de page 9 . Sa fille, C. C., y a été nommée. Elle a affirmé ne pas savoir pourquoi elle n’était pas mentionnée dans la notice.

Soins et compagnie

[30] Il est établi que le défunt était toxicomane. J’admets qu’en tant que compagne, elle avait parfois la responsabilité de prendre soin de lui.

[31] La requérante a mentionné qu’il n’a jamais été hospitalisé, et qu’elle ne sait donc pas si elle était la personne à joindre en cas d’urgence.

[32] Elle n’a pas été la première personne à être appelée lorsqu’il est décédé. La police ne s’est pas rendue à sa maison pour l’informer elle, mais bien pour informer son fils.

Motifs de ma décision

[33] J’admets que la requérante, et ses amies qui ont témoigné, considéraient que le défunt et elle formaient un couple. Cependant, ce n’est pas ce que je dois déterminer.

[34] Je dois décider si la requérante vivait avec le défunt de façon continue et dans une relation conjugale depuis au moins un an au moment du décès.

[35] Je ne peux pas admettre que la requérante vivait avec le défunt dans une relation conjugale au moment de son décès. Elle a elle-même inscrit qu’ils étaient séparés dans sa demande. Son excuse, à savoir qu’elle ne sait simplement pas pourquoi elle a inscrit cela, n’est pas plausible. Elle a aussi noté dans la demande de révision qu’ils travaillaient à régler leurs problèmes et prévoyaient vivre ensemble dans l’avenir. Cela démontre qu’ils ne vivaient pas ensemble au moment de son décès, et qu’ils n’avaient pas vécu ensemble de façon continue pendant au moins un an [avant] son décès.

[36] Des faits démontrent qu’ils n’étaient pas des conjoints de fait. La police ignorait quel était son statut lorsqu’elle est venue parler à son fils, et non à elle, pour annoncer le décès. Elle n’était pas mentionnée du tout dans la notice nécrologique, ni comme amie, copine ou conjointe de fait. Ils n’avaient aucun actif en commun. Il lui versait un loyer de 20 $ par jour lorsqu’il restait chez elle. Cela n’illustre pas une relation de conjoints de fait, mais plutôt une relation copain-copine, comme elle l’a dit à la police.

[37] L’élément de preuve le plus convaincant est qu’elle a demandé une pension alimentaire en 2016 et qu’elle y était toujours admissible deux ans avant le décès. Une pension alimentaire est une somme que verse un époux à l’autre après la séparation ou le divorce. Les conjoints de fait sont admissibles à la pension alimentaire, mais ils doivent être séparés pour y avoir droit. Demander et recevoir une pension alimentaire est un processus relativement compliqué qui prend du temps. Il est inconcevable que la requérante ait demandé une pension alimentaire, qui lui a été accordée, seulement parce qu’elle avait été en colère pendant quelques jours.

[38] J’accepte que le défunt ait été, à un certain moment, le conjoint de fait de la requérante et qu’il ait agi comme un père pour la fille de la requérante. J’admets aussi qu’ils ont entretenu une relation, sous diverses formes, pendant de nombreuses années. Cependant, ils n’étaient pas conjoints de fait au moment de son décès.

[39] Par conséquent, la requérante n’est pas admissible à la prestation de survivant.

Conclusion

[40] L’appel est rejeté.

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