Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : MM c Ministre de l’Emploi et du Développement social et Exécutrice de la succession de LM, 2022 TSS 42

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : M. M.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Partie mise en cause : Exécutrice de la succession de L. M.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 4 novembre 2021 (GP-21-602)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Mode d’audience : Sur la foi du dossier
Date de la décision : Le 2 février 2022
Numéro de dossier : AD-21-431

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Cette affaire porte sur des demandes concurrentes de prestation de décès du Régime de pensions du Canada (RPC).

[3] L. M. était un cotisant au RPC. Il est décédé le 13 septembre 2018. La succession de L. M. (partie mise en cause) a demandé la prestation de décès le 5 novembre 2018. Le ministre a approuvé la demande et a versé la prestation de décès à l’exécutrice de la succession du cotisant décédé.

[4] M. M. (appelant) est le frère du cotisant décédé. Il a demandé la prestation de décès du RPC le 17 février 2020. Le ministre a rejeté la demande parce qu’il avait déjà accordé la prestation à la succession.

[5] L’appelant a porté le refus du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Le 4 novembre 2021, la division générale a rejeté l’appel de l’appelant de façon sommaire parce qu’elle n’était pas convaincue qu’il avait une chance raisonnable de succès.

[6] L’appelant porte maintenant le rejet sommaire en appel à la division d’appel du Tribunal. Il fait valoir les éléments suivants :

  • C’est lui qui a logé le cotisant décédé au cours de ses dernières années. C’est lui qui a payé ses funérailles.
  • En décembre 2018, il a écrit à l’ambassade du Canada à Belgrade et a demandé des renseignements à propos d’un remboursement possible de frais funéraires. Cette requête a été ignorée.
  • Entre-temps, le ministre avait déjà versé la prestation de décès à B. M. en tant qu’exécutrice de la succession, même si elle avait eu très peu à voir avec le cotisant décédé au cours des dernières années de celui-ci et n’avait pas assumé les frais encourus pour ses funérailles.
  • Il serait injuste que la prestation de décès soit payée à une personne n’ayant pas effectivement assumé les frais d’enterrement du cotisant décédé.

[7] J’ai décidé qu’il n’est pas nécessaire de tenir une audience dans le présent cas. Les questions en litige sont claires, tout comme le sont les faits pertinents et le droit applicable. La présente décision est fondée sur mon examen des documents déjà versés au dossier, à savoir les observations de l’appelant, ainsi que les renseignements dont disposait la division générale.

Questions en litige

[8] Voici les questions en litige, selon moi :

  • La division générale a-t-elle appliqué le critère approprié pour le rejet sommaire?
  • Est-ce qu’au moins l’une des raisons invoquées par l’appelant pour faire appel est fondée?

Analyse

[9] Il y a quatre moyens d’appel à la division d’appel. Une partie appelante doit démontrer que la division générale :

  • a agi de manière inéquitable;
  • a outrepassé ses pouvoirs ou a refusé d’exercer ces pouvoirs;
  • a mal interprété la loi;
  • a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas page 1.

[10] À mon avis, aucune des plaintes de l’appelant ne correspond aux moyens d’appel énoncés ci-dessus.

La division générale a appliqué le critère approprié pour le rejet sommaire

[11] La division générale a tranché l’appel de l’appelant de façon appropriée. Dans sa décision, la division générale a affirmé à juste titre qu’elle pouvait rejeter de façon sommaire un appel s’il n’avait aucune chance raisonnable de succèsNote de bas page 2. Je suis convaincu que la division générale a compris le critère juridique et qu’elle l’a appliqué correctement aux faits.

[12] Le critère pour les rejets sommaires est exigeantNote de bas page 3. Il ne suffit pas de considérer le fondement d’une affaire en l’absence des parties et ensuite décider que l’appel ne peut pas être accueilli. La personne qui rend la décision doit décider s’il est clair et évident sur la foi du dossier que l’appel est voué à l’échecNote de bas page 4. Il ne s’agit pas pour la personne qui rend la décision de décider si elle rejette l’appel après avoir considéré tous les faits, la jurisprudence et les arguments des parties. Il s’agit plutôt de décider si l’appel est voué à l’échec, en dépit des éléments de preuve ou arguments qui pourraient être présentés lors de l’audience.

[13] Dans le présent cas, la division générale a rejeté l’appel de l’appelant parce que la loi exigeait que le ministre verse la prestation de décès à la succession. La division générale a conclu que cette dernière respectait les conditions requises pour être admissible à la prestation. La division générale n’a pas non plus trouvé une exception qui aurait permis à l’appelant d’avoir préséance sur la succession.

[14] Lorsqu’elle a rendu ces décisions, la division générale a appliqué à juste titre un critère exigeant; elle a conclu que l’appel « n’avait aucune chance raisonnable de succès ». Pour des motifs que j’expliquerai plus en détail, il était clair et évident sur la foi du dossier que l’appelant n’aurait aucun succès.

Aucune des raisons invoquées par l’appelant pour faire appel n’est fondée

[15] Je ne vois pas en quoi la division générale a commis des erreurs en parvenant à sa décision. La division générale a examiné le dossier et a conclu que l’appelant était inadmissible à la prestation de décès du RPC. Je ne vois aucune raison d’interférer avec cette conclusion.

Le ministre n’avait pas d’autre choix que d’accorder la prestation de décès à la succession

[16] L’article 71 du Régime de pensions du Canada dit clairement que la succession d’un cotisant décédé a préséance, sous réserve de certaines exceptions, sur toute autre requérante ou tout autre requérant éventuels :

71 (1) Lorsque le paiement d’une prestation de décès est approuvé, le ministre doit, sauf selon ce qui est prévu aux paragraphes (2) et (3) payer la prestation de décès aux ayants droit du cotisant.

(2) Le ministre peut, par directive, prévoir le paiement, en tout ou en partie, d’une prestation de décès à la personne ou à l’organisme prescrit dans l’un ou l’autre des cas suivants :

  1. a) il est convaincu, après enquête raisonnable, qu’il n’y a pas d’ayants droit;
  2. b) les ayants droit n’ont pas demandé la prestation de décès dans le délai prescrit suivant le décès du cotisant;
  3. c) le montant de la prestation de décès est inférieur au montant prescrit [mis en évidence par le soussigné].

[17] Le « délai prescrit » à l’article 71(2)(b) est défini à l’article 64(1) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada :

64 (1) Dans le cas visé à l’alinéa 71(2)(a) de la Loi ou lorsque les ayants droit d’un cotisant n’ont pas demandé la prestation de décès dans les 60 jours suivant le décès du cotisant, ou que le montant de la prestation de décès est inférieur aux deux tiers de 10 % du maximum des gains annuels ouvrant droit à pension pour l’année de son décès, s’il est décédé avant le 1er janvier 1998, ou est inférieur à 2 387 $, s’il est décédé après le 31 décembre 1997 et avant le 1er janvier 2019, la directive émise en application du paragraphe 71(2) de la Loi peut, sous réserve des paragraphes (2) et (3), prévoir le paiement de la prestation de décès :

  1. a) à la personne ou à l’établissement qui a payé les frais funéraires du cotisant décédé ou en est responsable;
  2. b) à défaut de la personne ou de l’établissement visés à l’alinéa a), au survivant du cotisant décédé;
  3. c) à défaut de personne ou d’établissement visé à l’alinéa a) ou de survivant visé à l’alinéa b), au plus proche parent du cotisant décédé [mis en évidence par le soussigné].

[18] Dans le présent cas, la succession a demandé la prestation de décès dans le délai prescrit, à savoir dans les 60 jours suivant le décès du cotisant. La succession a joint à sa demande une copie certifiée conforme du testament du cotisant décédé, qui désignait B. M. à titre d’exécutrice testamentaireNote de bas page 5. Étant convaincu i) qu’il y avait une succession et ii) que B. M. était autorisée à agir au nom de la succession, le ministre lui a payé la prestation de décès.

[19] En appel, la division générale a jugé que B. M., en tant qu’exécutrice de la succession, avait respecté toutes les conditions requises pour être admissible à la prestation de décès. Je ne vois aucune raison d’annuler cette conclusion.

Le ministre n’avait pas le pouvoir discrétionnaire d’accorder la prestation de décès à l’appelant

[20] Le Régime de pensions du Canada est clair. S’il y a succession, alors le ministre doit lui verser une prestation de décès si elle présente une demande dans les 60 jours suivant le décès du cotisant. S’il n’y a pas de succession ou si l’exécuteur testamentaire ou la personne nommée pour administrer la succession ne respecte pas l’échéance de 60 jours, alors seulement le ministre pourrait envisager d’autres bénéficiaires, comme le plus proche parent ou la personne qui peut effectivement avoir assumé les frais funéraires.

[21] Dans le présent cas, le testament du cotisant décédé désignait clairement B. M. à titre d’exécutrice testamentaire. Elle a demandé la prestation de décès dans les 60 jours suivant le décès du cotisant. Dans une telle situation, et compte tenu du libellé de la loi, le ministre ne pouvait envisager d’accorder la prestation de décès à une partie autre que la succession.

[22] Selon une affaire intitulée CormierNote de bas page 6, « Le ministre n’assume l’obligation prévue par la loi de payer une prestation de décès qu’envers les ayants droit ». Par voie de conséquence, tout le reste est laissé à la discrétion du ministre, comme l’indique l’emploi du terme « peut » à l’article 71(2) du Régime de pensions du Canada et une nouvelle fois à l’article 64(1) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada. Mais ce pouvoir discrétionnaire est activé seulement s’il n’y a pas de succession ou si la succession ne respecte pas l’échéance.

[23] Comme l’a reconnu à juste titre la division générale, le ministre était tenu de payer la prestation de décès à la succession et n’avait aucun pouvoir discrétionnaire pour en faire le paiement à l’appelant ou à toute autre personne.

La division d’appel et la division générale doivent toutes deux respecter la loi à la lettre

[24] L’appelant fait valoir qu’il est injuste d’accorder la prestation de décès à une partie n’ayant pas assumé les frais funéraires du cotisant décédé.

[25] Je peux comprendre le mécontentement de l’appelant. Malheureusement, son argument est voué à l’échec.

[26] L’appelant a fourni des éléments de preuve selon lesquels il a payé les funérailles de son frère. Il a également présenté une lettre montrant qu’il a fait une première tentative pour demander si le gouvernement canadien pouvait payer le coût des funérailles. Cependant, cela n’a pas d’importance si la succession a demandé la prestation de décès dans les 60 jours suivant le décès du cotisant. Le dossier montre que c’est ce qu’elle a fait, et l’appelant n’a fourni aucune preuve du contraire.

[27] La division générale n’était pas autorisée à considérer des circonstances atténuantes entourant la demande de l’appelant, et moi non plus. Nous ne pouvons tout simplement pas ignorer les termes explicites du Régime de pensions du Canada et donner à l’appelant ce qu’il désire, peu importe à quel point nous compatissons avec luiNote de bas page 7.

Conclusion

[28] L’appelant n’a pas démontré que la division générale a fait erreur lorsqu’elle a conclu qu’il n’avait pas droit à la prestation de décès du RPC.

[29] L’appel est donc rejeté.

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