Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : SK c Ministre de l’Emploi et du Développement social et JV, 2022 TSS 185

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : S. K.
Représentante ou représentant : Sharene Orstad
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Partie mise en cause : J. V.

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 4 mars 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Adam Picotte
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 10 février 2022
Personnes présentes à l’audience : RAppelante
Représentante de l’appelante
Partie mise en cause
Premier témoin
Deuxième témoin
Date de la décision : Le 22 février 2022
Numéro de dossier : GP-21-1231

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] La requérante, S. K., est admissible à une pension de survivant du Régime de pensions du Canada (RPC). Les versements commencent à compter de juillet 2019. La présente décision explique pourquoi j’accueille l’appel.

Aperçu

[3] Le cotisant, S. V. et la requérante ont vécu ensemble dans une relation conjugale pendant plus de 20 ans. Ils ont pris des vacances, célébré des fêtes et planifié leur retraite ensemble.

[4] Le 30 juin 2019, le cotisant est décédé à la suite d’un accident de la route tragique. Il avait 69 ans.

[5] La requérante affirme qu’au moment du décès du cotisant, cela faisait plus de 20 ans qu’ils vivaient ensemble dans une relation conjugale. Par conséquent, elle dit avoir droit à la pension de survivant.

[6] Le ministre a refusé de lui accorder une pension de survivant. Cependant, une fois que la décision découlant d’une révision a été rendue et que la requérante a présenté des éléments de preuve supplémentaires, le ministre a conclu que la requérante avait établi l’union de fait requise et qu’elle était donc admissible à la pension de survivantNote de bas page 1.

[7] La partie mise en cause affirme n’avoir jamais divorcé du cotisant et qu’elle devrait donc continuer d’avoir droit à une pension de survivant.

Ce que la requérante doit prouver

[8] Pour obtenir gain de cause, la requérante doit prouver qu’elle était la conjointe de fait du cotisant.

[9] Le RPC définit ce qu’est une conjointe ou un conjoint de fait. Selon la définition, les deux personnes vivent ensemble dans une relation intime pendant au moins un an. Le RPC parle de « [vivre] dans une relation conjugaleNote de bas page 2 » pour décrire la relation.

[10] Vivre avec le cotisant dans une relation conjugale » comporte une analyse contextuelle. Cela comprend bon nombre des facteurs de la liste non exhaustive qui suit :

  1. a) interdépendance financière;
  2. b) relations sexuelles;
  3. c) résidence commune;
  4. d) achat de cadeaux lors d’occasions spéciales;
  5. e) partage des responsabilités du ménage;
  6. f) utilisation partagée des biens;
  7. g) partage des responsabilités dans l’éducation des enfants;
  8. h) vacances communes;
  9. i) attentes concernant l’interdépendance mutuelle;
  10. j) le fait de prendre soin de l’autre en cas de maladie et de connaître ses besoins médicaux;
  11. k) communication entre les parties;
  12. l) reconnaissance publique;
  13. m) attitude et comportement de la collectivité;
  14. n) arrangements funérairesNote de bas page 3.

Questions que je dois d’abord examiner

[11] J’ai informé la requérante et la partie mise en cause au début de l’audience d’un conflit potentiel. L’avocat de la requérante avait embauché précédemment un avocat avec qui j’avais travaillé plusieurs semaines il y a quelques années. Je le savais parce qu’il avait rédigé et assermenté plusieurs déclarations solennelles sur lesquelles la requérante s’était fondée dans son appel.

[12] J’ai informé les deux parties que je ne voyais aucun conflit réel et que je n’avais pas eu d’interaction avec cet avocat pendant que nous travaillions pour le même employeur. De plus, je n’ai eu aucun contact avec lui depuis qu’il a quitté mon lieu de travail.

[13] Personne ne s’est opposé à ce que je continue d’agir à titre de décideur dans cette affaire. Je n’ai donc vu aucune raison de me récuser.

Motifs de ma décision

La requérante était la conjointe de fait du cotisant.

[14] Au cours de l’audience, j’ai entendu le témoignage de la requérante, de sa fille et d’un ami de la famille. Chaque personne a témoigné au sujet de la relation entre la requérante et le cotisant. J’ai trouvé que les éléments de preuve fournis étaient convaincants. Il est ressorti clairement de chaque témoignage que le cotisant et la requérante s’aimaient et qu’ils avaient une vie intime. Ils se considéraient comme des conjoints de fait, et leurs amis et les membres de leur famille les considéraient également comme tels.

[15] À cet égard, je note que les documents de demande contenaient trois déclarations solennelles. Celles-ci provenaient d’amis ou de membres de la famille du cotisant. Chaque déclaration solennelle précisait que la requérante et le cotisant se présentaient en tant qu’époux. Ils se désignaient comme des époux, socialisaient comme des époux, et prenaient part aux événements familiaux en tant qu’époux.

[16] À un moment donné, le couple s’est rendu dans le pays d’origine du cotisant, Maurice, pour célébrer le cinquantième anniversaire de la requérante. C’est à ce moment que le cotisant l’a présentée à sa famille élargieNote de bas page 4.

[17] Dans sa déclaration solennelle, la requérante a affirmé qu’ils contribuaient de façon égale à leurs dépenses quotidiennes partagées, comme l’épicerie, les vêtements et les articles de toilette. Elle payait des choses sans s’attendre à un remboursementNote de bas page 5.

[18] Elle a écrit que le cotisant gardait ses effets personnels chez elle. Elle avait fait la même chose. Elle a également écrit qu’ils avaient des relations sexuelles. Ils dormaient dans le même lit, partageaient la même salle de bains et demeuraient intimes. Tout au long de leur relation, ils sont demeurés engagés l’un envers l’autre.

[19] La requérante a également décrit son expérience du décès du cotisant. Elle a écrit que, lorsqu’il est décédé, elle a accueilli cinq des sœurs du cotisant et leurs familles chez elle. Elle a organisé une célébration de la vie pour le cotisant, et 50 à 60 personnes au total y ont assisté. Parmi les personnes présentes, il y avait un des fils du cotisant, ses sœurs, ainsi que de la famille et des amis de la requérante.

[20] G. V. a fourni une déclaration solennelle. Il a écrit qu’il était ami avec le défunt depuis les années 1980. Il a déclaré que lorsqu’il rendait visite au cotisant chez lui, il voyait souvent le cotisant et la requérante ensemble. Il a vu que la requérante dormait chez lui et qu’elle préparait des repas pour les deux. Il a aussi vu la requérante aider avec le nettoyage et d’autres tâches ménagères. Il a écrit qu’il avait assisté à divers événements sociaux, fêtes et rassemblements avec les deux. Il les a aussi vu se présenter en tant que couple et danser ensembleNote de bas page 6.

Témoignage à l’audience orale

[21] J’ai convoqué une audience orale pour cette affaire parce que j’estimais qu’il était important d’entendre la requérante et la partie mise en cause. Les deux parties ont témoigné. J’ai tenu compte de leurs témoignages ainsi que de ceux des témoins. Ci-dessous, j’aborderai ce que j’ai jugé être les éléments de preuve les plus importants que j’ai entendus.

S. S.

[22] S. S. est la fille de la requérante. Elle m’a parlé de la relation entre sa mère et le cotisant. Elle a expliqué que lorsqu’elle a rencontré le cotisant pour la première fois, elle avait 9 ans. Ses parents avaient vécu une séparation difficile alors qu’elle était très jeune. Elle hésitait à laisser un autre père entrer dans sa vie. Au début, elle ne s’entendait pas toujours avec le cotisant. Cependant, au fil du temps, ils ont noué des liens. Le cotisant est devenu une personne très importante dans sa vie.

[23] S. S. a décrit le cotisant et la requérante comme ayant une relation très étroite. Ils passaient beaucoup de temps ensemble, ils vivaient ensemble et ils s’occupaient des tâches ménagères ensemble. S. S. a également fourni des éléments de preuve concernant la relation entre le cotisant et la partie mise en cause. Elle m’a dit qu’elle ne croyait pas que la partie mise en cause et le cotisant s’étaient réconciliés au cours des deux dernières années et que le cotisant n’avait eu aucun contact régulier avec la partie mise en cause au cours de cette même période.

G. V.

[24] En plus de fournir une déclaration solennelle, G. V. a assisté à l’audience orale et a témoigné. Il m’a dit qu’il était le cousin du défunt et que la requérante était comme une belle-sœur pour lui. Il m’a dit que depuis 28 ans, ils étaient comme une famille. Ils assistaient à des réunions ensemble, mangeaient ensemble et passaient généralement du temps ensemble. Il m’a dit que la dernière fois qu’il a vu le cotisant, c’était une semaine avant son décès. Il avait été à un souper avec le cotisant et la requérante.

J. V.

[25] J’ai également tenu compte de la preuve de J. V. Elle est la partie mise en cause et est demeurée mariée, mais légalement séparée du cotisant. Elle a présenté des observations écrites et elle a témoigné à l’audience.

[26] Dans ses observations écrites, J. V. a écrit qu’elle avait 70 ans et que l’homme qu’elle avait épousé l’avait fait vivre l’enferNote de bas page 7. Elle a écrit qu’elle et le cotisant avaient vécu séparément pour deux raisons principales :

  • sa sécurité personnelle, car il était violent physiquement et mentalement à son égard et parce qu’il était mécontent de sa réussite dans le programme de soins infirmiers;
  • il voulait vivre séparément, car c’était ce qu’il préférait et ce qu’il avait choisiNote de bas page 8.

[27] J. V. a aussi écrit qu’elle avait continué de vivre séparément parce qu’elle se sentait ainsi plus en sécurité et en paixNote de bas page 9.

La requérante et le cotisant vivaient en union de fait.

[28] La preuve appuyait clairement le fait que la requérante et le cotisant avaient vécu en union de fait pendant au moins un an avant le décès du cotisant. Le témoignage des témoins et les éléments de preuve contenus dans les déclarations solennelles faisaient tous état d’une relation conjugale qui existait depuis bien plus d’un an. Il était clair pour moi, lorsque j’ai entendu les témoins, que la requérante et le cotisant entretenaient une relation d’amour enrichissante reconnue non seulement par leur famille, mais aussi par le groupe de personnes avec lequel ils se rassemblaient et envers lequel ils étaient engagés.

[29] Le cotisant et la requérante entretenaient des relations intimes, vivaient ensemble et comptaient l’un sur l’autre pour de l’amour et du soutien. Je n’ai aucune difficulté à conclure que cela faisait au moins un an qu’ils avaient une relation conjugale au moment du décès du cotisant.

[30] Je note également que cette position n’a pas été sérieusement contestée par la partie mise en cause. En écoutant le témoignage de celle-ci, j’ai vite compris qu’elle croyait fermement qu’elle devrait recevoir une pension de survivant en raison des moments difficiles que le cotisant lui avait fait vivre. Cependant, cela n’est pas suffisant. Une seule personne peut être admissible à une pension de survivant. Dans la présente affaire, il s’agit de la requérante.

Conclusion

[31] Je conclus que la requérante est admissible à une pension de survivant du RPC.

[32] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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