Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : DM c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 286

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de prolongation du délai et à une demande de permission d’en appeler

Partie demanderesse (partie requérante) : D. M.
Partie défenderesse : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 2 novembre 2021 (GP-20-1092)

Membre du Tribunal : Kate Sellar
Date de la décision : Le 19 avril 2022
Numéro de dossier : AD-22-185

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Décision

[1] Je refuse d’accorder une prolongation du délai de présentation d’une demande de permission d’en appeler. L’appel n’ira pas de l’avant. Les présents motifs expliquent pourquoi.

Aperçu

[2] D. M. (requérant) a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Le ministre a rejeté sa demande et il a fait appel à ce Tribunal.

[3] La division générale a accueilli son appel. Il a prouvé qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée depuis juin 1991, lorsqu’il a cessé de travaillerFootnote 1. Mais les versements au requérant commencent en mars 2018.

[4] Le requérant demande la permission d’appeler de la décision de la division générale. Il soutient que s’il est invalide depuis 1991, ses versements ne devraient pas commencer tant d’années plus tard, soit en 2018Footnote 2.

[5] La demande de permission d’en appeler du requérant est en retard. Je dois décider si je dois lui accorder un délai supplémentaire.

[6] L’argument du requérant concernant l’erreur de la division générale n’a aucune chance raisonnable de succès. Il y a des règles qui s’appliquent à l’appel du requérant, et elles aboutissent au début des versements de nombreuses années après que l’invalidité du requérant a effectivement commencé. Il n’y a aucun choix quant à l’application de ces règles. Sans une chance raisonnable de succès en appel, il n’est pas dans l’intérêt de la justice d’accorder une prolongation du délai. L’appel n’ira pas de l’avant.

Questions en litige

[7] Voici les questions à trancher dans le cadre du présent appel :

  1. a) La demande présentée à la division d’appel était-elle en retard?
  2. b) Dans l’affirmative, devrais-je prolonger le délai de présentation de la demande?

Analyse

La demande était en retard

[8] La décision de la division générale est datée du 2 novembre 2021. Le requérant confirme qu’il a reçu la décision le 3 novembre 2021Footnote 3.

[9] Le requérant avait 90 jours à partir de la date à laquelle la division générale a communiqué sa décision pour demander la permission d’en appelerFootnote 4.

[10] La division d’appel a reçu la demande de permission d’en appeler du requérant le 23 mars 2022.

[11] La demande du requérant a été présentée après ce délai de 90 jours et était donc en retard.

Je ne prolongerai pas le délai de présentation de la demande

[12] Au moment de décider si je dois accorder ou non une prolongation du délai, je dois tenir compte des facteurs suivants :

  1. a) Le retard est-il raisonnablement expliqué?
  2. b) Y avait-il intention persistante de poursuivre la demande?
  3. c) La demande cause-t-elle un préjudice à l’autre partie?

    d) La demande révèle-t-elle une cause défendableFootnote 5?

[13] L’importance de chacun des facteurs peut varier selon l’affaire. Avant tout, je dois examiner s’il est dans l’intérêt de la justice d’accorder la prolongationFootnote 6.

[14] Le requérant a donné une explication raisonnable pour le retard : il a d’abord envoyé sa demande de permission d’en appeler à Service Canada au lieu du TribunalFootnote 7. Le requérant n’est pas la première personne à faire cette erreur parce que la différence entre Service Canada et ce Tribunal n’est pas claire pour tout le monde. L’explication pour le délai est raisonnable.

[15] L’appel envoyé par le requérant à Service Canada a aussi été présenté après le délai de 90 jours. Par conséquent, je n’ai aucune preuve selon laquelle le requérant a fait preuve d’une intention persistante de poursuivre l’appel dans le délai de 90 jours.

[16] Je ne crains pas que le ministre subisse un préjudice en raison de ce retard, qui était seulement un laps de temps d’environ deux mois.

[17] Le problème, cependant, est que le requérant ne montre pas de cause défendable. Une cause défendable en est une qui présente une chance raisonnable de succès.

[18] Le requérant est d’accord avec la décision de la division générale selon laquelle il est devenu invalide quand il a cessé de travailler en 1991. Il soutient que la division générale a commis une erreur en indiquant que les versements commencent tant d’années plus tard, soit en 2018.

[19] L’appel du requérant n’a aucune chance raisonnable de succès. Étant donné l’importance de ce facteur pour l’analyse globale, je n’accorderai pas la prolongation du délaiFootnote 8.

[20] Il y a quelques règles du Régime de pensions du Canada qui s’appliquent au requérant et qui aident à comprendre comment la division générale a décidé que le requérant est devenu invalide en 1991, mais que ses versements ne commencent pas avant 2018. Je vais l’expliquer.

Comment déterminer le moment où les versements de pension d’invalidité commencent

[21] La division générale a accueilli l’appel du requérant et a conclu qu’il était admissible à la pension d’invalidité. Alors, comment procède la division générale (ou Service Canada) pour déterminer le moment où les versements de pension d’invalidité commencent?

[22] Quatre règles importantes s’appliquent au requérant :

  • Les règles relatives à la couverture en matière de pension.

Ces règles permettent à Service Canada de décider si une partie requérante a une couverture au titre du Régime de pensions du Canada et d’en déterminer le moment.

  • La règle relative à l’invalidité pendant la période de couverture.

Cette règle permet à Service Canada de décider si une personne est atteinte d’une invalidité pendant une période au cours de laquelle elle avait une couverture au titre du Régime de pensions du Canada.

  • La règle relative à la date la plus rapprochée à laquelle une personne peut être considérée comme invalide aux fins du paiement.

Cette règle permet à Service Canada de déterminer jusqu’où les versements peuvent remonter si la partie requérante a déjà montré qu’elle était atteinte d’une invalidité pendant sa période de couverture.

  • La règle relative à l’attente du paiement.

Il s’agit d’une règle générale concernant l’attente du paiement qui s’applique à toute personne qui satisfait à toutes les autres règles applicables à la pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada.

– Les règles relatives à la couverture en matière de pension

[23] La première règle au sujet du RPC est qu’une prestation est payable seulement aux personnes ayant cotisé (contribué) au RPC. Une personne cotise au RPC en travaillant et son employeur déduit de l’argent de son chèque de paie pour l’envoyer au RPCFootnote 9.

[24] Le requérant devait montrer qu’il avait suffisamment cotisé pour avoir une couverture au titre du RPC.

[25] Au moment de sa demande, le requérant n’avait pas fait suffisamment de cotisations au RPC. Il devait avoir versé la somme minimum au RPC :

  • pendant quatre des six dernières années;
  • pendant au moins 25 années, dont trois dans les six dernières.

[26] Le requérant n’avait pas assez de cotisations au titre de l’une ou l’autre de ces exigences.

[27] Cependant, une autre exigence de couverture en matière de pension a aidé le requérant. Lorsque des parties prestataires demandent une pension d’invalidité en retard (comme l’a fait le requérant), Service Canada peut poser la question suivante : À quand remonte la dernière fois où le requérant a cotisé suffisamment au RPC pour satisfaire aux exigences minimales?

[28] Il y a une exigence qui prévoit que les parties requérantes peuvent être admissibles la pension d’invalidité si elles ont fait des cotisations suffisamment élevées au RPC pendant cinq des dix dernières années entre 1987 et 1997.

[29] En date du 31 décembre 1995, le requérant avait satisfait à cette exigence de cinq années sur dix. Puisque le requérant avait suffisamment de cotisations à l’époque, le fait qu’il n’avait pas assez cotisé lorsqu’il a présenté sa demande n’importe plus.

[30] Cela ne signifie pas que le requérant obtient des versements de pension d’invalidité en remontant à 1995, alors qu’il avait une couverture au titre du RPC parce qu’il a cotisé suffisamment à ce moment-là. Il y a d’autres règles à appliquer. La suivante porte sur l’invalidité.

– La règle relative à l’invalidité pendant la période de couverture

[31] Voici la règle relative à l’invalidité : si des parties prestataires demandent une pension d’invalidité, elles doivent montrer qu’elles sont atteintes d’une invalidité grave et prolongée qui a commencé avant la fin de leur période de couverture.

[32] Gardons à l’esprit que la période de couverture du requérant prend fin le 31 décembre 1995.

[33] Ainsi, pour avoir une pension d’invalidité, le requérant devait montrer qu’il était atteint d’une invalidité « grave et prolongée » au plus tard le 31 décembre 1995 (quand sa période de couverture a pris fin) et de façon continue par la suiteFootnote 10.

[34] La division générale a décidé que le requérant avait démontré que son invalidité était grave et prolongée lorsqu’il a cessé de travailler en juin 1991. Il s’agissait de l’essentiel de la décision de la division générale. La division générale a examiné tous ces éléments de preuve au sujet de l’invalidité du requérant, son traitement, son expérience de travail, et sa situation personnelle (comme ses études et ses antécédents de travail dans des emplois physiques).

[35] Le requérant a montré qu’il était atteint d’une invalidité à partir 1991, c’est-à-dire avant la fin de sa période de couverture en 1995.

[36] Cela ne veut pas dire que le requérant obtient un paiement à partir de 1991, quand il est devenu invalide. Il y a d’autres règles à appliquer ensuite.

[37] J’ai déjà expliqué qu’il y a une règle ayant permis au requérant de respecter l’exigence du point de départ de la couverture au titre du RPC même s’il ne satisfaisait pas à ces exigences au moment où il a présenté sa demande.

[38] Il y a une autre règle qui s’applique lorsque les parties requérantes présentent une demande au RPC en retard. Celle-là porte sur le paiement.

– La règle relative à la date la plus rapprochée à laquelle une personne peut être considérée comme invalide aux fins du paiement

[39] Le requérant a demandé la pension d’invalidité en février 2019, soit longtemps après la date à laquelle il est en fait devenu invalide.

[40] La règle ayant eu la plus grande incidence sur le requérant est la suivante : aux fins du versement de la pension d’invalidité, l’invalidité d’une personne ne peut être considérée comme ayant commencé plus de 15 mois avant que la personne ait présenté sa demandeFootnote 11.

[41] Par conséquent, même si le requérant a montré que son invalidité était grave et prolongée en 1991, il a demandé la pension d’invalidité de nombreuses années plus tard. La règle relative à la date la plus rapprochée à laquelle une personne peut être considérée comme invalide aux fins du paiement s’applique au requérant.

[42] La date la plus hâtive à laquelle nous pouvons dire que son invalidité a commencé, dans le but de lui verser la pension d’invalidité du RPC, se situe 15 mois avant que le requérant ait présenté sa demande en février 2019. Quinze mois avant février 2019 nous mène à novembre 2017.

[43] Puisque le requérant a fait sa demande en retard, il peut seulement être considéré comme invalide aux fins du versement dès le mois de novembre 2017.

[44] Cependant, cela ne signifie pas que le requérant obtient le versement de la pension à compter de novembre 2017. Il y a une autre règle à appliquer concernant le paiement.

– La règle relative au délai d’attente du paiement

[45] La règle applicable suivante est celle du délai d’attente. La règle relative au délai d’attente signifie que les versements commencent quatre mois après la date à laquelle le requérant est considéré comme étant invalide aux fins du paiement (la date que nous avons calculée à la règle précédente ci-dessus)Footnote 12.

[46] Quatre mois après novembre 2017 nous mène en mars 2018.

[47] Il n’y a aucune autre règle applicable. Les versements au requérant commencent en mars 2018.

La division générale a appliqué les règles : aucun argument quant à une erreur

[48] La division générale a appliqué ces règles pour calculer la date où débutent les versements au requérantFootnote 13.

[49] La préoccupation du requérant relativement à l’appel est la suivante : il se demande pourquoi il a dû prouver qu’il était invalide en remontant à 1995 si, au bout du compte, il obtient seulement des versements qui commencent aussi tard qu’en 2018.

[50] La réponse à la question du requérant, c’est que chaque règle s’applique, une à la fois. Certaines règles exigent d’examiner des dates aux fins de l’établissement de la couverture et pour prouver l’invalidité, et certaines règles exigent d’examiner des dates aux fins du versement.

[51] Le requérant n’avait pas versé suffisamment de cotisations pour être admissible à une pension au moment où il a présenté sa demande. Cependant, selon ses cotisations antérieures, il pouvait être admissible à une pension s’il prouvait qu’il était atteint d’une invalidité au plus tard le 31 décembre 1995. Bien que le requérant ait prouvé qu’il était atteint d’une invalidité en date du 31 décembre 1995 pour être admissible à la pension, le ministre peut lui payer une pension bien plus tard seulement parce qu’il a présenté sa demande en retard.

[52] Il ne pouvait pas être considéré comme étant devenu invalide plus de 15 mois avant la date de sa demande et les versements peuvent seulement commencer quatre mois après cette date. La division générale n’avait pas le choix d’appliquer ces règles. Dans le cas présent, il n’y a aucun argument selon lequel la division générale a commis une erreur concernant les dates de la couverture du requérant, de l’invalidité, du paiement ou du délai d’attente.

[53] Le requérant n’a aucun argument concernant ces dates qui a une chance raisonnable de succès.

[54] Les règles qui s’appliquaient dans le cas du requérant peuvent prêter à confusion. J’espère donc que la présente explication permet au requérant de comprendre pourquoi Service Canada ne peut pas le payer à compter de la date à laquelle il a cessé de travailler.

Conclusion

[55] Je refuse d’accorder la prolongation du délai. Autrement dit, l’appel n’ira pas de l’avant.

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