Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : AS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 966

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, Section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : A. S.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision du ministre de l’Emploi
et du Développement social datée du 19 août 2019
(communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Anne S. Clark
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 21 juillet 2021
Personnes présentes à l’audience : Requérant
Représentante (fille) du requérant
Témoin (conseiller financier du requérant)
Date de la décision : Le 16 août 2021
Numéro de dossier : GP-19-1910

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] Le requérant, A. S., n’est pas admissible au paiement de ses prestations de retraite du Régime de pensions du Canada (RPC) avant avril 2017. La présente décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] Le requérant est un dentiste à la retraite. Sa fille et lui ont expliqué qu’il a dirigé un cabinet dentaire prospère pendant 47 ans. Il avait des employés et payait des impôts. Il avait une excellente éthique de travail et il a continué de travailler aussi longtemps qu’il le pouvait. Comme il était travailleur autonome et qu’il n’a pas de régime de retraite privé, il compte sur le maximum qu’il peut obtenir du RPC.

[4] Le requérant a eu deux événements médicaux importants qu’il juge pertinents pour son appel. Il a subi une arthroplastie de la hanche en décembre 2015 et a dû s’absenter du travail pour se rétablir. Il est retourné au travail puis a eu un accident vasculaire cérébral (AVC) le 6 janvier 2016. Il n’a pas pu travailler depuis.

[5] Le requérant a présenté une demande de pension de retraite du RPC en mars 2018, à l’âge de 74 ans. Le ministre a accueilli la demande et a décidé que le requérant avait droit à une pension de retraite du RPC à compter d’avril 2017, soit 11 mois avant la date de sa demande. Le requérant a fait appel de la décision du ministre à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[6] Le requérant affirme que sa pension devrait entrer en vigueur lorsqu’il a eu 70 ans, soit en août 2013, parce qu’il a mal compris (ou qu’il a été induit en erreur par) des renseignements imprimés sur le meilleur moment pour présenter une demande de pension de retraite du RPC. Il a également dit qu’après son arthroplastie de la hanche en 2015, il ne pouvait pas demander une pension de retraite parce qu’il était [traduction] « pleinement engagé » à retourner au travail. De plus, il croit que sa pension devrait entrer en vigueur 11 mois avant janvier 2016, lorsqu’il a eu un AVC, parce qu’il était incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande. Il affirme que sa période d’incapacité a commencé le 6 janvier 2016 et qu’elle ne s’est pas terminée.

[7] Le ministre affirme que le requérant a reçu le maximum de paiements rétroactifs permis au titre du RPC. Le ministre a soutenu que le requérant n’avait pas prouvé qu’il était incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter sa demande avant mars 2018, date à laquelle il a présenté sa demande. Il déclare également que le requérant n’a pas droit à d’autres paiements rétroactifs.

Ce que le requérant doit prouver

[8] Pour obtenir gain de cause, le requérant doit prouver que le RPC permet que sa pension de retraite du RPC soit versée plus tôt qu’avril 2017. Cela pourrait être possible s’il ne pouvait pas présenter sa demande plus tôt parce qu’il était frappé d’incapacité au sens du RPC. Pour prouver qu’il a satisfait au critère relatif à l’incapacité, il doit démontrer qu’il était incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter sa demande avant mars 2018.

Questions que je dois examiner en premier

Le requérant m’a demandé de tenir compte d’autres circonstances.

[9] Le requérant et sa fille ont discuté de l’éthique de travail du requérant et du fait qu’il était un bon employeur et qu’il a payé des impôts pendant de nombreuses années. Sa situation financière est limitée parce qu’il n’a pas de régime de pension privé. Il a eu d’importants problèmes de santé à gérer et il n’était pas en mesure de présenter sa demande plus tôt.

[10] Le Tribunal a été créé par une loi. Il jouit seulement des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi habilitante. Cela signifie que je dois interpréter et appliquer les dispositions telles qu’elles figurent dans le RPC et ses règlements. Je ne peux pas les modifier ou y renoncer, même s’ils semblent sévères ou injustes dans une situation particulièreNote de bas de page 1.

Motifs de ma décision

Le requérant a reçu le maximum de paiements rétroactifs permis au titre du RPC.

[11] Le RPC établit quand une pension de retraite commence. Il s’agit du dernier en date des mois suivants :

  1. (a) le mois où le requérant a atteint l’âge de 65 ans;
  2. (b) le mois suivant le mois où la demande a été reçue, s’il avait moins de 65 ans au moment de la demande;
  3. (c) le 11e mois précédant le mois où la demande a été reçue, s’il a atteint l’âge de 65 ans au moment de la demande (mais pas avant d’avoir atteint l’âge de 65 ans); 
  4. (d) le mois choisi par le requérant.

[12] Bien que le requérant souhaite que le paiement commence au moment où il a eu 70 ans (en août 2013), sa pension doit commencer à la dernière en date des quatre situations susmentionnées. Le demandeur avait plus de 65 ans lorsqu’il a présenté sa demande. La dernière en date des quatre situations est donc celle au point (c).

[13] Cela signifie que la pension du requérant peut être versée au plus tôt 11 mois avant le mois où il a présenté sa demande. Comme il a déjà reçu le maximum, il ne peut pas obtenir gain de cause sur ce point.

Le requérant n’a pas satisfait au critère relatif à l’incapacité

[14] Pour satisfaire au critère relatif à l’incapacité du RPC, le requérant doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’il n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de demander des prestations2. La capacité de former ou d’exprimer une intention de demander des prestations est semblable à la capacité de former ou d’exprimer une intention à l’égard d’autres choix dans vieNote de bas de page 2.

[15] Les dispositions relatives à l’incapacité du RPC exigent également que le requérant démontre qu’il était continuellement incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de prestations d’invalidité du RPC pendant toute la période d’incapacité alléguéeNote de bas de page 3.

Les actions et les décisions du requérant ne démontrent pas son incapacité

[16] Après avoir subi son AVC le 6 janvier 2016, le requérant s’est rendu compte qu’il aurait besoin d’aide pour gérer ses affaires personnelles. Le 14 janvier 2016, il a pris des dispositions pour signer une procuration autorisant son épouse à agir en son nom. Il précise qu’ils [traduction] « discutent ensemble » et qu’elle gère les comptes. Ce n’est pas la même chose qu’avant son AVC, où il pouvait gérer lui-même les opérations bancaires et les comptes.

[17] Le requérant a expliqué que, depuis son AVC, il a besoin que des membres de sa famille le conduisent à ses rendez-vous médicaux. Sa fille le conduit à ses rendez-vous et l’attend dans la voiture. Le requérant ne prend pas de décisions médicales seul. Les médecins lui donnent de l’information et il prend des décisions à partir de leurs conseils. L’épouse du requérant s’occupe de ses médicaments et il compte sur elle pour s’occuper de toutes les tâches ménagères, y compris les choses qu’il faisait auparavant. En fait, la famille a assumé la responsabilité de bien des choses qu’il faisait avant.

[18] Le requérant craint d’oublier ou de [traduction] « mal classer » des renseignements, alors il discute de tout avec sa famille et se fonde sur leurs conseils pour prendre des décisions. Il a le cerveau « embrumé ». Il peut être confus et devenir stressé. Il a dit s’être rendu compte qu’il n’était plus capable de faire sa propre comptabilité et de payer ses impôts. Il compte sur un conseiller financier (GVH) pour le conseiller à l’égard de ses impôts et ses finances personnelles. C’est GVH qui lui a recommandé de faire une demande de pension de retraite du RPC.

[19] GVH a témoigné et a dit que le requérant lui avait demandé de l’aide à la fin de 2017 avec sa cotisation d’impôt sur le revenu et ses finances personnelles. GVH a dit croire que le requérant a été frappé d’incapacité en 2016. Il a dit que la plupart des décisions avec lesquelles le requérant avait besoin d’aide ont été prises en 2016 et après. GVH les a décrites comme des « lacunes » dans les finances du requérant et il dit l’avoir aidé à réviser et à présenter des formulaires et des demandes, y compris sa demande de prestations de retraite du RPC.

[20] GVH a déclaré que le requérant avait assisté à une présentation qu’il a donnée sur les impôts et les finances personnelles. Il y a assisté seul. Le requérant a dit à GVH qu’il se sentait dépassé par ses finances personnelles. Il y avait un lien familial entre le requérant et GVH, alors celui-ci a accepté de lui venir en aide. Lorsque GVH a interrogé le requérant au sujet des prestations du RPC, celui-ci a répondu qu’il n’avait pas fait de demande parce qu’il croyait que plus il attendait, plus il recevrait de prestations. GVH lui a conseillé de présenter une demande immédiatement. Il a rempli les formulaires et le requérant les a signés.

[21] GVH a expliqué que le requérant faisait face à de nombreuses « dynamiques » graves et qu’il y avait des lacunes dans ses finances personnelles, dont le RPC. Le requérant a dit qu’il savait qu’il avait fait des erreurs avec son épargne et sa retraite, et qu’il avait besoin d’aide. GVH a confirmé qu’il avait conseillé le requérant, mais que c’était celui-ci qui avait pris toutes les décisions.

La preuve médicale n’appuie pas une conclusion d’incapacité

[22] Le requérant affirme que la période d’incapacité a commencé le 6 janvier 2016 et qu’elle ne s’est pas terminée. Sa médecin de famille, la Dre J. Summerfield, a rempli une déclaration d’incapacité et a déclaré que l’incapacité du requérant avait commencé le 6 janvier 2016 et qu’elle s’était terminée le 1er mai 2016Note de bas de page 4. Le requérant et sa fille n’étaient pas certains, mais ils croyaient que le 1er mai 2016 aurait pu être la date à laquelle il a reçu son congé du centre médical et de réadaptation.

[23] Le 17 septembre 2019, la Dre Summerfield a écrit qu’elle avait commis une erreur dans la déclaration et qu’elle aurait dû préciser que l’incapacité du requérant se poursuivait. Elle a dit que c’était parce qu’il était toujours incapable de remplir des formulaires pour le processus d’appelNote de bas de page 5.

[24] La description qu’a faite la Dre Summerfield des limites du requérant concerne sa capacité de remplir des formulaires, et non sa capacité de former ou d’exprimer une intention de présenter une demande. Sa lettre parle du fait que le requérant a toujours besoin d’aide pour remplir des formulaires. Cela concorde avec la preuve et le témoignage de sa fille et de GVH. Le requérant est aux prises avec un problème de santé très grave et il ne peut plus tout faire comme avant. Le fait qu’il ait des limitations et qu’il ait besoin d’aide n’établit pas l’incapacité.

[25] Le requérant croit que le fait qu’il compte sur l’aide et les conseils d’autres personnes signifie qu’il satisfait au critère relatif à l’incapacité. La capacité doit être considérée à la lumière du sens ordinaire du terme et établie en fonction des preuves médicales et des activités de la personne. La disposition relative à l’incapacité du RPC est précise et ciblée. Elle ne décrit pas la capacité de faire, de préparer, de traiter ou de remplir une demande de prestations, mais seulement la capacité de formuler ou d’exprimer une intention de présenter une demandeNote de bas de page 6. L’incapacité ne concerne pas la capacité d’une personne de remplir elle-même les formulaires. Le fait d’avoir besoin d’aide ou d’être atteint d’une invalidité ne signifie pas qu’une personne répond à la définition d’incapacitéNote de bas de page 7.

[26] Je dois aussi évaluer la capacité du requérant à prendre d’autres décisions. Pour ce faire, je dois examiner à la fois la preuve médicale et les activités pertinentes du requérant entre la date à laquelle il prétend être devenu incapable de présenter une demande, et la date à laquelle il a présenté sa demande de prestations d’invalidité, car cela met en lumière sa capacité de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de prestations d’invalidité pendant cette périodeNote de bas de page 8.

Le manque de connaissances ou l’invalidité du requérant n’établissent pas l’incapacité.

[27] Le requérant a déclaré qu’il avait d’autres choses à gérer, comme une arthroplastie à la hanche et un retour au travail, qui l’ont empêché de présenter sa demande plus tôt. Il a dit à GVH qu’il avait décidé d’attendre pour faire une demande parce qu’il pensait ainsi obtenir plus d’argent. Il ne savait pas qu’il y avait des limites aux paiements rétroactifs.

[28] Le fait que le requérant n’ait pas réalisé l’incidence de sa décision de retarder sa demande, ou qu’il ait été distrait par d’autres événements importants dans sa vie n’établit pas l’incapacitéNote de bas de page 9. De plus, le RPC permet à une personne de présenter une demande au nom d’une autre personne. Il est clair que le requérant a envisagé la possibilité qu’une autre personne s’occupe de ses décisions lorsqu’il a nommé son épouse comme mandataire. Il a été capable de prendre ces dispositions dans la semaine qui a suivi son AVC. Il a déclaré avoir pris ses propres décisions médicales, mais avoir besoin des conseils de ses professionnels de la santé. Il a insisté sur le fait qu’il doit compter sur les autres pour obtenir des conseils médicaux et financiers, pour le conduire à des rendez-vous, pour remplir des formulaires et pour l’aider à répondre à ses besoins personnels. Malgré tout, à compter de la semaine suivant l’AVC (le 14 janvier 2016), il a été en mesure de prendre des décisions au sujet de ses affaires personnelles et financières. Cela correspond à la capacité de former ou d’exprimer l’intention de demander des prestations du RPC.

[29] Le requérant et les témoins ont tous traité l’incapacité comme s’il s’agissait de l’incapacité de remplir des formulaires et de présenter une demande. Ils semblent croire, à tort, qu’étant donné que le requérant n’a pas les mêmes capacités qu’avant son AVC fait, il satisfait au critère relatif à l’incapacité. Comme je l’ai expliqué ci-dessus, même s’il a des limites, le requérant ne satisfait pas au critère relatif à l’incapacité.

Conclusion

[30] Je conclus que le requérant n’est pas admissible à des paiements rétroactifs supplémentaires.

[31] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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