Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : WD c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 325

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : W. D.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 27 août 2020 (communiquée par Service Canada) )

Membre du Tribunal : James Beaton
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 3 mars 2022
Personne présente à l’audience: Aucune
Date de la décision : Le 9 mars 2022
Numéro de dossier : GP-20-1795

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant, W. D., n’a pas droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelant a 44 ans. Il se rendait à pied à son emploi dans un entrepôt le 5 décembre 2017 lorsqu’il a été heurté par un véhicule. Il n’est jamais retourné au travail par la suite. Il dit qu’il ne peut pas travailler en raison de la dépression, de l’anxiété, du trouble de stress post-traumatique (TSPT) et de douleurs chroniques généralisées. Il a aussi de la difficulté à dormir.

[4] Le 26 juillet 2019, l’appelant a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelant a fait appel de la décision devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’appelant affirme que ses déficiences mentales et physiques l’empêchent de travailler.

[6] Le ministre prétend que les tests médicaux n’expliquent pas les symptômes physiques de l’appelant et qu’il n’a pas suivi les conseils médicaux.

[7] Je conviens avec le ministre que l’appelant n’a pas suivi les conseils médicaux. Il était déraisonnable pour lui de ne pas suivre les conseils. Suivre les conseils aurait peut-être fait une différence dans son handicap. Il n’a donc pas droit à une pension d’invalidité.

Ce que l’appelant doit prouver

[8] Pour obtenir gain de cause, l’appelant doit prouver qu’il a une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2019. Cette date est fondée sur ses cotisations au RPCNote de bas de page 1.

[9] Le Régime de pensions du Canada définit « grave » et « prolongée ».

[10] Une invalidité n’est grave que si elle rend un requérant régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 2.

[11] Cela signifie que je dois examiner l’ensemble des problèmes de santé de l’appelant pour voir quel effet ils ont sur sa capacité de travailler. Je dois également tenir compte de facteurs tels que son âge, son niveau de scolarité et son expérience professionnelle et personnelle antérieure. Et ce pour que je puisse obtenir une image réaliste de la gravité de son invalidité. Si l’appelant est en mesure d’effectuer régulièrement un travail qui lui permettrait de gagner sa vie, il n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[12] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 3.

[13] Cela signifie que l’invalidité de l’appelant ne peut comporter une date prévue de rétablissement. Il faut s’attendre à ce que l’invalidité empêche l’appelant de travailler longtemps.

[14] L’appelant doit prouver qu’il a une invalidité grave et prolongée. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il soit invalide.

Questions que je dois examiner en premier

L’appelant n’était pas présent à l’audience

[15] Une audience peut avoir lieu sans l’appelant s’il a reçu l’avis d’audienceNote de bas de page 4. J’ai décidé que l’appelant a reçu l’avis d’audience parce que le Tribunal le lui a envoyé par courriel le 4 février 2022. Les courriels sont réputés être reçus le jour ouvrable suivant leur envoiNote de bas de page 5. Cela signifie que l’appelant est réputé avoir reçu l’avis d’audience le 7 février 2022. Le personnel du Tribunal a tenté de communiquer avec l’appelant pendant l’audience prévue, mais sans succès. L’audience a donc eu lieu au moment où elle était fixée, sans l’appelant. L’appelant n’a pas communiqué avec le Tribunal après l’audience pour expliquer pourquoi il avait manqué l’audience.

Motifs de ma décision

[16] Je conclus que l’appelant n’a pas prouvé qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée au 31 décembre 2019.

L’invalidité de l’appelant était-elle grave?

[17] L’invalidité de l’appelant n’était pas grave au 31 décembre 2019. J’en suis arrivé à cette conclusion en tenant compte de plusieurs facteurs. J’explique ces facteurs ci-après.

Les limitations fonctionnelles de l’appelant ont nui à sa capacité de travailler

[18] L’appelant est atteint de dépression, d’anxiété, de TSPT et de douleurs chroniques généralisées. Il a aussi de la difficulté à dormir. Toutefois, je ne peux me concentrer sur les diagnostics de l’appelantNote de bas de page 6. Je dois plutôt me demander s’il a des limitations fonctionnelles qui l’empêchent de gagner sa vie au 31 décembre 2019Note de bas de page 7. Dans le cadre de cette démarche, je dois examiner tous les problèmes de santé de l’appelant (pas seulement le problème principal) et réfléchir à leur incidence sur sa capacité de travaillerNote de bas de page 8.

[19] Je conclus que l’appelant avait des limitations fonctionnelles au 31 décembre 2019.

Ce que l’appelant dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[20] L’appelant affirme que ses problèmes de santé ont entraîné des limitations fonctionnelles qui affectaient sa capacité de travailler au 31 décembre 2019.

[21] En raison de ses problèmes de santé mentale, il affirme :

  • qu’il est émotif et irritable
  • qu’il évite les situations sociales; il reste généralement à la maison.

[22] En raison de douleurs chroniques généralisées, il affirme ce qui suit :

  • il ne peut rester debout que pendant 10 minutes et il doit utiliser une canne
  • il s’agrippe aux poignées ou s’assied pendant la douche
  • il ne peut pas marcher très loin
  • il ne peut s’agenouiller, s’accroupir, se pencher, pousser ou tirer
  • il a de la douleur en position assise
  • il ne fait plus de promenades ni de travaux ménagers
  • il ne dort que quatre heures par nuit.

[23] Il ajoute que ses médicaments contre la douleur et l’insomnie le rendent « somnolent, inattentif et nauséeux », ce qui affecte sa capacité de réfléchir clairement et de se concentrerNote de bas de page 9.

Ce que la preuve médicale indique au sujet des limitations fonctionnelles de l’appelant

[24] L’appelant doit fournir une preuve médicale démontrant que ses limitations fonctionnelles ont nui à sa capacité de travailler au 31 décembre 2019Note de bas de page 10.

[25] La preuve médicale étaye la plupart des propos de l’appelant.

[26] En ce qui concerne ses problèmes de santé mentale, son médecin de famille (la Dre Shakkeela Kunjummar) l’a décrit comme étant anxieux et déprimé depuis l’accident. Cela affecte son humeur, sa concentration et son énergie. Il ne sort pas souvent de la maisonNote de bas de page 11.

[27] Le Dr David Direnfeld, psychologue, a effectué un examen médical indépendant de l’appelant pour l’assureur de l’appelant en juin 2019. Le Dr Direnfeld a diagnostiqué à l’appelant un TSPT. Il a fait remarquer que l’appelant était émotif. Il a accepté les rapports de l’appelant selon lesquels il avait eu des crises de colère et évitait les situations socialesNote de bas de page 12.

[28] En ce qui concerne la douleur chronique, la Dre Kunjummar a déclaré que l’appelant ressentait des douleurs au dos depuis longtemps, même avant son accident. La douleur irradie dans ses jambes. Les notes de la Dre Kunjummar et le rapport du Dr Direnfeld confirment ce qui suit :

  • l’appelant éprouve de la douleur en se tenant debout et utilise une canne
  • il a besoin d’aide pour entrer dans la douche
  • il ne peut pas marcher très loin
  • il ne fait plus de ménage
  • il ne dort que quatre heures par nuit
  • il devrait éviter les mouvements fréquents du dos et éviter de soulever plus de 10 kilogrammes.

[29] Toutefois, il n’existe aucune preuve médicale que l’appelant avait de la difficulté à s’agenouiller, à s’accroupir, à se pencher, à pousser ou à tirer. Aucun des fournisseurs de soins de santé de l’appelant n’a mentionné que l’appelant avait de la difficulté à rester assis. L’évaluation du Dr Direnfeld a duré près de trois heures. Pendant cette période, le Dr Direnfeld n’a pas observé que l’appelant ressentait des douleurs lorsqu’il était assisNote de bas de page 13.

[30] Le ministre affirme que l’examen médical de l’appelant n’explique pas ses symptômes physiques. Un test a révélé une légère sténose lombaire (rétrécissement de la partie inférieure de la colonne vertébrale). Cependant, l’imagerie de sa tête, de son genou droit, de sa hanche droite, de son thorax, de son abdomen et de son bassin n’a rien révélé de malNote de bas de page 14.

[31] Je reconnais l’argument du ministre. Toutefois, les fournisseurs de soins de santé de l’appelant ont accepté qu’il éprouve des douleurs et certaines limitations fonctionnelles. Je l’accepte aussi.

[32] En résumé, je conclus que, au 31 décembre 2019, l’appelant :

  • était émotif et irritable
  • évitait les situations sociales
  • avait des limitations dans la position debout, la marche, le soulèvement de charges et les mouvements fréquents du dos
  • avait de la difficulté à se concentrer
  • était fatigué en raison d’un mauvais sommeil.

[33] La preuve médicale confirme que les problèmes fonctionnels de l’appelant l’ont empêché d’effectuer son travail dans un entrepôt au 31 décembre 2019. Ce travail l’obligeait à soulever fréquemment des objets lourds, à être debout et à conduire un chariot élévateur. Je crois que sa fatigue, son manque de concentration et ses limitations en position debout, quant à la marche et au soulèvement de charges auraient rendu ces tâches très difficiles, voire peut-être dangereuses. Il aurait également dû quitter sa maison pour travailler à l’entrepôt. Quitter sa maison le rendait anxieuxNote de bas de page 15.

[34] J’examinerai ensuite si l’appelant a suivi les conseils médicaux.

L’appelant n’a pas suivi les conseils médicaux

[35] Pour recevoir une pension d’invalidité, un prestataire doit suivre les conseils médicauxNote de bas de page 16. Si un prestataire ne le fait pas, il doit avoir une explication raisonnable. Je dois également examiner l’effet, le cas échéant, que les conseils médicaux auraient pu avoir l’invalidité du requérantNote de bas de page 17.

[36] L’appelant n’a pas suivi tous les conseils médicaux. Il n’a pas donné d’explication raisonnable à cet égard.

[37] Le 2 mars 2019, la Dre Kunjummar a orienté l’appelant vers une clinique antidouleur. Celle-ci a tenté d’appeler l’appelant le 8 mars, le 21 mars et le 5 avril 2019. Le 18 avril 2019, la clinique antidouleur a écrit à la Dre Kunjummar pour l’informer qu’elle n’avait pas réussi à prendre rendez-vous avec l’appelantNote de bas de page 18. Ce dernier n’a pas expliqué pourquoi il n’avait pas suivi les conseils de la Dre Kunjummar.

[38] Je dois maintenant déterminer si le fait de suivre ces conseils aurait pu avoir une incidence sur l’invalidité de l’appelant.

Suivre les conseils médicaux aurait peut-être fait une différence

[39] Je juge que le fait de suivre des conseils médicaux aurait pu faire une différence dans la douleur chronique de l’appelant. Au moment où la Dre Kunjummar a recommandé la clinique antidouleur, l’appelant avait déjà essayé de suivre des traitements de physiothérapie et de chiropratique ainsi que divers médicamentsNote de bas de page 19. De toute évidence, la Dre Kunjummar croyait qu’une clinique antidouleur pouvait encore aider l’appelant. Sinon, elle n’aurait pas aiguillé l’appelant vers cette clinique.

[40] Je conclus que le fait de suivre les conseils médicaux aurait pu faire une différence dans le mauvais sommeil de l’appelant. L’appelant a dit qu’il ne pouvait pas dormir en raison de ses douleursNote de bas de page 20. Donc si sa douleur s’était atténuée, son sommeil aurait dû s’améliorer.

[41] De plus, l’appelant a été aiguillé vers un centre des troubles du sommeil pour une étude du sommeil en avril 2014. Cependant, ils n’ont pas pu communiquer avec luiNote de bas de page 21. L’appelant n’a pas expliqué pourquoi il n’avait pas effectué l’étude du sommeil. La Dre Kunjummar a suggéré une nouvelle étude du sommeil en février 2015, mais rien n’indique que l’étude a été réaliséeNote de bas de page 22.

[42] Je conclus que le fait de suivre les conseils médicaux aurait pu faire une différence dans la santé mentale de l’appelant. Le Dr Scherer (psychologue spécialisé en réadaptation et en orientation professionnelle) a évalué l’appelant les 28 et 29 juillet 2020 pour voir comment ses problèmes de santé affectaient sa capacité de travaillerNote de bas de page 23. Dans son rapport, il mentionne que la douleur chronique contribue à la dépression. Il a conclu que les deux affections réunies [traduction] « sont souvent associées à une incapacité plus grande que l’une ou l’autre en soi »Note de bas de page 24. Donc, si sa douleur chronique s’était atténuée, sa dépression se serait probablement aussi atténuée.

L’anxiété et le TSPT de l’appelant ne sont pas prolongés

[43] Les seuls problèmes médicaux que la clinique antidouleur n’aurait probablement pas permis d’atténuer sont l’anxiété et le TSPT. Bien que l’appelant ait reçu un diagnostic d’anxiété et de TSPT en 2019, je conclus que ces problèmes n’entraînent plus de limitations fonctionnelles qui nuiraient à la capacité de travailler de l’appelant. Autrement dit, elles ne sont pas prolongéesNote de bas de page 25. J’arrive à cette conclusion pour les quatre raisons suivantes.

[44] Premièrement, le Dr Direnfeld a prédit que l’appelant n’avait pas atteint le rétablissement maximal après le TSPT dans son rapport de juin 2019. Il a recommandé à l’appelant de suivre une thérapie cognitivo-comportementale avec un psychologueNote de bas de page 26. L’appelant a vu la Dre Joyce Weinberg du mois d’août 2019 au moins jusqu’en février 2020 à cette fin. J’estime qu’il est probable que l’anxiété et le TSPT de l’appelant se seraient atténués grâce à ce traitement depuis le diagnostic du Dr Direnfeld.

[45] La Dre Weinberg avait écrit en février 2020 qu’elle ne voyait pas [traduction] « comment il pourrait éventuellement travailler dans son état actuel ». Elle n’a toutefois pas expliqué pourquoiNote de bas de page 27. L’appelant n’a fourni aucun autre document de la Dre Weinberg qui m’aiderait à comprendre le fondement de l’opinion de la Dre Weinberg, c’est-à-dire s’il était fondé sur la douleur, le mauvais sommeil, la dépression, l’anxiété ou le TSPT de l’appelant.

[46] Deuxièmement, l’appelant s’est rendu à l’hôpital en décembre 2019 parce que son émotivité était incontrôlable. À l’hôpital, le Dr Cesar Garcia (psychiatre) a évalué qu’il souffrait de dépression. Il souligne que le TSPT devrait être écarté. Le collègue du Dr Garcia, le Dr Gaurav Mehta (également psychiatre), a vu l’appelant en juin et en août 2020. Il a conclu que l’appelant était dépressif. Il n’a pas mentionné d’anxiété ou de TSPT dans son diagnosticNote de bas de page 28.

[47] Troisièmement, le rapport d’août 2020 du Dr Scherer est exhaustif et détaillé. Il l’a fondé sur une évaluation de deux jours de l’appelant faite en juillet 2020 et sur un examen de ses antécédents médicaux. Il était au courant de l’expérience de l’appelant avec le TSPT. Toutefois, son diagnostic final était « trouble dépressif majeur avec détresse anxieuse »Note de bas de page 29.

[48] Quatrièmement, les notes du cabinet de la Dre Kunjummar mentionnent l’anxiété à de nombreuses reprises entre décembre 2017 et décembre 2019. Cependant, elles ne mentionnent pas du tout l’anxiété après février 2020, y compris après le rapport du Dr Scherer. Ses notes se terminent en juin 2021. L’appelant a souvent vu la Dre Kunjummar pendant cette période. Si l’anxiété était encore un facteur important pour l’appelant, je crois que les notes de la Dre Kunjummar l’auraient mentionné. Ses notes portaient plutôt sur l’humeur de l’appelant, qu’elle qualifiait généralement de stableNote de bas de page 30.

[49] Lorsque je décide si une invalidité est grave, je dois généralement tenir compte des caractéristiques personnelles d’un requérant. Je peux ainsi évaluer de façon réaliste la capacité de travailler d’un requérantNote de bas de page 31.

[50] Je n’ai pas à le faire ici parce que l’appelant n’a pas suivi tous les conseils médicaux et n’a pas fourni d’explication raisonnable pour ne pas avoir suivi ces conseils. Suivre les conseils aurait peut-être fait une différence dans ses douleurs chroniques, la mauvaise qualité de son sommeil et sa dépression. Cela n’aurait probablement pas affecté son anxiété ou son TSPT. Je conclus cependant que ces conditions n’entraînent plus de limitations fonctionnelles qui nuiraient à la capacité de travailler de l’appelant.

[51] Cela signifie qu’il n’a pas prouvé que son invalidité était grave et prolongée au 31 décembre 2019Note de bas de page 32.

Conclusion

[52] Je conclus que l’appelant n’a pas droit à une pension d’invalidité du RPC parce que son invalidité n’était pas grave et prolongée au 31 décembre 2019.

[53] Cela signifie que l’appel est rejeté.

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