Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : SL c Ministre de l’Emploi et du Développement social et La succession de RC, 2022 TSS 502

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Parties demanderesse : S. L.
Partie défenderesse : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Partie mise en cause : La succession de R. C.
Représentante ou représentant : P. C.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 20 décembre 2021 (GP-20-1170)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 6 juin 2022
Numéro de dossier : AD-22-146

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] S. L. (demanderesse), prétend qu’elle était la conjointe de fait de R. C. (défunt), qui est décédé en août 2015.

[3] Pendant des années, la ministre, par l’entremise de Service Canada, a versé au défunt un Supplément de revenu garanti (SRG) au taux pour les personnes célibataires, plutôt qu’au taux inférieur pour les personnes mariées. Après le décès du défunt, la demanderesse a présenté une demande de pension de survivant du Régime de pensions du Canada (RPC). Elle a affirmé qu’elle et le défunt avaient vécu ensemble dans une relation conjugale pendant 24 ans.

[4] Le ministre a accordé une pension de survivant à la demanderesse. En même temps, le ministre a conclu que le défunt avait un trop-payé de SRG totalisant près de 40 000 $.

[5] La succession du défunt a fait appel de la réévaluation du ministre auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a tenu une audience et a conclu que la demanderesse et le défunt n’avaient jamais vécu en union de fait. Cela a incité le ministre à revoir la pension de survivant de la demanderesse. Le ministre a conclu que la demanderesse n’avait pas droit aux prestations de pension de survivant qu’elle avait reçues de septembre 2015 à juin 2019, qui totalisaient près de 10 000 $.

[6] La demanderesse n’avait pas participé à l’audience sur le SRG à la division générale. La division d’appel a par la suite conclu que le défaut d’inclure la demanderesse dans une instance qui touchait ses intérêts était inéquitable sur le plan de la procédure. La division d’appel a ordonné que l’affaire soit renvoyée à la division générale pour une nouvelle audience, qui tiendrait également compte du droit de la demanderesse à la pension de survivant.

[7] La division générale a tenu une autre audience, cette fois avec la demanderesse et la succession. La division générale a de nouveau décidé que la demanderesse n’avait pas vécu en union de fait avec le cotisant décédé de 1998 à la date de son décès en 2015. La division générale a conclu que les droits respectifs au SRG de la demanderesse et du défunt auraient dû être fondés sur le fait que chacun d’entre eux était célibataire pendant la période pertinente. Elle a également conclu que la demanderesse n’était pas admissible à une pension de survivant du RPC.

[8] Le 9 février 2022, la demanderesse a demandé la permission de faire appel à la division d’appel. Dans sa demande, elle exprime son désaccord avec la décision de la division générale et insiste sur le fait qu’elle a été la conjointe de fait du défunt pendant de nombreuses années. Le Tribunal a donc fait parvenir une lettre à la demanderesse pour lui demander de fournir plus de précisions sur ses motifs d’appel.

[9] La demanderesse a répondu dans une lettre datée du 2 mai 2022. Elle y a fait valoir les points suivants :

  • Elle et le défunt ont vécu comme un couple marié pendant 32 ans.
  • Elle et le défunt partageaient une chambre; il n’était pas son pensionnaire.
  • Les enfants du défunt ont refusé de reconnaître sa relation avec leur père.

[10] J’ai examiné la décision de la division générale ainsi que la loi et les preuves sur lesquelles elle s’est fondée pour rendre sa décision. Je suis arrivé à la conclusion que l’appel de la demanderesse n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[11] Il y a quatre moyens d’appel à la division d’appel. La partie demanderesse doit démontrer que la division générale a :

  • agi de façon injuste;
  • outrepassé ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
  • mal interprété la loi;
  • fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas page 1.

Un appel peut aller de l’avant seulement avec la permission de la division d’appelNote de bas page 2. À cette étape, la division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas page 3. Il est assez facile de satisfaire à ce critère, qui signifie qu’une partie demanderesse doit présenter au moins un argument défendableNote de bas page 4.

Analyse

[12] Les arguments que la demanderesse soumet à la division d’appel sont essentiellement les mêmes que ceux qu’elle a présentés à la division générale. Elle prétend que la division générale n’a pas tenu compte de sa preuve. Elle soutient qu’elle et le défunt n’étaient pas simplement propriétaire et locataire ou des amis de cœur, mais bien des conjoints de fait de longue date. Elle insiste sur le fait que les enfants du défunt n’étaient pas au courant de leur relation.

[13] Je ne vois pas le bien-fondé de ces observations. Premièrement, la division d’appel ne tient pas compte des nouveaux éléments de preuve ou des éléments de preuve qui ont déjà été présentés à la division générale. Deuxièmement, la division générale est présumée avoir examiné tous les éléments de preuve dont elle est saisie.

La division d’appel n’accepte pas les nouveaux éléments de preuve

[14] Pour que son appel soit accueilli par la division d’appel, une partie demanderesse doit faire plus que simplement être en désaccord avec la décision de la division générale. La partie demanderesse doit également cerner les erreurs précises que la division générale a commises en rendant sa décision et expliquer comment ces erreurs, le cas échéant, correspondent à l’un ou l’autre des quatre moyens d’appel permis par la loi. Il ne suffit pas de présenter les mêmes éléments de preuve et les mêmes arguments à la division d’appel en espérant qu’elle arrivera à une conclusion différente.

La division d’appel ne tient pas compte des nouveaux éléments de preuve

[15] La demanderesse a présenté un certain nombre de documents avec sa demande de permission de faire appel, dont la plupart étaient des témoignages écrits de personnes qui étaient proches d’elle et du défuntNote de bas page 5. Certains de ces documents ont été préparés avant la décision de la division générale de décembre 2021, et d’autres après.

[16] Quoi qu’il en soit, je ne peux pas en tenir compte. La demanderesse demande à la division d’appel de prendre ces nouveaux documents en considération et de conclure qu’elle vivait en union de fait avec le défunt. Malheureusement, la division d’appel ne fonctionne pas ainsi. Comme je l’ai mentionné, je ne peux seulement tenir compte de types d’erreurs précises que la division générale pourrait avoir commises. Un appel à la division d’appel ne sert pas à « recommencer » l’audience de la division générale. Rien dans la loi ne me permet d’examiner de nouveaux éléments de preuve, et il m’est impossible de réexaminer les éléments de preuve dont la division générale a déjà tenu compte. Je ne vois pas comment un argument fondé sur l’admission de nouveaux éléments de preuve pourrait conférer à l’appel une chance raisonnable de succèsNote de bas page 6.

On présume que la division générale a pris en considération tous les éléments de preuve disponibles

[17] L’une des tâches de la division générale consiste à tirer des conclusions de fait. Ce faisant, il est présumé qu’elle a examiné tous les éléments de preuve dont elle disposaitNote de bas page 7. Dans la présente affaire, je ne vois aucune indication que la division générale ait fait fi du témoignage de la demanderesse. En fait, la division générale a longuement discuté du témoignage de la demanderesse dans sa décision. Cependant, elle a finalement conclu que ce témoignage était loin d’être convaincant.

La division générale a examiné la preuve de la demanderesse

[18] L’existence d’une union de fait dépend de nombreux facteursNote de bas page 8. Dans la présente affaire, la division générale a conclu que la demanderesse n’avait pas vécu en union de fait avec le défunt de 1998 à 2015, l’année de son décès. Elle en est arrivée à cette conclusion pour les raisons suivantes :

  • Bien que la demanderesse et le défunt aient vécu sous le même toit pendant de nombreuses années, cela ne signifiait pas nécessairement qu’ils vivaient en union de fait pendant tout ce temps.
  • La demanderesse avait déjà précisé dans diverses déclarations et différents formulaires du gouvernement qu’elle était célibataire.
  • Le défunt a inscrit son état matrimonial comme étant « conjoint de fait » dans ses déclarations de revenus de 1992 à 2008, mais il s’est ensuite décrit comme étant célibataire après cette période.
  • Le fils et la fille du défunt ont témoigné de façon crédible que, avant et après le décès de leur père, la demanderesse cherchait des moyens d’être considérée comme sa conjointe de fait en prévision de l’admissibilité à une pension de survivant.
  • Bien qu’il y ait eu certaines preuves d’un soutien financier mutuel, la majorité des documents disponibles n’indiquaient pas une union de fait.
  • Le défunt a nommé son fils, et non la demanderesse, comme exécuteur testamentaire de sa succession.
  • Des chèques annulés indiquaient que le défunt avait payé à la demanderesse un loyer mensuel, ce qui laissait entendre que leur relation était celle d’une propriétaire et d’un locataire.

[19] Les parties qui vivent en union de fait doivent démontrer par leurs actions et leur conduite une intention mutuelle de vivre ensemble dans une relation d’une certaine permanence qui est semblable au mariageNote de bas page 9. Je ne vois rien qui laisse entendre que la division générale a mal appliqué la loi en fondant sa décision sur les facteurs susmentionnés.

[20] L’un des rôles de la division générale est d’établir les faits. Ce faisant, elle a droit à une certaine latitude dans la façon dont elle apprécie la preuve. La demanderesse peut croire que son témoignage a prouvé ce qu’elle avance, mais ce n’était qu’un des nombreux facteurs que la division générale devait prendre en considération.

[21] La Cour d’appel fédérale s’est penchée sur cette question dans l’affaire SimpsonNote de bas page 10, où la requérante a fait valoir que le tribunal avait accordé trop d’importance à certains éléments de preuve. La Cour a rejeté la demande de contrôle judiciaire en affirmant ceci :

[L]e poids accordé à la preuve, qu’elle soit orale ou écrite, relève du juge des faits. Ainsi, une cour qui entend un appel ou une demande de contrôle judiciaire ne peut pas en règle générale substituer son appréciation de la valeur probante de la preuve à celle du tribunal qui a tiré la conclusion de fait contestée.

[22] Dans la présente affaire, la division générale a fait un effort véritable et complet pour trier les éléments de preuve pertinents selon leur qualité. Je ne vois aucune raison de remettre en question le choix de la division générale d’accorder plus d’importance à certains éléments de preuve.

Conclusion

[23] La demanderesse n’a invoqué aucun moyen d’appel qui aurait pu conférer à l’appel une chance raisonnable de succès.

[24] La permission de faire appel est refusée.

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