Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : SW c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 320

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : S. W.
Représentante ou représentant : B. C.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 13 janvier 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Shannon Russell
Mode d’audience : TélécVidéoconférenceonférence
Date de l’audience : Le 10 février 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Personne chargée de représenter l’appelant
Date de la décision : Le 7 mars 2022
Numéro de dossier : GP-21-335

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

[2] Le ministre n’avait pas le pouvoir de mettre fin aux prestations d’invalidité de l’appelant rétroactivement à mai 2007. Par conséquent, l’appelant S. W. n’est pas tenu de rembourser les prestations qu’il a reçues de mai 2007 à décembre 2009 inclusivement.

[3] Le ministre pouvait mettre fin aux prestations de l’appelant au plus tôt en janvier 2010. Le ministre a démontré qu’à cette date, l’invalidité de l’appelant n’était plus grave.

Aperçu

[4] L’appelant est un homme de 60 ans qui s’est blessé à l’épaule droite dans un accident de la route survenu en décembre 1991. Il a subi une intervention chirurgicale à l’épaule en septembre 1992 et en mars 1994, mais ces interventions et d’autres traitements n’ont pas amélioré son étatNote de bas page 1. Il a eu une épaule gelée et une douleur chronique en raison d’une importante déchirure de la coiffe des rotateurs.

[5] L’appelant a demandé des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) en novembre 1994Note de bas page 2. Il a déclaré qu’il était incapable de travailler parce qu’il ne pouvait pas utiliser son épaule droite et qu’il éprouvait des problèmes à l’oreille droite, au cou et au bas du dosNote de bas page 3.

[6] Le ministre a rejeté la demande au stade initial. Toutefois, le ministre a par la suite modifié sa décision et a accordé les prestations d’invalidité à l’appelant rétroactivement au mois de décembre 1993Note de bas page 4.

[7] Au moment de l’accident de la route, l’appelant travaillait à son compte comme concierge. Lorsque le ministre a approuvé la demande de l’appelant, le ministre savait que l’appelant avait une entreprise appelée X. Toutefois, le ministre a accordé les prestations quand même parce que l’appelant a dit qu’il avait sous-traité tout son travail depuis son accidentNote de bas page 5.

[8] En 2009, le ministre a entrepris un examen de l’admissibilité de l’appelant aux prestations. L’examen semble avoir été déclenché par un tiers qui a déclaré que l’appelant travaillait et gagnait de l’argentNote de bas page 6.

[9] En 2012, l’enquêtrice du ministre a terminé son rapport et a envoyé le dossier de l’appelant à l’un des évaluateurs médicaux du ministre. Rien de plus ne semble avoir été fait dans le dossier avant 2020Note de bas page 7.

[10] En juillet 2020, l’une ou l’un des arbitres du ministre a parlé à l’appelant au téléphone et lui a dit que son dossier faisait l’objet d’une enquête et que ses prestations seraient suspendues à compter du 1er août 2020Note de bas page 8.

[11] En octobre 2020, le ministre a envoyé à l’appelant une lettre l’informant des résultats de l’enquête. La lettre expliquait que le travail de l’appelant depuis 2007 montrait que celui-ci n’était plus invalide. Cela signifie que l’appelant n’avait pas droit aux prestations qu’il a reçues de mai 2007Note de bas page 9 à juillet 2020, de sorte qu’il devrait rembourser ces prestations au gouvernement. Le montant totalise 111 052,62 $Note de bas page 10.

[12] L’appelant a demandé au ministre de réviser la question. Il a expliqué qu’il n’a effectué aucun travail physique pour recevoir les revenus de son entreprise (X). Il était plutôt gestionnaire, « en quelque sorte ». Il a dit qu’il embauchait des contractuels pour accomplir le travail physique et qu’il s’occupait uniquement de la paperasse.

[13] Le ministre a révisé et a décidé de maintenir sa décision de mettre fin aux prestations de l’appelant à compter de mai 2007Note de bas page 11.

[14] L’appelant a porté en appel la décision de révision auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Dans son avis d’appel, il a dit qu’après sa blessure, il n’avait pas effectué le travail physique pour son entreprise d’entretien ménager. Il exécutait plutôt le travail administratif et engageait des travailleurs pour accomplir le travail physique. Il a également dit que Service Canada n’aurait dû examiner que sa rémunération nette et non sa rémunération brute. Il a déclaré que, sur une période de 12 ans, il avait en moyenne un revenu net inférieur à 2 300 $ par année. L’appelant a ajouté que Service Canada était au courant de son entreprise en 2007 et lui a permis de continuerNote de bas page 12.

Ce que je dois décider

[15] J’ai deux questions principales à trancher.

[16] Premièrement, je dois décider si le ministre avait le pouvoir de mettre fin aux prestations d’invalidité de l’appelant rétroactivement au 1er mai 2007. Si le ministre ne possédait pas ce pouvoir, je dois décider s’il était investi du pouvoir de mettre fin aux prestations à une date ultérieure.

[17] Deuxièmement, je dois décider si le ministre a démontré que l’invalidité de l’appelant a cessé d’être grave et, le cas échéant, à quelle dateNote de bas page 13.

[18] Le Régime de pensions du Canada dit qu’une invalidité doit être « grave » et « prolongée ».

[19] Une invalidité n’est grave que si elle rend une personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas page 14.

[20] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas page 15.

Le ministre a le pouvoir de mettre fin aux prestations, mais ce pouvoir comporte des limites

[21] Le ministre peut mettre fin aux prestations d’invalidité d’une personne s’il conclut qu’elle n’est plus invalideNote de bas page 16. Le ministre peut également exiger qu’une personne rembourse les prestations auxquelles elle n’avait pas droitNote de bas page 17.

[22] Toutefois, le pouvoir du ministre de mettre fin aux prestations d’une personne comporte des limites. La Cour d’appel fédérale a statué que le ministre peut mettre fin aux prestations d’une personne, mais seulement depuis la « dernière décision » confirmant l’admissibilité. En d’autres termes, une fois que le ministre décide qu’une personne continue d’être invalide, il doit respecter cette décision. Le ministre ne peut modifier cette décision par la suite et conclure que les prestations d’invalidité de la personne devraient cesser plus tôtNote de bas page 18.

Le ministre n’avait pas le pouvoir de mettre fin aux prestations de l’appelant avant janvier 2010

[23] Voici le problème que pose cette affaire : lorsque le ministre a terminé son enquête en 2012, il n’a pas remis à l’appelant une décision écrite confirmant qu’il continuait d’avoir droit aux prestations. Il semble que le dossier soit plutôt demeuré inactif pendant plusieurs années. En fait, il semble que rien n’a été fait dans le dossier de l’appelant avant 2020 environ. Le ministre l’a reconnuNote de bas page 19.

[24] En 2020, le ministre a envoyé à l’appelant des documents qui laissent entendre qu’il continuait d’avoir droit à des prestations jusqu’en 2010. Je fais référence à la trousse de révision. Cette trousse comprend une lettre d’accompagnement en date du 17 janvier 2020 qui informe l’appelant que son dossier est à l’étude. La lettre indique à l’appelant de remplir le questionnaire de réévaluation de l’invalidité ci-joint et de s’assurer de répondre à toutes les questions concernant son état de santé de janvier 2010 à aujourd’hui. La lettre indique également à l’appelant de demander à son médecin de remplir le rapport médical de réévaluation de l’invalidité de l’appelant de janvier 2010 à ce jourNote de bas page 20. Enfin, le questionnaire lui-même mentionne clairement que la période à l’étude va de 2010 à aujourd’huiNote de bas page 21.

[25] À mon avis, tout cela équivaut à une décision confirmant le maintien du droit de l’appelant aux prestations jusqu’en janvier 2010. Par conséquent, le ministre n’avait pas le pouvoir de modifier le droit de l’appelant aux prestations pour la période antérieure à janvier 2010. L’appelant n’est donc pas tenu de rembourser les prestations qu’il a reçues de mai 2007 au 31 décembre 2009.

[26] Je passe maintenant à la deuxième question en litige dans cet appel, c’est-à-dire si le ministre a démontré que l’invalidité de l’appelant a cessé d’être grave.

L’activité professionnelle de l’appelant depuis janvier 2010

Les contrats des pharmacies Rexall

[27] En janvier 2010, l’entreprise de l’appelant détenait des contrats de nettoyage de trois pharmacies Rexall. L’appelant avait ces contrats depuis de nombreuses années. Les magasins étaient situés à Chatham, Wallaceburg et Sarnia.

[28] L’appelant a témoigné qu’il n’effectuait aucun travail physique. Deux ou trois membres de son personnel faisaient le ménage. Ils nettoyaient chaque magasin une fois par semaine. Ils n’ont pas nettoyé plus d’un magasin dans la même journée. Ils nettoyaient successivement en trois jours les magasins de Sarnia, de Wallaceburg, puis de Chatham.

[29] Les contrats avec Rexall ont pris fin le 30 juin 2010. J’ai une lettre de l’entreprise qui le confirmeNote de bas page 22. L’appelant m’a dit que les contrats avaient pris fin parce que Rexall voulait que sa compagnie prenne en charge tout le district. L’appelant ne se sentait pas capable d’accomplir autant de travail.

Les contrats de Shoppers Drug Mart

[30] En mai 2011, l’appelant a signé des contrats de nettoyage de deux pharmacies Shoppers Drug Mart à Chatham. Une pharmacie se trouvait sur la rue X et l’autre sur l’avenue X.

[31] L’appelant a témoigné qu’il avait recruté trois personnes pour nettoyer les pharmacies. Elles accomplissaient le travail les lundis et jeudis. Ces personnes travaillaient ensemble. Il leur fallait environ une à deux heures pour nettoyer chaque pharmacie, selon la saison.

[32] L’appelant a déclaré qu’il avait perdu les contrats avec Shoppers parce que les nouveaux directeurs voulaient que leur propre personnel fasse le ménage. Il a perdu le contrat de la rue X en 2019, puis il a perdu celui de l’avenue X en juin ou juillet 2021.

Contrat de nettoyage du cabinet d’un médecin

[33] L’appelant a témoigné qu’en mars ou avril 2021, il avait conclu un contrat pour nettoyer le cabinet du Dr Tran. Ce contrat est en cours.

[34] Un membre du personnel de l’appelant est responsable de tout le nettoyage. Le nettoyage est effectué trois fois une semaine (lundi, mercredi et vendredi) et deux fois la semaine suivante (mardi et jeudi).

La capacité de travail ne concerne pas seulement la capacité d’une personne à effectuer un travail physique

[35] L’appelant soutient que ses prestations devraient être rétablies parce qu’il n’effectuait pas le travail physique dans l’entreprise. Il a reconnu qu’il avait accompli certains travaux physiques la première année après avoir reçu des prestations d’invalidité, mais il a déclaré que depuis ce temps (un an après le début de ses prestations), il n’avait exécuté aucun travail physique. Même à ce moment-là, il dit que le seul travail qu’il a effectué était simplement d’aider à sortir des déchets des pharmacies pour que les membres de son personnel puissent terminer le travail plus rapidement.

[36] J’ai expliqué à l’appelant que la capacité de travailler d’une personne n’est pas uniquement liée à la capacité d’effectuer un travail physique. La capacité d’une personne d’effectuer un travail non physique, comme de la supervision ou du travail de bureau, peut dans certains cas signifier qu’elle n’est plus invalide.

Le ministre a démontré que l’invalidité de l’appelant n’était pas grave en janvier 2010

[37] Comme je l’ai expliqué précédemment, je ne me concentre que sur la période de janvier 2010 et après. À mon avis, le ministre a démontré que l’invalidité de l’appelant n’était pas grave en janvier 2010. Voici pourquoi.

L’appelant effectuait probablement du travail physique

[38] Bien que l’appelant affirme qu’il n’exécutait aucun travail physique dans l’entreprise, je crois que c’est faux.

[39] Premièrement, il y a des indications dans la preuve médicale selon lesquelles l’appelant accomplit du travail physique. Par exemple, en mars 2010, le Dr Tran a déclaré que l’appelant effectue du travail de conciergerie et [traduction] « exécute du travail physique »Note de bas page 23. En 2018, le Dr Kukkadi a écrit que les problèmes de hanche de l’appelant nuisaient à son activité physique et que l’appelant ne travaille pas « présentement » en raison de son problème « actuel »Note de bas page 24.

[40] Deuxièmement, l’appelant a reconnu en 2011 avoir effectué du travail physique. Par exemple, le 22 juin 2011, l’appelant a dit à l’un des enquêteurs du ministre que lorsqu’il avait les contrats pour Rexall, il conduisait ses travailleuses et travailleurs aux lieux de travail et qu’ils accomplissaient environ 90 % du travail. L’appelant a aidé à nettoyer les tablettes au plumeau et le plancher à la vadrouille et à montrer aux travailleuses et travailleurs comment utiliser la machinerieNote de bas page 25.

[41] Troisièmement, l’appelant a fourni des renseignements incohérents au sujet de ses activités. Par exemple, en juin 2010, l’appelant a dit à l’un des enquêteurs du ministre qu’il n’effectuait pas le travail physique dans les pharmacies Rexall. Il conduisait seulement les travailleuses et travailleurs aux pharmacies et les supervisait pendant qu’ils travaillaient. Lorsque l’enquêteur a demandé pourquoi l’appelant conduisait ses travailleuses et travailleurs aux pharmacies, l’appelant a répondu que certains membres de son personnel ne conduisaient pasNote de bas page 26. Cette réponse diffère de ce que l’appelant m’a dit à l’audience. L’appelant a mentionné qu’à une certaine époque, il conduisait ses travailleuses et travailleurs aux pharmacies, mais qu’après 2007, il ne se rendait sur les lieux de travail qu’une fois par mois. Il prêtait son camion et sa remorque à ses travailleuses et travailleurs pour qu’ils se rendent sur les lieux et pour qu’ils en reviennent.

[42] Quatrièmement, l’appelant a démontré une tendance à retenir des renseignements qui pourraient ne pas appuyer sa cause. Je vais donner deux exemples.

[43] Voici le premier exemple. Le 20 mai 2010, l’appelant a rempli un questionnaire de réévaluation de l’invalidité qui lui avait été envoyé par le ministre. Dans ce questionnaire, l’appelant a déclaré qu’il n’avait exercé aucune activité professionnelle (emploi et travail indépendant) durant la période considéréeNote de bas page 27. (Le questionnaire explique que la période à l’étude commence le 1er décembre 1993)Note de bas page 28.

[44] La réponse de l’appelant est manifestement fausse. La preuve montre qu’au moment où l’appelant a rempli le questionnaire, il exploitait en fait son entreprise d’entretien ménager et qu’il avait conclu trois contrats de nettoyage avec Rexall depuis plusieurs années.

[45] Voici le deuxième exemple. En mai 2011, l’appelant a signé des contrats de nettoyage de deux pharmacies Shoppers Drug MartNote de bas page 29. Le même mois, l’appelant a obtenu une assurance responsabilité civile générale pour son entrepriseNote de bas page 30. Toutefois, en juin 2011 (le mois suivant la signature des contrats), l’appelant a dit à l’une des enquêtrices du ministre qu’il n’avait pas de contrats de nettoyage et qu’il n’avait pas travaillé depuis juin 2010, date à laquelle son entreprise a fermé ses portesNote de bas page 31. Ce n’est que le lendemain, lorsque l’enquêtrice s’est rendue au domicile de l’appelant pour retourner un document, que l’appelant a reconnu avoir signé deux contrats de nettoyage pour Shoppers Drug Mart en mai 2011. Lorsque l’enquêtrice a demandé à l’appelant pourquoi il lui avait dit la veille qu’il n’avait pas de contrats de travail, l’appelant a répondu qu’il avait mal compris ce que l’enquêtrice lui avait demandéNote de bas page 32.

[46] Je ne crois pas que l’appelant ait mal compris ce que l’enquêtrice a demandé. La question était simple : l’appelant travaillait-il encore? L’appelant a dit qu’il ne travaillait plus. Si l’appelant était incertain au sujet de la question, il aurait pu demander des précisions à l’enquêtrice.

[47] Dans l’ensemble, le témoignage de l’appelant n’est pas assez fiable pour que je puisse vraiment comprendre dans quelle mesure il travaillait physiquement dans son entreprise.

La rémunération brute de l’appelant était supérieure au seuil véritablement rémunérateur

[48] Le ministre soutient que le revenu de l’appelant était véritablement rémunérateur.

[49] L’appelant soutient que son revenu n’a pas été véritablement rémunérateur. Il dit que le ministre n’a tenu compte que de sa rémunération brute. Il croit que le ministre aurait dû prendre en compte sa rémunération nette.

[50] En 2014, le Régime de pensions du Canada a été modifié pour inclure une définition de « véritablement rémunératrice ». Selon le Règlement sur le Régime de pensions du Canada, « véritablement rémunératrice » se dit d’une occupation qui procure un traitement ou un salaire égal ou supérieur à la somme annuelle maximale qu’une personne pourrait recevoir à titre de pension d’invaliditéNote de bas page 33.

[51] Avant 2014, l’expression « véritablement rémunératrice » n’était pas définie dans la loi. Toutefois, cela ne signifie pas que la définition n’est pas pertinente pour évaluer le revenu d’une personne lors des années antérieures à 2014. La division d’appel du Tribunal a statué que même lorsque la définition de « véritablement rémunératrice » ne s’applique pas strictement, elle peut fournir des indications raisonnables et sensées sur ce qui devrait être considéré comme « véritablement rémunérateur » lorsqu’il s’agit d’évaluer la rémunération d’une personne dans un cas de cessation des prestationsNote de bas page 34. Il s’agit d’un cas de cessation (arrêt) des prestations.

[52] Le tableau qui suit indique la rémunération de l’appelant de 2010 à 2018 et montre quel est le seuil de revenu véritablement rémunérateur correspondant.

Année Rémunération de l’appelantNote de bas page 35 Seuil véritablement rémunérateurNote de bas page 36
Rémunération brute Rémunération nette
2010 18 300 3 705 11 210
2011 18 093 3 864 11 520
2012 31 130 (2 074) 11 840
2013 30 043 S.O.Note de bas page 37 12 150
2014 30 806 15 576 14 836
2015 31 488 3 470 15 175
2016 34 032 7 908 15 489
2017 27 890 0,00 15 763
2018 33 572 6 344 16 029

[53] Le tableau qui précède montre que la rémunération brute de l’appelant a constamment dépassé le seuil véritablement rémunérateur depuis 2010. Je dois également souligner que la rémunération de l’appelant en 2010 et en 2011 ne représente pas des années complètes de travail.

[54] En 2010, l’appelant a travaillé seulement jusqu’en juin. Si l’appelant avait conservé ses trois contrats avec Rexall après juin, son revenu en 2010 aurait probablement avoisiné ce qu’il avait gagné en 2008 et 2009, soit 43 275 $ et 36 131 $ respectivementNote de bas page 38.

[55] En 2011, l’appelant a commencé à travailler seulement à la fin de mai, lorsqu’il a conclu des contrats avec Shoppers Drug Mart.

[56] La rémunération brute de l’appelant ne permet pas d’établir s’il a retrouvé une capacité de travailler. Je l’accepte. Toutefois, je ne suis pas d’accord avec l’appelant pour dire que je ne devrais examiner que sa rémunération nette.

[57] La rémunération nette (ou les pertes nettes) peut induire en erreur. Lorsque les entreprises déclarent leurs bénéfices aux fins de l’impôt sur le revenu, elles ont naturellement tendance à surestimer leurs dépenses et à sous-estimer leurs bénéficesNote de bas page 39. De plus, un faible revenu net ou une faible perte nette ne prouve pas qu’une personne est invalide.

[58] J’ai cherché à établir s’il existait un lien évident entre les années de faible rémunération de l’appelant et son invalidité. Je n’en constate aucun. L’appelant n’est pas passé de trois contrats (avec Rexall) à deux contrats (avec Shoppers) pour des raisons liées à son invalidité. Il a plutôt changé de contrat parce que Rexall voulait qu’il s’occupe de tout un district et l’appelant dit qu’il n’était pas capable de le faire. Outre le changement de contrats de Rexall à Shoppers, le travail est resté le même. Les fluctuations du revenu net semblent largement attribuables aux différents types de dépenses que l’appelant réclamait.

L’entreprise de l’appelant était vraisemblablement rentable

[59] L’appelant m’a dit que son entreprise n’était pas rentable et qu’il était chanceux s’il gagnait 400 $ par mois.

[60] Je crois que l’entreprise de l’appelant était plus rentable que ce qu’il admet. Pourquoi l’appelant aurait-il exploité son entreprise aussi longtemps si elle n’avait pas été rentable? Je sais que l’appelant dit qu’il gardait son entreprise simplement pour s’assurer que ses travailleuses et travailleurs aient des emplois, mais j’ignore dans quelle mesure c’est la vérité. L’appelant a présenté des éléments de preuve contradictoires au sujet du nombre de travailleuses et travailleurs qu’il avait à son service, et certains éléments de preuve indiquent qu’il n’en avait parfois qu’unNote de bas page 40.

[61] Même lorsque je soustrais le salaire que l’appelant versait à ses travailleuses et travailleurs, la rémunération de l’appelant était habituellement supérieure au seuil véritablement rémunérateur jusqu’en 2017. Comme je l’ai dit précédemment, la rémunération de l’appelant en 2010 et en 2011 ne représente pas des années complètes de travail. Voici un résumé de ce que l’appelant a gagné après avoir payé ses travailleuses et travailleurs.

Année Rémunération brute Argent versé aux travailleurs Rémunération brute moins l’argent versé aux travailleurs Seuil véritablement rémunérateur
2010 18 300 4 800 13 500 11 210
2011 18 093 9 510 8 583 11 520
2012 31 130 16 960 14 170 11 840
2013 30 043 16 050 13 993 12 150
2014 30 806 Rien n’est déclaréNote de bas page 41.   14 836
2015 31 488 16 460 15 028 15 175
2016 34 032 11 316 22 716 15 489
2017 27 890 17 400 10 490 15 763
2018 33 572 17 640 15 932 16 029

[62] Je sais que l’appelant aurait eu d’autres dépenses que les seuls coûts de main-d’œuvre. Toutefois, comme je l’ai mentionné précédemment, les dépenses peuvent être gonflées aux fins de l’impôt sur le revenu. Il m’est donc difficile d’évaluer la valeur monétaire réelle du travail de l’appelant.

Les problèmes de santé de l’appelant n’ont pas disparu en 2010

[63] Je sais que les problèmes de santé de l’appelant n’ont pas subitement disparu en janvier 2010. Je reconnais également que les difficultés de l’appelant avec sa main et son épaule droite et son bras droit se sont peut-être aggravées entre la date du début de ses prestations et la date sur laquelle je dois me concentrer (2010). Par exemple, en avril 2010, le médecin de famille de l’appelant (le Dr Leigh) a déclaré que l’appelant avait un usage très limité de son bras droit et avait une force de préhension réduite dans sa main droite. Le Dr Leigh a expliqué qu’il n’y avait pas eu d’amélioration de l’état de santé de l’appelant et que l’invalidité s’est aggravéeNote de bas page 42.

[64] Cela ne signifie toutefois pas que l’invalidité de l’appelant est demeurée grave. Il semble que l’appelant a trouvé une façon de travailler dans la mesure de ses limitations.

[65] Je sais que l’appelant éprouve d’autres problèmes de santé. Toutefois, certains de ces problèmes se sont considérablement aggravés après 2010. Par exemple, l’appelant a subi des arthroplasties bilatérales de la hanche, mais seulement en 2018 et en 2019Note de bas page 43. De plus, les investigations sur sa hanche gauche ne semblent pas avoir commencé avant 2016 environNote de bas page 44. Il a aussi subi une arthroplastie du genou droit, mais pas avant 2019.

[66] La preuve médicale ne démontre pas que les autres problèmes de santé de l’appelant l’ont régulièrement rendu incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en 2010.

[67] Une étude du sommeil réalisée en avril 2007 a révélé des troubles respiratoires du sommeil, mais elle a décrit ces troubles comme légersNote de bas page 45.

[68] En août 2006 et en novembre 2007, le cardiologue de l’appelant (le Dr Tran) a déclaré que la simulation de crise de l’appelant était positive. Toutefois, le Dr Tran a également dit que l’appelant n’avait aucun symptôme, bien qu’il ait noté un essoufflementNote de bas page 46.

[69] L’essoufflement (lié à la MPOC) semble s’être parfois estompéNote de bas page 47, mais je n’ai pas vu d’éléments de preuve indiquant comment cela avait pu avoir une incidence sur la fonctionnalité de l’appelant en 2010 et vers cette année-là. De plus, pas plus tard qu’en 2018, le Dr Tran a déclaré que les symptômes pulmonaires de l’appelant étaient bien contrôlés. Il a répété que l’appelant ne présentait aucun symptôme cardiaqueNote de bas page 48.

[70] L’appelant a commencé à ressentir des douleurs au genou gauche vers 2008. Toutefois, en mars 2009, l’appelant a déclaré que la douleur s’était considérablement atténuéeNote de bas page 49. Je n’ai pas vu de signes d’aggravation importante avant 2010.

[71] Je n’ai pas été en mesure de bien comprendre les limitations de l’appelant parce que, comme je l’ai dit précédemment, le témoignage de l’appelant n’était pas fiable. De plus, je crois qu’il accomplissait des tâches physiques en 2010. De surcroît, l’appelant a été capable de gérer sa propre entreprise pendant de nombreuses années, ce qui nécessitait des compétences en organisation, en supervision, en tenue de livres et en gestion des stocks.

[72] Tout cela me démontre que l’appelant était vraisemblablement capable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice à compter de janvier 2010.

L’appelant a démontré qu’il était employable dans le monde réel en 2010

[73] Lorsque je décide si une invalidité est grave, je dois tenir compte de facteurs comme l’âge de l’appelant, son niveau de scolarité, ses capacités linguistiques, ainsi que son expérience de travail et de vie antérieure. Ces facteurs m’aident à décider si l’appelant pourrait travailler dans le monde réelNote de bas page 50.

[74] En janvier 2010, l’appelant n’avait que 48 ans et il lui restait de nombreuses années avant d’atteindre l’âge normalisé de la retraite. Il était également habile à exploiter sa propre entreprise et l’avait maintenue pendant de nombreuses annéesNote de bas page 51. En ce qui concerne ses études, je dispose d’éléments de preuve contradictoires concernant le niveau d’études le plus élevé que l’appelant a terminé. Il a déclaré divers niveaux, allant de la 5e à la 11e annéeNote de bas page 52. En raison des incohérences, je ne peux me fier à ce que l’appelant a déclaré. Toutefois, un rapport d’analyse des compétences transférables indique que l’appelant a terminé sa 10e annéeNote de bas page 53, et je suis donc prêt à accepter cela comme étant son niveau de scolarité. Bien que l’appelant n’ait pas terminé ses études secondaires, il était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Par conséquent, je ne peux conclure que son faible niveau de scolarité l’a empêché d’avoir un emploi régulier adapté à ses limitations.

Je n’ai pas à évaluer la partie prolongée de l’invalidité

[75] Comme j’ai conclu que l’invalidité de l’appelant n’était plus grave à compter de janvier 2010, je n’ai pas à déterminer si elle était prolongée.

Conclusion

[76] L’appelant n’est pas tenu de rembourser les prestations d’invalidité qu’il a reçues de mai 2007 à décembre 2009 inclusivement. Toutefois, en janvier 2010, l’invalidité de l’appelant n’était pas grave et il n’avait donc pas droit aux prestations qu’il a reçues depuis cette date.

[77] L’appel est accueilli en partie.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.