Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : SP c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 561

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Partie demanderesse : S. P.
Partie défenderesse : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 25 février 2022 (GP-20-1963)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de l’audience : Le 22 juin 2022
Numéro de dossier : AD-22-297

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Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. Je ne vois rien qui permette à cet appel d’aller de l’avant.

Aperçu

[2] La requérante est une écrivaine canadienne qui vit aux États-Unis. Son mari, qui cotisait au Régime de pensions du Canada, est décédé en 2008.

[3] Cependant, ce n’est qu’en décembre 2019 que la requérante a demandé une pension de survivant du Régime. Le ministre a approuvé sa demande à compter de janvier 2019, soit 11 mois avant qu’elle ait été présenté, ce qui correspond à la période de rétroactivité maximale habituellement permise par la loi. Le ministre a plus tard modifié la date de début de la pension à janvier 2018.

[4] La requérante a fait appel de la date de début de sa pension à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Elle voulait que sa pension de survivant commence en mars 2008, le mois du décès de son mari. Elle a affirmé qu’elle n’avait pas demandé la pension plus tôt parce qu’elle n’en connaissait pas l’existence. Elle a également dit qu’une série de revers personnels et financiers l’avaient dévastée émotionnellement.

[5] La division générale a tenu une audience par téléconférence, puis elle a rejeté l’appel. Elle a conclu que la preuve ne permettait pas de démontrer que la requérante était incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande avant janvier 2019. La division générale n’a également trouvé aucun fondement juridique à la décision subséquente du ministre de devancer d’un an le début de la pension de la requérante. Elle a jugé que bien que la requérante ait eu des problèmes de santé liés au décès de son mari et à la toxicité de sa maison, ils ne l’ont pas empêchée de demander la pension de survivant plus tôt.

Les motifs d’appel de la requérante

[6] La requérante cherche maintenant à obtenir la permission d’appeler de la décision de la division générale à la division d’appel. Elle soutient qu’elle était auparavant incapable de faire une demande de pension de survivant. Elle prétend souffrir de multiples problèmes de santé débilitants, notamment de lésions cérébrales, de pertes de mémoire, d’un trouble de stress post-traumatique, d’une dépression et de sensibilité aux produits chimiques. Elle allègue également que la division générale a commis les erreurs suivantes :

  • elle n’a pas tenu compte du fait que sa médecin de famille lui a diagnostiqué une encéphalopathie et une ataxie — des maladies qui affectent le cerveau — et qu’elle a qualifié son état de [traduction] « très grave »;
  • elle n’a jamais communiqué avec sa médecin de famille, même si celle-ci a indiqué clairement qu’elle était disposée à discuter des blessures de la requérante;
  • elle n’a pas tenu pas compte du fait qu’en tant que résidente des États-Unis, la requérante avait peu de moyens de savoir si elle avait droit à des prestations canadiennes;
  • elle n’a pas pris en considération son témoignage selon lequel, après le décès de son mari, elle a donné une procuration à un conseiller de confiance pour gérer ses biens immobiliers.

Question en litige

[7] Il y a quatre moyens d’appel à la division d’appel. Une partie requérante doit démontrer que la division générale :

  • a agi de façon inéquitable;
  • a outrepassé sa compétence ou a refusé de l’exercer;
  • a mal interprété la loi;
  • a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas page 1.

[8] Un appel peut aller de l’avant seulement avec la permission de la division d’appelNote de bas page 2. À cette étape, la division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas page 3. Il s’agit d’un critère relativement facile à satisfaire, et cela signifie qu’une personne doit présenter au moins un argument défendableNote de bas page 4.

[9] Qu’est-ce que tout cela signifie? Je dois décider si la requérante a présenté un argument défendable qui correspond à l’un des moyens d’appel prévus par la loi.

Analyse

[10] J’ai examiné la décision de la division générale ainsi que le droit et les éléments de preuve sur lesquels la division générale s’est fondée pour en arriver à sa décision. Je conclus que la requérante n’a pas présenté d’argument défendable.

La division d’appel n’entend pas à nouveau les mêmes arguments

[11] Les arguments que la requérante présente à la division d’appel sont essentiellement les mêmes que ceux qu’elle a présentées à la division générale. Elle insiste sur le fait qu’elle était incapable de demander la pension de survivant entre mars 2008 et décembre 2019. Elle affirme que son incapacité résulte d’une série d’événements psychologiquement traumatisants, notamment la perte de sa santé après avoir été exposée à des produits chimiques dans sa maison, l’échec d’une poursuite contre les promoteurs immobiliers qui lui ont vendu cette maison, le suicide de son mari qui s’en est suivi et une faillite qui a anéanti sa fortune.

[12] Malheureusement pour la requérante, la division d’appel ne peut pas prendre en compte des arguments et des éléments de preuve qui ont déjà été présentés à la division générale. En tant que membre de la division d’appel, je suis seulement autorisé à examiner si la division générale a commis un ou plusieurs types précis d’erreurs. En bref, une audience devant la division d’appel n’est pas censée être une « reprise » de l’audience de la division générale.

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a ignoré la preuve médicale de la requérante

[13] La requérante allègue que la division générale n’a pas tenu compte de certains éléments de preuve qui appuient son incapacité alléguée. Plus particulièrement, elle affirme que le membre de la division générale n’a pas examiné correctement les rapports de sa médecin de famille dans lesquels elle lui a diagnostiqué une encéphalopathie et une ataxie — des problèmes de santé qui peuvent affecter le fonctionnement mental.

[14] J’estime que cet argument n’est pas défendable. La requérante a déposé plusieurs rapports préparés par la Dre Erica Elliott, spécialiste en médecine environnementale. La requérante a vu pour la première fois la Dre Elliott en 2004, lorsqu’elle et son défunt mari l’ont consultée au sujet des toxines dans leur maison. Dans une lettre de juin 2020, la Dre Elliott a documenté les nombreux problèmes de santé de la requérante :

[traduction]

S. P. a subi de multiples blessures, notamment des dommages au système lymphatique qui ont entraîné un gonflement important de ses membres inférieurs, qui a été classé comme un lymphœdème de stade 4. Le gonflement massif de ses genoux rend la marche difficile. Cette affection a persisté jusqu’à maintenant, mais malheureusement la patiente n’a pu se permettre aucun traitement. De plus, S. P. a subi des dommages neurologiques et immunologiques, qui lui ont causé un syndrome de fatigue chronique, une ataxie, des pertes de mémoire, une dépression, des allergies et de multiples sensibilités chimiquesNote de bas page 5.

La division générale a explicitement fait référence à cette lettre dans sa décision et a conclu que la requérante avait probablement une invalidité. Cependant, la division générale a ajouté qu’«avoir une incapacité n’équivaut pas à être incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demandeNote de bas page 6 ».

[15] Cette déclaration reflète fidèlement la loiNote de bas page 7. De nombreux facteurs autres que les diagnostics médicaux d’une partie requérante doivent être pris en compte pour conclure à une incapacité, y compris les éléments de preuve concernant ses activités quotidiennes. La requérante pourrait très bien être invalide et avoir des problèmes neurologiques et psychologiques comme une encéphalopathie, une ataxie, une dépression et des pertes de mémoire. Toutefois, rien de tout cela ne signifie nécessairement qu’elle satisfaisait au critère relativement strict d’incapacité.

[16] L’un des rôles de la division générale est d’établir les faits. Ce faisant, la division générale est présumée avoir tenu compte de tous les éléments de preuve portés à sa connaissanceNote de bas page 8. Dans la présente affaire, la division générale a examiné les lettres de la Dre Elliott, mais elle a également tenu compte d’autres facteurs :

  • la conclusion de la Dre Elliott selon laquelle la requérante ne satisfaisait pas au critère d’incapacité, malgré ses lettres d’appui antérieuresNote de bas page 9;
  • le fait qu’aucun médecin n’a jamais jugé que la requérante était incapable de gérer ses affaires;
  • le fait que bien que la requérante n’ait peut-être pas continué à écrire des livres après 2008, elle a continué à vendre ses anciens livres provenant de inventaire personnel;
  • le fait que la requérante a reconnu que l’une des raisons pour lesquelles elle n’avait pas demandé la pension de survivant du Régime plus tôt était qu’elle n’en connaissait pas l’existence.

[17] La requérante est manifestement en désaccord avec les conclusions de la division générale, mais cela ne suffit pas pour renverser sa décision. La requérante doit également relever des erreurs précises dans cette décision. Dans son rôle de juge des faits, la division générale doit avoir une certaine latitude dans sa façon d’apprécier la preuveNote de bas page 10. La requérante peut croire que la lettre de la Dre Elliott prouve ses prétentions, mais ce n’était qu’un des nombreux facteurs que la division générale devait prendre en considération. Par conséquent, je ne vois aucune raison de remettre en question les conclusions de la division générale.

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale aurait dû communiquer avec les médecins de la requérante

[18] La requérante allègue que la division générale a commis une erreur en ne faisant pas plus d’efforts pour connaître ses antécédents médicaux :

[traduction]

Personne du tribunal n’a téléphoné à la Dre Elliott ni à aucun de mes témoins médecins. Si [le membre de la division générale] avait appelé Ann Morgan (phlébotomiste pour la Dre Pfau, massothérapeute qui est venu chaque semaine chez moi pendant des années), il aurait appris que j’ai été mise 72 heures en isolement en psychiatrie dans un hôpital local en 2008Note de bas page 11.

[19] Cet argument n’a aucune chance raisonnable de succès.

[20] Il incombait à la requérante, et à personne d’autre, de prouver son incapacité. La division générale n’était pas tenue de chercher activement des éléments de preuve à l’appui de la demande de la requérante. En effet, si elle l’avait fait, elle aurait cessé de jouer son rôle d’arbitre indépendant. La requérante était libre de convoquer des témoins pour l’aider à défendre sa cause. Elle a choisi de ne pas le faire.

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a omis de tenir compte de la résidence de la requérante aux États-Unis

[21] Comme il a été mentionné, la requérante admet que l’une des raisons du retard de sa demande est le fait qu’elle vivait aux États-Unis depuis de nombreuses années. Elle dit qu’il était difficile d’obtenir de l’information sur les prestations canadiennes là où elle vivaitNote de bas page 12. Elle a affirmé qu’on lui avait dit par erreur que « l’allocation de veuve » n’existait plus (en fait, elle a été réformée et renommée la pension de survivantNote de bas page 13).

[22] Encore une fois, je juge que cet argument n’est pas défendable.

[23] C’est aux prestataires de s’informer sur les prestations auxquelles ils peuvent avoir droit. L’ignorance de la loi n’est pas une excuse pour ne pas faire une demande en temps opportun. Plus précisément, le simple fait d’ignorer la loi ne permet pas de satisfaire au critère d’incapacité, qui exige non seulement un manque de connaissances, mais aussi l’incapacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande.

[24] La requérante a soutenu qu’elle a fait une demande dès qu’elle a appris que la pension était toujours en vigueurNote de bas page 14. Cependant, comme l’a fait remarquer la division générale, la requérante ne peut pas se borner à dire qu’elle n’avait pas pensé à faire une demandeNote de bas page 15.

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale n’a pas tenu compte de la procuration de la requérante

[25] La requérante allègue que la division générale n’a pas tenu compte de son témoignage selon lequel elle a donné une procuration à R. F. pour gérer ses biens immobiliers après le décès de son mari.

[26] Je ne vois pas de cause défendable selon cet argument.

[27] Comme il a été mentionné, la division générale est présumée avoir examiné tous les éléments de preuve portés à sa connaissance. De toute façon, une procuration ne signifie pas qu’une personne est incapable. Dans la présente affaire, la requérante semble avoir donné une procuration à une personne dans le seul but d’exécuter des transactions immobilières. De plus, il n’y a pas d’éléments de preuve au dossier quant à savoir si cette personne a effectivement utilisé la procuration aux fins prévues.

Conclusion

[28] La requérante n’a invoqué aucun moyen d’appel qui aurait pu conférer à l’appel une chance raisonnable de succès. La permission d’en appeler est donc refusée.

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