Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Citation: LM c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2021 TSS 982

Numéro de dossier du Tribunal: GP-19-346

ENTRE :

L. M.

Appelant(e)

et

Ministre de l’Emploi et du Développement social

Intimé


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de la sécurité du revenu


DÉCISION RENDUE PAR : Jean Lazure
DATE DE L’AUDIENCE : 5 mars 2021
DATE DE LA DÉCISION : 29 avril 2021

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Décision

[1] L’appelante, L. M., n’est pas admissible à recevoir une pension d’invalidité en vertu du Régime des pensions du Canada (RPC). L’appel est donc rejeté, pour les motifs suivants.

Aperçu

[2] Au moment de l’audition, l’appelante était âgée de 58 ans. Quant à son éducation, l’appelante a complété sa douzième année. Au cours de sa vie, elle a cumulé environ 25 ans d’expérience de travail à titre de cuisinière / aide-cuisinière / serveuse dans un bar laitier (« dairy bar »).

[3] L’appelante n’a pas travaillé depuis octobre 2010, indiquant ne plus être en mesure de le faire à compter de ce moment-là en raisons de ses problèmes de santé.

Ce que l’appelante doit prouver

[4] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, une personne doit satisfaire aux exigences qui sont énoncées dans le RPC. Plus précisément, une personne doit avoir été déclarée invalide au sens du RPC à la fin de la période minimale d’admissibilité (PMA) ou avant la fin de cette période.Note de bas de page 1 Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations de l’appelante au RPC. Je constate que la PMA de l’appelante a pris fin le 31 décembre 2012. À ce moment, l’appelante était âgée de 50 ans.

[5] Dans un deuxième temps, pour être considérée comme invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est considérée comme atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.Note de bas de page 2

[6] La question en litige est donc de savoir si l’invalidité de l’appelante est grave et prolongée et ce, le ou avant le 31 décembre 2012. L’appelante a le fardeau de preuve quant à ce qui précède.Note de bas de page 3

Motifs de ma décision

[7] Je conclus que l’appelante ne m’a pas prouvé qu’elle avait une invalidité grave et prolongée avant le 31 décembre 2012. Voici ce dont j’ai tenu compte pour en arriver à ma décision.

L’invalidité de l’appelante n’est pas grave au sens de la loi

L’appelante croit que ses limitations l’empêchent de travailler

[8] Dans son questionnaire soumis à l’appui de sa demande de prestationsNote de bas de page 4, l’appelante indique qu’elle a arrêté de travailler en raison de crises de panique et d’une faible pression artérielle. D’ailleurs, le rapport médical daté du 31 mars 2017 du Dr. Antoine SaadeNote de bas de page 5, médecin de famille de l’appelante, confirme un diagnostic de « trouble d’anxiété sévère avec attaque de panique ».

[9] Or, à l’audition, l’appelante et son procureur ont soumis une preuve à l’effet que ces diagnostics n’étaient que des symptômes. Ils ont indiqué que toute sa vie, les médecins ont cru que ces symptômes étaient les problèmes véritables de l’appelante. L’anxiété et les crises de panique de l’appelante n’étaient que les symptômes d’une maladie qu’on aura mis toute une vie à bien diagnostiquer.

[10] L’appelante aura donc souffert toute sa vie du tremblement essentiel, diagnostic confirmé par la lettre du Dr. Saade du 24 avril 2020Note de bas de page 6. C’est également confirmé par le rapport du Dr. Ernest Clevinger, neurologue, du 26 mars 2020Note de bas de page 7. L’appelante a accueilli ce diagnostic comme un salut, puisqu’il expliquait pourquoi elle a souffert toute sa vie.

[11] L’appelante a témoigné qu’elle a tremblé toute sa vie. Ç’a commencé quand elle était jeune, là l’école, dans sa voix, ensuite la tête, ensuite les mains, parfois les bras. Rien n’aidait avec ses « shakes », comme l’appelante les appelle. Elle était tannée de se brûler et de se couper dans son emploi au « dairy bar », en raison de ses tremblements, qu’elle a cessé de travailler en 2010.

[12] À savoir pourquoi elle n’a pas cherché d’emploi après 2010, l’appelante a indiqué « où voulais-tu que je travaille à shaker comme ça? ». Elle dit qu’elle « shakait » trop de la voix, « shakait » trop, point. L’appelante a témoigné qu’il lui était difficile de vivre avec ses tremblements, que cela la gênait beaucoup dans ses interactions sociales.

L’appelante ne satisfait pas au critère prévu par la loi

[13] Or, le critère permettant de déterminer si une invalidité est « grave » ne consiste pas à établir si la personne souffre d’incapacités graves, mais plutôt à déterminer si son invalidité l’empêche de gagner sa vie.

[14] Aussi, la détermination de la gravité de l’invalidité n’est pas fondée sur l’incapacité de la personne d’occuper son emploi régulier, mais plutôt sur son incapacité d’effectuer tout travail c’est-à-dire, « une occupation véritablement rémunératrice ».Note de bas de page 8

[15] Je crois l’appelante quand elle affirme qu’elle a souffert de sa condition. Mais je ne peux me baser sur la souffrance de l’appelante en tant que telle. Je dois simplement m’arrêter à cette question : est-ce que l’appelante était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice et ce, le ou avant le 31 décembre 2012?

[16] La preuve ne me convainc pas.

[17] Je crois qu’à cette date, l’appelante ne pouvait plus occuper son emploi au « dairy bar », qu’elle avait occupé pendant environ 25 ans. Pour ce qui est d’autres emplois, l’appelante réfère à ses « shakes » qui l’en empêchaient. Son procureur, dans sa correspondance du 12 mai 2020Note de bas de page 9, indique « Comment en aurait-il pu être autrement? ». Sa sœur a abondé dans le même sens dans son témoignage.

[18] Sans nier que les tremblements de l’appelante lui causent de la souffrance, je ne peux accepter comme une évidence le fait qu’ils empêchent l’appelante de détenir un emploi autre que celui au « dairy bar ». À la lumière de la preuve, j’ai donc de la difficulté à conclure qu’en date du 31 décembre 2012, les tremblements de l’appelante l’empêchaient en eux-mêmes de détenir une autre occupation véritablement rémunératrice.

[19] À titre d’exemple, l’appelante a témoigné avoir souffert dans sa vie d’avoir des tremblements dans sa voix. Notamment, elle a parlé qu’elle a de la difficulté à se faire comprendre lorsqu’elle va à la pharmacie.

[20] Encore une fois, je ne nie pas la souffrance de l’appelante, qui a dû composer avec ceci toute sa vie. Mais je dois simplement m’arrêter à l’impact sur la capacité de travailler de l’appelante.

[21] L’appelante a témoigné devant moi. J’ai pu constater qu’elle avait une voix chevrotante. Mais je crois l’avoir toujours bien comprise, en tout temps lors de l’audition, un environnement qui est généralement stressant.

[22] Je ne peux conclure qu’avant le 31 décembre 2012, les tremblements de l’appelante faisaient en sorte qu’elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

La preuve médicale ne me convainc pas que l’appelante avait une invalidité grave au sens de la loi

[23] Je fonde ma conclusion aussi sur la preuve médicale qui m’a été soumise. Je ne crois pas qu’elle appuie une conclusion d’invalidité grave au sens de la loi, pour les motifs suivants.

[24] Je n’ai pas d’opinion médicale à savoir si l’invalidité de l’appelante était grave avant le 31 décembre 2012. Il n’est pas habituel d’avoir une telle opinion dans ce genre de dossier. Le membre du Tribunal doit plutôt regarder la preuve médicale dans son ensemble et voir ce qu’elle semble appuyer. Voici ce que j’ai relevé.

[25] L’appelante a consulté en avril 2008 un neurologue, Dr. Dale Robinson. Elle a aussi consulté en janvier 2009 un psychiatre, Dr. Sergey Ostashko. Je note qu’aucun autre spécialiste n’a été consulté entre 2009 et 2020, ce qui ne dénote pas habituellement une invalidité grave.

[26] Lorsque l’appelante a consulté le Dr. Robinson en 2008, elle n’a pas voulu essayer le médicament proposé par celui-ci, le Propranolol. À l’audition, l’appelante a mentionné qu’il s’agissait d’une « pilule à pression ». Je note également que Dr. Robinson proposait un suivi dans un an, ce qui n’a pas été fait. Je crois que ce qui précède ne cadre pas habituellement avec une invalidité grave : une telle invalidité inciterait plutôt à essayer un traitement prescrit et à faire un suivi, voire des suivis.

[27] Les notes évolutives du Dr. Saade, médecin de famille, sont au dossier pour la période d’avril 2009 à décembre 2012Note de bas de page 10. L’appelante a effectué huit visites en presque quatre ans, soit environ deux par année. Ce rythme de consultation ne cadre généralement pas non plus avec une invalidité grave.

[28] Mais, surtout, aucune des notes évolutives du Dr. Saade ne parle des tremblements de l’appelante. Je ne nie pas qu’ils aient existé, mais je trouve que cette absence remet en question leur gravité avant le 31 décembre 2012. Ces notes évolutives parlent des autres symptômes de l’appelante, notamment de son anxiété, qui semble bien contrôlée avec les médicaments Paxil et Ativan en date du 26 février 2012Note de bas de page 11.

[29] Certains rapports médicaux font mention des tremblements de l’appelante. Le rapport du Dr. Robinson indique « slight tremor for much of her life »Note de bas de page 12. Dans sa lettre du 24 avril 2020, le Dr. Saade indique que « Avec les temps, ses tremblements se sont aggravés. »Note de bas de page 13 Dans son rapport du 26 mars 2020, Dr. Ernest Clevinger, neurologue, indique « 57 year-old woman who has had at least 20 years of tremor. It is worsening. »Note de bas de page 14 Ces mentions ne me permettent pas de conclure que les tremblements de l’appelante relevaient d’une invalidité grave, qui l’empêchaient de détenir régulièrement une occupation valablement rémunératrice, avant le 31 décembre 2012.

[30] Je ne crois donc pas que la preuve médicale appuie une conclusion d’invalidité grave.

[31] Je conclus donc que l’invalidité de l’appelante n’était pas grave au sens de la loi avant le 31 décembre 2012.

Conclusion

[32] L’appelante n’est pas admissible à recevoir une pension d’invalidité en vertu du RPC car j’ai déterminé que son invalidité n’est pas grave. Pour ce motif, il n’était pas nécessaire que je me prononce sur le critère d’invalidité prolongée.

[33] L’appel est rejeté.

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