Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : MB c Ministre de l’Emploi et du Développement social et RD, 2022 TSS 576

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de prolongation de délai et de permission de faire appel

Parties demanderesse : M. B.
Première partie défenderesse : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Deuxième partie défenderesse : R. D.

Décision portée en appel :

Décision de la division générale datée du 2 juin 2021
(GP-19-767)


Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 28 juin 2022
Numéro de dossier : AD-22-300

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Décision

[1] Je rejette les demandes de prolongation du délai et de permission de faire appel que le demandeur a présentées. Je ne vois aucune raison d’aller de l’avant dans cet appel.

Aperçu

[2] Le demandeur (M. B.) et la deuxième défenderesse (R. D.) ont vécu ensemble à titre de conjoints de fait d’août 2005 jusqu’à leur mariage en mars 2006. Ils ont divorcé en octobre 2016.

[3] En avril 2018, M. B. a demandé le partage des crédits du Régime de pensions du Canada (RPC). Elle a présenté avec sa demande la preuve de son mariage et de son divorce. Le premier défendeur (la ministre) a procédé à la redistribution des crédits du RPC de R. D. à M. B. Cependant, R. D. s’est opposé au partage des crédits et a demandé qu’il soit annulé.

[4] La ministre a refusé en disant qu’elle n’avait pas le choix de diviser les crédits du RPC entre les ex-conjoints lorsqu’elle recevait l’information selon laquelle ils étaient divorcés. R. D. a fait appel du refus de la ministre à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Il a dit qu’il n’avait pas assez d’argent pour vivre. Il a soutenu qu’il devrait récupérer ses crédits parce que son ex-épouse et lui s’étaient entendus pour ne pas partager leurs actifs.

[5] La division générale a tenu une audience par téléconférence et, dans une décision datée du 2 juin 2021, a rejeté l’appel. Elle a convenu avec la ministre qu’un partage des crédits du RPC est obligatoire pour les conjoints divorcés après le 1er janvier 1987. Elle a aussi dit que la ministre était tenue de procéder au partage des crédits sur présentation d’une preuve suffisante qu’un divorce avait eu lieu. Elle a conclu que M. B. et R. D. ne pouvaient pas renoncer au partage des crédits du RPC, puisqu’ils étaient divorcés en Ontario et que cette province n’avait pas adopté de loi qui leur aurait permis de le faire.

[6] M. B. demande maintenant la permission de faire appel à la division d’appel. Elle affirme avoir seulement été avisée de l’audience de la division générale, qui a eu lieu par téléconférence le 31 mai 2021, après qu’elle a été tenueNote de bas de page 1.

Questions en litige

[7] Un appel peut uniquement aller de l’avant si la division d’appel accorde d’abord la permission de faire appelNote de bas de page 2.À cette étape préliminaire, je dois trancher les questions connexes suivantes :

  • La demande de permission de faire appel de M. B. a-t-elle été déposée en retard? Dans l’affirmative, devrais-je lui accorder une prolongation?
  • L’appel de M. B. a-t-il une chance raisonnable de succès?

Analyse

La demande de permission de faire appel de M. B. a été présentée en retard.

[8] Il faut que la demande de permission de faire appel soit présentée à la division d’appel dans les 90 jours suivant la date où la partie demanderesse reçoit communication de la décisionNote de bas de page 3. La division d’appel peut prolonger le délai pour présenter une demande de permission de faire appel. Cependant, cette demande ne peut en aucun cas être présentée plus d’un an après la date à laquelle la décision a été communiquée à la partie demanderesse.

[9] Dans la présente affaire, la division générale a rendu sa décision le 2 juin 2021. Le lendemain, le Tribunal a posté la décision à M. B. à l’adresse résidentielle qu’elle avait fournie au Tribunal. La division d’appel a seulement reçu la demande de permission de faire appel de M. B. le 25 avril 2022, soit plus de 10 mois après la date limite. Cela signifie que la demande était en retard d’au moins sept mois.

[10] Dans une affaire appelée GattellaroNote de bas de page 4, la Cour fédérale a établi quatre critères à prendre en considération pour décider s’il faut accorder plus de temps pour le dépôt d’un appel :

  • le retard a été raisonnablement expliqué;
  • la personne démontre une intention persistante de poursuivre l’appel;
  • la prolongation du délai ne causerait aucun préjudice aux autres parties;
  • la cause est défendable.

[11] Le poids à accorder à chacun des critères énoncés dans la décision Gattellaro peut varier d’une cause à l’autre. D’autres facteurs peuvent aussi être pertinents. Toutefois, la considération primordiale est que la décision d’accorder ou non plus de temps soit dans l’intérêt de la justiceNote de bas de page 5.

M. B. n’avait pas d’explication raisonnable pour le retard.

[12] Le formulaire de demande de permission de faire appel demande expressément aux parties demanderesses d’expliquer pourquoi, le cas échéant, leur appel pourrait être en retard. M. B. n’a pas répondu à la question. Elle a plutôt déclaré qu’elle n’avait pas reçu l’avis de l’audience du 31 mai 2021 avant le mois suivant. Cependant, cette déclaration n’expliquait pas pourquoi il lui a fallu tant de temps avant de demander un appel à la division d’appel.

M. B. n’avait pas l’intention continue de poursuivre l’appel.

[13] Comme il a été mentionné, plus de 10 mois se sont écoulés entre la décision de la division générale et la demande de permission de faire appel de M. B. Compte tenu de ce délai, je ne suis pas convaincu que M. B. avait l’intention de faire appel après la fin du délai de dépôt de 90 jours.

Une prolongation ne causerait aucun préjudice aux autres parties.

[14] J’estime qu’il est peu probable que le fait de permettre à M. B. de poursuivre son appel à cette date tardive porterait préjudice aux intérêts des autres parties. M. B. tente de faire appel d’une décision qui va à l’encontre des intérêts financiers de R. D., et je pense que son ex-mari est ouvert à toute procédure qui pourrait lui permettre de récupérer ses crédits de pension. Pour ce qui est de la ministre, compte tenu des ressources dont elle dispose, je ne vois pas en quoi sa capacité de répondre serait indûment affectée par le report de la date limite de dépôt.

M. B. n’a pas de cause défendable.

[15] Lorsqu’une partie demande un délai supplémentaire, elle doit démontrer qu’elle a au moins une cause défendable. Il se trouve qu’il s’agit également du critère pour accorder la permission de faire appel. La Cour d’appel fédérale a conclu qu’une cause défendable s’apparente à une cause qui a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 6.

[16] Il y a quatre moyens d’appel à la division d’appel. Une partie demanderesse doit démontrer que la division générale a :

  • procédé de façon inéquitable;
  • outrepassé ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
  • mal interprété la loi;
  • fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 7.

[17] Je ne comprends pas trop pourquoi M. B. cherche à faire appel de la décision de la division générale. M. B. a demandé un partage des crédits. La ministre lui a accordé. R. D. a ensuite tenté de faire annuler le partage, mais a échoué à la division générale. J’ai de la difficulté à comprendre pourquoi M. B. voudrait maintenant renverser cette décision, car cela nuirait à ses intérêts financiers.

[18] Il se peut que M. B. ait changé d’avis au sujet du partage des crédits. Si c’est le cas, je ne peux pas l’aider. Les raisons suivantes expliquent pourquoi.

Il est impossible de soutenir que la division générale a refusé à M. B. le droit d’être entendue.

[19] En examinant le dossier, je constate que la division générale a fixé quatre dates d’audience dans cette affaire. Avant que l’audience soit enfin tenue le 31 mai 2021, elle a été ajournée trois fois parce que M. B. ne s’est pas présentée la première fois parce qu’elle n’avait pas reçu d’avis d’audienceNote de bas de page 8, et deux autres fois parce qu’elle n’arrivait pas à se joindre à la téléconférenceNote de bas de page 9.

[20] Cependant, contrairement à ce que M. B. laisse entendre dans sa demande de permission d’appel, elle a fini par se joindre à la téléconférence du 31 mai 2021. Cela peut seulement signifier qu’elle a effectivement reçu avis de l’audience. L’enregistrement de l’audience indique qu’après un autre retard causé par des problèmes techniques, M. B. s’est joint à l’appel. Avec l’aide d’un interprète espagnol, elle a pleinement participé à l’instanceNote de bas de page 10. Il ressort clairement de sa décision que la division générale a tenu compte du témoignage de M. B. au sujet de ses difficultés à la suite de son divorceNote de bas de page 11.

[21] Je ne vois pas comment il serait possible de soutenir que la division générale a empêché M. B. de défendre sa cause. En fait, le dossier montre qu’elle a fait tout en son pouvoir pour que M. B. ait droit à une audience. En outre, il est difficile pour M. B. de soutenir que la division générale l’a traitée injustement lorsque, de toute apparence, elle lui a donné le résultat qu’elle souhaitait.

Il est impossible de soutenir que le partage des crédits peut être annulé.

[22] J’ai également examiné la décision de la division générale pour vérifier si elle contenait des erreurs de fait ou de droit. Je n’ai pas vu de cause défendable dans l’une ou l’autre des catégories.

[23] Dans la présente affaire, les faits essentiels n’ont pas été contestés : R. D. et M. B. sont devenus conjoints de fait en août 2005 et se sont mariés en mars 2006. Ils ont divorcé en octobre 2016. Ils ont vécu en Ontario du début à la fin de leur relation.

[24] Dans ce contexte factuel, la division générale a correctement interprété la loi concernant le partage des crédits du RPC. Elle a déterminé que, si un divorce a été accordé et qu’un des ex-conjoints demande un partage des crédits, ce partage est obligatoire. Au titre du Régime de pensions du Canada, la ministre n’est pas liée par une entente entre conjoints ou une ordonnance de la courNote de bas de page 12. Le partage doit être effectué, que les ex-conjoints y renoncent explicitement ou non. Une exception peut seulement être accordée que si une entente visant à ne pas partager les crédits du RPC est expressément autorisée dans la province qui régit l’ententeNote de bas de page 13. 

[25] Dans la présente affaire, l’entente de séparation de R. D. et M. B. était régie par les lois de l’Ontario. Par conséquent, la division générale avait le pouvoir d’accepter l’argument de la ministre selon lequel rien dans la loi de l’Ontario ne leur permettait de renoncer au partage obligatoire des crédits. Compte tenu de l’ensemble des faits dont elle disposait, la division générale devait rejeter l’appel de R. D.

Conclusion

[26] J’ai décidé qu’il n’était pas approprié dans la présente affaire d’accorder un délai supplémentaire, qui dépasse la limite de 90 jours, pour déposer un appel. Même si j’ai conclu qu’il était peu probable que la prolongation du délai porte préjudice aux intérêts de R. D. ou de la ministre, je n’ai vu aucune explication raisonnable du retard de M. B. à faire appel, et je ne vois pas non plus d’intention continue de sa part de poursuivre un appel. Par-dessus tout, je ne pensais pas qu’elle avait une cause défendable. Ce dernier facteur a été décisif : je ne vois pas l’utilité de présenter un appel qui est voué à l’échec.

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