Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : SM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 695

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : S. M.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 11 janvier 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Anne S. Clark
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 22 mars 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Amie de l’appelante (témoin)

Date de la décision : Le 29 mars 2022
Numéro de dossier : GP-21-1548

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante, S. M., n’est pas admissible à une pension de survivant duRégime de pensions du Canada (RPC). La présente décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelante a épousé N. C. (cotisant) en juin 1994. Ils se sont séparés en mars 2018 et leur divorce est devenu définitif en octobre 2018. Le cotisant est décédé le 30 mai 2020Note de bas de page 1.

[4] L’appelante affirme qu’elle a été mariée avec le cotisant pendant 24 ans et qu’ils ont seulement été divorcés pendant 20 mois. Le divorce ne l’a pas empêchée d’être l’épouse du cotisant. Elle n’a pas choisi d’être divorcée. Même s’ils ne vivaient plus ensemble, elle a continué de prendre soin du cotisant en tant qu’épouse.

[5] Le ministre affirme que l’appelante et le cotisant ont divorcé. Ils ne vivaient pas ensemble en tant que conjoints de fait. Le ministre dit que cela signifie qu’elle ne peut pas être la survivante du cotisant au titre du RPC.

Ce que l’appelante doit prouver

[6] Pour que l’appelante obtienne gain de cause, elle doit prouver qu’elle est la survivante du cotisant au titre du RPC.

[7] L’appelante a convenu qu’elle n’était pas mariée au cotisant au moment de son décès. Cela signifie que l’appelante pourrait seulement être la survivante du cotisant que si elle était sa conjointe de fait au moment de son décès et qu’elle l’était depuis au moins 12 mois.

Motifs de ma décision

Ce que dit le RPC au sujet de la pension de survivant

[8] La pension de survivant du RPC est versée à la personne qui a la qualité de survivant d’une cotisante ou d’un cotisant qui a versé des cotisations de base au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilitéNote de bas de page 2. Il n’y a pas de problème concernant les cotisations de base du cotisant.

[9] Une « survivante » ou un « survivant » est la personne qui était légalement mariée à la cotisante ou au cotisant au moment de son décès. Toutefois, si la personne décédée vivait en union de fait au moment de son décès, la personne qui lui survit est sa conjointe de fait ou son conjoint de faitNote de bas de page 3.

[10] Le terme « conjointe de fait » ou « conjoint de fait » désigne la personne qui vivait depuis au moins un an dans une relation conjugale avec la cotisante ou le cotisant au moment de son décèsNote de bas de page 4. Autrement dit, ils ont vécu dans une relation assimilable au mariage pendant toute l’année précédant le décès du cotisantNote de bas de page 5.

[11] Les facteurs qui sont utiles pour décider si deux personnes vivaient ensemble dans une relation conjugale comprennent les suivantsNote de bas de page 6 :

  1. a) Le partage d’un toit, notamment le fait que les parties vivaient sous le même toit ou partageaient le même lit ou le fait que quelqu’un d’autre habitait chez elles;
  2. b) Les rapports sexuels et personnels, notamment le fait que les parties avaient des relations sexuelles, étaient fidèles l’une à l’autre, communiquaient bien entre elles sur le plan personnel, prenaient leurs repas ensemble, s’entraidaient face aux problèmes ou à la maladie ou s’offraient des cadeaux;
  3. c) Les services, notamment le rôle des parties dans la préparation des repas, le lavage, les courses, l’entretien du foyer et d’autres services ménagers;
  4. d) Les activités sociales, notamment le fait que les parties participaient ensemble ou séparément aux activités du quartier ou de la communauté et leurs rapports avec les membres de la famille de l’autre;
  5. e) L’image sociétale, notamment l’attitude et le comportement de la communauté envers chacune des parties, considérées en tant que couple;
  6. f) Le soutien, notamment les dispositions financières prises par les parties pour ce qui était de fournir les choses nécessaires à la vie et la propriété de biens;
  7. g) L’attitude et le comportement des parties à l’égard des enfants.

J’estime que l’appelante et le cotisant n’étaient pas des conjoints de fait en mai 2020, lorsque le cotisant est décédé.

[12] La preuve ne montre pas que l’appelante et le cotisant vivaient dans une relation assimilable à un mariage au moment du décès de ce dernier.

[13] L’amie de l’appelante (témoin) a témoigné. Elle a dit qu’elle connaissait l’appelante et le cotisant depuis de nombreuses années. Ils allaient à la même église et elle avait entretenu une relation avec leur famille avant et après le divorce. À son avis, l’appelante était une épouse « fantastique » et « formidable ». Elle était toujours là pour le cotisant lorsqu’il avait besoin d’elle, même après le divorce.

[14] Au cours de la dernière année de sa vie, le cotisant était très malade. La témoin a déclaré qu’elle savait qu’ils n’étaient plus mariés, mais que l’appelante avait continué de s’occuper du cotisant. Elle a affirmé que l’appelante lui avait dit qu’elle se rendait chez le cotisant tous les jours. L’appelante s’occupait des tâches ménagères et des besoins personnels du cotisant.

[15] La témoin a affirmé que beaucoup de membres de la communauté ne savaient pas que le cotisant et l’appelante étaient divorcés. Le cotisant était un ministre et il ne partageait pas ce genre d’information sur sa vie personnelle avec les membres de la communauté. Il assistait à des activités sociales avec l’appelante, et de nombreux membres de la communauté ont continué de les considérer comme un couple marié.

[16] L’appelante a dit que le cotisant a décidé qu’il voulait divorcer. Au début de 2018, ils ont vendu leur maison et ont commencé à vivre séparément. Elle est allée vivre avec sa sœur et il a loué un appartement. Une de leurs filles a vécu avec le cotisant jusqu’à son décès.

[17] L’appelante a dit que le divorce avait eu lieu sans son consentement. Elle ne voulait pas être divorcée et n’a pas parlé de son divorce avec les gens de l’église ou de la communauté. Elle a dit qu’elle continuait de se sentir responsable de prendre soin du cotisant. Elle a dit qu’elle se rendait à son appartement tous les jours. Elle cuisinait et nettoyait comme le ferait une bonne épouse.

[18] L’appelante a écrit qu’elle restait à l’appartement du cotisant lorsqu’il s’absentait. Elle nettoyait l’appartement et s’assurait qu’il y avait de la nourriture. Elle a dit que la semaine avant qu’il tombe malade, il a commencé à parler de se remarierNote de bas de page 7. Elle a dit qu’ils vivaient séparément, mais qu’ils essayaient lentement de revenir ensemble.

[19] Son témoignage au sujet du temps qu’elle a passé à l’appartement du cotisant est devenu plus clair pendant qu’elle parlait. Elle faisait de la nourriture pour lui et leur fille et leur livrait. Elle nettoyait aussi l’appartement pour eux. L’appelante et le cotisant conduisaient leur fille à l’école et à des activités, et allaient la chercher à tour de rôle. En raison de toutes ces activités, elle était chez le cotisant presque tous les jours, sinon chaque jour.

[20] En ce qui concerne les finances, l’appelante a dit qu’ils s’occupaient chacun de leurs propres dépenses. Ils avaient un compte partagé et elle pouvait l’utiliser pour faire l’épicerieNote de bas de page 8. Ils avaient chacun leur propre véhicule et n’étaient plus les bénéficiaires de l’assurance de l’autre. Dans l’assurance-vie de l’appelante, le cotisant est indiqué comme étant le tuteur des enfants, qui sont les bénéficiaires. Ils avaient une entente informelle pour partager les dépenses de leur fille.

[21] L’appelante a dit qu’elle avait une relation intime et physique avec le cotisant. Sa description de cet aspect de leur relation était vague. Elle a dit qu’elle restait parfois dans son appartement et qu’ils avaient commencé à parler de revenir ensemble. Elle a dit qu’ils avaient eu une relation intime auparavant, mais que lorsqu’il est devenu invalide, il a eu besoin de médicaments et n’était pas en mesure de retourner à une relation intime physique. Je n’ai pas pu déterminer, d’après son témoignage, à quel moment ils ont cessé d’avoir une relation intime ou s’ils ont repris cette relation avant son décès.

[22] L’appelante a dit qu’elle et le cotisant étaient fidèles l’un envers l’autre. Cela n’a pas changé lorsqu’ils ont divorcé.

[23] L’appelante a dit qu’elle socialisait avec le cotisant. Ils ont continué d’aller ensemble à des événements communautaires et ils n’ont pas parlé du divorce à beaucoup de personnes. Le cotisant était très respecté. De nombreux amis proches et d’autres membres de la communauté lui ont rendu visite et lui ont apporté de la nourriture lorsqu’il est tombé malade et qu’il a dû cesser de travailler.

[24] L’appelante est restée très près du cotisant. Lorsqu’il est devenu très malade, il a donné son nom à l’hôpital. Elle s’absentait du travail ou demandait à leurs enfants d’aller le voir lorsqu’elle ne pouvait pas être là. Elle a dit que si elle avait eu le choix, elle aurait encore été mariée au cotisant.

La preuve n’appuie pas la position de l’appelante

[25] J’estime que l’appelante n’est pas la survivante du cotisant au sens du RPC. Je comprends qu’elle voulait être son épouse et qu’elle a continué de lui fournir du soutien et des soins après le divorce. Toutefois, ils n’étaient pas conjoints de fait au moment de son décès et pendant les 12 derniers mois de sa vie.

[26] L’appelante a dit très clairement qu’elle ne voulait pas être divorcée. Elle n’a pas consenti au divorce et croyait toujours être l’épouse du cotisant. À ce titre, elle a continué de se sentir responsable de lui. Toutefois, les deux parties doivent avoir l’intention de vivre en union de fait. Une union de fait prend fin (ou n’existe pas) lorsque l’une ou l’autre des parties considère qu’elle est terminée et, par sa conduite, démontre son intention de façon convaincanteNote de bas de page 9.

[27] J’estime que la preuve concernant la conduite du cotisant ne montre pas qu’il avait l’intention d’être le conjoint de fait de l’appelante. Je suis arrivée à cette conclusion en raison de la conduite du cotisant.

  • Il a divorcé de l’appelante.
  • Il a choisi de vivre séparément de l’appelante.
  • Il a tenu des comptes financiers distincts, à l’exception d’un compte conjoint pour l’épicerie.
  • Il n’a pas demandé à l’appelante d’envisager de [traduction] « revenir ensemble » avant le dernier mois de sa vie.
  • Il avait son propre véhicule.
  • Il partageait la responsabilité de leurs enfants d’une manière semblable à celle des personnes divorcées.

[28] Je reconnais que l’appelante se considérait comme l’épouse du cotisant, même s’ils étaient divorcés. Elle a continué à prendre soin de lui et le voyait tous les jours lorsqu’elle allait à son appartement pour apporter de la nourriture à lui et leur fille, ou pour conduire leur fille à l’école. Même si elle voulait rester mariée et être un « couple », le cotisant n’a pas démontré cette intention avant le dernier mois de sa vie. Cela est démontré par le fait qu’il lui a demandé d’envisager de vivre ensemble.

[29] À la lumière de tous les éléments de preuve, je peux comprendre que l’appelante a continué de maintenir une relation avec le cotisant. De toute évidence, elle l’aimait et s’occupait de lui. Malheureusement, il ne s’est pas comporté comme s’il avait l’intention de vivre en union libre avant, peut-être, le dernier mois de sa vie, lorsqu’il lui a parlé de vivre ensemble.

Conclusion

[30] Je conclus que l’appelante n’est pas admissible à une pension de survivant du RPC.

[31] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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