Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : DJ c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 1211

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Parties demanderesse : D. J.
Partie défenderesse : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 1er septembre 2022 (GP-21-2349)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 3 novembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-753

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Je ne vois aucune raison d’aller de l’avant dans cet appel.

Aperçu

[2] La requérante est née en décembre 1960. Le 17 novembre 2020, elle s’est rendue au bureau de son député et a rempli une demande de pension de retraite du Régime de pensions du Canada (RPC). Dans sa demande, elle a écrit qu’elle voulait que sa pension commence dès qu’elle était admissible.

[3] La requérante affirme que le personnel du bureau de sa députée a promis d’envoyer sa demande à Service Canada immédiatementNote de bas de page 1. Toutefois, Service Canada insiste pour dire qu’ils n’ont pas reçu la demande avant le 31 mars 2021Note de bas de page 2. Service Canada affirme que la pension de retraite de la requérante ne pourrait donc pas commencer avant avril 2021.

[4]  La requérante veut que sa pension commence à compte de décembre 2020, soit le mois où elle a eu 60 ans. La division générale du Tribunal a déjà rejeté l’appel de la requérante pour quatre autres mois de prestations. La division générale a établi qu’une demande est considérée comme ayant été présentée seulement lorsqu’elle est reçue par Service Canada. Elle n’a trouvé aucune preuve que le bureau du député avait posté ou envoyé la demande de la requérante à Service Canada avant mars 2021.

[5] La requérante demande maintenant la permission de faire appel à la division d’appel. Elle prétend que la division générale a commis une erreur en interprétant incorrectement une affaire portant sur une situation de fait semblable à la sienne. Elle insiste sur le fait que son député a envoyé la demande à Service Canada le 17 novembre 2020. On lui a dit que personne n’avait ouvert le courrier à Service Canada en raison de la pandémie de COVID-19.

[6] La requérante a également joint une lettre d’une employée du bureau de circonscription de son député. La lettre dit que le personnel a posté la demande de la requérante à Service Canada par courrier ordinaire le 17 novembre 2020. Elle dit aussi ce qui suit [traduction] : « Toutefois, Service Canada ne l’a pas reçue et l’électrice devra présenter une nouvelle demande en 2021, ce qui retardera le début de ses prestations, qui aurait dû commencer lorsqu’elle a eu 60 ans le 1er décembre 2020Note de bas de page 3 ».

Question en litige

[7] Il y a quatre moyens d’appel à la division d’appel. La partie requérante doit démontrer l’une des choses suivantes :

  • la division générale a agi de façon injuste;
  • elle a outrepassé ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
  • elle a mal interprété la loi;
  • elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 4.

[8] Un appel peut aller de l’avant seulement avec la permission de la division d’appelNote de bas de page 5. À cette étape, la division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 6. Il s’agit d’un critère relativement facile à satisfaire, car il faut présenter au moins un argument défendableNote de bas de page 7.

[9] Je dois décider si la requérante a soulevé une cause défendable qui correspond à au moins un des moyens d’appel permis.

Analyse

[10] J’ai examiné la décision de la division générale ainsi que le droit applicable et les éléments de preuve qui ont mené à cette décision. J’ai conclu que la requérante n’a pas de cause défendable.

La division générale n’entend pas les preuves de nouveau et ne tient pas compte de nouvelles preuves.

[11] Beaucoup des arguments que la requérante présente à la division d’appel sont essentiellement les mêmes que ceux qu’elle a présentés à la division générale. Elle insiste sur le fait que le bureau de circonscription de son député a envoyé sa demande à Service Canada le 17 novembre 2020. Elle suppose que sa demande doit être restée dans un bureau de Service Canada pendant plus de quatre mois sans être ouverte ou traitéeNote de bas de page 8. Elle soutient qu’il n’est pas raisonnable de la pénaliser pour les erreurs des autres.

[12] Malheureusement, compte tenu des moyens d’appel restreints prévus par la loi, la requérante ne peut pas obtenir gain de cause à la division d’appel en présentant de nouveau les preuves et les arguments qu’elle a déjà présentés à la division générale. Une audience à la division d’appel a pour but d’établir si la division générale a commis des types d’erreurs précis. Il ne s’agit pas simplement d’une « reprise » de l’audience devant la division générale.

[13] Pour ces raisons, je ne peux pas tenir compte de la lettre du député de la requérante. Premièrement, elle n’était pas devant la division générale parce qu’elle a seulement été préparée après l’audience. Deuxièmement, elle ne contient rien de nouveau; elle ne dit rien que la requérante elle-même n’a pas déjà dit à la division générale.

[14] L’un des rôles de la division générale est d’établir les faits. Pour ce faire, elle a droit à une certaine latitude dans la façon dont elle choisit d’évaluer la preuve devant elle. Dans la présente affaire, la division générale a entendu la requérante témoigner qu’elle avait confié sa demande à son député dans l’espoir que son personnel l’enverrait à Service Canada en son nom. La division générale n’a pas entendu que la requérante avait posté elle-même la demande. Elle n’a pas non plus entendu de preuve précise selon laquelle Service Canada avait effectivement reçu sa demande en novembre 2020, mais qu’elle l’avait ensuite laissée en suspens pendant des mois.

[15] À partir de cela, la division générale a conclu que, selon toute vraisemblance, la requérante n’avait pas présenté de demande en novembre 2020. Je ne vois pas comment il serait possible de soutenir que la division générale a commis une erreur en arrivant à cette conclusion.

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a mal interprété le Régime de pensions du Canada.

[16] Comme l’a fait remarquer la division générale, le Régime de pensions du Canada dit qu’une pension de retraite du RPC n’est pas payable à moins qu’une demande ait été faite de la manière prescriteNote de bas de page 9. À la réception d’une demande, le ministre peut décider d’approuver ou de refuser le paiement de la pension. Le Règlement sur le Régime de pensions du Canada précise qu’une demande de prestations doit être présentée par écrit au ministreNote de bas de page 10.

[17] Il est clair qu’une demande est seulement présentée lorsque le ministre la reçoit. Il n’est pas suffisant de la laisser à votre député dans l’espoir qu’il la transmettra au ministre.

[18] Pour une partie demanderesse de moins de 65 ans, la pension de retraite est payable à la date la plus tardive des suivantes :

  • le mois où elle a atteint l’âge de 60 ans;
  • le mois suivant la réception de la demande par le ministre;
  • le mois qu’elle a choisi dans sa demandeNote de bas de page 11.

[19] La division générale a établi que, dans le cas de la requérante, la date la plus tardive des trois mentionnées ci-dessus était avril 2021, soit le mois suivant la réception de sa demande par la ministre.

[20] Je ne vois aucune cause défendable selon laquelle la division générale aurait commis une erreur en appliquant les faits au droit. La requérante peut ne pas être d’accord avec cette analyse, mais un simple désaccord ne constitue pas un moyen d’appel.

Il est impossible de soutenir que la division générale n’a pas tenu compte de la jurisprudence pertinente.

[21] La requérante allègue que la division générale n’a pas tenu compte d’une affaire qui s’appliquait à la sienne.

[22] Je ne vois pas le bien-fondé de cet argument.

[23] L’affaire en question est une décision de la division générale (appelée GC) qui date d’il y a deux ansNote de bas de page 12. Contrairement à ce que dit la requérante, la division générale ne l’a pas ignorée, mais a plutôt passé du temps à expliquer pourquoi sa situation de fait était différente de celle de la requérante. Comme la division générale l’a souligné, GC était une affaire dans laquelle la personne avait la preuve qu’elle avait effectivement posté sa demande à Service Canada. Cependant, aucune preuve de ce genre n’existait dans la présente affaire.

[24] Quoi qu’il en soit, il y avait une autre raison pour laquelle GC ne s’appliquait pas. La division d’appel l’a renversée quelques mois plus tard, bien que ni la requérante ni la division générale ne semblait être au courant de ce dénouement.

[25] Le problème avec GC était que la division générale a jugé que la date d’envoi par la poste était la date de la demande, ayant conclu que le ministre avait égaré la demande de la partie requéranteNote de bas de page 13. La division d’appel a conclu que, ce faisant, la division générale avait outrepassé sa compétence en tentant de corriger une erreur administrative commise par le ministre. Comme dans la présente affaire, le ministre a nié avoir reçu la demande de pension de retraite de G. C. et a refusé de changer la date de début de sa pension à une date antérieure. Le ministre a soutenu que, même s’il avait perdu la demande, le pouvoir de corriger une telle erreur administrative lui appartenait, à lui et à lui seul, et que c’était à sa discrétion.

[26] La division d’appel a dit qu’elle était d’accord, citant l’article 66(4) du RPC, dont le libellé laisse entendre que le pouvoir du ministre de corriger ses propres erreurs administratives est discrétionnaire ou volontaire. Les tribunaux ont déclaré que les décideurs non judiciaires comme le Tribunal de la sécurité sociale peuvent seulement exercer les pouvoirs qui leur sont conférés par la loi. Dans une affaire intitulée Pincombe, la Cour d’appel fédérale a statué que la division générale ne pouvait pas entendre un appel d’une décision ministérielle rendue au titre de l’article 66(4). Cela s’explique par le fait que de telles décisions n’étaient pas explicitement énumérées parmi celles qui étaient assujetties à la surveillance du TribunalNote de bas de page 14.

[27] Dans la présente affaire, si le ministre a mal traité la demande de la requérante, GC ne lui est d’aucune aide. En fait, elle semble faire le contraire, en interdisant à la division générale de corriger une erreur administrative que le ministre, à sa discrétion, a déjà refusé de corriger.

La division générale doit respecter la lettre de la loi

[28] Si la requérante a bel et bien envoyé sa demande à Service Canada en novembre 2020 et qu’il n’y avait personne pour l’ouvrir, elle a été victime d’une injustice. Cependant, ni moi ni la division générale ne pouvons y faire quoi que ce soit. Même si nous sommes sensibles à la situation de la requérante, nous sommes tenus de respecter la lettre de la loiNote de bas de page 15. Ce Tribunal n’est pas une cour, mais un décideur établi par une loi, et il ne peut pas simplement ordonner au ministre de verser à la requérante des prestations supplémentaires pour des motifs de compassion.

Conclusion

[29] La requérante n’a soulevé aucun moyen d’appel qui pourrait conférer à l’appel une chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est donc refusée.

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