Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : SG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1148

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelante : S. G.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Isabelle Thiffault

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 18 août 2022 (GE-22-1923)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Mode d’audience : Sur la foi du dossier
Date de la décision : Le 2 novembre 2022
Numéro de dossier : AD-22-595

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie. La division générale n’aurait pas dû recourir à la procédure de rejet sommaire pour rejeter l’appel de la prestataire. Cependant, le résultat demeure le même.

Aperçu

[2] Il s’agit d’un appel de la décision de la division générale. La division générale a rejeté sommairement l’appel de l’appelante, S G. (la prestataire).

[3] La prestataire a demandé de passer des prestations parentales prolongées aux prestations parentales standards en disant qu’elle a fait une erreur dans son formulaire de demande. Elle dit s’être aperçue de son erreur seulement après avoir commencé à recevoir des prestations parentales. Cependant, la division générale a conclu qu’une fois que des prestations parentales sont versées, une partie prestataire ne peut pas modifier son choix de prestations parentales. Elle a donc jugé que la prestataire ne pouvait pas modifier son choix.

[4] La division générale n’a pas tenu d’audience. Elle a conclu que l’appel n’avait pas une chance raisonnable de succès. Elle a conclu qu’il était clair et évident à la lecture du dossier que l’appel était voué à l’échec, peu importe les éléments de preuve ou les arguments que la prestataire aurait pu présenter à l’audience.

[5] La prestataire n’a pas abordé directement la question du rejet sommaire dans son appel. Elle soutient toutefois que la division générale n’a pas tenu compte de deux faits. Elle soutient également que justice n’a pas été rendue. Elle soutient qu’elle a droit aux prestations et qu’elles ne devraient pas être réduites en raison d’une « petite erreurNote de bas de page 1 ».

[6] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, soutient que l’appel fait à la division générale était voué à l’échec, peu importe les éléments de preuve ou les arguments que la prestataire aurait pu présenter à l’audience. La Commission soutient que la division générale n’a commis aucune erreur en rejetant sommairement l’appel, car celui-ci n’avait aucune chance raisonnable de succès. La Commission demande à la division d’appel de rejeter l’appel.

Question en litige

[7] La question à trancher dans la présente affaire est la suivante : La division générale a-t-elle fait une erreur en rejetant de façon sommaire l’appel de la prestataire?

Analyse

[8] La division d’appel peut modifier les décisions de la division générale si elles contiennent des erreurs de compétence, de procédure, de droit ou certains types d’erreurs de fait.

La division générale a-t-elle fait une erreur en rejetant de façon sommaire l’appel de la prestataire?

[9] Au titre de l’article 53(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la division générale est tenue de rejeter un appel de façon sommaire si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès.

[10] La division générale a conclu qu’il était clair, d’après le dossier, que l’appel de la prestataire n’avait aucune chance raisonnable d’être accueilli et qu’il était voué à l’échec. Pour cette raison, elle a rejeté sommairement l’appel de la prestataire.

[11] La Cour d’appel fédérale a statué qu’un appel devrait seulement être rejeté sommairement lorsqu’il est évident que l’appel est voué à l’échec, peu importe les éléments de preuve ou les arguments qui pourraient être présentés à une audienceNote de bas de page 2.

[12] Les cas où une partie prestataire ne satisfait pas aux conditions d’admissibilité, n’a pas accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable ou a atteint le nombre maximal de semaines de prestations de maladie sont de bons exemples d’appels qui sont manifestement voués à l’échec.

[13] On peut se demander si les appels concernant le choix des prestations parentales tombent dans la même catégorie. Parfois, des éléments de preuve ou des arguments supplémentaires présentés à une audience pourraient changer l’issue d’un appel.

[14] Par exemple, s’il y avait des preuves que la Commission avait induit une partie prestataire en erreur ou l’avait mal informée au sujet du régime de prestations parentales, l’appel aurait peut-être une chance raisonnable de succès. Pour cette raison, la division générale aurait dû donner à la prestataire la possibilité de présenter pleinement sa cause. Autrement dit, la division générale n’aurait pas dû s’appuyer sur la procédure de rejet sommaire pour rejeter l’appel de la prestataire.

Réparer l’erreur

[15] Comment puis-je réparer l’erreur de la division générale?  Dans les cas où la division générale rejette sommairement un appel, il serait habituellement approprié de renvoyer l’affaire pour réexamen, mais je conclus que j’ai tous les éléments de preuve devant moi, même si, comme le prétend la prestataire, la division générale en a ignoré une partie. Plus important encore, j’estime que la loi et les faits ne pardonnent pas. Je vais donc substituer ma propre décision.

– Arguments de la prestataire

[16] La prestataire soutient que la division générale a commis deux erreurs de fait. Elle dit qu’elle a ignoré ce qui suit:

  1. a.  le formulaire de demande ne mentionnait pas qu’elle ne pourrait pas modifier son choix une fois le premier versement effectué;
  2. b.  Service Canada ne lui a pas envoyé de lettre ou de courriel pour l’informer que les versements des prestations parentales prolongées seraient moins élevés. Elle dit que si Service Canada l’avait fait, elle aurait su qu’elle devait modifier son choix.

[17] La prestataire soutient qu’il est injuste que sa famille et elle éprouvent maintenant des difficultés financières parce qu’elle a commis une petite erreur.

Le formulaire de demande

[18] La prestataire soutient que le formulaire de demande comportait des lacunes. En particulier, elle affirme que le document ne précisait pas qu’elle ne pourrait plus modifier son choix de type de prestations parentales une fois que la Commission lui aurait versé des prestations parentales.

[19] Je ne vois pas comment cette information aurait influencé le choix de la prestataire.

[20] Cependant, le formulaire disait clairement, dans la section des renseignements sur les prestations parentales, qu’il était impossible de changer d’option (standard ou prolongée) une fois qu’un parent commençait à recevoir des prestations parentalesNote de bas de page 3.

[21] Le formulaire de demande rappelle cela aux parties prestataires plus loin dans le formulaire de demande, dans la section sur le type de prestations parentales. Le rappel dit qu’il est impossible de changer d’option (standard ou prolongée) une fois que les versements de prestations parentales commencentNote de bas de page 4.

Obtenir plus d’information de Service Canada

[22] La prestataire affirme que Service Canada aurait dû mieux informer les parties prestataires que choisir les prestations parentales prolongées mènerait à des versements moins élevés. Elle dit qu’une lettre ou un courriel auraient dû lui être envoyés pour l’en informer.

[23] Une lettre ou un courriel aurait pu être utile. Toutefois, ces renseignements étaient clairement énoncés dans le formulaire de demande. Dans la section des renseignements sur les prestations parentales, le formulaire de demande explique les différences entre les deux types de prestations parentales. Le formulaire de demande dit ce qui suit:

Option standard

  • Un taux de prestations de 55% de votre rémunération hebdomadaire assurable jusqu’à concurrence d’un montant maximal.
  • Un parent peut recevoir jusqu’à 35 semaines de prestations.
  • Si des parents partagent les prestations parentales, ils peuvent recevoir jusqu’à un total combiné de 40 semaines.

Option prolongée

  • Un taux de prestations de 33% de votre rémunération hebdomadaire assurable jusqu’à concurrence d’un montant maximal.
  • Un parent peut recevoir jusqu’à 61 semaines de prestations.
  • Si des parents partagent les prestations parentales, ils peuvent recevoir jusqu’à un total combiné de 69 semaines.

[24] Ensuite, dans la section « Validation des renseignements sur les prestations de maternité et les prestations parentales », le formulaire disait ce qui suit :

[traduction]
Passez en revue les renseignements que vous avez fournis. S’ils sont exacts, cliquez sur « Continuer ». Si vous souhaitez apporter des changements, cliquez sur « Précédent ».

. . .

Maternité

Nombre maximal de semaines de prestations de maternité

Jusqu’à 15 semaines à un taux de 55% de votre rémunération hebdomadaire assurable

. . .

Type de prestations parentales

Prestations prolongées : Vous avez choisi de recevoir des prestations au taux réduit de 33 % de votre rémunération hebdomadaire assurable (jusqu’à un montant maximal) chaque semaine pendant 53 semaines.

. . .

Nombre de semaines de prestations parentales sélectionné

53 semaines payées à un taux réduit de 33% de votre rémunération hebdomadaire assurable

Semaines de prestations de maternité et de prestations parentales

Jusqu’à 15 semaines de prestations de maternité payées à un taux de 55% de votre rémunération hebdomadaire assurable, suivies de 53 semaines de prestations parentales payées à un taux réduit de 33% de votre rémunération hebdomadaire assurable.

[25] Le formulaire de demande précisait à la prestataire qu’elle obtiendrait un taux de paiement réduit avec les prestations prolongées. La prestataire avait la possibilité de modifier son choix.

[26] Il semble s’agir d’un cas où la prestataire n’a tout simplement pas lu le formulaire de demande attentivement.

[27] Comme l’a déclaré la Cour fédérale dans une affaire intitulée Karval, « [i]l incombe fondamentalement au prestataire d’analyser soigneusement les options possibles et de tenter de les comprendre […]Note de bas de page 5 ». Dans cette affaire, la Cour a conclu que Mme Karval avait délibérément choisi l’option de prestations prolongées et que, si elle avait lu la demande, elle aurait compris que les versements de prestations parentales seraient moins élevés. Elle aurait aussi compris qu’une fois les prestations parentales versées, elle ne pouvait pas modifier son choix.

[28] De même, si la prestataire avait lu attentivement le formulaire de demande, elle se serait rendu compte qu’elle obtiendrait un taux réduit.

Preuve que la prestataire retournerait au travail dans un an

[29] La prestataire affirme qu’il est injuste qu’elle ne puisse pas modifier son choix parce qu’il aurait dû être évident qu’elle voulait recevoir des prestations parentales standards. Après tout, elle avait précisé dans son formulaire de demande qu’elle retournerait au travail dans un an. Un relevé d’emploi confirme également son intention de retourner au travail dans un anNote de bas de page 6.

[30] Dans une autre affaire intitulée HullNote de bas de page 7, la prestataire avait aussi l’intention de retourner au travail dans un an. Tout comme la prestataire, elle a choisi les prestations parentales prolongées plutôt que les prestations parentales standards. La division générale a reconnu que les intentions de M me Hull représentaient le type de prestations parentales qu’elle avait réellement élu. En se fondant sur ce que la prestataire avait l’intention de choisir, la division générale a conclu qu’elle avait choisi les prestations parentales standards.

[31] La Cour d’appel fédérale a conclu que la division générale avait commis une erreur de droit. La Cour d’appel a déclaré qu’il y a seulement une définition d’un choix aux fins de la sélection du type de prestations parentales: [traduction] « le choix est la sélection du type de prestations parentales dans le formulaireNote de bas de page 8 ».

[32] La Cour d’appel a également établi qu’au titre de l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi, une fois qu’une partie prestataire a choisi le type de prestations parentales et le nombre de semaines qu’elle souhaite recevoir, et une fois que le versement de ces prestations a commencé, il est impossible de révoquer ou de modifier ce choixNote de bas de page 9.

[33] En d’autres termes, tout contexte, comme le moment où la prestataire devait retourner au travail, ne peut être pris en compte dans l’examen du choix du type de prestations parentales de la prestataire.

Équité

[34] La prestataire affirme qu’il est injuste qu’elle ne puisse pas modifier son choix de type de prestations parentales, parce qu’elle et sa famille font face à des difficultés financières.

[35] Les tribunaux ont reconnu que de telles décisions peuvent être financièrement difficiles. Dans l’affaire Variola, la Cour a déclaré:

Toutefois, comme l’a récemment conclu la juge Rivoalen dans l’arrêt Hull, [traduction] « l’issue du présent contrôle judiciaire peut être difficile sur le plan financier pour l’intimée [Hull] » (para. 25), mais comme l’a déjà souligné le juge Montigny de la même Cour au paragraphe 14 de l’arrêt Wilson c Canada (Procureur général), 2019 CAF 49 : « la loi telle qu’elle est rédigée doit être appliquée […]Note de bas de page 10 ».

[36] À part le fait que la loi doit être appliquée, je n’ai pas le pouvoir de modifier la loi ou le choix de la prestataire.

Conclusion

[37] L’appel est accueilli en partie. Il était inapproprié que la division générale s’appuie sur la procédure de rejet sommaire pour rejeter l’appel.

[38] Malgré l’erreur de la division générale, cela ne change pas le résultat. Le choix de la prestataire est celui qu’elle a fait dans le formulaire de demande et il ne peut pas être modifié. Si la prestataire avait lu le formulaire de demande attentivement, elle se serait rendu compte qu’elle obtiendrait un taux moins élevé.

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