Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : RC c Ministre de l’Emploi et du Développement social et BC, 2022 TSS 665

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : R. C.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Partie mise en cause : B. C.

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision datée du 2 novembre 2021 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Pierre Vanderhout
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 30 août 2022
Personnes présentes à l’audience : Partie appelante
Observatrice ou observateur de la partie appelante
Représentante ou représentant de la partie intimée
Partie mise en cause
Date de la décision : Le 12 septembre 2022
Numéro de dossier : GP-21-2591

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] R. C., l’appelant, n’a pas démontré que le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension (PGNAP) du Régime de pensions du Canada (RPC) entre lui-même et la partie mise en cause n’avait pas été effectué correctement. Dans cette décision, j’explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelant était âgé de presque 78 ans au moment de l’audience. Il a commencé à recevoir une pension de retraite du RPC en février 2007, alors qu’il avait 62 ans.

[4] La partie mise en cause avait près de 59 ans au moment de l’audience. L’appelant et la partie mise en cause ont commencé à habiter ensemble en juillet 1983. Ils se sont mariés le 1er février 1986. Ils se sont séparés brièvement à quelques reprises au fil des années, mais ils se sont séparés définitivement le 14 janvier 2019. Leur divorce a été prononcé le 14 août 2020.

[5] La partie mise en cause a présenté une demande de PGNAP le 19 novembre 2020. Le PGNAP est aussi connu sous le nom de « partage des crédits ». Le 3 septembre 2021, le ministre de l’Emploi et du Développement social a réparti les cotisations au RPC que l’appelant et la partie mise en cause ont versées au cours des périodes applicables pendant lesquelles ils habitaient ensemble. Cela s’est traduit par une réduction de la pension de retraite mensuelle du RPC que reçoit l’appelant, qui est passée de 557 $ à 463,61 $ à compter de décembre 2020. Cela a aussi entraîné une augmentation de la pension de retraite du RPC que la partie mise en cause recevra. Le ministre a maintenu cette décision après révision. L’appelant fait maintenant appel de cette décision devant le Tribunal.

[6] L’appelant explique que les périodes de séparation devraient être exclues du PGNAP. Plus particulièrement, il souligne que lui et la partie mise en cause se sont séparés peu après avoir amorcé leur première période de cohabitation en 1983. Il soutient que cette période de cohabitation devrait être exclue du PGNAP. L’appelant remet aussi en question l’équité du PGNAP en général. Par exemple, la partie mise en cause avait des revenus plus élevés dans les années qui ont suivi 2007. Cependant, ces années ont été exclues du PGNAP. De plus, il n’est pas d’accord avec la façon dont le ministre a effectué le PGNAP, à savoir parfois selon l’année, parfois selon le mois.

[7] Le ministre affirme que le PGNAP a été effectué correctement. Les gains ont été répartis de janvier 1983 à décembre 2018, ce qui correspond aux périodes pendant lesquelles ils ont habité ensemble. En ce qui concerne les périodes incluses, le ministre a appliqué les dispositions législatives pertinentes dans le cas de l’appelant. Le ministre ajoute que les périodes de séparation temporaire qui ont été suivies d’une réconciliation n’ont pas pour effet d’interrompre la période de cohabitation continue. Le ministre explique aussi qu’aucun PGNAP n’a été effectué après janvier 2007, car l’appelant avait commencé à recevoir sa pension de retraite du RPC.

Ce que l’appelant doit prouver

[8] Pour gagner son appel, l’appelant doit prouver que le ministre n’a pas effectué correctement le partage des gains ouvrant droit à pension entre lui et la partie mise en cause.

Motifs de ma décision

[9] L’appelant ne prétend pas qu’il y a eu une erreur de calcul. Il affirme plutôt que certaines périodes incluses dans le PGNAP auraient dû être exclues. Par conséquent, l’élément de fait clé dans cet appel est la cohabitation de l’appelant et de la partie mise en cause, à savoir les périodes pendant lesquelles ils ont habité ensemble.

Quelles sont les périodes de cohabitation de l’appelant et de la partie mise en cause?

[10] Sur la demande de PGNAP qu’elle a présentée, la partie mise en cause a indiqué qu’elle avait habité avec l’appelant du 15 juillet 1983 au 14 janvier 2019. Elle n’a indiqué aucune période pendant laquelle ils n’avaient pas habité ensembleNote de bas de page 1. Dans une déclaration statuaire ultérieure, elle a affirmé qu’ils avaient commencé à habiter ensemble le 20 juillet 1983Note de bas de page 2.

[11] L’appelant était en grande partie d’accord avec le fait selon lequel il a habité avec la partie mise en cause de juillet 1983 à janvier 2019. Toutefois, il a affirmé qu’ils avaient habité séparément à plusieurs reprises pendant cette périodeNote de bas de page 3.

[12] Plus tard, l’appelant a trouvé des calendriers que son père avait conservés. Ces calendriers sont presque comme un journal personnel étant donné que chaque événement clé y a été consigné. L’appelant se fonde maintenant sur ces calendriers, plutôt que sur les estimations des périodes de séparation qu’il avait précédemment fournies. Selon les calendriers, les événements pertinents sont les suivantsNote de bas de page 4 :

  • Le 16 juillet 1983 La partie mise en cause emménage dans le logement
  • Le 15 décembre 1983 La partie mise en cause quitte le logement
  • Le 5 avril 1984 La partie mise en cause emménage de nouveau dans le logement (112 jours plus tard)
  • Le 13 septembre 1984 La partie mise en cause quitte le logement
  • Le 3 octobre 1984 La partie mise en cause emménage de nouveau dans le logement (20 jours plus tard)
  • Le 1er juillet 1989 La partie mise en cause quitte le logement
  • Le 22 octobre 1989 La partie mise en cause emménage de nouveau dans le logement (113 jours plus tard)

[13] J’ai questionné la partie mise en cause au sujet de ces dates. Elle a affirmé ne jamais avoir quitté le logement pendant plus de 3 ou 4 mois à la fois. Elle pense que les périodes de séparation pourraient avoir été légèrement plus courtes que celles qui ont été consignées dans les calendriers. Par exemple, elle pense avoir emménagé de nouveau dans le logement au mois de mars 1984 plutôt que le 5 avril 1984, bien qu’elle n’en était pas certaine. Elle pense aussi que la période de séparation qui a eu lieu en 1989 avait duré de la mi-juillet à septembre, plutôt du 1er juillet au 22 octobre.

[14] Je préfère me fonder sur les dates consignées dans les calendriers plutôt que sur celles estimées par la partie mise en cause. Le père de l’appelant a créé ces calendriers pendant la période en question, et il aurait été impossible de prédire la façon dont ils seraient utilisés dans le futur. Selon moi, les dates consignées dans les calendriers sont beaucoup plus fiables que les éléments de preuve fournis à l’audience plus de 30 ans plus tard. La partie mise en cause n’a fourni aucun élément de preuve objectif permettant d’appuyer les dates qu’elle a mentionnées. De plus, elle n’a indiqué aucune période de séparation lorsqu’elle a présenté sa demande de PGNAP.

[15] Maintenant que les périodes de cohabitation ont été établies, je dois déterminer les périodes pour lesquelles le PGNAP doit être effectué.

Quelles sont les périodes pour lesquelles le PGNAP peut être effectué?

[16] Le ministre doit effectuer un PGNAP lorsqu’un jugement de divorce est rendu, dès qu’il est informé de ce jugement. La partie mise en cause a inclus une copie du certificat de divorce à sa demande de PGNAPNote de bas de page 5.

[17] Le PGNAP peut seulement être effectué pour les mois pendant lesquels l’appelant et la partie mise en cause ont cohabité. Le Règlement sur le Régime de pensions du Canada énonce les règles permettant de déterminer les mois de cohabitationNote de bas de page 6.

[18] Selon le Règlement, la période de PGNAP commence le premier mois de l’année où le mariage des personnes visées par le PGNAP a été célébré ou le premier mois de l’année où elles ont commencé à vivre ensemble dans une relation conjugaleNote de bas de page 7. Les parties concernées dans cet appel ont commencé à vivre ensemble dans une relation conjugale au mois de juillet 1983. Leur mariage a eu lieu en février 1986. Donc, la période de PGNAP doit commencer en janvier 1983.

[19] Le Règlement précise aussi que les parties visées par le PGNAP sont réputées ne pas avoir cohabité pendant l’année où elles ont commencé à vivre séparémentNote de bas de page 8. Puisque les parties se sont séparées en janvier 2019, la période du PGNAP ne peut pas dépasser décembre 2018.

[20] Je conclus que le PGNAP pourrait s’appliquer de janvier 1983 à décembre 2018. Il s’agit de la période à laquelle le ministre a appliqué le PGNAP, à l’exception des années 1996 et 1997. De plus, le ministre n’a pas effectué le PGNAP après janvier 2007. Je traiterai de ces exclusions plus en détail ci-dessous. Cependant, j’examinerai tout d’abord les périodes de séparation.

Les courtes périodes de séparation ont-elles une incidence sur le PGNAP?

[21] La première période de séparation a duré 112 jours. Elle a pris fin en avril 1984. La période de réconciliation de l’appelant et de la partie mise en cause qui a suivi a duré 161 jours. La deuxième période de séparation a duré 20 jours. Elle a pris fin en octobre 1984. La période de réconciliation qui a suivi a duré près de cinq ans. La troisième période de séparation a duré 113 jours. La période de réconciliation qui a suivi a duré un peu plus de 29 ans.

[22] Les périodes de séparation ont toutes duré moins d’un an. Chaque période de séparation a été suivie immédiatement d’une période de cohabitation de plus de 90 jours. Donc, les périodes de séparation temporaire sont réputées ne pas avoir interrompu la période de cohabitationNote de bas de page 9. Par conséquent, le PGNAP doit être effectué pour les années 1983, 1984 et 1989 en entier, malgré les courtes périodes de séparation qui ont eu lieu.

[23] L’appelant a fait valoir un argument fondé sur l’article 78(2)(b) du Règlement. Il a affirmé qu’il n’avait pas habité avec la partie mise en cause pendant au moins 36 mois avant leur première période de séparation. Par conséquent, il a soutenu que le ministre devait exclure l’année 1983 du PGNAP.

[24] Bien que l’argument de l’appelant semble fondé à première vue, il ne peut être retenu. L’article 78 du Règlement s’applique au PGNAP seulement si les dispositions prévues à l’article 55 du Régime de pensions du Canada sont respectées. Toutefois, l’article 55 du Régime de pensions du Canada s’applique seulement si le mariage a pris fin entre le 1er janvier 1978 et le 31 décembre 1986. Le mariage des parties visées dans cet appel a pris fin en 2019. Pour les mariages qui ont pris fin en 1987 ou par la suite, le PGNAP est régi par l’article 55.1 du Régime de pensions du Canada.

[25] Étant donné que le PGNAP visé dans cet appel est régi par l’article 55.1 du Régime de pensions du Canada, l’article 78.1 du Règlement (et non l’article 78) est celui qui s’applique. Les articles 78.1 et 78 du Régime de pensions du Canada sont deux articles distincts. Il n’est pas surprenant qu’il y ait eu de la confusion à cet égard. Aussi, le renvoi à l’article 55 du Régime de pensions du Canada figurant dans les observations du ministre est incorrect; le renvoi devrait être à l’article 55.1Note de bas de page 10.

Équité du PGNAP

[26] L’appelant était d’avis que le PGNAP n’avait pas été effectué équitablement dans son cas. Par exemple, les cotisations au RPC de la partie mise en cause étaient beaucoup plus élevées après 2007. Cependant, aucun PGNAP n’a été effectué après janvier 2007. Cela s’explique par le fait que l’appelant a commencé à recevoir sa pension de retraite du RPC en février 2007. Aucun PGNAP ne peut être effectué une fois que l’un des époux commence à recevoir sa pension de retraite du RPCNote de bas de page 11.

[27] Les années 1996 et 1997 ont été exclues pour une raison semblable. L’appelant ne recevait aucun revenu et ne cotisait pas au RPC au cours de ces deux années. La partie mise en cause versait les cotisations minimales, car ses revenus étaient un peu plus élevés que l’exemption de base de l’annéeNote de bas de page 12. Un PGNAP ne pouvait toutefois pas être appliqué à ces cotisations, car le ministre ne peut pas effectuer un PGNAP lorsque le total des revenus annuels des parties est inférieur au double de l’exemption de base de l’annéeNote de bas de page 13. Il s’agit de la raison pour laquelle les années 1996 et 1997 ont été exclues du PGNAP.

[28] De façon plus générale, la façon dont le PGNAP est effectué fait en sorte que certaines années sont favorables à une partie, mais pas à l’autre. Dans le cadre de cet appel, il semble que la plupart des années pour lesquelles le PGNAP peut être effectué sont favorables à la partie mise en cause. Cependant, les années 1998, 2000, 2002, 2003, 2004 et 2006 sont favorables à l’appelant. Ce qui a le plus de répercussions sur la situation de l’appelant est le fait qu’il a choisi de commencer à toucher sa pension de retraite du RPC à 63 ans. Cela a fait en sorte que les années pendant lesquelles le revenu de la partie mise en cause était plus élevé se sont vues réduites au moment d’effectuer le PGNAPNote de bas de page 14. Dans tous les cas, aucun PGNAP ne pouvait être effectué après que l’appelant ait atteint l’âge de 70 ansNote de bas de page 15.

[29] Finalement, l’appelant se demandait pourquoi le PGNAP est parfois effectué selon l’exercice financier, et parfois selon le mois civil. Il s’agit d’une décision législative. Je précise que le Tribunal a été créé en vertu de la loi. Le Tribunal peut seulement appliquer la loi telle qu’elle est écrite. Il peut seulement accorder des réparations pour lesquelles il existe une disposition précise qui l’autorise à le faireNote de bas de page 16. Je ne peux pas contredire la loi simplement parce que le résultat de son application serait différent pour les deux parties.

Conclusion

[30] Je conclus que le ministre a effectué correctement le PGNAP entre l’appelant et la partie mise en cause.

[31] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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