Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : DC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 34

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : D. C.
Représentant : David Brannen

Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante : Viola Herbert

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 18 mars 2022 (GP-21-112)

Membre du Tribunal : Kate Sellar
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 13 septembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante
Représentante de l’intimé 

Date de la décision : Le 10 janvier 2023
Numéro de dossier : AD-22-379

Sur cette page

Décision

[1] J’accueille l’appel. La division générale a commis une erreur. Je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre : la requérante a droit à une pension d’invalidité. Les paiements commencent à partir de janvier 2019.

Aperçu

[2] D. C. (requérante) a des antécédents de dépression, d’anxiété, d’insomnie et de syndrome du côlon irritable. En 2018, elle a reçu un diagnostic de maladie de Parkinson, même si ses symptômes ont commencé plus tôt (possiblement en 2014, lorsqu’elle a cessé de travailler).

[3] La requérante a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) le 12 décembre 2019. Elle devait donc démontrer qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2007Note de bas de page 1.

[4] Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté la demande de la requérante, alors elle a fait appel au Tribunal.

[5] La division générale a rejeté l’appel de la requérante, parce qu’elle a décidé qu’elle [traduction] « n’était pas atteinte d’une invalidité grave depuis 2007 » et que [traduction] « son invalidité n’était pas prolongée à ce moment-làNote de bas de page 2 ». Elle a jugé que les problèmes de santé de la requérante avaient seulement nui à sa capacité de travailler des années après la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA).

[6] Je dois décider si la division générale a commis une erreur au titre de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) Note de bas de page 3.

[7] La division générale a commis une erreur de fait et une erreur de droit. Pour corriger ces erreurs, je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre : la requérante a droit à une pension d’invalidité. Les paiements commencent à partir d’avril 2018.

Questions en litige

[8] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) La division générale pourrait-elle avoir commis une erreur de fait (ou de droit) en ne considérant pas l’insomnie de la requérante comme l’un des problèmes de santé ayant pu nuire à sa capacité de travail?
  2. b) La division générale pourrait-elle avoir commis une erreur de fait en ignorant certains éléments de preuve dans les notes du médecin au sujet des symptômes du syndrome du côlon irritable de la requérante en 2011 et en 2012?
  3. c) La division générale aurait-elle pu commettre une erreur de fait en mal interprétant la preuve concernant l’effet que l’anxiété et la dépression de la requérante ont eu sur sa capacité de travail de 2010 à 2015?
  4. d) Si la division générale a commis l’une de ces erreurs, que devrais-je faire pour les corriger?

Analyse

[9] Dans la présente décision, je décrirai l’approche adoptée par la division d’appel lors de l’examen des décisions de la division générale. J’expliquerai ensuite comment je suis arrivée à la conclusion que la division générale avait commis une erreur de fait et une erreur de droit. Enfin, je rendrai la décision que la division générale aurait dû rendre.

Examen des décisions de la division générale

[10] La division d’appel n’est pas un endroit où la requérante ou le ministre peuvent plaider à nouveau leur cause depuis le début. Son rôle consiste plutôt à examiner la décision de la division générale pour décider si elle contient des erreurs.

[11] Cet examen est fondé sur le libellé de la Loi sur le MEDS, qui énonce les « moyens d’appel ». Une partie requérante a un moyen d’appel lorsque la division générale commet une erreur de fait importante en ignorant ou en interprétant mal la preuve (de sorte que la conclusion n’est pas fondée sur la preuve)Note de bas de page 4.

[12] La loi m’oblige à présumer que la division générale a tenu compte de toutes les preuves, même si elle n’en fait pas mention dans sa décision. Toutefois, une partie requérante peut surmonter cette hypothèse si la preuve était suffisamment importante pour que la division générale en discuteNote de bas de page 5.

Erreur de fait concernant l’insomnie de la requérante

[13] La division générale a commis une erreur de fait en ignorant la preuve concernant l’insomnie de la requérante pendant sa PMA. Il s’agissait d’un élément de preuve important concernant un problème de santé dont la division générale aurait dû discuter. Comme le fait d’ignorer cet élément de preuve équivaut à ignorer un des problèmes de santé que la requérante avait au moment de sa PMA, on peut également le décrire comme une erreur de droit. La loi exige que la division générale examine l’ensemble des problèmes de santé, et pas seulement le plus important ou le principalNote de bas de page 6.

[14] La décision de la division générale ne fait aucune mention des problèmes de sommeil ou de l’insomnie de la requérante.

[15] La requérante soutient que la division générale a ignoré certaines preuves médicales concernant son insomnie. Par exemple, les notes du médecin datant de mars 2007 disaient que la requérante ne dormait pas depuis des semainesNote de bas de page 7. Dans un rapport ultérieur, la médecin a déclaré que la requérante dormait mal depuis 2007 et qu’en 2009, on avait diagnostiqué des mouvements involontaires des membres chez elle (après qu’elle a fait une étude du sommeil). La médecin a déclaré que les problèmes de sommeil de la requérante nuisaient à sa capacité à se concentrer et à gérer ses facteurs de stressNote de bas de page 8.

[16] La requérante a continué d’avoir des problèmes d’insomnie de 2010 à 2012. La médecin lui a prescrit des médicaments, et elle les a renouvelés à divers moments de 2010 à 2012Note de bas de page 9.

[17] Le ministre soutient que la division générale n’a commis aucune erreur de fait au sujet de l’insomnie de la requérante. Le ministre soutient que l’insomnie est apparue pour la première fois en janvier 2008 avec la dépression de la requérante. Il dit que la médecin a traité l’insomnie et qu’il a noté que le sommeil de la requérante s’améliorait en février 2009. Il a été géré avec des médicaments et, plus tard, une étude sur le sommeil. Le ministre soutient que l’insomnie de la requérante n’était pas grave.

[18] Je suis d’avis que la division générale a commis une erreur de fait. La requérante avait de multiples problèmes de santé qui, selon elle, nuisaient à sa capacité de travail. Le problème de sommeil de la requérante était suffisamment important pour que sa médecin le documente en 2007, puis à son rendez-vous au début de 2008, elle a reçu un diagnostic d’insomnie.

[19] Étant donné que la division générale doit examiner l’ensemble des problèmes de santé de la requérante, il est important qu’elle discute des éléments de preuve concernant les troubles du sommeil importants de la requérante en 2007, du diagnostic et du plan de traitement correspondant élaboré au début de 2008. Il importe peu si l’insomnie à elle seule était grave.

[20] En 2007, la médecin a documenté des problèmes de sommeil importants. Ils étaient assez importants pour que la division générale en discute. La division générale aurait dû examiner les répercussions possibles des problèmes de sommeil de la requérante sur sa capacité de travail et en discuter. Puisqu’elle ne les a pas examinées, la division générale a commis une erreur de fait liée aux problèmes de santé que la requérante avait à la fin de sa PMA. L’un de ces problèmes était l’insomnie.

[21] Puisque la première erreur que j’ai relevée concerne une erreur de fait (et de droit) importante liée à un de problèmes de santé de la requérante, je vais maintenant aborder la question de la réparationNote de bas de page 10.

Réparation de l'erreur

[22] Une fois que j’ai conclu que la division générale a commis une erreur, je peux décider de la façon de la corriger.

[23] Je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendre ou je peux renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamenNote de bas de page 11. Je peux trancher toute question de droit nécessaire au traitement d’un appelNote de bas de page 12.

[24] La requérante et le ministre ont tous deux convenu que si je devais conclure à une erreur, je devrais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Il s’agit d’une façon efficace d’aller de l’avant dans de nombreux casNote de bas de page 13.

[25] Je rendrai donc la décision que la division générale aurait dû rendre.

L’invalidité de la requérante est grave

[26] Pour avoir droit à une pension d’invalidité, la requérante doit être atteinte d’une invalidité grave au sens du RPC. Une personne atteinte d’une invalidité grave est « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 14 ».

[27] Chaque partie de cette définition a un sens. Une invalidité grave dans le contexte du RPC est liée à ce qu’une personne peut et ne peut pas faire (lorsqu’il s’agit de travailler). Les choses qu’une personne ne peut pas faire en raison d'une invalidité sont parfois appelées des « limitations fonctionnelles ».

[28] J’estime que la requérante a prouvé qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée au sens du RPC. Voici ce que j’ai examiné :

  • les problèmes de santé de la requérante (ce qui implique d’évaluer les problèmes de santé dans leur ensemble, c’est-à-dire toutes les déficiences possibles qui pourraient nuire à sa capacité de travailNote de bas de page 15);
  • ses antécédents (y compris son âge, son niveau de scolarité, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vieNote de bas de page 16);
  • les mesures prises par la requérante pour gérer ses problèmes de santé et si elle a refusé un traitement de façon déraisonnableNote de bas de page 17.

Problèmes de santé

[29] La requérante présentait des symptômes de syndrome du côlon irritable, d’insomnie, d’anxiété et de dépression en date du 31 décembre 2007, date à laquelle sa PMA a pris fin. Les symptômes associés à ces problèmes de santé ont changé d’intensité au fil du temps, mais pris ensemble, ils ont entraîné des limitations fonctionnelles qui ont nui à la capacité de travail de la requérante. Celle-ci était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice au plus tard le 31 décembre 2007.

Diarrhée et syndrome du côlon irritable

[30] La preuve médicale montre que la requérante avait des problèmes de diarrhée depuis au moins 2006.

[31] Le 3 mai 2006, la médecin de la requérante a déclaré qu’elle avait de la diarrhée depuis le dimanche de PâquesNote de bas de page 18. Les dossiers médicaux montrent que la requérante a de nouveau consulté sa médecin pour des problèmes de diarrhée en mai 2007 et de nouveau en janvier 2008Note de bas de page 19. En avril 2008, sa médecin a déclaré que [traduction] « ses intestins étaient irritablesNote de bas de page 20 ».

[32] Au cours des années suivant la fin de la PMA, la requérante a continué à avoir des problèmes de diarrhée. Les symptômes étaient assez graves de mars 2010 à mai 2010, par exempleNote de bas de page 21. La médecin de la requérante lui a recommandé de subir une coloscopie. Elle a déclaré avoir une diarrhée assez importante alternant avec des périodes de constipation. Cette tendance s’est poursuivie de 2011 à 2013.

  • En avril 2011, la requérante s’est présentée chez le médecin avec des symptômes fréquents de diarrhéeNote de bas de page 22.
  • En septembre 2012, la médecin de la requérante a déclaré qu’elle avait encore des selles minces et que rien n’avait changé depuis sa coloscopie en 2010Note de bas de page 23.
  • En novembre 2012, la médecin de la requérante a écrit que les selles de la requérante étaient les mêmes depuis des annéesNote de bas de page 24.
  • En avril 2013, les notes indiquent de nouveau que la requérante avait des antécédents de diarrhée, qui était pire que d’habitude depuis six moisNote de bas de page 25.

[33] La requérante n’a pas reçu de diagnostic de syndrome du côlon irritable avant 2013. Un autre spécialiste pensait que le problème était lié à la maladie biliaire. Cependant, la requérante a eu un symptôme couramment associé au syndrome du côlon irritable (diarrhée) de façon constante pendant de nombreuses années. Puis, les symptômes se sont aggravés en 2012.

[34] Dans son témoignage, la requérante a expliqué que la diarrhée était un problème de longue date pour elle, que les médecins la rattachent à l’anxiété, à la panique ou, ultimement, au syndrome du côlon irritableNote de bas de page 26.

[35] Je suis convaincue que la requérante avait de la diarrhée au plus tard à la fin de sa PMA et que cela a contribué à son incapacité de travailler à ce moment-là. Le besoin urgent, répétitif et imprévisible d’aller aux toilettes est une limitation fonctionnelle parce qu’il limite le temps pendant lequel une personne est physiquement capable de se rendre au travail. La diarrhée était un problème continu pour la requérante dans les années suivant sa PMA. La requérante a témoigné sur la façon dont elle a nui aux efforts de travail après la fin de sa PMA, ce dont je parlerai plus loin.

Anxiété et dépression

[36] La médecin de la requérante lui a recommandé de subir une évaluation de santé mentale de nombreuses années après la fin de sa PMA en 2017. Je mentionne d’abord cette évaluation après la PMA parce que, sous la rubrique des antécédents psychiatriques, cette évaluation dit que la requérante a reçu un diagnostic de dépression en 2007, et qu’elle a reçu une ordonnance de venlafaxine. Elle a consulté un thérapeute et a déclaré qu’elle s’était rendue à l’hôpital pour des crises de panique en 2017Note de bas de page 27.

[37] La requérante a consulté sa médecin le 23 janvier 2008Note de bas de page 28. Les notes de la médecin indiquent que son époux a dit qu’elle était devenue de plus en plus émotive et irritable et qu’elle avait de la difficulté à maîtriser ses émotions. Elle se sentait déprimée, mais elle n’était pas suicidaire. Elle pleurait beaucoup et n’arrivait plus à gérer son entreprise à la maisonNote de bas de page 29. Elle avait des problèmes de concentration et de sommeil. Elle avait aussi des tremblements et des palpitations. Elle avait déjà fait des crises de panique et sentait qu’elle recommençait à en faire. La médecin l’a traitée avec près d’une heure de thérapie et elle lui a prescrit un antidépresseurNote de bas de page 30.

[38] La visite de la médecin en janvier 2008 a eu lieu juste après la fin de la PMA. Lors de cette visite, la médecin a appris que la requérante avait un comportement inquiétant qui nuisait considérablement à sa capacité de travail.

[39] Le témoignage à l’audience a permis de clarifier que l’époux de la requérante a pris congé pendant un certain temps parce que la requérante avait de la difficulté à gérer la situation. Il a expliqué dans des documents qu’en date du 23 janvier 2008, la requérante avait beaucoup de difficulté à faire ses activités quotidiennes et qu’elle avait beaucoup d’anxiété, ce qui a entraîné des crises de panique, des crises de pleurs sans raison apparente et des sentiments de dépression sans issueNote de bas de page 31.

[40] Elle a décrit des épisodes incontrôlables de tremblements internes et externes et de palpitations. Son époux écrit que c’était effrayant et très inquiétant. Il a dit qu’il était descendu et qu’il l’avait trouvée recroquevillée où les portes vitrées, regardant par la fenêtre et incapable de fonctionner normalement. Il a utilisé ses crédits de congé au travail pour être là pour elle et leur famille à temps plein du 23 janvier 2008 au 19 mars 2008Note de bas de page 32.

[41] La requérante a témoigné des problèmes qu’elle avait à ce moment-là lorsque son époux est intervenu pour l’aider à accomplir même ses tâches de tous les jours comme aller à l’épicerie et mettre des articles dans le panierNote de bas de page 33.

[42] Je juge que la preuve démontre clairement que l’anxiété et la dépression de la requérante ont entraîné des limitations fonctionnelles (irritabilité, tremblements, problèmes de concentration, insomnie, crises de panique, palpitations, crises de pleurs, regarder par la fenêtre sans pouvoir fonctionner) à la fin de décembre 2007. En raison de ces limitations fonctionnelles, elle avait de la difficulté à accomplir ses tâches habituelles à la maison, et elle arrivait encore moins à travailler à la fin de 2007. Quelques semaines seulement après le début de janvier 2008, son époux restait à la maison pour s’occuper de la requérante et de leur jeune famille. La requérante ne se portait pas assez bien pour faire quelque travail que ce soit.

[43] Selon le comportement que la requérante a décrit à sa médecin en janvier 2008, je conclus qu’elle avait aussi ces symptômes en décembre 2007. Cela correspond aussi à ce qu’elle a écrit dans son journal intime en 2007, qui laisse croire qu’elle commençait à faire une dépression à la fin de l’annéeNote de bas de page 34.

[44] La requérante avait des symptômes persistants de dépression entre 2010 et 2015, alors son invalidité était continue. Plus précisément :

  • Le 15 mars 2011, la médecin de la requérante a noté qu’elle ne se sentait pas bien, et qu’elle se plaignait d’essoufflement, de palpitations cardiaques et de douleurs thoraciques qui semblaient être liés à l’anxiété et au stress. La médecin de la requérante lui a fourni plusieurs séances de thérapieNote de bas de page 35.
  • Le 14 avril 2011, la médecin de la requérante a déclaré que D. C. avait des épisodes fréquents de palpitations associés à la transpiration, à la nervosité, à l’insomnie et à la dyspnée. La médecin a parlé de [traduction] « symptômes de surmenage sympathiqueNote de bas de page 36 ».
  • Le 5 août 2011, la médecin de la requérante a noté une névrose anxieuse et une [traduction] « humeur dépressive ». La requérante présentait des symptômes dépressifs et l’intention était de reprendre contact avec une ou un thérapeuteNote de bas de page 37.
  • Le 7 novembre 2012, la requérante a noté des palpitations et aucun changement dans ses symptômesNote de bas de page 38.
  • Les médecins ont continué d’inscrire la dépression comme l’un des problèmes de santé de la requérante dans les renvois qui ont précédé 2013.
  • En mai 2013, la médecin de la requérante a déclaré qu’elle était anxieuse et constamment dépassée. Elle ne s’adaptait pas, surtout au travailNote de bas de page 39.

Insomnie

[45] Comme je l’ai mentionné plus haut, les notes de la médecin datant de mars 2007 disaient que la requérante n’arrivait pas à dormir depuis des semainesNote de bas de page 40. Les notes de la médecin datant de janvier 2008 montrent qu’elle avait recommencé à avoir de la difficulté à dormirNote de bas de page 41. En février 2008, la requérante s’améliorait et dormait mieux, mais en avril 2008, elle a renouvelé son ordonnance de somnifères pour plusieurs mois après 2008.

[46] Dans un rapport ultérieur, la médecin a déclaré que la requérante dormait mal depuis 2007 et qu’elle avait reçu un diagnostic en 2009 de mouvements involontaires des membres durant le sommeil (après avoir fait une étude sur le sommeil). La médecin a déclaré que les problèmes de sommeil, l’humeur anxieuse et les crises de panique faisaient qu’il était difficile pour la requérante de se concentrer et nuisaient à sa capacité de gérer ses facteurs de stressNote de bas de page 42.

[47] Les problèmes de sommeil de la requérante ont persisté après la fin de la PMA. En février 2009, la médecin a noté qu’elle avait besoin d’aides au sommeil et d’antidépresseurs. Elle a également écrit que l’humeur de D. C. continuait de s’améliorer et qu’elle avait un tic nerveux qui l’amenait à s’arracher de la peauNote de bas de page 43.

[48] En avril 2009, elle a fait une étude sur le sommeil et a reçu un diagnostic de ronflements primaires, sans apnée, ainsi qu’une insomnie de maintien. Le sommeil [sic] a dit que les mouvements de jambes pendant qu’elle dormait s’étaient améliorés avec le clonazépam et qu’elle était plus éveillée la nuit.

Examen de l’ensemble des problèmes de santé

[49] La preuve médicale de la requérante ainsi que son témoignage à l’audience montrent qu’elle avait des restrictions importantes en raison de ses problèmes de santé au plus tard à la fin de sa PMA, le 31 décembre 2007, et de façon continue depuis. Elle a divers problèmes de santé, dont l’anxiété, la dépression, l’insomnie et le syndrome du côlon irritable. La combinaison de ces problèmes de santé, considérés dans leur ensemble, montre de graves limitations fonctionnelles qui auraient des répercussions sur la capacité de travail.

[50] La diarrhée chronique, les douleurs abdominales, l’humeur dépressive, les crises de panique, les problèmes de sommeil, la difficulté à se concentrer et les problèmes de mémoire sont tous documentés dans le dossier médical de la requérante. Même si la gravité de chaque problème de santé varie d’une année à l’autre, je dois me concentrer sur l’incidence cumulative des problèmes de santé de la requérante.

Tentatives de travail

[51] Je reconnais qu’il y a des éléments de preuve qui, selon le ministre, montrent que la requérante avait une certaine capacité de travail. La requérante a travaillé après la fin de sa PMA.

[52] Parfois, le travail qu’une partie requérante effectue après la période pertinente montre qu’elle a toujours eu une capacité de travail. Dans ce cas, le travail fait avant la période pertinente peut appuyer la conclusion selon laquelle l’invalidité n’était pas grave pendant la période pertinente et de façon continue par la suite.

[53] À d’autres moments, le travail qu’une partie requérante effectue après la période pertinente peut constituer la preuve d’une [traduction] « tentative de travail infructueuse ». Autrement dit, elle peut aider à démontrer que l’invalidité était grave. Dans ce cas, le décideur doit examiner pourquoi la rémunération de la partie requérante ne constitue pas une preuve de sa capacité de travailler. Il faut se demander pourquoi la tentative a échoué et combien de temps elle a duré.

[54] La Cour d’appel fédérale affirme qu’il ne fait « aucun doute » qu’un retour au travail qui a seulement duré quelques jours serait une tentative infructueuse, mais que « deux années de gains comparables à ceux d'années précédentes ne sont pas le reflet d'une vaine tentativeNote de bas de page 44 ».

[55] Certaines questions doivent être posées lorsque l’on examine ce que le travail fait avant la période pertinente nous dit sur la question de savoir si une personne était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Ces questions comprennent les suivantes :

  • La personne était-elle capable de trouver et de garder un emploi, d’aller travailler régulièrement et d’être fiable? (C’est-à-dire la partie « régulièrement incapable » de la définition d’une invalidité grave)
  • La personne était-elle capable de travailler suffisamment pour gagner sa vie? (C’est-à-dire la partie « véritablement rémunératrice » de la définition d’une invalidité grave)
  • La personne travaillait-elle pour un employeur bienveillant? (La partie « travail » de la définition d’une invalidité grave couvre cette question.)

Ce que le travail de la requérante après sa PMA dit sur sa capacité à travailler régulièrement

[56] En juin 2012, la requérante a obtenu un certificat qui lui permettait d’effectuer certaines tâches de préposée aux services de soutien à la personneNote de bas de page 45. Elle s’est absentée du travail à quelques reprises pour des raisons de santéNote de bas de page 46.

[57] J’estime que le témoignage de la requérante au sujet de ce travail est utileNote de bas de page 47. Elle a déclaré qu’elle faisait ce travail deux jours par semaine. Elle a expliqué qu’elle se rendait à cet emploi en voiture et que cela lui prenait 10 minutes, mais qu’elle ne pouvait pas toujours se rendre au travail sans avoir de diarrhée. Elle a déclaré qu’elle avait une forte diarrhée tout le temps au travail et que cela n’arrêtait pas. C’était difficile et gênant, et elle devait parfois se dépêcher de retourner à la maison pour se changer et revenir (et laisser les patientes et patients attendre pour leurs douches). Elle a dit qu’elle avait peur d’aller à des réunions ou d’essayer de mettre son certificat à niveau à cause de ses problèmes de diarrhée.

[58] Je suis d’avis que cet emploi a échoué en raison de l’invalidité de la requérante. Elle n’a pas pu continuer à occuper ce poste en raison de ses problèmes de diarrhée, même si l’emploi était à temps partiel.

[59] La requérante a quitté l’emploi de préposée aux services de soutien à la personne pour commencer à travailler pour une chaîne des magasins de vente au détail. Un médecin a souligné que la requérante trouvait l’emploi de vente au détail moins stressant et que le stress contribuait à son syndrome du côlon irritableNote de bas de page 48.

[60] La requérante a déclaré que l’employeur lui avait offert des heures à temps plein, mais qu’elle avait refusé en raison de son syndrome du côlon irritable. Elle a dit que c’était fou et qu’elle ne pouvait pas gérer toutes ces heures. Elle a dit qu’elle avait des symptômes du syndrome du côlon irritable l’année précédant son arrêt de travail. Elle a dit qu’elle vomissait dans l’évier à l’emploi de vente au détail. Elle semble avoir réussi à travailler 30 heures par semaine à cet emploi jusqu’en juin 2014Note de bas de page 49 (moins d’un an).

[61] La requérante a reconnu que des cas comme celui de Monk laissent entendre que la durée du travail d’une personne après sa PMA est pertinente pour décider ce que ce travail nous dit sur notre capacité à travailler régulièrement. Il est facile de conclure que travailler pendant plusieurs semaines est une tentative de travail infructueuse. Toutefois, il pourrait être plus difficile de considérer le maintien d’un emploi pendant deux ans, puis le départ en raison d’une invalidité, comme une tentative ratée de travailler.

[62] La requérante soutient que je dois tenir compte du travail dans son contexte, et je suis d’accord. L’incidence des problèmes de santé de la requérante faisait en sorte qu’elle ne pouvait pas travailler de façon assez constante pour conserver l’un ou l’autre des emplois qu’elle a essayé. Il s’agissait de tentatives de travail infructueuses, même si elle a réussi à les conserver pendant des mois plutôt que des semaines à la fois. Les tentatives de travail de la requérante ne constituent donc pas une preuve de sa capacité de travail.

Ce que le travail de la requérante après sa PMA révèle sur sa capacité à gagner un revenu véritablement rémunérateur

[63] Le travail que la requérante a effectué après sa PMA ne montre pas qu’elle était capable de gagner un revenu véritablement rémunérateur.

[64] Elle a reçu le remboursement de certaines cotisations au Régime de pensions du Canada en 2012 parce que ses revenus étaient si faibles. En 2013, la rémunération de la requérante était inférieure à 14 000 $Note de bas de page 50. Il y a eu de nombreuses années avant que son état de santé se détériore, où elle gagnait beaucoup plus que celaNote de bas de page 51. La décision Monk laisse entendre qu’il importe de savoir si le travail n’était pas non plus au niveau de rémunération d’avant l’invalidité ou près de ce niveauNote de bas de page 52.

[65] La requérante a soutenu qu’elle gagnait si peu qu’elle n’aurait pas été tenue de le déclarer si elle avait reçu une pension d’invalidité du RPC. Dans ce contexte, elle fait valoir que la durée pendant laquelle elle a réussi à continuer à travailler devient moins importante.

[66] Depuis 2014, le Règlement du Régime de pensions du Canada définit un salaire ou un traitement véritablement rémunérateur comme étant égal ou supérieur au montant annuel maximal qu’une personne peut recevoir à titre de pension d’invaliditéNote de bas de page 53. En 2014, un salaire ou un traitement véritablement rémunérateur était de 14 836,20 $. En 2014, la requérante a gagné environ la moitié de ce montantNote de bas de page 54. Sa tentative de travail a échoué en 2014 et elle n’a plus travaillé par la suite. Par conséquent, la requérante n’a pas gagné un revenu véritablement rémunérateur au sens de ce règlement.

[67] J’accepte l’argument de la requérante selon lequel le travail qu’elle a effectué à la fois dans le domaine du soutien à la personne et dans le domaine de la vente au détail représentait son effort maximal, tant sur le plan du temps (refuser les heures à temps plein) que sur le plan du salaire horaire.

Le travail de la requérante après sa PMA n’était pas bienveillant

[68] La requérante n’a fourni aucun élément de preuve qui laisserait croire que le travail effectué comme préposée aux services de soutien à la personne ou chez le détaillant était bienveillant. C'était du travail. Je n’ai aucune preuve qui me porte à croire que le travail a été modifié de façon importante de sorte qu’elle ne travaillait pas vraiment dans un milieu de travail concurrentiel.

[69] En fin de compte, la nature imprévisible de la diarrhée de la requérante l’a amenée à échouer au travail plus d’une fois après sa PMA. L’incidence des problèmes de santé de la requérante signifie qu’elle n’était pas fiable ou prévisible et qu’elle était donc régulièrement incapable d’occuper un emploi véritablement rémunérateurNote de bas de page 55.

Les antécédents de la requérante

[70] Pour décider si la requérante a des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travail, je dois évaluer son employabilité dans un contexte réaliste en tenant compte des facteurs suivants :

  • Âge
  • Niveau de scolarité
  • Capacité de parler, de lire et d’écrire en anglais
  • Antécédents de travail et expérience de vieNote de bas de page 56

[71] La requérante avait 40 ans en décembre 2007, à la fin de sa PMA.

[72] La requérante a déclaré qu’elle avait terminé ses études secondaires. En 2012, elle a suivi un programme accéléré de quatre semaines pour obtenir un certificat de travail de soutien à la personne.

[73] Elle parle, lit et écrit en anglais.

[74] Toutefois, l’expérience de travail et l’expérience de vie de la requérante constituent bel et bien un obstacle à l’emploi. Elle a occupé un emploi de bureau au gouvernement pendant de nombreuses années à compter de 1985. La requérante a eu des enfants en 1990, 1995 et 1996. Il semble qu’aux alentours de 1995 ou 1996, elle ait cessé d’occuper cet emploi parce qu’elle ne pouvait pas avoir accès à des services de garde abordables. Elle travaillait à la maison pour s’occuper de ses jeunes enfants. Elle a recommencé à travailler en 2003 à stocker des rayons lorsque ses enfants étaient d’âge scolaire. Elle a arrêté de travailler de nouveau en 2005.

[75] Elle a essayé d’élever des chats de la maison, mais j’accepte sa preuve selon laquelle il s’agissait d’un passe-temps plus que d’une entreprise ratée. Je n’en tire aucune conclusion sur sa capacité de travail. La requérante possède toujours des chats.

[76] Après la fin de sa PMA, la requérante a occupé un emploi dans la vente au détail, où elle stockait des rayons et travaillait dans un laboratoire de développement de photos. Elle a déclaré que lorsqu’elle a cherché du travail, elle a fait face à des obstacles. Le travail de bureau exige maintenant des compétences en informatique qu’elle dit ne pas avoir. Elle a réussi à suivre le cours de formation de quatre semaines pour le travail de soutien à la personne, mais elle n’a pas été capable de mettre ses compétences à niveau en raison de son syndrome du côlon irritable.

[77] Je pense que les périodes pendant lesquelles la requérante n’a pas travaillé en début de carrière parce qu’elle ne pouvait pas se permettre d’envoyer les enfants à la garderie ont fait en sorte qu’il a été difficile pour elle de maintenir à jour des compétences transférables pour les emplois de bureau.

[78] Son travail au détail était plus facile à gérer en ce qui concerne le stress et les symptômes physiques, mais il était aussi peu rémunérateur. Elle ne pouvait pas gérer des heures à temps plein. La requérante n’avait pas de compétences transférables pour occuper un emploi de bureau mieux rémunéré, et ses symptômes physiques faisaient obstacle au type de formation ou de perfectionnement dont elle aurait eu besoin pour accéder à un emploi mieux rémunéré.

Mesures pour gérer les problèmes de santé

[79] La requérante a pris des mesures pour gérer ses problèmes de santé et elle n’a refusé aucun traitement de façon déraisonnable. Une partie requérante est tenue de démontrer qu’elle a fait des efforts pour gérer ses problèmes de santéNote de bas de page 57.

[80] Les dossiers médicaux de la requérante montrent qu’elle a consulté sa médecin régulièrement.

[81] La requérante a pris part à des efforts pour diagnostiquer ses problèmes de santé, y compris à une coloscopie, à des analyses sanguines et à une étude sur le sommeil.

[82] La requérante a suivi des traitements pour l’aider à gérer ses problèmes de santé. Elle a pris les médicaments qui lui étaient prescrits (y compris pour dormir et pour l’aider avec la dépression et l’anxiété), a suivi les recommandations que sa médecin lui a faites sur son alimentation, a subi une intervention chirurgicale qui n’a pas réglé ses problèmes de diarrhée, a fait des séances de thérapie avec sa médecin, et a accepté d’être dirigée vers un psychiatre.

L’invalidité est prolongée

[83] L’invalidité de la requérante doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie. Cela signifie qu’elle est prolongée au sens du RPC.Note de bas de page 58

[84] Le pronostic de la requérante concernant son anxiété et sa dépression est de demeurer le même. Elle a de la difficulté à composer avec les facteurs de stress et on s’attend à ce que cela se poursuiveNote de bas de page 59. La médecin de la requérante affirme également que d’un point de vue strictement médical, elle ne s’attend pas à ce que la requérante reprenne un quelconque type de travail à l’avenir.

[85] Je conclus que la requérante a démontré qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en décembre 2007, le dernier mois de sa période minimale d’admissibilité. Toutefois, une personne ne peut pas être considérée comme invalide plus de 15 mois avant de demander une pension d’invalidité. La requérante a seulement demandé une pension d’invalidité en décembre 2019. Par conséquent, aux fins de la pension d’invalidité, la requérante peut être considérée comme invalide au plus tôt à compter de septembre 2018. Les paiements commencent quatre mois après le début de l’invalidité, en janvier 2019Note de bas de page 60.

Conclusion

[86] J’accueille l’appel. La division générale a commis une erreur de fait et une erreur de droit. J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre : la requérante a droit à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada. Les paiements commencent en janvier 2019.

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