Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : DC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1574

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : D. C.
Représentante : Katie Conrad
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 22 octobre 2020 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : James Beaton
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 16 mars 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’appelante
Témoin de l’appelante
Date de la décision : Le 18 mars 2022
Numéro de dossier : GP-21-112

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante, D. C., n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). La présente décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelante a 55 ans. Le dernier emploi qu’elle a occupé était comme associée au laboratoire de photos de Walmart. Elle a quitté cet emploi en 2014. Elle a reçu un diagnostic de maladie de Parkinson en 2018, bien que ses symptômes aient commencé plus tôt (possiblement en 2014Note de bas de page 1). Cependant, elle affirme avoir une invalidité grave depuis 2007 ou avant, en raison de la dépression, de l’anxiété et du syndrome du côlon irritable.

[4] L’appelante a demandé une pension d’invalidité du RPC le 12 décembre 2019. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelante a fait appel de la décision du ministre à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] Pour que l’appelante obtienne gain de cause, elle doit prouver qu’elle était atteinte d’une incapacité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2007. Cette date est établie en fonction des cotisations qu’elle a versées au RPCNote de bas de page 2.

[6] Le ministre affirme que, même si l’appelante avait une incapacité grave en 2007, son incapacité n’a pas toujours été grave depuis. Cela signifie que son invalidité n’a pas été prolongée. Je suis d’accord avec le ministre.

Ce que l’appelante doit prouver

[7] Pour que l’appelante obtienne gain de cause, elle doit prouver qu’elle était atteinte d’une incapacité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2007.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée »

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 3. Si l’appelante est en mesure de faire régulièrement un travail qui lui permettrait de gagner sa vie, son invalidité n’est pas grave et elle n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[10] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décèsNote de bas de page 4. Autrement dit, il ne faut pas s’attendre à ce que l’appelante se rétablisse à une certaine date. Il faut plutôt s’attendre à ce que son invalidité la tienne à l’écart du marché du travail pendant très longtemps.

[11] L’appelante doit prouver qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (qu’il y a plus de chances) qu’elle soit atteinte d’une invalidité.

L’invalidité de la requérante était-elle prolongée?

[12] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, il ne suffit pas à l’appelante de prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave au plus tard le 31 décembre 2007. Elle doit également démontrer que son invalidité était prolongée à ce moment-là. Si elle n’était pas prolongée, sa gravité importe peuNote de bas de page 5.

[13] Je reconnais que l’appelante est maintenant invalide parce qu’elle a la maladie de Parkinson. Je reconnais également que la maladie de Parkinson ne guérit pas et que l’état de l’appelante ne s’améliorera donc pas. Elle ne pourra plus travailler. Cela signifie que son invalidité est prolongée maintenant.

[14] Toutefois, lorsque je considère les effets de la dépression, de l’anxiété et du syndrome du côlon irritable de l’appelante ensemble, j’estime qu’ils n’ont pas entraîné une invalidité grave de 2007 jusqu’à ce que l’appelante commence à présenter des symptômes de la maladie de Parkinson à la fin de 2014. Autrement dit, il y a eu une période entre le moment où sa maladie de Parkinson est devenue grave et le moment où ses autres problèmes de santé ont cessé d’être graves. Cela signifie que son invalidité n’était pas prolongée au plus tard le 31 décembre 2007.

[15] Pour expliquer cela, je vais tenir compte de ce qui suit :

  1. a) ce que l’appelante dit au sujet de ses problèmes de santé;
  2. b) ce que les antécédents de travail de l’appelante laissent entendre au sujet de son état de santé;
  3. c) ce que la preuve médicale révèle au sujet de sa dépression;
  4. d) ce que la preuve médicale dit de son anxiété;
  5. e) ce que la preuve médicale dit au sujet de son syndrome du côlon irritable.

Ce que l’appelante dit au sujet de ses problèmes de santé

[16] À l’audience, l’appelante a dit que la dépression, l’anxiété et le syndrome du côlon irritable étaient déjà des problèmes pour elle en 2007. Mais elle n’a pas décrit l’incidence de ces problèmes de santé à cette époque. Autrement dit, elle n’a pas décrit les limitations fonctionnelles qu’ils causaient en 2007 et depuis. Je dois me concentrer sur les limitations fonctionnelles plutôt que sur le diagnostic de son état, puisque ce sont les limitations fonctionnelles qui affectent sa capacité de travailler. L’incapacité de travailler est ce qui rend une incapacité graveNote de bas de page 6.

[17] La demande de pension d’invalidité du RPC présentée par l’appelante n’est pas non plus une preuve que les problèmes de santé de l’appelante ont commencé en 2007Note de bas de page 7. Dans sa demande, l’appelante a indiqué qu’au mois de mai 2016, elle a estimé que son invalidité l’empêchait de travailler. Elle a aussi énuméré ses problèmes de santé actuels comme étant la maladie de Parkinson, la dépression et l’anxiété. Elle n’a pas mentionné le syndrome du côlon irritable. La demande ne mentionne pas non plus quand ont commencé la dépression et l’anxiété de l’appelante. C’est seulement après que le ministre a rejeté la demande de l’appelante que celle-ci a déclaré être atteinte de dépression et d’anxiété depuis 2007Note de bas de page 8.

[18] L’appelante a fourni des résumés de certaines pages de son journal intime au fil des annéesNote de bas de page 9. J’apprécie les efforts de l’appelante pour rédiger ces résumés. Toutefois, je ne leur accorde aucun poids, parce que je ne pense pas qu’ils me donnent une image exacte de ses problèmes de santé. L’appelante a seulement résumé que les pages de son journal qui mentionnaient ses problèmes de santé. Je n’ai aucun moyen de savoir combien de pages du journal de l’appelante ne faisaient aucune mention de problèmes de santé. Je n’ai pas non plus vu les pages originales du journal. Je ne sais donc pas quels détails ont été omis des résumés qui ont été fournis. Les résumés manquent de contexte.

Ce que les antécédents de travail de l’appelante laissent entendre au sujet de ses problèmes de santé

[19] Les antécédents de travail de l’appelante ne portent pas à croire que sa dépression, son anxiété ou son syndrome du côlon irritable étaient prolongés au plus tard le 31 décembre 2007.

[20] Il était difficile de comprendre les antécédents de travail de l’appelante. Pour ce faire, j’ai tenu compte de sa demandeNote de bas de page 10, de son témoignage à l’audience et de son dossier de rémunérationNote de bas de page 11. Tous ces éléments m’ont amené à comprendre les antécédents de travail de l’appelante comme suit.

[21] L’appelante a travaillé de 1985 à 1995. Pendant toute cette période (ou une partie de celle-ci), elle faisait du travail de bureau pour Transports Canada. Elle a arrêté de travailler en 2000 pour s’occuper de ses enfants parce qu’elle n’avait pas les moyens de les envoyer à la garderie. Cette décision n’avait rien à voir avec ses problèmes de santé.

[22] Elle a recommencé à travailler en 2003, en travaillant en gestion de l’inventaire chez Walmart. Elle a encore arrêté de travailler en 2005 pour des raisons qui ne sont pas claires.

[23] Elle a déclaré un revenu en 2008, qui pourrait provenir d’une entreprise d’élevage de chats que l’appelante a exploitée pendant quelques années entre 2008 et 2013. Elle a cependant abandonné cette entreprise parce qu’elle n’était pas rentable. Cette décision n’était pas non plus liée à son état de santé.

[24] En juin 2012, l’appelante a suivi un cours sur le soutien à domicile. Cela lui a permis de devenir préposée aux services de soutien à la personne, un emploi qu’elle a commencé ce mois-là et qu’elle a occupé jusqu’en août 2013. Elle travaillait de sept à huit heures par jour, de trois à quatre jours par semaine. Au cours de cette période, elle a manqué quelques quarts de travail pour des raisons médicalesNote de bas de page 12.

[25] L’appelante affirme qu’elle a arrêté de faire ce travail à cause du syndrome du côlon irritable. Mais en même temps qu’elle a quitté cet emploi, elle est retournée chez Walmart, où elle a continué à travailler 30 heures par semaine jusqu’en juin 2014.

[26] J’ai demandé à l’appelante ce qui rendait l’emploi chez Walmart plus facile à faire que son emploi de préposée aux services de soutien à la personne. Elle n’a pas répondu de façon claire à cette question. Elle a dit qu’on lui avait offert plus d’heures de travail chez Walmart, mais qu’elle avait refusé en raison du syndrome du côlon irritable, et qu’elle avait fini par quitter cet emploi pour la même raison. Cependant, un rapport du Dr Zaidi laisse entendre qu’elle trouvait son emploi chez Walmart moins stressant, et que le stress contribuait à ses problèmes de côlon irritableNote de bas de page 13. Cela pourrait expliquer pourquoi elle a changé d’emploi.

Ce que la preuve médicale dit au sujet de la dépression de l’appelante

[27] La preuve médicale montre que l’appelante a été aux prises avec la dépression de 2007 à 2009 environ. Il est possible qu’elle ait recommencé à faire de la dépression en 2017.

[28] Un rapport publié en janvier 2017 par l’Ontario Shores Centre for Mental Health Sciences (Ontario Shores) [centre des sciences de la santé mentale] signale que l’appelante était déprimée en 2007 parce qu’une de ses filles avait le cancer. L’appelante a pris de l’Effexor pendant deux ans et a vu un thérapeute. Sa dépression s’est résorbée vers 2009. Le rapport conclut en disant : [traduction] « Bien qu’elle ait des antécédents d’épisodes de dépression majeure, elle ne répond pas actuellement aux critères de dépression et il ne semble pas y avoir d’autres épisodes antérieursNote de bas de page 14 ».

[29] Les notes de bureau de la Dre Dayal (médecin de famille de l’appelante) appuient cela. Elles montrent que l’appelante a commencé à prendre de l’Effexor en 2008. Son humeur s’est améliorée et elle a arrêté de prendre de l’Effexor vers juillet 2009Note de bas de page 15. Par la suite, la Dre Dayal a mentionné que l’appelante était « déprimée » en août 2011, mais qu’il ne s’agissait pas d’un problème récurrent qui nécessitait un traitementNote de bas de page 16.

[30] Le Dr Gnaneswaran, psychiatre, a fourni un rapport médical en décembre 2019. Il y écrit que la dépression de l’appelante a commencé en février 2017Note de bas de page 17. Les notes de la Dre Dayal n’appuient pas cela. Quoi qu’il en soit, la preuve médicale montre que la dépression de l’appelante est revenue en février 2017 au plus tôt.

Ce que la preuve médicale dit au sujet de l’anxiété de l’appelante

[31] Comme dans le cas de sa dépression, la preuve médicale montre que l’appelante a été aux prises avec de l’anxiété de 2007 à 2009 environ. Elle a recommencé à faire de l’anxiété en 2016.

[32] Les notes de la Dre Dayal indiquent que l’appelante a eu des palpitations et des crises de panique en 2007, mais que cela s’est amélioré en même temps que sa dépressionNote de bas de page 18.

[33] Elle a recommencé à avoir des palpitations en 2011, mais elles n’étaient pas associées à un diagnostic de problème de santé mentale. Il n’y avait pas de « signaux d’alarme ». La Dre Dayal a conclu que les palpitations étaient probablement le résultat d’une trop grande consommation de caféine. L’appelante a éliminé la caféine de son alimentation, et les palpitations ont disparuNote de bas de page 19.

[34] Les notes de la Dre Dayal font seulement de nouveau mention des palpitations en mars 2016Note de bas de page 20. Même si l’appelante avait eu des palpitations entre 2011 et mars 2016, elles n’étaient apparemment pas suffisamment problématiques pour qu’elle en parle à la Dre Dayal.

[35] Les notes de la Dre Dayal montrent que l’anxiété de l’appelante est revenue en septembre 2016Note de bas de page 21. Le rapport d’Ontario Shores indique que l’appelante avait déjà fait de l’anxiété, mais que ce n’était pas un problème récurrent. Cela [traduction] « n’avait jamais été invalidant sur le plan fonctionnel avant [2016] ». C’est également à ce moment-là que l’appelante a remarqué une augmentation de son anxiété à l’égard de la conduite et du fait d’être passagère dans une voitureNote de bas de page 22. Le rapport médical du Dr Gnaneswaran dit que l’anxiété de l’appelante a commencé en février 2017Note de bas de page 23.

Ce que la preuve médicale dit au sujet du syndrome du côlon irritable de l’appelante

[36] L’appelante semble avoir eu la diarrhée ou des symptômes du syndrome du côlon irritable de temps à autre, mais la preuve médicale montre que le syndrome du côlon irritable a seulement vraiment posé problème à l’appelante en 2013.

[37] Les notes de la Dre Dayal mentionnent que l’appelante a la diarrhée en mai 2007 et en janvier 2008Note de bas de page 24. Ces mêmes symptômes reviennent de mars à mai 2010Note de bas de page 25. Il en est fait mention également en avril 2011Note de bas de page 26.

[38] En septembre 2012, la Dre Dayal a écrit que l’appelante avait des selles minces depuis 2010Note de bas de page 27 (selon l’appelante). Cependant, il n’y a aucune mention de ce problème dans les notes de 2011 de la Dre Dayal, alors j’estime que ce n’était pas un problème pour l’appelante jusqu’en 2013, année où elle a manqué du travail pour la première fois à cause de celaNote de bas de page 28.

[39] En juin 2013, l’appelante a consulté le Dr Zaidi (un spécialiste). L’appelante lui a dit qu’elle avait des symptômes du syndrome du côlon irritable depuis juin 2012Note de bas de page 29. Encore une fois, étant donné que les notes de la Dre Dayal ne mentionnent pas ces symptômes en 2011 et qu’ils n’ont pas été considérés comme un problème en 2012, je conclus qu’ils n’ont pas été un problème pour l’appelante avant 2013.

[40] Le Dr Zaidi a diagnostiqué un syndrome du côlon irritable chez l’appelante en septembre 2013Note de bas de page 30. Un autre spécialiste, le Dr Stewart, pensait que le problème était lié à la maladie biliaireNote de bas de page 31. L’appelante a donc subi une intervention chirurgicale (cholécystectomie par laparoscopie) en octobreNote de bas de page 32. Par la suite, les notes de la Dre Dayal ne mentionnent aucun problème de diarrhée, sauf en ce qui concerne deux voyages que l’appelante a faits en République dominicaine en mai 2014 et en mai 2016Note de bas de page 33.

[41] Le rapport d’Ontario Shores soutient que le syndrome du côlon irritable est seulement devenu problématique pour l’appelante en 2013. Le rapport dit que l’appelante a seulement commencé à être atteinte du syndrome en 2013. Après s’être fait enlever la vésicule biliaire, elle allait bienNote de bas de page 34.

L’invalidité de l’appelante n’était pas prolongée

[42] À la lumière du témoignage de l’appelante, de ses antécédents de travail et de sa preuve médicale, je conclus que l’appelante n’a pas eu d’invalidité grave depuis 2007. Son invalidité n’était pas prolongée à ce moment-là.

[43] L’appelante a fondé sa demande principalement sur la dépression, l’anxiété, le syndrome du côlon irritable et la maladie de Parkinson. Son témoignage confirme qu’elle a eu chacun de ses problèmes de santé. Mais il ne révèle pas que ceux-ci ont entraîné des limitations fonctionnelles qui ont régulièrement empêché l’appelante d’occuper tout emploi lui permettant de gagner sa vie depuis 2007. Ils n’ont pas eu d’incidence sur son travail avant 2013 au plus tôt.

[44] La preuve médicale montre que l’appelante n’a pas eu d’invalidité grave de 2010 à 2012. Elle était atteinte de dépression et d’anxiété en 2007, mais elle allait mieux en 2009 et elle a seulement recommencé à avoir des symptômes en 2016 au plus tôt. Le syndrome du côlon irritable a seulement été problématique pour l’appelante en 2013. L’appelante n’a pas éprouvé de douleur au visage avant 2014Note de bas de page 35. Cela marque peut-être le début de la maladie de Parkinson, qui a été diagnostiquée en 2018.

[45] Pour qu’une invalidité soit prolongée, la partie requérante doit prouver que la gravité de son invalidité est prolongée, et pas seulement que certains problèmes de santé existaient pendant une période donnéeNote de bas de page 36. Même si l’appelante a continué de présenter des symptômes mineurs ou isolés de ses problèmes de santé de 2010 à 2012, l’ensemble de la preuve ne démontre pas que son invalidité était grave pendant cette période.

[46] Ainsi, l’invalidité de l’appelante n’était pas prolongée au plus tard le 31 décembre 2007.

Conclusion

[47] Je conclus que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité du RPC parce que son invalidité n’était pas prolongée au plus tard le 31 décembre 2007.

[48] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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