Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : LB c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 1355

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : L. B.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante ou représentant : Rebekah Ferriss

Décision portée en appel : Décision de révision datée du 25 février 2020 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Carol Wilton
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 28 juin 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante du ministre
Andrew Williamson (témoin)
Date de la décision : Le 25 novembre 2022
Numéro de dossier : GP-21-2581

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante, L. B.Note de bas page 1, n’est pas admissible à un montant plus élevé que celui qu’elle reçoit présentement pour sa pension de retraite et sa pension de survivant du Régime de pensions du Canada.

[3] Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

AperçuNote de bas page 2

Procédures antérieures

[4] L’appelante est née en décembre 1947Note de bas page 3. Elle a une 12e année et a fait un an d’études collégiales. Son dernier emploi était dans un entrepôtNote de bas page 4. En novembre 1977Note de bas page 5, elle a fait une première demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Elle n’a pas réussi à obtenir la pension parce qu’elle n’avait pas assez cotisé au Régime. En octobre 2001, elle a présenté une nouvelle demande. À ce moment-là, elle avait établi qu’elle avait suffisamment de cotisations valides pour être admissible. En août 2004, la Commission d’appel des pensionsNote de bas page 6 lui a accordé une pension d’invalidité. L’appelante a été déclarée invalide 15 mois avant que le ministre ne reçoive sa demande. Elle a commencé à recevoir la pension rétroactivement à compter de novembre 2000.

[5] L’appelante a ensuite insisté sur le fait qu’elle aurait dû recevoir une pension d’invalidité en 1977 et que le paiement devait être calculé selon la valeur du dollar en 1977. Elle a soutenu que son paiement était trop faible parce que le ministre avait commis une erreur administrativeNote de bas page 7. Le ministre a rejeté cette allégation. En juillet 2011, la Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire de l’appelante. La Cour d’appel fédérale a toutefois accueilli l’appel et renvoyé l’affaire au ministre pour qu’il rende une nouvelle décision. Le ministre a réexaminé la demande de l’appelante et lui a ensuite accordé des prestations rétroactives calculées en fonction de sa première demande.

[6] En décembre 2012, l’appelante a eu 65 ans. Sa pension d’invalidité a été automatiquement convertie en pension de retraite. L’appelante croyait que les versements de sa pension de retraite étaient trop faibles. Dans sa décision de révision d’août 2013, le ministre a déclaré que la période de cotisation de l’appelante était de 79 mois, soit de janvier 1966 à février 1978Note de bas page 8.

[7] En septembre 2013, l’appelante a fait appel de la décision de révision auprès de la section de la sécurité du revenu de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Elle a déclaré que sa période de cotisation était de 75 mois. Elle a soutenu que sa période de cotisation avait commencé au moment où ses versements ont commencé, soit en novembre 1977. Ceux-ci n’ont pas commencé en mars 1978, comme le prétend le ministreNote de bas page 9.

[8] En novembre 2015, la section de la sécurité du revenu de la division générale a donné raison à l’appelanteNote de bas page 10. Le ministre a fait appel devant la division d’appel du Tribunal. En juin 2017, la division d’appel a donné raison au ministre. Elle a précisé que la période de cotisation aux fins du calcul de la pension de retraite était de 79 moisNote de bas page 11. En septembre 2018, la Cour d’appel fédérale a maintenu cette décision. Dans sa brève décision, la Cour a déclaré que la décision de la division d’appel était raisonnableNote de bas page 12.

[9] L’appelante a ensuite présenté une requête à la Cour fédérale visant à obtenir une prolongation du délai en raison d’erreurs présumées dans le calcul de sa pension de retraite du Régime de pensions du Canada en 2012. En novembre 2018, l’ordonnance de la Cour fédérale a rejeté la requête en tant qu’attaque collatérale contre la décision de septembre 2018 de la Cour d’appel fédéraleNote de bas page 13.

[10] Dans son ordonnance, la Cour fédérale a déclaré qu’elle n’avait pas compétence pour accorder le contrôle judiciaire d’une décision de la Cour d’appel fédérale. L’appelante aurait dû faire appel à la Cour suprême. Sinon, elle aurait pu demander à la Cour d’appel fédérale de réviser sa décision. Dans l’un des considérants, la Cour fédérale a déclaré que [traduction] « toutes les questions relatives à la pension [de l’appelante] ont été tranchées de façon définitiveNote de bas page 14 ».

La présente procédure

[11] Le 1er juin 2020, l’époux de l’appelante est décédé. Le 15 juin 2020, elle a demandé une pension de survivant du Régime de pensions du CanadaNote de bas page 15. Lorsqu’une personne qui reçoit une pension de retraite du Régime de pensions du Canada commence à recevoir une pension de survivant, les deux types de prestations sont combinés. Dans sa décision de révision de décembre 2020, le ministre a déclaré que lorsque la pension de survivant a commencé à être versée en 2020, les prestations mensuelles combinées de l’appelante s’élevaient à 782,43 $Note de bas page 16.

[12] L’appelante a fait appel de la décision de révision de décembre 2020 auprès de la section de la sécurité du revenu de la division générale. Elle a soutenu que la partie de ses prestations combinées qui concerne sa pension de retraite avait été mal calculée. Elle a déclaré qu’elle aurait dû recevoir un total de 1 070 $ par mois de prestations combinéesNote de bas page 17.

[13] En août 2021, la division générale a rejeté de façon sommaire l’appel de l’appelanteNote de bas page 18. La décision précisait que le ministre avait « correctement établi le montant du versement combinant sa pension de survivant et sa pension de retraite du [Régime de pensions du Canada] selon la formule exigée par le [Régime de pensions du Canada] ». De plus, l’ordonnance de novembre 2018 de la Cour fédérale précisait que toutes les questions relatives à la pension de l’appelante avaient été tranchées de façon définitive. Le membre de la section de la sécurité du revenu de la division générale a déclaré qu’il était lié par les décisions de la Cour fédérale. Par conséquent, il ne pouvait pas rendre une décision différente de celle de la Cour fédéraleNote de bas page 19.

[14] L’appelante a porté la décision de rejet sommaire en appel à la division d’appel du Tribunal. En décembre 2021, la division d’appel a accueilli l’appel et renvoyé l’affaire pour qu’elle soit réexaminée par une ou un autre membre de la division généraleNote de bas page 20. Selon la division d’appel, les erreurs dans la décision de rejet sommaire étaient les suivantes :

  • La division générale n’a pas tenu compte des éléments de preuve fournis par l’appelante au sujet de la procédure devant la Cour fédérale;
  • Elle n’a pas expliqué pourquoi elle était liée à l’issue de l’ordonnance de la Cour fédérale (motifs insuffisants);
  • Elle n’a pas tenu compte de l’argument de l’appelante selon lequel le ministre avait appliqué les mauvaises dispositions législatives pour calculer sa pension de retraite.

La doctrine de la chose jugée ne s’applique pas à la présente affaire

[15] L’appelante soutient que le calcul de la pension de retraite est erroné dans la mesure où il doit combiner sa pension de retraite et sa pension de survivant.

[16] La doctrine de la chose jugée (également appelée « préclusion découlant d’une question déjà tranchée ») empêche la tenue d’une nouvelle audience sur des questions qui ont déjà été tranchéesNote de bas page 21.

[17] Le ministre affirme que la doctrine de la chose jugée fait obstacle à l’appel de l’appelante au sujet du calcul de sa pension de retraite. L’appelante affirme qu’aucune cour ni aucun tribunal n’a rendu de décision sur la question du calcul de sa pension de retraite.

[18] La preuve démontre que la question du calcul de la pension de retraite de l’appelante, par opposition à la durée de sa période de cotisation, n’a pas été tranchée.

[19] La principale décision juridique portant sur la doctrine de la chose jugée est la décision DanylukNote de bas page 22 rendue par la Cour suprême en 2001. La décision Danyluk établit un critère en deux étapes pour décider si une demande de prestations peut être traitée. La première étape du critère comprend trois conditions :

  • La même question a-t-elle déjà été tranchée dans le cadre d’une procédure antérieure?
  • La décision antérieure est-elle définitive?
  • Les parties sont-elles les mêmes?

[20] La décision Danyluk précise également que si la réponse à ces trois questions est « oui », la cour (ou le tribunal) doit quand même procéder à une deuxième étape. Il s’agit de savoir « dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, si cette forme de préclusion devrait être appliquée ».

[21] La Cour suprême a décidé que sept facteurs pertinents non exhaustifs s’appliquaient dans la décision Danyluk :

  1. a) le libellé (les mots) du texte de loi en vertu duquel la première décision a été rendue;
  2. b) l’objet du texte de la loi;
  3. c) l’existence d’un droit d’appel;
  4. d) les garanties offertes aux parties dans le cadre de l’instance administrative;
  5. e) l’expertise du décideur administratif;
  6. f) les circonstances ayant donné naissance à l’instance administrative initiale;
  7. g) le risque d’injustice12.

[22] La décision Danyluk précise que « [l]e droit tend à juste titre à assurer le caractère définitif des instances. [...] [u]n plaideur n’a droit qu’à une seule tentative ». Toutefois, la décision précise aussi que « [l]a préclusion est une doctrine d’intérêt public qui tend à favoriser les intérêts de la justiceNote de bas page 23 ».

Application du critère prévu dans la décision Danyluk

[23] Le ministre soutient que la décision rendue par la Cour d’appel fédérale en 2018 est définitive. La Cour a décidé que la période de cotisation de l’appelante était de 79 mois. L’appelante n’a pas porté cette décision en appel à la Cour suprême ni présenté de demande de révision à la Cour d’appel fédérale. Par conséquent, la décision est définitiveNote de bas page 24.

[24] Le ministre soutient également que les parties à la présente instance et à l’instance devant la Cour d’appel fédérale sont les mêmesNote de bas page 25.

[25] L’appelante ne conteste aucune de ces déclarations.

La question en litige n’a pas déjà été tranchée

[26] Dans la décision Danyluk, la Cour a déclaré que les questions qui sont soumises à la préclusion découlant d’une question déjà tranchée (une forme de chose jugée) sont « [l]es droits, questions ou faits distinctement mis en cause et directement réglés ». Citant une décision antérieure de la Cour suprême, la Cour a déclaré qu’il ne suffisait pas « que la question ait été soulevée de façon annexe ou incidente […] ou qu’elle doive être inférée du jugement par raisonnement Note de bas page 26 ».

[27] Le ministre soutient que [traduction] « les calculs de la pension de retraite de l’appelante ont fait l’objet de procédures antérieures devant le Tribunal et de la Cour fédéraleNote de bas page 27 ». Le ministre affirme que la question de la période de cotisation (question des cotisations) et celle des calculs (question du calcul) concernent toutes deux la pension de retraite de l’appelante. On peut raisonnablement en déduire que le ministre dit que ces deux questions sont les mêmes.

[28] Malgré tout le respect que je dois au ministre, ni l’appelante, ni les arbitres du Tribunal, ni la Cour d’appel fédérale n’ont cru que la question du calcul était la même que celle des cotisations. Même le ministre n’a pas toujours soutenu qu’il s’agissait des mêmes questions.

[29] La question du calcul n’a été tranchée directement dans aucune procédure avant l’ordonnance de novembre 2018 de la Cour fédérale.

[30] Le Tribunal peut seulement examiner les questions soulevées dans la décision de révision du ministre. Cette décision, à son tour, est une réponse à une demande de révision d’une partie appelanteNote de bas page 28.

[31] Lorsqu’elle a demandé une révision en janvier 2013, l’appelante n’a pas soulevé la question du calcul de sa pension de retraite. Elle a cependant soulevé la question de sa période de cotisationNote de bas page 29. Par conséquent, la décision de révision rendue par le ministre en août 2013 ne portait que sur la question des cotisationsNote de bas page 30.

[32] Dans des observations présentées à la Cour fédérale, le ministre a déclaré qu’en janvier 2013, lorsqu’elle a demandé la révision de la décision du ministre concernant le montant de la pension de retraite payable, l’appelante a soutenu que « les calculs » étaient incorrects et que ces allégations ont ensuite été examinées par la division généraleNote de bas page 31. Le ministre laisse entendre que la division générale était saisie de la question du calcul en 2015Note de bas page 32.

[33] Les événements qui ont suivi ne confirment pas cette affirmation. Après sa lettre de janvier 2013, l’appelante a tenté à plusieurs reprises de soulever la question du calcul, mais sans succèsNote de bas page 33. Si elle croyait avoir soulevé la question dans sa demande de révision ou avoir compris l’importance de la décision de révision, elle ne l’aurait probablement pas fait.

[34] Comme la décision de révision n’a pas abordé la question du calcul, la décision de la division générale de 2015 ne l’a pas fait. Dans sa décision de 2017, la division d’appel a déclaré qu’elle n’examinerait pas la question du calcul parce que « la division générale n’était pas saisie de cette questionNote de bas page 34 ».

[35] Dans ses observations à la Cour d’appel fédérale, le ministre a déclaré que la question des cotisations était la seule dont la Cour était saisieNote de bas page 35. La Cour d’appel fédérale a décidé que la décision de la division d’appel était raisonnableNote de bas page 36. Comme je l’ai mentionné plus haut, la décision de la division d’appel n’a pas abordé la question du calcul.

[36] La Cour fédérale n’était pas non plus saisie de la question du calcul. Selon le ministre, la demande de 2018 de l’appelante soulevait la question de savoir si la Cour fédérale avait le pouvoir (la compétence) d’accorder le contrôle judiciaire demandé par l’appelante. Dans l’affirmative, la Cour fédérale devrait-elle accorder une prolongation du délai pour déposer une demande de contrôle judiciaire d’une décision qui n’a pas été préciséeNote de bas page 37? Le ministre a répondu « non » aux deux questionsNote de bas page 38.

[37] Dans l’un de ses considérantsNote de bas page 39, l’ordonnance de la Cour fédérale précisait que [traduction] « toutes les questions relatives à la pension [de l’appelant] ont été tranchées de façon définitiveNote de bas page 40 ». J’estime que cette déclaration ne donne pas lieu à la doctrine de la chose jugée. On demandait à la Cour fédérale si elle avait le pouvoir d’accorder un contrôle judiciaire et, dans l’affirmative, si une prolongation du délai pour le dépôt d’une demande par l’appelante devait être accordée. On ne demandait pas à la Cour fédérale de rendre une décision sur la question du calcul.

[38] Le ministre a fait valoir que la Cour d’appel fédérale et la Cour fédérale avaient été saisies de la question du calcul. Toutefois, comme ni l’une ni l’autre de ces cours n’a abordé directement la question du calcul dans sa décision, la doctrine de la chose jugée ne s’applique pasNote de bas page 41.

[39] La question du calcul a été abordée dans la décision de rejet sommaire de 2021 de la section de la sécurité du revenu de la division générale. Cependant, l’appel de l’appelante contre cette décision a été accueilli. La division d’appel a conclu que le membre de la division générale n’avait pas tenu compte de l’argument de l’appelante selon lequel le ministre avait appliqué les mauvaises dispositions législatives pour calculer sa pension de retraite. Il s’agit d’une erreur de droit. La division d’appel a rejeté la décision de la division générale et l’a renvoyée à la division générale pour une nouvelle audience. Par conséquent, la décision de 2021 de la section de la sécurité du revenu de la division générale ne peut pas appuyer une allégation de chose jugéeNote de bas page 42.

L’application de la doctrine de la chose jugée serait-elle source d’injustice?

[40] À la première étape de l’analyse de la doctrine de la chose jugée, j’ai conclu que la doctrine ne s’applique pas. Le ministre a déclaré qu’elle s’appliquait. Le ministre est donc passé à la deuxième étape et a décidé qu’aucune injustice ne découlerait de l’application de la doctrineNote de bas page 43.

[41] Je ne suis pas tenue d’examiner l’argument voulant que l’application de la doctrine de la chose jugée entraîne une injustice. Toutefois, je profite de l’occasion pour aborder les observations du ministre sur la question.

[42] Le ministre a soutenu que l’application de la doctrine de la chose jugée ne créerait pas d’injustice. L’appelante avait l’obligation d’exercer une diligence raisonnable. Elle aurait pu soulever la question du calcul lors des procédures antérieures. En fait, elle a bel et bien soulevé ses arguments sur la question du calcul. Toutefois, selon le ministre, elle n’a pas été en mesure de présenter ses arguments de façon efficaceNote de bas page 44.

[43] Je ne trouve pas cet argument convaincant. La raison pour laquelle le Tribunal et les cours n’ont pas rendu de décision sur la question du calcul lors de procédures antérieures était qu’ils ne pouvaient pas le faire. C’est la décision de révision qui détermine ce sur quoi les organes décisionnels peuvent rendre des décisions. La décision de révision de 2013 n’a rien dit au sujet de la question du calcul. Par conséquent, ni le Tribunal ni les cours ne pouvaient rendre une décision sur cette question.

[44] Dans la présente affaire, je juge qu’il serait injuste d’empêcher l’instruction d’une demande par une ancienne employée d’entrepôt non représentée, âgée de 74 ans, qui est atteinte d’une invalidité depuis 1977 parce qu’elle n’a pas soulevé cette question lorsqu’elle a demandé une révision en 2013.

Calcul de la pension de retraite de l’appelante

L’appelante n’a pas réussi à démontrer que les chiffres du ministre sont erronés

[45] Il revient à l’appelante de démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’il y a une erreur dans les calculs du ministre.

Les calculs du ministre

[46] Le ministre s’appuie sur « l’affidavit Williamson » (l’affidavit) pour appuyer ses calculs de la pension de retraite de l’appelante. L’auteur de l’affidavit était Andrew Williamson, un employé du ministère de l’Emploi et du Développement social depuis 2000. Au moment de sa rédaction, en mai 2022, il était agent principal à la législation au sein du service responsable des politiques et de la législation relatives au Régime de pensions du CanadaNote de bas page 45.

[47] L’affidavit explique que le ministre a calculé le montant de la pension de retraite en utilisant les renseignements suivants : le nombre de mois dans la période de cotisationNote de bas page 46; le total des gains ouvrant droit à pension; le total des gains ajustés ouvrant droit à pension (c’est-à-dire ajustés pour tenir compte du coût de la vie)Note de bas page 47; et la moyenne mensuelle des gains ouvrant droit à pension – soit le total des gains ajustés ouvrant droit à pension divisé par le nombre de mois dans la période cotisableNote de bas page 48. La pension de retraite mensuelle correspond à 25 % de la moyenne mensuelle des gains ouvrant droit à pensionNote de bas page 49.

[48] Le calcul des gains ajustés ouvrant droit à pension suit une formule compliquéeNote de bas page 50. Il s’agit de diviser les gains de l’appelante pour une année où elle avait un revenu par le maximum des gains ouvrant droit à pension qu’une personne pouvait gagner cette année-là. Autrement dit, ce chiffre tient compte du revenu de l’appelante, et donc de ses cotisations au Régime de pensions du Canada. Ce chiffre est multiplié par un autre, soit le chiffre de l’indice de pension pour 2013, puis divisé par le chiffre de l’indice de pension pour 1978 (121,50 divisé par 33,10), ce qui est égal à 3,671 (chiffre de l’indice de pension)Note de bas page 51. Cela permet de tenir compte de la hausse du coût de la vie. Comme les gains de l’appelante étaient différents pour chacune des cinq années pour lesquelles elle a cotisé, un « facteur d’ajustement » différent a été appliqué pour chaque année. Le facteur d’ajustement allait de 8,5 à 4,87Note de bas page 52.

[49] Le traitement, dans l’affidavit, du revenu de l’appelante pour l’année 1970, qui s’élevait à 2 269 $, illustre bien le fonctionnement de cette formule. La moyenne du maximum des gains ouvrant droit à pension divisée par le maximum des gains ouvrant droit à pension de cette année-là est de 2,32698. Le facteur d’ajustement pour 1970 est de 2,32968 x 3,671, ce qui équivaut à 8,54234. Cela donne des gains ajustés ouvrant droit à pension d’un montant de 19 383 $ en 1970Note de bas page 53.

[50] L’affidavit indiquait que les gains non ajustés ouvrant droit à pension de l’appelante totalisaient 21 268 $. Le facteur d’ajustement variait pour chaque année où l’appelante avait gagné un revenu, mais ses gains ajustés ouvrant droit à pension étaient de 124 642 $Note de bas page 54. Le ministre a divisé ce montant par le nombre de mois dans sa période de cotisation, soit par 79. Le résultat s’élevait à 1 577,75 $. Vingt-cinq pour cent de ce montant correspond à 394,44 $. Ce montant, plus une cent, est le montant de la pension de retraite de l’appelante en 2013Note de bas page 55.

[51] Dans des observations qu’elle a présentées à la division d’appel en octobre 2021, l’appelante a déclaré que sa pension de retraite du Régime de pensions du Canada aurait dû s’élever à 819,93 $ par mois à compter de janvier 2013Note de bas page 56. Le montant maximal recevable à titre de pension de retraite du Régime en 2013 était de 1 012,50 $. Il s’agit du montant qu’une personne ayant cotisé au Régime aurait gagné, par exemple, si elle avait versé le montant maximal de cotisations pendant toute sa vie active.

Les critiques de l’appelante à l’égard des calculs du ministre

[52] L’appelante ne m’a pas convaincue qu’il y avait une erreur dans les calculs de la pension figurant dans l’affidavit.

[53] À l’audience, l’appelante a déclaré que l’affidavit ne tenait pas pleinement compte de l’inflation entre 1978, moment où elle a commencé à recevoir sa pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, et 2013, moment où elle a commencé à recevoir sa pension de retraite du Régime.

[54] L’appelante a déclaré que dans les calculs de sa pension de retraite, le facteur d’indexationNote de bas page 57 n’avait pas été pris en compte dans l’affidavit et l’indice de pension utilisé était trop faible. Le montant aurait dû être environ le double de celui indiqué dans l’affidavit.

[55] En ce qui concerne le facteur d’indexation, l’appelante a déclaré avoir entendu un avocat spécialisé dans les questions d’invalidité à la radio. Il a déclaré qu’il existait une période d’indexation ou un facteur d’indexation. Cela était calculé en prenant la moyenne sur 5 ans des gains d’une partie appelante, en remontant dans le temps à partir de 1978, dans le cas de l’appelante. L’appelante a déclaré que l’affidavit omettait cette étape des calculs.

[56] Il semble que dans l’affidavit, on ait tenu compte de quelque chose qui ressemble à ce dont l’appelante fait référence. L’affidavit indiquait que la moyenne du maximum des gains ouvrant droit à pension pour 1978 était la moyenne du maximum des gains ouvrant droit à pension pour cette année-là et pour les deux années précédentesNote de bas page 58. L’affidavit comportait ensuite le calcul du taux maximal des gains ouvrant droit à pension pour 1978, aux termes du Régime de pensions du CanadaNote de bas page 59.

[57] En ce qui concerne l’indice de pension, l’appelante a déclaré qu’il devrait être de 7,63 ou de 6,4685, et non de 3,671.

  • En octobre 2021, l’appelante est parvenue au chiffre de 7,63 pour la pension en soustrayant 33,10Note de bas page 60 de 121,50, puis en divisant le résultat par 33,10Note de bas page 61. Le résultat était de 88,40/33,10 x 100, ce qui équivaut à 267/35 années. Cela donne un indice de pension de 7,63. Il en résulterait un revenu ajusté en 1970 d’environ 40 300 $ au lieu de 19 383 $. Je ne retiens pas le calcul de l’appelante parce qu’il ne suit pas la méthode prévue à l’article 51(1) du Régime de pensions du Canada.
  • En mai 2022, l’appelante a déclaré que le « facteur d’indexation » (qui devrait en fait être « l’indice de pension ») était de 6,4685. Le document clé de l’appelante était une lettre datée du 17 décembre 2012 de R. Geit, agent aux prestations de Service CanadaNote de bas page 62. Ce document utilisait un « facteur d’indexation » de 6,4685 pour calculer la pension de retraite mensuelle de l’appelante. La pension de retraite à laquelle l’agent aux prestations est arrivé était de 394,45 $ par mois. R. Geit n’a pas expliqué l’origine du chiffre de 6,4685. Les calculs dans la lettre n’ont aucun sens. Je refuse donc de me prononcer en faveur de son « facteur d’indexation ».

[58] Je conclus que l’appelante n’a pas démontré qu’il est plus probable qu’improbable qu’il y a une erreur dans les calculs de l’affidavit concernant sa pension de retraite.

Pension de retraite et pension de survivant combinées

[59] Pour calculer la pension de retraite combinée à la pension de survivant (montant combiné), les calculs de l’affidavit se fondent sur l’article 58(2)(c) du Régime de pensions du Canada. Cet article prévoit que le point de départ du calcul du montant combiné est la pension de retraite de l’appelante qui, en 2020, avait une valeur mensuelle de 439,91 $. À cela s’ajoute la pension de retraite du défunt, soit 518,48 $, moins 40 % de la pension de retraite de l’appelante (175,96 $). Cela donne 342,52 $. Le montant combiné de l’appelante s’élève donc à 439,91 $ plus 342,52 $, pour un total de 782,43 $Note de bas page 63.

[60] L’appelante a déclaré qu’elle devrait recevoir un total d’environ 1 070 $ par moisNote de bas page 64.

[61] Dans son avis d’appel de mars 2021 à la section de la sécurité du revenu de la division générale, l’appelante a déclaré que sa pension de retraite du Régime de pensions du Canada aurait dû s’élever à 695,04 $ par moisNote de bas page 65. Il semble que ce montant ait été calculé à partir des chiffres figurant dans la lettre de R. Geit de décembre 2012. Cette lettre indique que les gains ajustés ouvrant droit à pension de l’appelante s’élevaient à 33 953 $. La lettre précise également que le « facteur d’indexation » est de 6,4685Note de bas page 66. Dans sa lettre, R. Geit ne fournit aucune explication sur ces chiffres. Comme je l’ai mentionné plus haut, les calculs présentés dans cette lettre n’ont aucun sens et la méthode de calcul n’est pas conforme au Régime de pensions du Canada.

[62] L’appelante a également déclaré que sa pension de survivant aurait dû s’élever à 311,09 $ (518,48 $ moins 207,39 $). Le montant de 207,39 $ représente 40 % de 60 % de la pension de retraite du défunt. Toutefois, le montant de 175,96 $ devrait être utilisé. Il s’agit du plus faible des deux montants prévus à l’article 58(2)(c) du Régime de pensions du CanadaNote de bas page 67.

[63] Je conclus que l’appelante n’a pas démontré qu’il est plus probable qu’improbable qu’il y a une erreur dans les calculs de l’affidavit concernant le montant combiné de sa pension de retraite et de sa pension de survivant.

Conclusion

[64] Je conclus que la question des calculs de la pension de retraite de l’appelante n’est pas soumise à la doctrine de la chose jugée. Toutefois, je conclus que l’appelante ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait de démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le calcul du ministre de la pension de retraite combinée à la pension de survivant était erroné.

[65] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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