Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : AW c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 209

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : A. W.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante : Viola Herbert

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 26 juillet 2022 (GP-21-2038)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 27 janvier 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante
Date de la décision : Le 27 février 2023
Numéro de dossier : AD-22-780

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Décision

[1] L’appel est rejeté. La division générale n’a commis aucune erreur.

Aperçu

[2] La prestataire est une ancienne hygiéniste dentaire de 59 ans qui souffre depuis longtemps de problèmes de santé mentale. En décembre 2020, elle a cessé de travailler, se sentant de plus en plus dépassée par les exigences de son emploi.

[3] En janvier 2021, la prestataire a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Elle a affirmé ne plus pouvoir travailler en raison de la dépression et de l’anxiété, de tremblements et d’un trouble obsessionnel-compulsif. Son médecin de famille a ajouté qu’elle souffrait d’un trouble lié à la consommation de substances, d’une discopathie dégénérative et d’une cécité à l’œil gauche.

[4] Le ministre a rejeté la demande, estimant que la prestataire n’avait pas démontré qu’elle avait une invalidité grave et prolongéeNote de bas de page 1.

[5] La prestataire a porté le refus du ministre en appel au Tribunal de la sécurité sociale. La division générale du Tribunal a tenu une audience par téléconférence et a rejeté l’appel. La division générale a reconnu que la prestataire avait des problèmes de santé mentale, mais a conclu qu’ils étaient contrôlés par des médicaments. La division générale a également conclu que la prestataire n’avait pas fait assez d’efforts pour trouver et conserver un emploi convenable.

[6] La prestataire s’est ensuite adressée à la division d’appel. Elle a insisté sur le fait qu’elle était invalide et a demandé la permission de faire appel de la décision de la division générale. Elle a allégué que la division générale avait commis les erreurs suivantes :

  • Elle a mentionné l’amélioration de son état de santé sans tenir compte du fait que l’amélioration est survenue parce qu’elle ne travaillait plus.
  • Elle a minimisé l’étendue de sa déficience visuelle, ignorant la preuve médicale selon laquelle elle était légalement aveugle à l’œil gauche.
  • Elle a ignoré la preuve montrant qu’elle a des problèmes psychologiques depuis le début de la vingtaine.

[7] En novembre, j’ai donné à la prestataire la permission de faire appel parce que je croyais qu’elle avait une cause défendable. Le mois dernier, j’ai tenu une audience par téléconférence pour discuter en détail de ses allégations.

Questions en litige

[8] Il y a quatre moyens d’appel à la division d’appel. La partie prestataire doit démontrer que la division générale a fait l’une des choses suivantes :

  • elle a agi de façon injuste;
  • a outrepassé ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
  • elle a mal interprété la loi;
  • elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 2.

[9] Dans le présent appel, je devais décider si l’une des allégations de la prestataire correspondait à un des moyens d’appels énumérés ci-dessus et, dans l’affirmative, si l’une de ces allégations était fondée.

Analyse

[10] J’ai examiné la décision de la division générale, ainsi que le droit et les éléments de preuve qu’elle a utilisés pour en arriver à cette décision. J’ai conclu qu’aucun des motifs d’appel de la prestataire ne peut être accueilli.

La division générale n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que la santé mentale de la prestataire s’était améliorée après avoir cessé de travailler

[11] La prestataire soutient que la division générale n’a pas bien représenté son état de sa santé mentale tout au long de sa décision. Elle insiste sur le fait que quelle que soit [traduction] l’« amélioration » qu’elle a connue après décembre 2020, celle-ci est survenue parce qu’elle ne travaillait plus, et non parce que ses médicaments étaient particulièrement efficaces, comme la division générale l’a conclu. Elle affirme qu’une fois qu’elle n’a plus eu à composer avec les exigences d’un emploi, elle a pu réduire ses médicaments. Elle laisse entendre que si jamais elle essayait de travailler, elle subirait de nouveau une anxiété invalidante, des nausées et des tremblements.

[12] En fait, la prestataire accuse la division générale d’avoir [traduction] « sélectionné » la preuve pour appuyer un résultat préféré. Ayant examiné les dossiers médicaux de la prestataire, je ne vois pas en quoi la division générale aurait commis une erreur en évaluant son état psychologique.

La division générale avait des raisons de dire que la prestataire allait mieux

[13] La division générale afondé une grande partie de sa décision sur la conclusion que la santé mentale de la prestataire s’était améliorée après avoir cessé de travailler en décembre 2020Note de bas de page 3. Pour en arriver à cette conclusion, la division générale s’est appuyée sur les notes cliniques prises par la Dre Parray, lesquelles décrivaient, selon la division générale, l’anxiété de la prestataire comme étant stable et bien gérée par les médicamentsNote de bas de page 4.

[14] Les notes en question ont été prises après que la prestataire a cessé de travailler, mais aucune d’entre elles n’utilisait les mots [traduction] « améliorer » ou « amélioration ». Une des questions est de savoir si les notes de la Dre Parray indiquaient en fait que la prestataire allait mieux. Son état de santé était peut-être [traduction] « stable » ou « bien géré », mais cela ne voulait pas dire qu’il s’améliorait.

[15] Après avoir examiné en détail les notes de la Dre Parray, je suis convaincu que la division générale les a bien représentées. Tout au long des années 2019 et 2020, alors que la prestataire travaillait toujours, les efforts de la Dre Parray pour traiter l’anxiété et la dépression de la prestataire ont donné des résultats décevants. En septembre 2020, le médecin généraliste a déclaré qu’une augmentation du Cipralex n’avait [traduction] « pas eu grand effet » et que l’anxiété de la prestataire n’était [traduction] « toujours pas bien géréeNote de bas de page 5 ». Le mois suivant, la Dre Parray a écrit que la prestataire n’avait [traduction] « remarqué aucun changement » en prenant le WellbutrinNote de bas de page 6.

[16] Cependant, les personnes qui ont traité la prestataire ont commencé à rapporter des nouvelles plus positives au cours des mois suivants :

  • En février 2021, la Dre Parray a déclaré que l’anxiété et la dépression de la prestataire étaient contrôlées et stablesNote de bas de page 7.
  • En septembre 2021, la Dre Parray a déclaré que la prestataire [traduction] « s’adaptait bien » et qu’elle était « moins stressée maintenantNote de bas de page 8 ».
  • En janvier 2022, le Dr Lo a déclaré que la prestataire se sentait [traduction] « moins anxieuse » et mieux capable de composer avec les situations socialesNote de bas de page 9.

[17] Compte tenu de ces informations, la division générale n’a pas eu tort de conclure que la santé mentale de la prestataire s’améliorait. Cela mène à la question suivante : qu’est-ce qui a fait en sorte que les problèmes de santé mentale de la prestataire se sont améliorés?

Il y avait des éléments de preuve montrant que la prestataire allait mieux grâce aux médicaments

[18] La prestataire laisse entendre qu’en se concentrant exclusivement sur les remarques de la Dre Parray, la division générale a omis de considérer une partie du tableau d’ensemble. Si elle se sentait mieux, dit-elle, c’est parce qu’elle n’était plus exposée aux exigences d’un emploi.

[19] Il est vrai que, dans de nombreux cas d’invalidité, l’acte même de cesser de travailler aura pour effet d’atténuer les symptômes qui ont amené la partie prestataire à se mettre en arrêt de travail. Dans la présente affaire, la prestataire affirme que toute amélioration qu’elle a connue n’était pas attribuable à ses médicaments, mais plutôt au fait qu’elle n’était plus exposée au stress d’un emploi rémunéré.

[20] Dans la présente affaire, toutefois, il y avait des éléments de preuve montrant que l’amélioration quant à l’état de santé mentale de la prestataire était en partie attribuable à une meilleure combinaison de médicaments contre l’anxiété. La Dre Parray avait déjà essayé plusieurs médicaments psychotropes sur la prestataire, y compris de l’Ativan, du Celexa, de l’Effexor, du Cipralex et du WellbutrinNote de bas de page 10. En octobre 2020, la Dre Parray a recommencé à donner à la prestataire du Cipralex avec le Clonazépam.

[21] En février 2021, la combinaison semblait fonctionner. La Dre Parray a déclaré que les deux médicaments avaient un [traduction] « bon effetNote de bas de page 11 » et que l’anxiété de la prestataire était [traduction] « bien contrôlée par le Rx actuelNote de bas de page 12 ». En septembre 2021, la prestataire aurait dit que le Cipralex [traduction] « continue d’aider » et qu’elle ne ressentait pas le besoin de modifier ses médicamentsNote de bas de page 13.

[22] Je suis d’avis que la division générale avait de bonnes raisons de conclure que les médicaments de la prestataire, et pas seulement son arrêt de travail, contribuaient à améliorer son état de santé. Cette conclusion a influencé la décision de la division générale de refuser les prestations d’invalidité, mais, comme nous le verrons, ce n’était pas le seul facteur. La division générale a conclu que l’invalidité de la prestataire n’était pas grave pour plusieurs autres raisons.

La division générale a le droit de soupeser la preuve comme elle l’entend

[23] L’un des rôles de la division générale est de tirer des conclusions de fait. Ce faisant, elle a droit à une certaine latitude dans la façon dont elle évalue la preuveNote de bas de page 14. La division d’appel n’intervient pas dans les conclusions de fait à moins que la division générale ne soit responsable d’une erreur importante, laquelle a été [traduction] « commise de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 15 ».

[24] La prestataire peut croire que le soutien de son médecin de famille à sa demande de prestations d’invalidité était décisif, mais la division générale a aussi dû tenir compte d’autres facteurs. Comme nous l’avons vu, la preuve contenait des indications claires que les médicaments contre l’anxiété de la prestataire fonctionnaient finalement. La division générale a également fondé sa décision sur les facteurs suivants :

  • La prestataire avait peut-être des problèmes de dos et de vue dans le passé, mais elle ne les a pas mentionnés dans sa demande de prestations d’invaliditéNote de bas de page 16.
  • Les problèmes physiques de la prestataire, quelle qu’en soit l’ampleur, ne l’ont pas empêchée d’exercer ses emplois précédentsNote de bas de page 17.
  •  L’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques et l’expérience de travail de la prestataire n’étaient pas des obstacles au maintien de son emploi.
  • La prestataire n’a pas essayé de trouver et de conserver un autre emploi qui aurait pu être mieux adapté à son état de santé.

[25] Je ne vois aucune raison de remettre en question ces conclusions ni le poids que la division générale a choisi de leur accorder.

La division générale n’a pas commis d’erreur en évaluant la déficience visuelle de laprestataire

[26] La prestataire prétend que la division générale a minimisé l’étendue de sa déficience visuelle, ignorant la preuve médicale selon laquelle elle était légalement aveugle à l’œil gauche.

[27] Je ne vois aucun bien-fondé à cette allégation.

[28] On présume qu’un tribunal a examiné tous les éléments de preuve portés à sa connaissanceNote de bas de page 18. Dans la présente affaire, je ne vois rien qui indique que la division générale a ignoré la preuve montrant que la prestataire était partiellement aveugle. En fait, dans sa décision, la division générale s’est penchée longuement sur la cécité de la prestataire :

La [prestataire] affirme qu’elle est atteinte de cécité à l’œil gauche depuis sa naissance. On lui a également diagnostiqué des changements liés à l’âge à l’œil droit, de l’ésotropie et de l’amblyopie, ainsi qu’une inflammation. La preuve de la Dre Parray montre que celle-ci ne voyait aucune limitation et n’a tenu compte d’aucune plainte concernant la vision [de la prestataire]. En mars 2022, la [prestataire], a déclaré elle-même qu’elle était presque aveugle d’un œilNote de bas de page 19.

[29] La division générale a ensuite examiné la preuve concernant la déficience visuelle de la prestataire. Elle a souligné qu’en sa qualité d’hygiéniste dentaire, la prestataire s’était acquittée de ses tâches à l’aide d’un ordinateur et de lunettes télescopiquesNote de bas de page 20. Elle a conclu qu’il n’y avait pas assez d’information pour démontrer que la prestataire avait [traduction] « des limitations physiques importantes et continues qui nuisent à sa capacité de travailNote de bas de page 21 ».

[30] La prestataire n’est peut-être pas d’accord avec l’analyse de la division générale, mais elle ne peut pas raisonnablement soutenir qu’elle a ignoré ou déformé la preuve.

La division générale n’a pas ignoré la durée des problèmes psychologiques de laprestataire

[31] La prestataire soutient que la division générale a ignoré la preuve montrant qu’elle souffre d’anxiété et de dépression depuis le début de la vingtaine.

[32] Encore une fois, je ne trouve pas convaincant cet argument.

[33] Comme je l’ai mentionné, il faut présumer que le Tribunal a tenu compte de tous les éléments de preuve portés à sa connaissance. Dans la présente affaire, il y avait des éléments de preuve au dossier qui indiquaient que la prestataire souffrait depuis longtemps de problèmes psychologiques. En novembre 2014, la Dre Parray a écrit que l’anxiété et la dépression de la prestataire [traduction] « ont commencé dans la vingtaineNote de bas de page 22 ». En janvier 2022, le Dr Lo a écrit que la prestataire avait [traduction] « toujours été anxieuse à l’école, surtout dans les relations socialesNote de bas de page 23 ».

[34] Je présume que la division générale a examiné ces documents. Elle n’a peut-être pas mentionné explicitement les problèmes de santé mentale de longue date de la prestataire dans sa décision, mais cela ne veut pas dire qu’elle les a ignorés. De plus, dans les demandes de prestations d’invalidité du RPC, la durée de l’état de santé d’une personne au moment de l’audience est moins importante que sa gravité.

Conclusion

[35] La division générale n’a commis aucune erreur qui correspond aux moyens d’appel permis. D’après ce que je peux voir, la division générale a fait un effort véritable et complet pour soupeser la preuve et appliquer la loi. Pour cette raison, sa décision est maintenue.

[36] L’appel est rejeté.

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