Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : LS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 1683

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : L. S.
Représentante ou représentant : J. S.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision de révision datée du 23 juillet 2020 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Tanille Turner
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 18 août 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Témoin de l’appelant
Date de la décision : Le 12 octobre 2022
Numéro de dossier : GP-21-1182

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelant, L. S., est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC), payable à partir de mai 2018. Cette décision explique pourquoi j’accueille l’appel.

Aperçu

[3] L’appelant a 63 ans. Il a fait sa 11e année et il a obtenu un certificat de compagnon en tôlerie. Il a uniquement occupé des emplois dans le domaine de la tôlerie. Il a cessé de travailler en raison de douleurs chroniques en 2004. Il se sentait faible. Sa discopathie dégénérative lui donnait des étourdissements. Il avait de la difficulté à tourner le cou. Il ressentait une fatigue extrême.

[4] L’appelant a demandé une pension d’invalidité du RPC le 24 avril 2019. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelant a donc fait appel de cette décision devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’appelant affirme que son diagnostic de discopathie dégénérative est passé de modéré à grave de 2001 à 2019. Il n’a pas travaillé depuis 2004 en raison de son problème de santé. Il ne peut pas travailler parce que ses douleurs et ses problèmes sont imprévisiblesNote de bas page 1.

[6] Le ministre affirme que le médecin de l’appelant lui a suggéré de travailler à temps partiel un an après sa période de couverture. Le médecin a écrit que l’appelant ne pouvait pas travailler cinq ans après sa période de couverture. Les maux de tête de l’appelant sont devenus un problème après sa période de couvertureNote de bas page 2.

Ce que l’appelant doit prouver

[7] Pour gagner son appel, l’appelant doit prouver qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2006. Cette date est établie en fonction des cotisations qu’il a versées au RPCNote de bas page 3.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les adjectifs « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas page 4.

[10] Pour décider si l’invalidité de l’appelant est grave, je dois examiner l’effet global de ses problèmes de santé sur sa capacité de travailler. Je dois aussi tenir compte de facteurs, comme son âge, son niveau de scolarité, ses aptitudes linguistiques, son expérience de travail et son expérience personnelle. Ces facteurs me font voir sa situation de façon réaliste. Ils m’aident à décider si son invalidité est grave. Si l’appelant est régulièrement capable de faire un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, il n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas page 5.

[12] Autrement dit, aucun rétablissement ne doit être prévu. Pour être prolongée, l’invalidité de l’appelant doit l’obliger à quitter le marché du travail pendant très longtemps.

[13] L’appelant doit prouver qu’il est atteint d’une invalidité grave et prolongée selon la prépondérance des probabilités. En d’autres mots, il doit me convaincre qu’il est plus probable qu’improbable qu’il est invalide.

Motifs de ma décision

[14] Je conclus que l’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée à partir d’avril 2004. J’ai tiré cette conclusion après avoir examiné les questions suivantes :

  • L’invalidité de l’appelant était-elle grave?
  • L’invalidité de l’appelant était-elle prolongée?

L’invalidité de l’appelant était-elle grave?

[15] L’appelant était atteint d’une invalidité grave. J’ai basé ma conclusion sur plusieurs facteurs. Les voici.

Les limitations fonctionnelles de l’appelant nuisent à sa capacité de travailler

[16] L’appelant est atteint des problèmes de santé suivants :

  • une discopathie dégénérative;
  • des douleurs chroniques :
    • aux épaules;
    • au bas du dos;
    • au bras droit;
    • au cou.
  • le syndrome du tunnel carpien;
  • le syndrome postcommotionnel.

[17] Toutefois, un diagnostic ne suffit pas à régler la question de son invaliditéNote de bas page 6. Je dois plutôt voir si des limitations fonctionnelles l’empêchent de gagner sa vieNote de bas page 7. Dans cette optique, je dois tenir compte de tous ses problèmes de santé (pas juste du plus important) et de leur effet sur sa capacité à travaillerNote de bas page 8.

[18] Je conclus que l’appelant avait effectivement des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travailler.

Ce que l’appelant dit de ses limitations fonctionnelles

[19] L’appelant affirme que les limitations fonctionnelles causées par ses problèmes de santé nuisent à sa capacité de travailler de la façon suivante :

  • Il ne peut pas s’asseoir sur une chaise à dossier droit pendant plus de 20 minutes. Cela lui fait mal au cou et entraîne des maux de tête ou des migraines. Il parvient à atténuer ses étourdissements en s’allongeant.
  • Il a de la difficulté à se pencher ou à s’agenouiller. Se lever l’étourdit.
  • Il ne dort pas bien la nuit. Il se retourne et se retourne. Il se réveille trois fois pendant la nuit. Il doit faire une sieste de trois à quatre heures pendant la journée pour se sentir reposé.
  • La pluie et les changements de pression atmosphérique affectent ses maux de tête et ses migraines.
  • Il peut conduire pendant une ou deux heures. Après cela, il doit s’arrêter et marcher pour prendre une pause. Se concentrer sur la route lui cause une tension au cou. Les lumières la nuit lui donnent mal à la tête.
  • Les bruits, comme celui de la vaisselle, lui causent des maux de tête. Ses oreilles bourdonnent constamment. Il ne peut pas rester dans la pièce pendant que sa femme fait la vaisselle. Cela provoque une douleur aiguë dans ses oreilles. Il évalue cette douleur à 8/10 et elle dure quelques minutes.

[20] J’ai trouvé l’appelant et son épouse, J. S., crédibles. Ils ont fait des déclarations qui semblaient sincères et honnêtes.

Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelant

[21] L’appelant doit soumettre des éléments de preuve médicale qui montrent que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler en date du 31 décembre 2006Note de bas page 9.

[22] La preuve médicale confirme la version des faits de l’appelant. Les éléments de preuve médicale suivants, qui figurent dans le dossier, confirment les limitations de l’appelant avant la fin de sa période de couverture.

[23] Le Dr Chaudhari est le médecin de famille de l’appelant. Il a fourni un rapport médical daté du 10 avril 2019. Il affirme que l’appelant a cessé de travailler en 2003 [sic] en raison de douleurs au cou, accompagnées d’une diminution de l’amplitude des mouvements et d’un syndrome du canal carpien à la main gaucheNote de bas page 10.

[24] L’appelant affirme avoir cessé de travailler en 2004. La mention de l’arrêt de travail en 2003 était une erreur dans le dossier d’appel.

[25] En mars 2006, l’appelant a consulté la Dre Prutis-Misterska dans un centre de médecine physique et de réadaptation pour sa spondylose cervicale et sa tendinite de la coiffe des rotateursNote de bas page 11.

[26] En juin 2001, la Dre Prutis-Misterska a écrit une lettre dans laquelle elle donnait des détails sur les symptômes de douleur de l’appelant, qui découlaient de sa blessure initiale survenue en décembre 2000. Elle a écrit que ses douleurs avaient commencé dans sa région occipitale et irradiaient jusqu’à son membre supérieur gauche. Ses douleurs empiraient lorsqu’il restait assis pendant une période prolongée et lorsqu’il faisait des mouvements d’extension et de rotation de la nuque. Ses douleurs à l’épaule gauche s’aggravaient lorsqu’il faisait des mouvements d’abduction de l’épaule et au-dessus de sa têteNote de bas page 12.

[27] L’appelant déclare que lorsqu’il a repris le travail en 2001 après son accident de décembre 2000, ses bras se bloquaient lorsqu’il les soulevait. Il avait besoin d’aide pour les redescendre, ce qui lui a fait peur. Cela signifiait aussi qu’il ne pouvait plus faire son travail régulier.

[28] Le 29 mai 2006, le Dr Chaudhari a diagnostiqué chez l’appelant les problèmes de santé suivants :

  • une entorse cervicale;
  • une tendinite au coude;
  • une entorse à l’épauleNote de bas page 13.

[29] La preuve médicale confirme que la douleur chronique de l’appelant et son incapacité à bouger le cou et les épaules l’empêchaient de faire son travail habituel et d’autres activités de la vie quotidienne, comme conduire ou dormir d’un sommeil réparateur.

[30] Je vais maintenant chercher à savoir si l’appelant a suivi les conseils médicaux.

L’appelant a suivi les conseils médicaux

[31] Pour avoir droit à une pension d’invalidité, une personne doit suivre les traitements recommandésNote de bas page 14. Si les conseils des médecins n’ont pas été suivis, une explication raisonnable doit être fournie. Je dois aussi examiner les effets potentiels de ces conseils sur l’invalidité de la personneNote de bas page 15.

[32] L’appelant a suivi les conseils médicauxNote de bas page 16.

[33] Le 15 mars 2006, la Dre Prutis-Misterska a prescrit les traitements suivants à l’appelant :

  • des tractions cervicales;
  • de l’électrothérapie à courants interférentiels;
  • des ultrasons et du laser;
  • des exercicesNote de bas page 17.

[34] Le 29 mai 2006, le Dr Chaudhari lui a prescrit de l’acupuncture pour ses tensions à l’épaule et à la colonne cervicale ainsi que pour sa tendiniteNote de bas page 18.

[35] L’appelant affirme avoir essayé un certain nombre de traitements depuis sa blessure pour améliorer son état de santé. En voici quelques-uns :

  • des médicaments;
  • de la physiothérapie;
  • de la thérapie par la méthode Bowen;
  • des traitements chiropratiques;
  • des massages thérapeutiques.

[36] Le Dr Chaudhari confirme cela dans son rapport médicalNote de bas page 19.

[37] À présent, je dois chercher à savoir si l’appelant est régulièrement capable d’occuper d’autres types d’emplois. Pour être graves, ses limitations fonctionnelles doivent l’empêcher de gagner sa vie, peu importe l’emploi, et pas seulement le rendre incapable d’occuper son emploi habituelNote de bas page 20.

L’appelant est incapable de travailler dans un contexte réaliste

[38] Mon analyse ne peut pas s’arrêter aux problèmes médicaux et à leur effet fonctionnel. Pour décider si l’appelant est capable de travailler, je dois aussi tenir compte des facteurs suivants :

  • son âge;
  • son niveau de scolarité;
  • ses aptitudes linguistiques;
  • son expérience de travail et de la vie.

[39] Ces facteurs m’aident à savoir si l’appelant est capable de travailler dans un contexte réaliste. Autrement dit, est-il réaliste de dire qu’il peut travaillerNote de bas page 21.

[40] Je conclus que l’appelant est incapable de travailler dans un contexte réaliste.

[41] L’appelant a 63 ans. Il n’a pas terminé ses études secondaires. Il a tenté de suivre un programme de recyclage professionnel en 2007, mais il a dû arrêter sur les conseils de son médecin, car ses problèmes de santé l’en empêchaientNote de bas page 22.

[42] Il a travaillé comme tôlier pendant toute sa carrière. Il n’a pas de compétences transférables.

[43] Je conclus que l’appelant était atteint d’une invalidité grave à partir d’avril 2004. C’est à ce moment-là qu’il a dû cesser de travailler en raison de ses problèmes de santé.

L’invalidité de l’appelant était-elle prolongée?

[44] L’appelant était atteint d’une invalidité prolongée.

[45] Les problèmes de santé de l’appelant ont commencé en avril 2004. Ces problèmes de santé sont toujours présents et risquent d’être là pour resterNote de bas page 23.

[46] L’appelant a cessé de travailler en 2003. Dix-neuf ans se sont écoulés depuis. Son état de santé n’a fait qu’empirer. Son pronostic est sombre : le Dr Chaudhari ne s’attend pas à ce qu’il puisse reprendre un quelconque travail dans le futurNote de bas page 24.

[47] Il a essayé autant de traitements qu’il pouvait se le permettre. L’appelant devait payer de sa poche ses thérapies et ses ordonnances. Ces traitements ont fini par devenir trop coûteux. Il affirme qu’ils n’ont donné que des résultats temporaires.

[48] L’épouse de l’appelant dit avoir remarqué que l’appelant n’est pas capable de socialiser. Le bruit et les lumières vives lui donnent des maux de tête qui se transforment en migraines. Il doit alors s’allonger. Elle et sa fille doivent participer aux rassemblements familiaux sans lui.

[49] Le ministre soutient que les maux de tête de l’appelant ont commencé après sa période de couverture, en 2007. L’appelant affirme qu’ils ont commencé en 2001. Il a commencé à avoir des migraines en 2002Note de bas page 25.

[50] Je conclus que l’invalidité de l’appelant était prolongée à compter d’avril 2004.

Début du versement de la pension

[51] L’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée depuis avril 2004.

[52] Par contre, selon le Régime de pensions du Canada, une personne ne peut pas être considérée comme invalide plus de 15 mois avant la date où le ministre a reçu sa demande de pensionNote de bas page 26. Il y a ensuite un délai d’attente de quatre mois avant le versement de la pensionNote de bas page 27.

[53] Étant donné que le ministre a reçu la demande de l’appelant en avril 2019, il est considéré comme invalide depuis janvier 2018.

[54] Sa pension est donc versée à partir de mai 2018.

Conclusion

[55] Je conclus que l’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée et qu’il est donc admissible à une pension d’invalidité du RPC.

[56] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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