Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : AZ c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 1170

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : A. Z.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante ou représentant : Ian McRobbie

Décision portée en appel : Décision de révision datée du 15 juillet 2021 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Virginia Saunders
Date de la décision : Le 17 octobre 2022
Numéro de dossier : GP-21-2104

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant, A. Z., ne peut pas commencer à recevoir ses versements de pension de retraite du Régime de pensions du Canada (RPC) avant février 2019. Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelant a eu 70 ans en juillet 2017. Il n’a pas demandé de pension de retraite du RPC parce qu’il travaillait encore à temps plein. Il avait l’intention de présenter une demande après sa retraite.

[4] Dans la plupart des cas, une pension du RPC ne peut pas être versée à une personne à moins qu’elle en fasse la demande et que celle-ci soit approuvéeNote de bas de page 1. En janvier 2020, une nouvelle loi est entrée en vigueur, laquelle a créé une exception à cette règle. La nouvelle loi permettait au ministre de l’Emploi et du Développement social de dispenser une personne de l’obligation de présenter une demande de pension de retraite du RPC si elle avait 70 ans ou plus, avait cotisé au RPC et recevait une pension du gouvernement ou avait produit une déclaration de revenus au cours de l’année précédenteNote de bas de page 2.

[5] En mars 2021, le ministre a informé l’appelant qu’il avait été [traduction] « inscrit de façon proactive » au RPC en raison de la modification apportée à la loi. L’appelant était réputé avoir demandé une pension de retraite en janvier 2020. Il commencerait à recevoir la pension avec un paiement rétroactif à février 2019. Le ministre a expliqué que c’était parce que la rétroactivité maximale permise était de 11 mois avant l’entrée en vigueur des nouvelles mesures législativesNote de bas de page 3.

[6] L’appelant s’est opposé au fait de recevoir seulement 11 mois de versements rétroactifs. Il souhaitait être remboursé jusqu’en août 2017 plutôt qu’en février 2019Note de bas de page 4. Le ministre a refusé de modifier sa décision après révision, de sorte que l’appelant a fait appel au Tribunal de la sécurité sociale.

[7] Dans son avis d’appel, l’appelant a dit qu’il n’était pas d’accord avec la décision de révision pour les raisons suivantes :

  • La décision constituait une application injuste des règles sans tenir dûment compte des faits et nécessitait un discernement adéquat.
  • Il n’a pas été avisé qu’il recevrait des prestations seulement à compter de février 2019.
  • Les règles sont rigides et draconiennes, et ont eu pour effet de priver un aîné vulnérable de l’intégralité des prestations auxquelles il avait droit au titre du Régime de pensions du Canada.
  • Le fait de lui verser la totalité du montant (qu’il a estimé à environ 30 000 $) n’était pas une dépense supplémentaire du RPC, parce que cela faisait partie de ses prestations normales et aurait dû lui être payéNote de bas de page 5.

La contestation fondée sur la Charte de l’appelant

[8] Après s’être entretenu avec un agent du greffe du Tribunal, l’appelant a décidé qu’il voulait faire valoir que la loi portait atteinte à ses droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés (Charte).

[9] Une contestation fondée sur la Charte soulève des questions concernant la validité constitutionnelle, l’applicabilité ou l’applicabilité du Régime de pensions du Canada. Pour présenter une demande fondée sur la Charte au Tribunal, l’appelant devait remplir plusieurs exigences. La première consistait à déposer un avis exposant les dispositions en cause, accompagné d’observations à l’appuiNote de bas de page 6.

[10] En mars 2022, l’appelant a déposé un avis qui satisfaisait à cette exigence. Il a dit que les articles 60(1.2), 60(1.3) et 67(3.2) du Régime de pensions du Canada étaient discriminatoires à son égard en raison de son âge, contrairement à l’article 15 de la Charte.

[11] L’appelant a dit que la discrimination était attribuable à la date réputée de la demande, soit le 1er janvier 2020, et à la règle de la rétroactivité de 11 mois. Comme il a eu 70 ans avant février 2019, on lui a refusé la pleine rétroactivité de sa pension à compter de l’âge de 70 ans. Cette situation contraste avec celle des personnes qui ont eu 70 ans entre février 2019 et janvier 2020. Elles recevraient des prestations complètes à partir de 70 ansNote de bas de page 7.

[12] L’appel est ensuite passé à la deuxième exigence d’un appel fondé sur la Charte devant le Tribunal. J’ai tenu une conférence préparatoire et expliqué ce que les parties devaient faire ensuite. Dans une lettre du 4 mai 2022, j’ai ordonné à l’appelant de déposer un dossier dans le lequel il :

  • cernait les dispositions qu’il contestait;
  • identifiait les droits qui, selon lui, ont été violés;
  • expliquait en quoi les dispositions violaient les droits protégés;
  • exposait les faits qui appuient sa cause;
  • joignait une copie de tous les éléments de preuve sur lesquels il s’appuyait;
  • incluait une copie de toutes les dispositions législatives et jurisprudentielles pertinentes sur laquelle il s’appuyaitNote de bas de page 8.

[13] L’appelant a déposé son dossier en août 2022. Le dossier répétait principalement ce qu’il avait déjà dit. Il a cerné deux groupes et a dit que les personnes âgées de l’un des groupes étaient pénalisées parce que la loi les privait de la totalité des prestations du RPCNote de bas de page 9.

[14] Cependant, l’appelant n’a pas expliqué en quoi la loi était discriminatoire. Une loi qui traite différemment des groupes de personnes est discriminatoire seulement si elle crée un désavantage en perpétuant des préjugés ou des stéréotypesNote de bas de page 10. L’appelant n’a fourni aucune preuve ou observation et n’a cité aucune jurisprudence à l’appui d’un argument selon lequel la loi était discriminatoire en créant un tel désavantage.

[15] J’ai décidé que le dossier de l’appelant n’était pas suffisant pour appuyer un appel fondé sur la Charte. Je lui ai donné une autre chance de fournir un dossier conforme à mes directivesNote de bas de page 11. Il a déposé un nouveau dossier le 1er octobre 2022Note de bas de page 12.

Ce que je dois décider

[16] Je dois décider si le dossier de l’appelant est conforme à mes directives du 4 mai 2022.

[17] Si le dossier n’est pas conforme, je dois décider s’il faut donner à l’appelant une autre chance de déposer un dossier adéquat. Si je décide de ne pas lui donner une autre chance, l’appel ira de l’avant sans tenir compte de la contestation fondée sur la Charte de l’appelant.

[18] Si l’appel est instruit sans tenir compte de la contestation fondée sur la Charte de l’appelant, je dois décider si la pension de l’appelant peut être payable avant février 2019.

Motifs de ma décision

[19] Le dossier de l’appelant ne respecte pas mes directives du 4 mai 2022. Je ne lui donnerai pas une autre chance de déposer un dossier adéquat. Par conséquent, il ne peut pas présenter de contestation fondée sur la Charte. Je traiterai de ses autres moyens d’appel plus loin dans la présente décision. Par conséquent, je rejette son appel.

Le dossier de l’appelant ne respecte pas mes directives

[20] Le dossier de l’appelant ne respecte pas mes directives parce qu’il n’explique pas en quoi la loi viole des droits protégés. Il ne contient pas non plus d’éléments de preuve, d’observations ou de jurisprudence à l’appui d’une explication.

[21] Comme pour la première tentative de l’appelant, le dossier modifié ne comprend pas d’explications sur la manière dont les dispositions du Régime de pensions du Canada sont discriminatoires à son égard. Il a cerné deux groupes distincts qui, selon lui, reçoivent des prestations inégales. Cependant, il n’a fourni aucune preuve de préjugés ou de stéréotypes dans la loi ou dans son application. Il n’a fourni aucun argument ni aucune jurisprudence sur cette question.

[22] Le dossier de l’appelant ne contient pas les explications, la preuve, les arguments ou la jurisprudence qui sont nécessaires pour que je rende une décision au sujet de sa contestation. Par conséquent, le dossier ne respecte pas mes directives du 4 mai 2022. 

L’appel ira de l’avant sans la contestation fondée sur la Charte de l’appelant

[23] Je ne donnerai pas à l’appelant une autre chance de déposer un dossier adéquat. Je lui ai déjà donné deux chances et plusieurs mois pour le faire. Il croit que les documents qu’il a déposés constituent une preuve évidente d’une violation de la CharteNote de bas de page 13. Lui donner une autre occasion ne l’amènera probablement pas à déposer un dossier adéquat.

[24] Par conséquent, l’appelant ne peut pas soulever une question constitutionnelle (présenter une contestation fondée sur la Charte) dans le présent appelNote de bas de page 14.

La pension de l’appelant ne peut pas être payable avant février 2019

[25] L’appelant a présenté d’autres arguments qui ne font pas partie de sa demande fondée sur la Charte. Aucun de ces arguments ne l’aide dans le présent appel. Je ne voyais pas en quoi la tenue d’une audience pour en discuter aiderait l’appelant.

[26] Comme j’ai décidé qu’aucune audience n’était requise, je rédige la présente décision en me fondant sur les documents et les observations déjà déposésNote de bas de page 15.

[27] Le fait que l’appelant n’ait pas été personnellement avisé de la dispense prévue par la loi ou de la modification de la loi n’a pas d’importance. La loi a été adoptée par le Parlement et a reçu la sanction royale. Elle ne prévoit pas que le ministre doit aviser une personne de cette dispense.

[28] L’appelant a fait valoir que les règles avaient été appliquées de façon inflexible et draconienne, sans tenir compte des faits. Le Tribunal n’a aucun pouvoir discrétionnaire. Je ne peux pas tenir compte de circonstances atténuantes ou examiner des cas particuliers pour voir si je dois appliquer la loi.

[29] Je ne peux pas non plus tenir compte de l’argument de l’appelant selon lequel s’il avait présenté sa demande plus tôt, il aurait reçu les sommes qu’il réclame maintenant. Le fait est qu’il n’a pas présenté sa demande plus tôt. Je peux seulement regarder si le ministre a suivi la loi en dispensant l’appelant de présenter sa demande à compter du 1er janvier 2020 et en rendant sa pension payable à compter de février 2019.

[30] Le ministre a respecté la loi. Le ministre était convaincu que l’appelant remplissait les conditions requises pour qu’il soit dispensé. Le 1er janvier 2020, soit à la date d’entrée en vigueur de la nouvelle loi, il a donc dispensé l’appelant de l’obligation de présenter une demande. Par conséquent, l’appelant était réputé avoir présenté sa demande ce jour-làNote de bas de page 16. Le ministre n’aurait pas pu dispenser l’appelant de cette obligation avant cette date, car la loi n’existait pas encore.

[31] Le ministre a également suivi la loi en rendant la pension payable à compter de février 2019. La nouvelle loi prévoit que les versements commencent le mois suivant la date de l’octroi de la dispense, et pour les 12 mois précédant le mois au cours duquel la personne a atteint l’âge de 70 ansNote de bas de page 17. Dans le cas de l’appelant, il s’agissait de février 2019.

Conclusion

[32] L’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.