Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : KH c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 1724

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Appelante : K. H.
Intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 10 mai 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Anne S. Clark
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 4 août 2022
Personne présente à l’audience :

Appelante

Date de la décision : Le 26 août 2022
Numéro de dossier : GP-21-1639

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante, K. H., n’est pas admissible à une pension de survivant du Régime de pensions du Canada (RPC). J’explique dans la présente décision pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelante a vécu en union de fait avec P. C. (cotisant) de 1984 au 1er septembre 2018. Le cotisant est décédé le 16 juillet 2020.

[4] L’appelante affirme qu’elle s’est séparée du cotisant, mais qu’elle a maintenu une relation avec lui. Elle a dit qu’elle considérait qu’ils étaient encore des conjoints de fait à son décès. Ce n’était pas son choix de se séparer de lui. Même s’ils devaient vivre séparément, elle affirme qu’ils étaient toujours conjoints de fait.

[5] Le ministre de l’Emploi et du Développement social (ministre) a rejeté la demande de l’appelanteNote de bas de page 1. Le ministre affirme que l’appelante et le cotisant n’étaient pas des conjoints de fait et qu’ils ne vivaient pas ensemble à son décès et pendant l’année précédant son décès. Selon le ministre, cela signifie qu’elle ne peut pas être sa survivante au titre du RPC. L’appelante a porté en appel la décision du ministre devant le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

Ce que l’appelante doit prouver

[6] Pour obtenir gain de cause, l’appelante doit prouver qu’elle est la survivante du cotisant au titre du RPC.

Motifs de ma décision

[7] L’appelante et le cotisant ne vivaient pas ensemble au moment de son décès et pendant un an précédant son décès. L’appelante n’est pas la survivante du cotisant au titre du RPC et n’a pas droit à une pension de survivant.

Ce que le RPC dit au sujet de la pension de survivant

[8] Une pension de survivant du RPC est payable au survivant d’un cotisant décédé qui a versé des cotisations de base au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilitéNote de bas de page 2. Il n’y a aucun problème concernant les cotisations de base du cotisant.

[9] Le « survivant » est la personne qui était légalement mariée au cotisant au moment de son décès. Toutefois, si le cotisant vivait en union de fait au moment de son décès, le « survivant » est le conjoint de fait du cotisantNote de bas de page 3.

[10] Le terme « conjoint de fait » désigne la personne qui, au moment du décès du cotisant, vivait avec lui dans une relation conjugale depuis au moins un anNote de bas de page 4. Autrement dit, ils vivaient une relation semblable à un mariage pendant toute l’année précédant le décès du cotisantNote de bas de page 5.

[11] Les facteurs suivants sont pertinents pour déterminer si deux personnes cohabitaient dans une relation conjugaleNote de bas de page 6 :

  • le partage d’un toit, notamment le fait que les parties vivaient sous le même toit ou partageaient le même lit ou le fait que quelqu’un d’autre habitait chez elles;
  • les rapports sexuels et personnels, notamment le fait que les parties avaient des relations sexuelles, étaient fidèles l’une à l’autre, communiquaient bien entre elles sur le plan personnel, prenaient leurs repas ensemble, s’entraidaient face aux problèmes ou à la maladie ou s’offraient des cadeaux;
  • les services, notamment le rôle des parties dans la préparation des repas, le lavage, les courses, l’entretien du foyer et d’autres services ménagers;
  • les activités sociales, notamment le fait que les parties participaient ensemble ou séparément aux activités du quartier ou de la collectivité et leurs rapports avec les membres de la famille de l’autre;
  • l’image sociétale, notamment l’attitude et le comportement de la collectivité envers chacune des parties, considérées en tant que couple;
  • le soutien, notamment les dispositions financières prises par les parties pour ce qui était de fournir les choses nécessaires à la vie et la propriété de biens;
  • l’attitude et le comportement des parties à l’égard des enfants.

L’appelante et le cotisant n’étaient pas des conjoints de fait en juillet 2020 lorsque le cotisant est décédé

[12] La preuve ne montre pas que l’appelante et le cotisant vivaient dans une relation semblable au mariage au moment du décès du cotisant. À partir de septembre 2018, ils ne vivaient plus sous le même toit. Ils n’avaient aucune relation intime et personnelle. Ils ne se soutenaient pas l’un l’autre financièrement ou ne s’entraidaient pas au plan de l’entretien du foyer. Ils possédaient des biens conjointement et divisaient ces dépenses. Sinon, chacun s’occupait de ses propres dépenses. Ils ne socialisaient pas en couple. Ils n’avaient pas la garde commune de leurs enfants ou d’autres membres de leur famille.

Le témoignage de l’appelante

[13] En septembre 2018, l’appelante a quitté la maison qu’elle partageait avec le cotisant. Elle a affirmé qu’elle avait déménagé parce qu’elle avait changé d’emploi et qu’elle aurait eu de longs déplacements à faire si elle avait continué de vivre avec le cotisant.

[14] En août 2020, l’appelante a écrit qu’elle s’était séparée du cotisant en raison de [traduction] « divergences irréconciliablesNote de bas de page 7 ». En juin 2021, elle a déposé une déclaration solennelle révisée et a déclaré que leur séparation était involontaireNote de bas de page 8.

[15] Le témoignage de vive voix de l’appelante était incomplet et parfois incohérent. Elle a dû revenir sur certaines de ses déclarations antérieures et les a révisées. Certaines déclarations ne posaient pas de problème; elles pouvaient être prises comme un souvenir [traduction] « flou » d’une période difficile de sa vie. Mais certaines parties de son témoignage étaient très importantes pour la question soulevée dans l’appel. Je lui ai donné l’occasion d’examiner ses commentaires antérieurs et de fournir des explications supplémentaires là où elle le pouvait.

[16] Je ne crois pas que l’appelante ait eu l’intention de mentir ou de faire de fausses déclarations. Je crois qu’elle avait l’intention de ne parler que des choses qui, selon elle, appuieraient sa position. Plus précisément, il était clair qu’elle voulait insister sur les renseignements qui, selon elle, montreraient qu’elle entretenait une union de fait avec le cotisant même s’ils ne vivaient pas ensemble.

[17] Certaines choses que l’appelante a dites dans son témoignage ont changé lorsque je lui ai demandé si elle pouvait fournir plus de détails. Voici des exemples de ce que l’appelante a dit.

  • Je lui ai demandé pourquoi elle disait qu’ils s’étaient séparés en raison de divergences irréconciliables. Elle a répondu qu’elle ignorait que cela changerait les choses. Son avocat spécialisé en droit successoral lui a dit que cela n’aurait pas d’importance. Elle ne pouvait pas expliquer pourquoi elle avait décrit la séparation de cette façon si elle croyait que l’union de fait allait se poursuivre.
  • Elle a déclaré qu’elle avait entretenu une relation intime avec le cotisant après avoir déménagé. Elle a dit qu’elle passait toutes les deux fins de semaine avec le cotisant. Je lui ai demandé combien de fois ils étaient restés ensemble et à quel endroit. Je lui ai aussi demandé de décrire leur relation lorsqu’elle était là. Elle a précisé qu’ils n’avaient probablement pas eu de relation intime après septembre 2018. Elle a dit qu’ils ne socialisaient pas du tout et qu’elle n’y allait pas vraiment toutes les deux fins de semaine.
  • Le cotisant a continué de vivre dans la maison dont ils étaient tous deux propriétaires. L’appelante a d’abord dit qu’elle restait avec lui toutes les deux fins de semaine. Plus tard, elle a dit qu’elle était allée chez lui pendant au moins une partie de la journée toutes les deux fins de semaine environ. Enfin, elle a dit qu’elle l’avait vu quelques fois par mois jusqu’en novembre ou décembre 2019. Elle lui a ensuite rendu visite une fois en janvier 2020 et une fois en mars 2020 avec son fils. Elle ne lui a rendu visite à aucun autre moment après novembre ou décembre 2019.
  • Elle a dit qu’elle avait amené le cotisant à des rendez-vous médicaux et qu’elle allait chercher ses médicaments pour lui. Elle a montré des notes de calendrier pour les mois d’août et de juillet 2018 pour prouver qu’elle s’était rendue à ses rendez-vous avec luiNote de bas de page 9. Plus tard, elle a dit qu’elle ne l’avait amené à aucun rendez-vous après avoir déménagé. Elle a aussi confirmé qu’elle ne lui avait pas livré ses ordonnances. Elle a pris des dispositions pour qu’un ami livre une ordonnance. D’après sa description, il semble que cela ne se soit produit qu’une seule fois après septembre 2018.

[18] L’appelante a déclaré qu’elle continuait d’entretenir une relation étroite avec le cotisant. La première année après qu’ils eurent cessé de vivre ensemble, ils sont restés proches. Il lui préparait le souper lorsqu’elle lui rendait visite et elle gardait des effets personnels dans la maison. Ils échangeaient des cadeaux de Noël et elle est l’exécutrice de sa succession. Après environ un an, les choses sont devenues plus difficiles. Le cotisant disait des choses terribles à l’appelante et elle a commencé à s’inquiéter de passer du temps seule avec lui. Elle a cessé de le visiter aussi souvent et a préféré y aller quand son fils ou sa fille pouvait être présent.

[19] L’appelante a déclaré qu’ils n’avaient pas d’amis dans la communauté. Ils ne socialisaient pas et elle ne pensait pas que quiconque dans la communauté savait qu’ils formaient un couple.

[20] L’appelante et le cotisant ont deux enfants adultes qui vivent seuls. L’appelante et le cotisant ne sont pas responsables de la façon dont ils vivent ou de leurs dépenses.

[21] En ce qui concerne les finances, l’appelante a déclaré qu’ils s’occupaient chacun de leurs propres dépenses. L’appelante a également payé sa part de certaines dépenses pour la propriété dont ils étaient copropriétaires.

[22] L’appelante a déclaré qu’elle était restée très proche du cotisant jusqu’en novembre ou décembre 2019. Elle a dit qu’ils avaient parlé du déménagement du cotisant dans son appartement à elle, mais qu’ils n’avaient fait aucun plan. Ils n’en ont pas rediscuté après qu’elle a cessé de lui rendre visite à la fin de 2019.

La preuve du cotisant

[23] ll y a très peu d’éléments de preuve du cotisant, mais il a fourni des renseignements personnels lorsqu’il a présenté sa demande de pension d’invalidité du RPC. L’appelante conteste l’exactitude de la preuve au dossier.

[24] Le cotisant a demandé une pension d’invalidité du RPC en novembre 2018Note de bas de page 10. Il a indiqué que son état matrimonial était [traduction] « célibataire ». Il a confirmé avoir vécu en union de fait de 1984 à septembre 2018. L’appelante s’est opposée à ce document. Elle a mis en doute le fait que l’écriture était celle du cotisant. Elle a déposé une note manuscrite que le cotisant avait rédigéeNote de bas de page 11. Elle a dit qu’elle savait que le cotisant présentait une demande de prestations d’invalidité, mais elle a contesté la déclaration selon laquelle il était célibataire.

[25] L’appelante a dit qu’elle voulait montrer que le cotisant n’avait peut-être pas rempli la demande de prestations d’invalidité du RPC. Par conséquent, il ne s’est peut-être pas désigné comme étant célibataire. Elle a fait valoir que cela pouvait signifier qu’il ne se considérait pas comme célibataire. Malheureusement, je ne suis pas d’accord avec l’appelante. La note produite par l’appelante n’est pas signée. Elle affirme qu’il s’agit de l’écriture du cotisant. La demande de prestations d’invalidité du RPC est imprimée. L’appelante laisse entendre qu’ils pourraient avoir été remplis par différentes personnes. Aucune preuve n’appuie ce que l’appelante avance. Même si le cotisant a demandé à quelqu’un d’autre de remplir le formulaire, aucune preuve ne contredit les déclarations faites sur le formulaire.

La preuve n’appuie pas la position de l’appelante

[26] Je conclus que l’appelante n’est pas la survivante du cotisant au sens du RPC. Je comprends qu’elle voulait être considérée comme sa conjointe de fait au moment de son décès et pendant les 12 derniers mois de sa vie.

[27] J’estime que la preuve au sujet de la relation de l’appelante et du cotisant ne montre pas qu’ils étaient conjoints de fait au moment de son décès et pendant l’année précédant son décès. Le témoignage de l’appelante ne concorde pas avec d’autres renseignements au dossier, y compris ses propres déclarations.

[28] Aucune preuve ne démontre qu’ils estimaient que la séparation était temporaire ou involontaire. L’appelante a clairement indiqué qu’elle avait choisi de ne pas lui rendre visite après la fin de 2019. De plus, il ressortait clairement de son témoignage qu’elle n’était pas à l’aise de se trouver seule avec lui après novembre ou décembre 2019 – sept ou huit mois avant son décès.

[29] Je peux comprendre que l’appelante voulait maintenir une relation avec le cotisant lorsqu’ils se sont séparés pour la première fois. Malheureusement, la preuve ne permet pas de conclure qu’ils ont effectivement maintenu une relation semblable à un mariage. Ils ne vivaient pas ensemble. Ils étaient copropriétaires de biens, mais elle a dit qu’ils n’avaient pas l’intention de reprendre leur relation. Elle a dit qu'il était devenu différent après qu’elle a déménagé. Il l'a mal traitée. Elle lui rendait visite une ou deux fois par mois. Leur relation est devenue encore plus tendue à la fin de 2019. Sa description de leurs rapports à la fin de 2019 concordait davantage avec l’idée qu’ils se sont séparés en raison de divergences irréconciliables comme elle l’a d’abord indiqué dans sa déclaration.

[30] L’appelante et le cotisant ne vivaient pas ensemble en juillet 2020 lorsqu’il est décédé. Ils ne s’étaient pas vus en personne depuis mars 2020. Auparavant, leur relation était très difficile et l’appelante n’était pas à l’aise d’être seule avec lui. Je conclus qu’ils n’étaient pas des conjoints de fait en septembre 2018, lorsque l’appelante a déménagé. L’appelante n’était pas la conjointe survivante du cotisant.

Conclusion

[31] L’appelante n’est pas admissible à une pension de survivant du RPC.

[32] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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