Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : PF c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 734

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : P. F.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décisions de révision rendues le 24 février 2022 et le 25 janvier 2023 par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquées par Service Canada)

Membre du Tribunal : Shannon Russell
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 23 février 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 22 mars 2023
Numéro de dossier : GP-22-574

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant, P. F., n’est pas admissible à la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. La présente décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelant, un homme de 62 ans, travaillait comme ouvrier spécialisé de niveau 3 pour un gouvernement provincial. Il a cessé de travailler en octobre 2021, car il avait d’importants problèmes de santé depuis plusieurs années.

[4] En juin 2015, l’appelant a reçu un diagnostic d’insuffisance rénale et a commencé les séances de dialyse à raison de trois jours par semaine. Six mois plus tard, on lui a diagnostiqué un cancer de la prostate. Il a suivi un traitement pour ce problème de santé. Il a pris environ un an de congé, puis il a repris le travail.

[5] En octobre 2021, l’appelant a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Dans son formulaire de demande, il a écrit qu’il était incapable de travailler en raison d’une insuffisance rénale chronique nécessitant de la dialyse depuis 2015, d’un cancer de la prostate et d’un souffle cardiaque pour lequel il attendait de subir une chirurgie à cœur ouvertNote de bas de page 1.

[6] Le ministre a rejeté sa demande. Il a expliqué qu’il ne pouvait pas l’approuver parce que l’invalidité [traduction] « ne s’est pas produite » avant que l’appelant commence à recevoir sa pension de retraite. Le ministre a ensuite vérifié si l’appelant remplissait les conditions requises pour recevoir la prestation d’invalidité après-retraite. Il a décidé que oui et a donc autorisé le versement de la prestation à compter de février 2022Note de bas de page 2.

[7] L’appelant a demandé au ministre de réviser sa décision. Il disait que son invalidité avait commencé avant qu’il commence à recevoir sa pension de retraite. Il a aussi fait remarquer qu’il avait demandé la pension d’invalidité dans les délais, car il a présenté sa demande dans les 15 mois suivant le versement de sa pension de retraiteNote de bas de page 3.

[8] Le ministre a rendu une décision de révision en février 2022Note de bas de page 4. La décision est quelque peu déroutante. J’en dirai donc plus à ce sujet plus tard. 

[9] L’appelant a porté la décision de révision du ministre en appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[10] L’appelant affirme être invalide depuis juin 2015, quand il a reçu un diagnostic d’insuffisance rénale. Il a travaillé jusqu’en octobre 2021 parce que son employeur était très compréhensif et lui permettait de travailler dans les limites de ses capacités. Son travail l’aidait à penser à autre chose qu’à ses diagnostics.

[11] Selon le ministre, l’appelant n’est pas admissible à la pension d’invalidité parce que son invalidité n’était pas grave et prolongée avant le 1er novembre 2020, date où sa pension de retraite a commencé. Jusqu’en octobre 2021, l’appelant a continué à travailler pour un salaire beaucoup plus élevé que celui d’un emploi bien rémunéré. L’appelant est admissible à la prestation d’invalidité après-retraite. La date du début de son invalidité est octobre 2021, quand il a cessé de travailler. Les versements commencent quatre mois plus tard, c’est‑à-dire en février 2022.

Ce que l’appelant doit prouver

[12] Les dispositions du Régime de pensions du Canada ne permettent pas de recevoir en même temps la pension de retraite et la pension d’invalidité du Régime de pensions du CanadaNote de bas de page 5. Il est possible d’annuler sa pension de retraite pour la remplacer par une pension d’invalidité, mais seulement si l’on devient invalide avant la date où l’on commence à toucher la pension de retraiteNote de bas de page 6.

[13] L’appelant a commencé à recevoir la pension de retraite du Régime en novembre 2020Note de bas de page 7. Il doit donc démontrer que son invalidité était grave et prolongée avant le 1er novembre 2020.

[14] Les dispositions du Régime de pensions du Canada définissent les termes « grave » et « prolongée ».

[15] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 8.

[16] Ainsi, je dois examiner tous les problèmes de santé de l’appelant pour évaluer leur effet global sur sa capacité de travail. Je dois aussi regarder son passé (y compris son âge, son niveau d’instruction, ses antécédents de travail et son expérience de vie). Ces éléments dresseront un portrait réaliste de sa situation et me permettront de voir si son invalidité est grave. Si l’appelant est régulièrement capable d’effectuer un quelconque travail qui lui permet de gagner sa vie, il n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[17] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décèsNote de bas de page 9.

[18] Autrement dit, il ne faut pas s’attendre à ce que l’appelant se rétablisse à une certaine date. Il faut plutôt s’attendre à ce que l’invalidité tienne l’appelant à l’écart du marché du travail pendant très longtemps.

[19] L’appelant doit prouver ses prétentions. Il doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’il était invalide avant le 1er novembre 2020.

Questions de procédure

La décision de révision rendue en février 2022 portait uniquement sur la prestation d’invalidité après-retraite

[20] L’audience devait avoir lieu le 29 novembre 2022. Ce jour‑là, l’appelant a confirmé qu’en réalité, il contestait son admissibilité à la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, et non la date du début de la prestation d’invalidité après-retraite.

[21] J’ai expliqué que je me demandais si j’avais la compétence nécessaire pour décider de l’admissibilité de l’appelant à la pension d’invalidité. J’ai expliqué que ce qui m’inquiétait était le fait que la décision de révision rendue par le ministre le 24 février 2022 porte uniquement sur la prestation d’invalidité après-retraite.

[22] Après avoir discuté de cette question avec l’appelant, j’ai décidé d’ajourner l’audience pour d’abord régler la question de la compétence. Entre-temps, l’appelant a dit qu’il allait obtenir des éléments de preuve supplémentaires pour appuyer sa cause. Il voulait entre autres obtenir certains renseignements auprès de son ancien employeur.

[23] Le 30 novembre 2022, j’ai écrit au ministre pour lui expliquer mes préoccupations au sujet de la décision de révisionNote de bas de page 10. Après quelques échanges, le ministre a décidé de rendre une autre décision de révision. Celle‑ci date du 25 janvier 2023 et explique que le ministre ne pouvait pas approuver la pension d’invalidité parce que l’invalidité de l’appelant [traduction] « ne s’est pas produite » avant le début de la pension de retraiteNote de bas de page 11.

[24] Après avoir reçu la décision rendue en janvier 2023, l’appelant a écrit au Tribunal pour confirmer son intention de la contester devant le TribunalNote de bas de page 12.

[25] Tout cela a réglé la question de savoir si j’avais la compétence nécessaire pour décider si l’appelant est admissible à la pension d’invalidité. En conséquence, une nouvelle date d’audience a été fixée. Elle a eu lieu le 23 février 2023. Ce jour‑là, j’ai écouté le témoignage de l’appelant et ses arguments sur la pension d’invalidité et la prestation d’invalidité après-retraite. 

J’ai accepté les documents déposés en retard et après l’audience

[26] Le 23 janvier 2023, le ministre a déposé une copie du questionnaire de l’employeur, qu’il avait reçu dernièrementNote de bas de page 13. Puis, après l’audience de février 2023, l’appelant a déposé le relevé de congé provenant de son ancien employeurNote de bas de page 14.

[27] J’ai admis tous ces documents au dossier, car, étant donné la question que je dois trancher, ils étaient visiblement pertinents. J’ai donné aux deux parties l’occasion d’examiner les documents déposés tardivement et de formuler des commentaires à leur sujet.

Motifs de ma décision

[28] L’appelant n’a pas démontré qu’il remplit les conditions d’admissibilité à la pension d’invalidité. Voici pourquoi.

L’invalidité n’était pas grave avant le 1er novembre 2020

[29] Il ne fait aucun doute que l’appelant a de graves problèmes de santé et qu’il les a depuis un certain temps. Malgré cela, je ne suis pas en mesure de conclure qu’il avait une invalidité grave avant le 1er novembre 2020. 

Je regarde d’abord les limitations fonctionnelles, et non les diagnostics

[30] L’appelant a reçu plusieurs diagnostics, y compris celui d’insuffisance rénale terminale. Je ne peux cependant pas m’arrêter à ses diagnosticsNote de bas de page 15. En fait, je dois surtout vérifier s’il avait des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient de gagner sa vieNote de bas de page 16. Dans cette optique, je dois examiner tous ses problèmes de santé (pas seulement le plus important) et je dois évaluer leurs effets sur sa capacité à travaillerNote de bas de page 17.

J’admets que l’appelant a des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travail avant le 1er novembre 2020

[31] De toute évidence, l’appelant avait des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travail avant le 1er novembre 2020. J’accepte, par exemple, la preuve fournie par son néphrologue (le Dr Martin) selon laquelle l’appelant reçoit des traitements de dialyse trois fois par semaine depuis juin 2015 et chaque traitement dure quatre heures. Ses traitements entraînent une fatigue importante, de l’essoufflement à l’effort et des difficultés de concentrationNote de bas de page 18.

[32] Le Dr Martin a aussi écrit que l’appelant présente un rétrécissement aortique grave qui cause de l’essoufflement à l’effort et de la fatigue. Cependant, il a précisé que ces symptômes sont apparus en avril 2021Note de bas de page 19.

[33] Comme les symptômes liés au rétrécissement aortique ont commencé après novembre 2020 (début de la pension de retraite de l’appelant), ils ne sont pas pertinents dans le présent appel.

[34] Même si j’admets que l’appelant a des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travailler, je ne peux pas conclure qu’elles l’ont empêché de travailler. Autrement dit, je ne peux pas conclure que son invalidité était grave avant le 1er novembre 2020. Voici pourquoi.

L’appelant a continué à travailler jusqu’en octobre 2021

[35] Malgré son invalidité, l’appelant a continué à travailler à temps plein comme ouvrier spécialisé de niveau 3 jusqu’en octobre 2021Note de bas de page 20.

[36] Comme ouvrier spécialisé de niveau 3, il était responsable de superviser et d’exécuter des travaux spécialisés réservés aux corps de métier en mécanique du bâtiment, en électricité et en plomberieNote de bas de page 21.

Pourquoi le travail de l’appelant est important

[37] Le travail de l’appelant est important parce que la définition d’une invalidité grave est directement liée à la capacité de travail d’une personne. En effet, la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada est conçue de façon à offrir une assurance sociale aux personnes qui subissent une perte de revenus en raison d’une invaliditéNote de bas de page 22.

[38] Cela dit, le fait que l’appelant a travaillé jusqu’en octobre 2021 ne veut pas dire à lui seul que son invalidité n’était pas grave avant le 1er novembre 2020. Je dois décider si le travail qu’il faisait indiquait qu’il était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

Le travail de l’appelant révélait qu’il était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice

[39] Le travail que l’appelant a exercé jusqu’en octobre 2021 témoigne de sa capacité régulière à détenir une occupation véritablement rémunératrice. Voici pourquoi.

i. L’emploi de l’appelant était véritablement rémunérateur

[40] Une occupation véritablement rémunératrice est une occupation qui procure un traitement ou un salaire égal ou supérieur à la somme annuelle maximale qu’une personne pourrait recevoir à titre de pension d’invaliditéNote de bas de page 23.

[41] En 2021, les gains de l’appelant étaient beaucoup plus élevés que la somme définissant une occupation véritablement rémunératrice.

[42] En 2021, la somme maximale qu’on pouvait recevoir en pension d’invalidité du Régime s’élevait à 16 963,92 $. Lorsque l’appelant a cessé de travailler, il gagnait 34,63 $ l’heure, soit 1 454,46 $ par semaineNote de bas de page 24. Son revenu annuel dépassait donc largement celui d’une occupation véritablement rémunératrice.

ii.  L’assiduité au travail n’était pas incompatible avec la capacité régulière de détenir une occupation véritablement rémunératrice

[43] J’ai vérifié si l’appelant était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Il ne l’était pas.

[44] Premièrement, il a travaillé pendant longtemps (près d’un an) après le début de sa pension de retraite. Il ne s’agit pas, par exemple, de tentatives irrégulières ou intermittentes de travailler.

[45] Deuxièmement, il travaillait à temps plein (42 heures par semaineNote de bas de page 25).

[46] Troisièmement, il s’est absenté du travail un certain nombre de fois, mais son assiduité était quand même assez bonne.

[47] Le tableau ci‑dessous montre les absences de l’appelant pour les six mois qui précèdent et suivent le 1er janvier 2021Note de bas de page 26. De juillet 2020 à juin 2021Note de bas de page 27, soit une période d’un an, il s’est absenté de 0 à 7 jours par mois. L’exception est le mois de juin 2021, qui compte 9 jours d’absence. Cependant, il se pourrait bien qu’ils coïncident avec les symptômes cardiaques qu’il a commencé à ressentir au printemps 2021. Malgré cela, ses absences étaient comparativement moins nombreuses en juillet 2021 (1 jour), en août 2021 (3 jours) et en septembre 2021 (4 jours). 

[48] Selon le dossier d’emploi de l’appelant, ses absences n’ont pas toutes été classées comme des congés de maladie. Certaines étaient des congés annuels et d’autres des congés pour obligations familiales. Dans le tableau ci‑dessous, j’ai tout de même décidé d’inclure tous les congés de l’appelant dans le total des absences. J’ai pris cette décision parce qu’il m’a dit qu’il utilisait d’autres types de congés, comme ses jours de vacances, lorsqu’il était incapable de travailler à cause de son invalidité.

Mois / Année Nombre de jours d’absence
Juillet 2020 2
Août 2020 7
Septembre 2020 3
Octobre 2020 2
Novembre 2020 5
Décembre 2020 0
Janvier 2021 4
Février 2021 3
Mars 2021 0
Avril 2021 4
Mai 2021 3
Juin 2021 9

iii. L’appelant n’avait pas un employeur bienveillant

[49] Si une personne travaille pour un employeur bienveillant, cela pourrait vouloir dire qu’elle n’était pas réellement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, malgré ce que son revenu peut indiquer.

[50] L’appelant n’a pas parlé d’un employeur bienveillant. J’ai quand même envisagé cette possibilité. La preuve ne montre pas que l’employeur de l’appelant était bienveillant.

[51] Un employeur bienveillant est une personne qui modifiera les conditions de travail et réduira ses attentes envers une employée ou un employé qui a des limitations. L’employeur bienveillant s’attend à ce qu’une personne invalide en fasse beaucoup moins que ses collègues. L’employeur bienveillant accepte qu’elle ne puisse pas travailler à un niveau concurrentielNote de bas de page 28.

[52] Cette description ne correspond pas à l’emploi de l’appelant. Il ne faisait peut-être plus son travail comme par le passé. Il m’a dit, par exemple, qu’après être tombé malade, il y avait toujours quelqu’un avec lui lorsqu’il faisait certaines tâches comme démonter une pompe. Mais cela ne veut pas dire que son employeur était bienveillant.

[53] L’appelant m’a aussi dit qu’il faisait de courtes siestes (10 minutes) pendant ses pauses au travail. Il avait aussi l’autorisation de partir plus tôt lorsqu’il avait un rendez-vous médical. Par exemple, ses séances de dialyse commençaient habituellement à 15 h 30 les lundis, mercredis et vendredis. Il était donc autorisé à quitter le travail à 15 h ces jours‑là. Cela ne veut pas dire que son employeur était bienveillant. Il s’agissait plutôt de mesures d’adaptation au travail. On peut s’attendre à ce type de mesures dans un marché du travail concurrentiel.

[54] La preuve m’indique que l’appelant faisait un travail de qualité qui correspondait à sa rémunération. Je mentionne cela parce que :

  • dans sa demande de pension d’invalidité, l’appelant a déclaré que son problème de santé ne le forçait pas à faire des tâches plus légères ou à effectuer un autre type de travailNote de bas de page 29;
  • à titre de superviseur, l’appelant supervisait le travail de quatre autres personnes;
  • son employeur a déclaré que, lorsque l’appelant était en mesure de travailler, son rendement était excellentNote de bas de page 30. 

L’invalidité de l’appelant s’est aggravée après novembre 2020

[55] Comme je l’ai déjà mentionné, il ne fait aucun doute que l’appelant avait des problèmes de santé importants avant novembre 2020. Le fait qu’il a continué à travailler est tout à son honneur.

[56] Les rapports médicaux montrent que son invalidité s’est aggravée après novembre 2020. Par exemple, en novembre 2021, le Dr Martin a écrit que le rétrécissement aortique grave était devenu symptomatique en avril 2021 et qu’en conséquence, l’appelant avait de la difficulté à terminer ses journées de travailNote de bas de page 31.

[57] Le Dr Martin a ajouté qu’il recommandait à l’appelant de cesser de travailler. Mais sa recommandation date de septembre 2021Note de bas de page 32, soit près d’un an après que l’appelant a commencé à toucher sa pension de retraite.

On n’accorde pas la pension d’invalidité automatiquement pour certains problèmes de santé

[58] L’appelant soutient qu’il devrait obtenir la pension d’invalidité parce que son problème de santé figure sur la liste des maladies qui entraînent l’approbation automatique de la pension d’invalidité.

[59] Si je comprends bien, l’appelant fait référence à l’annexe A du rapport médical pour le Régime de pensions du Canada, qui présente une liste de problèmes de santé graves. 

[60] Je reconnais que la maladie rénale chronique figure sur la liste des états pathologiques de l’annexe A. Mais cela ne veut pas dire que l’appelant est automatiquement admissible à la pension d’invalidité.

[61] Premièrement, l’annexe A précise que les problèmes de santé figurant dans la liste « entraînent des limitations fonctionnelles marquées et graves qui sont fortement susceptibles de respecter les critères d’admissibilité du Programme de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada ». L’annexe ne dit pas que la pension est garantie. Il serait impossible de garantir le versement de la pension d’invalidité uniquement sur la base d’un diagnostic. Par exemple, une personne peut être atteinte d’une maladie grave sans toutefois être admissible à la pension d’invalidité parce qu’elle n’a pas cotisé au Régime pendant un nombre d’années suffisant.

[62] Deuxièmement, l’annexe A ne fait pas partie de la législation relative au Régime de pensions du Canada. Il s’agit d’un document de politique ou d’orientation élaboré par Emploi et Développement social Canada. Ce type de documents ne m’oblige à rien. Mais je suis obligée de suivre la loi.

L’appelant pourrait travailler dans un contexte réaliste

[63] Pour décider si une invalidité est grave, je ne peux pas m’arrêter aux problèmes de santé de l’appelant et à leur incidence sur ses capacités. Je dois aussi tenir compte de caractéristiques comme son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vie. Ces éléments m’aident à décider si l’appelant est capable de travailler dans un contexte réaliste, c’est-à‑dire s’il est réaliste de dire qu’il peut travaillerNote de bas de page 33. 

[64] L’appelant était manifestement apte au travail parce qu’il a continué à travailler pendant près d’un an après novembre 2020. Je remarque aussi qu’il est bien instruit : il a obtenu un certificat en génie électrique en octobre 1984Note de bas de page 34. Il maîtrise au moins l’une des deux langues officielles du Canada. De plus, il a de nombreuses années d’expérience de travail, y compris comme superviseur, au sein d’un gouvernement provincial.

En quoi consiste la règle des 15 mois

[65] Dans une de ses lettres, l’appelant a écrit qu’il aimerait savoir en quoi consiste la règle des 15 mois. Je l’ai expliquée à l’audience, mais je vais répéter l’explication ici.

[66] La règle des 15 mois s’applique aux personnes qui reçoivent une pension de retraite du Régime de pensions du Canada. Essentiellement, elles doivent demander la pension d’invalidité dans les 15 mois suivant le premier versement de la pension de retraite. Sinon, elles n’ont pas droit à la pension d’invaliditéNote de bas de page 35.

[67] Comme je l’ai mentionné plus haut, pour annuler sa pension de retraite et la remplacer par la pension d’invalidité, il faut qu’une personne soit réputée être devenue invalide avant le début du versement de la pension de retraiteNote de bas de page 36. La loi prévoit aussi que la personne peut être réputée invalide au plus tôt 15 mois avant la présentation de la demandeNote de bas de page 37. Ainsi, par exemple, si l’appelant avait retardé sa demande de pension d’invalidité et l’avait présentée en mars 2022 (au lieu d’en octobre 2021), alors il ne pourrait pas faire annuler sa pension de retraite pour la remplacer par la pension d’invalidité. Dans de telles circonstances, il pourrait être réputé invalide au plus tôt en décembre 2020 (15 mois avant mars 2022). Il serait donc impossible qu’il soit réputé être devenu invalide avant novembre 2020, quand il a commencé à recevoir sa pension de retraite.

[68] Lorsqu’une personne demande une pension d’invalidité dans les 15 mois suivant le premier versement de sa pension de retraite (comme l’appelant l’a fait), sa demande peut alors être examinée pour voir s’il est admissible. Il faut quand même démontrer que l’invalidité a commencé avant que la pension de retraite soit payable. 

La prestation d’invalidité après-retraite

[69] La prestation d’invalidité après-retraite est relativement nouvelle. Elle est entrée en vigueur seulement en janvier 2019. Elle est versée à une personneNote de bas de page 38 :

  • qui reçoit une pension de retraite du Régime de pensions du Canada;
  • qui est invalide;
  • qui a moins de 65 ans;
  • qui a versé assez de cotisations au Régime pour être admissible à la prestation.

[70] Comme je l’ai déjà mentionné, le ministre a accordé la prestation d’invalidité après-retraite à l’appelant. Les versements ont commencé en février 2022, soit quatre mois après le début de l’invalidité, que le ministre a établi en octobre 2021.

[71] En décembre 2022, l’appelant a écrit au Tribunal pour dire qu’il voulait contester le délai d’attente de quatre mois avant le début des paiements. Il a souligné que son problème de santé figure sur la liste des problèmes de santé graves et qu’il ne devrait donc pas avoir à attendre quatre mois avant de recevoir des versementsNote de bas de page 39. 

[72] Le délai d’attente de quatre mois est prévu par les dispositions du Régime de pensions du CanadaNote de bas de page 40. Il s’applique à toutes les personnes qui obtiennent la prestation d’invalidité après-retraite, peu importe le problème de santé ou la maladie à la base de la demande. Je ne peux pas ignorer la loi, ni la modifier.

Conclusion

[73] L’appelant n’est pas admissible à la pension d’invalidité parce que son invalidité ne l’a pas empêché de travailler avant novembre 2020.

[74] En ce qui concerne la date du versement de la prestation d’invalidité après-retraite, le calcul du ministre est correct. La date de paiement est février 2022, soit quatre mois après octobre 2021.

[75] L’appel est rejeté.

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