Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : GH c Ministre de l’Emploi et du Développement social et DA, 2023 TSS 224

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : G. H.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante de la partie intimée : Anita Hoffman
Partie mise en cause : D. A.

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 8 mars 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Shannon Russell
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 19 janvier 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 6 mars 2023
Numéro de dossier : GP-22-548

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant, G. H., souhaite annuler un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension (parfois appelé « PGNAP », « partage des crédits de pension » ou « partage des crédits »). Je ne peux pas lui accorder ce qu’il veut. Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelant et la mise en cause se sont mariés en juin 1964Note de bas page 1. Ils se sont séparés en février 2010 et ont divorcé en mai 2011Note de bas page 2.

[4] Pendant de nombreuses années, l’appelant et la mise en cause ont partagé leurs pensions de retraite du Régime de pensions du Canada (RPC). Cela a cessé en novembre 2020. Lorsque le partage des pensions a cessé, l’appelant a tenté de rétablir la répartition en demandant un partage des crédits. Il affirme que Service Canada lui a dit de le faire.

[5] Le ministre a reçu la demande de partage des crédits de l’appelant en janvier 2021. Dans cette demande, l’appelant a déclaré que la mise en cause et lui avaient vécu ensemble du 20 juin 1964 au 8 février 2010Note de bas page 3.

[6] Le ministre a confirmé la période de cohabitation auprès de la mise en cause, puis a approuvé la demandeNote de bas page 4.

[7] C’est là que les choses se compliquent.

[8] Lorsque le ministre approuve une demande de partage des crédits, il est tenu d’envoyer un avis de partage aux parties. Ce document doit contenir plusieurs renseignements clés sur le partage, y compris un état des gains non ajustés ouvrant droit à pension de chaque partie avant et après le partage. L’avis est également censé indiquer les droits des parties de demander une révisionNote de bas page 5.

[9] Le ministre n’a pas envoyé d’avis de partage aux parties. Il a plutôt écrit à l’appelant le 6 juillet 2021 pour l’informer qu’à compter de février 2021, sa pension de retraite mensuelle du RPC passait de 665,19 $ à 484,03 $. Le ministre a expliqué que le changement était attribuable au partage des créditsNote de bas page 6.

[10] Le 14 juillet 2021, l’appelant a écrit au ministre pour lui faire part de son insatisfaction à l’égard de la décision. Il a demandé le rétablissement du partage de la pension. Il a ajouté que si cela n’était pas possible, il voulait recevoir la pension à laquelle il aurait eu droit si le partage des crédits n’avait pas été effectuéNote de bas page 7.

[11] Le ministre a reçu la lettre de l’appelant le 19 juillet 2021Note de bas page 8. Toutefois, pour des raisons qui demeurent obscures, le ministre n’a pas répondu à cette lettre.

[12] L’appelant a de nouveau écrit au ministre en février 2022 et il a souligné qu’il attendait toujours une réponse à sa lettre du 14 juillet 2021. Le ministre a répondu en rendant une décision de révision le 8 mars 2022 au sujet du partage des crédits de pension. Le ministre a expliqué que, comme l’appelant et la mise en cause avaient divorcé, le partage des crédits était obligatoire et ne pouvait pas être annuléNote de bas page 9.

[13] L’appelant a porté la décision découlant de la révision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[14] L’appelant soutient que le partage des crédits devrait être annulé. Il affirme que le partage des crédits n’est pas obligatoire parce qu’il n’a pas été effectué selon les instructions d’un tribunal. On l’a plutôt fait à sa demande personnelle. Il soutient également que la règle selon laquelle une personne divorcée ne peut pas annuler une demande ne devrait pas s’appliquer à lui parce que la British Columbia Family Relations Act [loi sur les relations familiales de la Colombie-Britannique] ne fait pas de distinction entre l’union de fait et le mariage. Il souligne également que le partage des crédits a entraîné une perte conjointe de prestations de plus de 120 $ par moisNote de bas page 10.

[15] Le ministre affirme que, comme la relation entre l’appelant et la mise en cause s’est terminée par un divorce, le partage des crédits est obligatoire et ne peut pas être annulé.

Questions en litige

[16] Je dois décider si j’ai la compétence nécessaire pour me prononcer sur le partage des crédits de pension. Dans l’affirmative, je dois décider

  • si le partage des crédits de pension était obligatoire;
  • si l’appelant peut retirer sa demande de partage des crédits de pension.

Questions que je dois examiner en premier

La mise en cause n’était pas présente à l’audience

[17] La mise en cause n’a pas assisté à l’audience. Cela ne m’a pas surpris. La mise en cause avait informé le Tribunal de son absence avant l’audience.

[18] Je peux tenir une audience en l’absence d’une partie, à condition d’être convaincue que la partie a reçu l’avis d’audienceNote de bas page 11. Je suis convaincue que la mise en cause a reçu l’avis d’audience. L’avis lui a été envoyé par courriel le 8 décembre 2022. Lorsque le Tribunal envoie un document à une partie par courriel, le document est réputé avoir été reçu le jour ouvrable suivant son envoiNote de bas page 12.

J’ai permis aux parties de déposer des documents après l’audience

[19] J’ai permis aux parties de déposer des documents après l’audience. Les documents portent sur deux questions préliminaires que j’ai soulevées au début de l’audience.

[20] La première question portait sur une décision de révision que le ministre a dit avoir envoyée à l’appelant le 27 janvier 2021Note de bas page 13. J’ai expliqué que je n’ai pas pu trouver de copie de cette décision dans le dossier. La représentante du ministre a dit qu’elle enverrait une copie de cette décision au Tribunal après l’audience.

[21] La deuxième question portait sur l’avis de partage que le ministre est tenu d’envoyer aux parties après l’approbation d’une demande de partage des crédits de pensionNote de bas page 14. J’ai dit que je n’avais pas vu de copie de l’avis au dossier et que j’avais espéré le trouver, car je voulais m’assurer que ma compétence pour instruire et trancher les arguments de l’appelant était solide.

[22] La représentante du ministre a reconnu lors de l’audience que le ministre n’avait peut-être pas envoyé l’avis aux parties. Elle a ensuite proposé d’envoyer aux parties une lettre indiquant la date du partage et les gains de chaque partie avant et après le partage. La représentante a ajouté qu’elle n’enverrait pas d’avis aux parties parce que le formulaire explique que les parties peuvent demander une révision, et elle a dit que la révision avait déjà été faite.

[23] J’ai soulevé des préoccupations au sujet de l’approche proposée. J’ai expliqué qu’elle ne satisferait pas aux exigences de la loi. Après avoir entendu mes préoccupations, la représentante du ministre a dit qu’elle avait l’intention de consulter une autre unité de son organisation pour voir ce que celle-ci recommande.

[24] Compte tenu de ces questions préliminaires, et plus particulièrement des préoccupations concernant la compétence, j’ai demandé à l’appelant s’il voulait poursuivre l’audience ou s’il préférerait un ajournement. L’appelant a dit qu’il voulait continuer l’audience. C’est ce que nous avons fait.

[25] Le 26 janvier 2023, la représentante du ministre a déposé des documents en réponse aux deux questions préliminairesNote de bas page 15.

[26] En ce qui concerne la première question préliminaire, le ministre a déclaré que la lettre du 27 janvier 2021 n’a jamais été envoyée à l’appelant. Le ministre a plutôt apporté une correction à la lettre, puis en a changé la date pour indiquer le 2 février 2021.

[27] En ce qui a trait à la deuxième question préliminaire, le ministre a confirmé qu’il n’avait pas envoyé d’avis de partage aux parties. La représentante a expliqué que cela était probablement attribuable à la complexité de la situation. Elle a également expliqué qu’au lieu d’envoyer les avis, le ministre a envoyé des lettres à chaque partie le 6 juillet 2021 et que ces lettres contenaient les droits applicables relatifs aux révisions. La représentante a également expliqué qu’elle joignait un document indiquant les gains non ajustés ouvrant droit à pension de chaque partie avant et après le partage.

[28] La représentante du ministre a conclu en demandant une décision concernant une requête visant à mettre l’appel en suspens.

[29] J’ai écrit aux parties le 1er février 2023. Ma lettre contenait ce qui suit :

  • J’ai résumé les questions préliminaires abordées pendant l’audience.
  • J’ai invité l’appelant et la mise en cause à commenter la réponse écrite du ministre, datée du 26 janvier 2023.
  • J’ai demandé à la représentante du ministre de préciser ce qu’elle entendait par sa demande de suspension, car il n’avait été question d’aucune demande de ce genre pendant l’audienceNote de bas page 16.

[30] Ni l’appelant ni la mise en cause n’ont répondu aux documents du ministre.

[31] La représentante du ministre a répondu à ma lettre du 1er février 2023 en disant qu’elle consultait d’autres personnes de son organisation et qu’elle communiquerait avec le Tribunal une fois ce processus terminéNote de bas page 17.

[32] Le 14 février 2023, le ministre a déposé une copie d’une lettre qu’il a envoyée à l’appelant ce jour-làNote de bas page 18. La lettre n’était pas accompagnée d’un mot d’accompagnement ou d’observations. Je vais en dire plus sur cette lettre sous peu.

Motifs de ma décision

Objet du présent appel

Le présent appel ne porte pas sur le partage des pensions

[33] Le ministre affirme que l’une des questions en litige dans le présent appel est de savoir si l’on a mis fin correctement au partage des pensionsNote de bas page 19. Le présent appel ne porte pas sur le partage des pensions. En février 2021, le ministre a rendu une décision de révision concernant cette question. L’appelant n’a pas porté cette décision en appel au TribunalNote de bas page 20.

[34] Toutefois, dans la mesure où cela peut être utile, je vais répéter ce que j’ai dit à l’audience, à savoir que la demande de partage des pensions n’aurait jamais dû être approuvée.

[35] Voici ce qui s’est passé.

[36] L’appelant et la mise en cause ont tous deux signé la demande de partage de la pension le 15 mars 2010. Dans cette demande, ils ont déclaré qu’ils étaient mariés, qu’ils vivaient toujours ensemble et qu’il n’y avait pas de périodes où ils n’avaient pas vécu ensembleNote de bas page 21.

[37] À la lumière de ces renseignements, le ministre a approuvé la demande. Ce que le ministre ne savait pas, c’est que le jour même de la signature par les parties de la demande de partage de la pension, elles ont également signé un accord de séparation dans laquelle elles ont déclaré vivre séparément depuis le 8 février 2010Note de bas page 22.

[38] En 2020, le ministre a appris que l’appelant et la mise en cause avaient divorcé en 2011. Le 16 novembre 2020, le ministre a envoyé à l’appelant une lettre l’informant qu’en raison du divorce, le ministre avait mis fin au partage de la pensionNote de bas page 23.

[39] La lettre du ministre ne dit pas qu’il a annulé le partage de la pension rétroactivement au mois d’avril 2010 (c’est-à-dire quand il a commencé). Cependant, c’est ce que le ministre a fait. Cela a entraîné des trop-payés au compte de l’appelant et à celui de la mise en cause. Toutefois, le ministre a décidé de ne pas exiger de l’une ou l’autre des parties le remboursement du trop-payé au gouvernementNote de bas page 24.

[40] Tout ceci pour dire que si le ministre avait su que les parties étaient séparées, il n’aurait jamais approuvé la demande de partage des pensions. En effet, le partage de la pension n’est pas accordé aux couples qui se sont séparés ou qui ont divorcéNote de bas page 25.

Partage des crédits de pension

[41] L’appelant veut annuler le partage des crédits de pension. Je ne peux pas lui accorder ce qu’il veut. Voici pourquoi.

Je n’ai pas compétence pour me prononcer sur le partage des crédits

[42] Je n’ai pas compétence pour me prononcer sur le partage des crédits. En effet, le ministre n’a pas émis d’avis de partage aux parties. L’avis de partage est le document qui amorce le processus d’appel relativement au partage des crédits de pensionNote de bas page 26.

[43] La lettre de décision initiale que le ministre a rédigée le 6 juillet 2021 porte sur le calcul de la pension de retraite de l’appelant. Il ne s’agit pas d’une décision concernant le partage des crédits de pension.

[44] Comme je l’ai mentionné plus tôt, j’ai soulevé ma préoccupation au sujet de mon défaut de compétence pendant l’audience. La représentante du ministre a dit qu’elle avait l’intention de consulter une autre unité de son organisation pour obtenir des conseils. En fin de compte, le ministre a déposé une lettre datée du 14 février 2023 qu’il a envoyée à l’appelant. Cette lettre :

  • Rappelle à l’appelant la lettre que le ministre lui a fait parvenir le 6 juillet 2021 pour l’informer des modifications apportées à sa pension de retraite.
  • Explique ce qu’il advient des crédits de pension d’une personne lorsqu’un partage a lieu.
  • Explique que le ministre fournit maintenant à l’appelant l’avis de partage qu’il aurait dû recevoir en juillet 2021. Le ministre a joint l’avis de partage, intitulé « Approbation du partage des crédits du Régime de pensions du Canada ». Le document est daté du 6 juillet 2021.

[45] Essentiellement, le ministre a simplement antidaté un avis de partage qui aurait dû être envoyé à l’appelant (et à la mise en cause) en juillet 2021. Je ne vois pas comment cela résoudrait ma question de compétence. Je ne peux pas considérer la demande de révision du 14 juillet 2021 de l’appelant comme visant une décision qu’il a reçue en février 2023 seulement.

Le partage des crédits de pension était obligatoire et la demande ne peut pas être retirée ou annulée

[46] Si je me trompe et que j’ai la compétence nécessaire pour me prononcer sur le partage des crédits de pension, alors je conclus que le partage était obligatoire et que la demande ne peut pas être retirée ou annulée.

Le partage était obligatoire

[47] La loi sur le RPC prévoit que si un couple divorce le 1er janvier 1987 ou après cette date, le partage des crédits de pension est obligatoireNote de bas page 27. Contrairement à ce que croit l’appelant, il importe peu qu’il ait présenté sa demande de partage personnellement ou que le partage n’ait pas été effectué sur ordonnance d’un tribunal.

[48] Il y a une exception à cette règle. Le ministre a le pouvoir discrétionnaire de ne pas procéder à un partage des crédits s’il est convaincu que ce partage aggraverait la situation des deux ex-conjointsNote de bas page 28. Le partage a pour effet de réduire le montant des prestations payables aux deux ex-conjoints. Rien n’indique que cela se soit produit ici. En fait, l’appelant a reconnu que la pension de retraite de la mise en cause a augmenté après le partageNote de bas page 29.

L’accord de séparation n’a aucune incidence sur le partage des crédits de pension

[49] La loi sur le RPC permet aux parties de renoncer au régime de partage obligatoire. Cependant, les exigences pour le faire sont strictes. Pour renoncer au partage obligatoire, les parties doivent avoir conclu un accord de séparation quiNote de bas page 30 :

  • a été signé avant que le jugement de divorce ne soit rendu;
  • contient une disposition qui mentionne expressément le Régime de pensions du Canada et indique l’intention des parties de ne pas faire le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension en application des articles 55 ou 55.1 du Régime de pensions du Canada;
  • n’a pas été annulé par une ordonnance du tribunal;
  • est conforme au droit provincial qui le régit. Cela signifie que le droit provincial qui régit l’accord doit expressément permettre aux parties de convenir qu’il n’y a pas partage des crédits de pension.

[50] L’appelant et la mise en cause ont signé un accord de séparation en Colombie-Britannique en mars 2010Note de bas page 31. La Colombie-Britannique est l’une des quatre provinces qui permettent aux parties de renoncer au partage obligatoireNote de bas page 32.

[51] Toutefois, l’accord de séparation des parties ne contient aucune disposition qui mentionne expressément le Régime de pensions du Canada et qui indique l’intention des parties de ne pas faire le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension en application des articles 55 ou 55.1 du Régime de pensions du Canada. Par conséquent, l’accord de séparation ne peut pas être utilisé pour justifier une exclusion au régime de partage obligatoire.

La demande ne peut pas être retirée ou annulée

[52] Pour ce qui est du retrait de la demande, la loi sur le RPC ne permet pas à une partie de retirer une demande de partage des crédits de pension si la demande a été approuvée à la suite d’un divorce qui a eu lieu le 1er janvier 1987 ou après cette dateNote de bas page 33. C’est le cas de l’appelant et de la mise en cause. Ils ont divorcé en 2011.

[53] Je ne peux pas ignorer la loi et je ne peux pas la modifier.

[54] L’appelant affirme qu’une personne employée par Service Canada lui a dit qu’il pouvait retirer sa demande s’il n’était pas satisfait du résultatNote de bas page 34.

[55] Je ne sais pas ce que cette personne de Service Canada a dit à l’appelant. Cependant, cela n’a pas d’importance parce que même si ce que l’appelant dit est vrai, je ne peux pas lui accorder ce qu’il veut. En effet, je n’ai pas la compétence pour me prononcer sur la question de savoir si l’appelant a reçu un avis erronéNote de bas page 35.

[56] Si l’appelant souhaite continuer à faire valoir son argument selon lequel il a reçu des conseils erronés, il doit s’entretenir directement avec le ministre. Le ministre rendra alors une décision au titre de l’article 66(4) du RPC. Si l’appelant n’est pas d’accord avec la décision rendue par le ministre au titre de l’article 66(4), il peut demander à la Cour fédérale de faire le contrôle judiciaire de cette décision.

Conclusion

[57] L’appel est rejeté.

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