Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : GF c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 1712

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : G. F.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 20 mars 2019 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Pierre Vanderhout
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 26 septembre 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 12 octobre 2023
Numéro de dossier : GP-20-589

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant, G. F., n’est pas admissible à des paiements rétroactifs additionnels de sa pension de retraite du Régime de pensions du Canada. Je vais expliquer pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelant a presque 81 ans. Il a eu 70 ans en novembre 2012. Il a travaillé bien au-delà de l’âge « habituel » de la retraite qui est fixé à 65 ans. En fait, il n’a pas demandé de pension de retraite du Régime de pensions du Canada avant avril 2015. Il pensait qu’il devait être « à la retraite » pour toucher cette pension.

[4] Le ministre a accordé à l’appelant une pension de retraite du Régime de pensions du Canada qui commençait en mai 2014. Le début des paiements était basé sur la date de sa demande. Un jour, l’appelant a réalisé qu’il n’avait aucun avantage à avoir attendu après l’âge de 70 ans pour faire sa demande. Il a contesté la décision du ministre, car il voulait recevoir les paiements de pension qui remontaient à son 70e anniversaire. Il dit avoir perdu plus de 22 000 $ parce qu’il a présenté sa demande tout juste avant d’avoir 73 ans.

[5] L’appelant a fourni beaucoup d’arguments pour appuyer son appel. Je vais résumer les principaux qu’il a soulevés à l’audience.

[6] D’abord, l’appelant fait remarquer qu’il s’agit d’une pension de « retraite ». Comme il a demandé sa pension avant de prendre sa retraite, il affirme qu’il ne devrait pas subir une perte de 22 000 $. Il ajoute que le ministre aurait dû expliquer clairement qu’il ne devait pas faire sa demande après l’âge de 70 ans. Il affirme qu’aucun avis de modification des règles sur la retraite obligatoire n’a été donné. Il affirme aussi que le ministre a eu l’occasion de corriger le problème en 2019, mais qu’il ne l’a pas fait.

[7] L’appelant fait valoir que le Régime de pensions du Canada n’est pas un programme d’aide sociale. C’est plutôt un instrument d’épargne-retraite financé par l’ensemble des personnes participantes. Par conséquent, l’appelant dit qu’on ne devrait pas avoir à faire une demande et que les paiements devraient commencer automatiquement à 70 ans. Enfin, il ajoute que le ministre a l’obligation fiduciaire d’agir dans l’intérêt des bénéficiaires du Régime de pensions du Canada. Il dit que le fonds est plutôt enrichi injustement aux frais de la collectivité.

[8] L’appelant a aussi fait des observations sur l’interprétation de la loi, mais il n’a pas pu nommer de disposition législative précise qui était ambiguë. Il a fini par abandonner cet argument.

[9] Le ministre affirme qu’il a bien établi la date de début de la pension de l’appelant conformément à l’article 67(3.1) du Régime de pensions du Canada. Il explique que sa pension a été versée le plus tôt possible, compte tenu de la loi applicable et de la situation de l’appelant. Il ajoute que le Tribunal de la sécurité sociale n’a pas le pouvoir de modifier la date de début de la pension.

Décisions précédentes

[10] Le litige de l’appelant a commencé il y a plusieurs années. Un membre de la division générale du Tribunal a rejeté son appel de façon sommaire en novembre 2019Note de bas de page 1. L’appelant a fait appel de cette décision. Le 20 avril 2020, la division d’appel du Tribunal a déclaré que la division générale avait fait erreur, car elle aurait dû tenir compte de la possible contestation fondée sur la Charte canadienne des droits et libertés que l’appelant avait présentée. Par conséquent, l’affaire a été renvoyée à la division générale.

[11] Le 16 juin 2023, j’ai rendu une décision interlocutoire qui écartait l’aspect de l’appel lié à la Charte. L’appelant n’a donc pas été autorisé à soulever des arguments fondés sur la Charte à l’audience du présent appel.

Ce que l’appelant doit prouver

[12] Pour avoir gain de cause, l’appelant doit prouver qu’il a droit à sa pension de retraite plus tôt que prévu.

Motifs de ma décision

[13] L’appelant n’est pas admissible à des paiements rétroactifs additionnels de sa pension de retraite. Je vais expliquer pourquoi je suis arrivé à cette conclusion.

[14] Les faits sous-jacents de l’appel ne sont pas contestés. L’appelant est né le 4 novembre 1942. Il a eu 70 ans le 4 novembre 2012. Le ministre a reçu sa demande de pension de retraite du Régime de pensions du Canada le 22 avril 2015Note de bas de page 2. L’appelant voulait que sa pension de retraite commence dès qu’il y serait admissibleNote de bas de page 3. Le ministre a approuvé sa demande de pension. Le début des paiements a été fixé à mai 2014Note de bas de page 4.

[15] L’appelant ne prétend pas que sa pension de retraite a été mal calculée. Il soutient plutôt qu’elle aurait dû commencer plus tôt, soit en novembre 2012, lorsqu’il a eu 70 ans.

[16] Je vais me pencher sur l’application de la loi aux faits sous-jacents.

Règles sur l’ouverture de la pension de retraite

[17] La disposition législative sur l’ouverture de la pension s’applique à toute pension de retraite du Régime de pensions du Canada payable à compter du 1er janvier 2012. Comme la demande de l’appelant a été approuvée, sa pension est payable mensuellement à compter du dernier des mois suivantsNote de bas de page 5 :

  1. a) le mois où il a eu 60 ans;
  2. b) le mois suivant celui où la demande a été reçue, s’il n’avait pas atteint 65 ans au moment de la demande;
  3. c) le 11e mois précédant celui où la demande a été reçue, s’il avait atteint 65 ans au moment de la demande, ce 11e mois ne pouvant en aucun cas être antérieur à celui où il a atteint 65 ans;
  4. d) le mois qu’il a choisi dans sa demande.

[18] Pour l’appelant, les seuls mois de début possibles selon la disposition sur l’ouverture de la pension sont novembre 2002 et mai 2014. Il a atteint 60 ans en novembre 2002, et mai 2014 est le 11e mois précédant la réception de sa demande d’avril 2015. Il n’y a aucune autre possibilité, car l’appelant avait plus de 65 ans au moment de sa demande. Il n’a pas non plus précisé un mois de début dans sa demandeNote de bas de page 6.

[19] Le dernier parmi les mois de début possibles est mai 2014. C’est d’ailleurs ce qu’a conclu le ministre. À moins que l’appelant démontre que les règles sur l’ouverture de la pension ne dictent pas l’issue de l’affaire, l’appel ne peut pas être accueilli.

[20] Je vais examiner si les arguments de l’appelant lui permettent d’échapper aux règles sur l’ouverture de la pension de retraite. Ce serait la seule façon pour lui d’obtenir des paiements plus tôt.

Arguments de l’appelant

[21] L’appelant laisse entendre que le nom de la pension est trompeur, car il semble exclure tout paiement avant la retraite. L’appelant a tout de même commencé à recevoir des paiements avant sa retraite. Notons que la disposition sur l’ouverture de la pension ne fait aucunement référence à la retraite. Le début de la pension de retraite du Régime de pensions du Canada dépend entièrement de l’âge, de la date de la demande et de toute date de début proposée par la personne requérante.

[22] Ce n’est pas nécessaire que je le mentionne, mais j’admets que le concept de la « retraite » peut être flou. Les contrats à court terme, le travail à temps partiel et les revenus d’investissement embrouillent l’idée de ce qu’est la « retraite ». Le Régime de pensions du Canada lui-même ne définit pas la « retraite ».

[23] L’appelant laisse entendre que le ministre aurait dû l’informer de ne pas attendre après 70 ans pour demander sa pension de retraite. Il ajoute que le ministre n’a donné aucun avis de modification des règles sur la retraite obligatoire.

[24] Ces arguments n’ont aucune chance de succès. L’appelant laisse entendre que la loi ne devrait pas s’appliquer à lui si le ministre ne l’a pas informé des règles. La réalité est que le ministre n’a aucune obligation légale d’informer qui que ce soit de son droit à une prestation. Selon le Régime de pensions du Canada, c’est aux bénéficiaires potentiels de demander les prestations. Le ministre n’a pas l’obligation de rappeler régulièrement aux gens de présenter une demandeNote de bas de page 7.

[25] Encore une fois, ce n’est pas nécessaire que je le mentionne, mais le ministre a bel et bien tenté d’informer l’appelant de la loi. Ce dernier a dit que le ministre lui avait envoyé un document sur la pension de retraite du Régime de pensions du Canada juste avant qu’il ait 65 ans. Cependant, comme il n’était pas prêt à prendre sa retraite, il a dit qu’il a mis le document de côté et qu’il ne l’a pas luNote de bas de page 8.

[26] L’appelant fait valoir que le ministre ne devrait pas exiger qu’une personne fasse une demande, car la pension de retraite s’apparente davantage à un programme d’épargne qu’à une prestation. Il ajoute que le ministre aurait dû corriger le problème en 2019, lorsqu’il a fait d’autres modifications au programme de la pension de retraite du Régime de pensions du Canada.

[27] Ces deux arguments reviennent à la même chose : l’appelant croit que la loi devrait être différente. Mais le Tribunal ne peut pas modifier la loi. Le Régime de pensions du Canada précise explicitement qu’une demande est requiseNote de bas de page 9. Le Tribunal est constitué par la loi et peut seulement appliquer la loi telle qu’elle est écriteNote de bas de page 10. Pour régler ces questions, l’appelant doit s’adresser au Parlement. Si la loi est modifiée, le Tribunal veillera à ce que les modifications s’appliquent correctement à la collectivité canadienne.

[28] Les autres arguments principaux de l’appelant sont étroitement liés. Il affirme que le ministre a l’obligation fiduciaire d’agir dans l’intérêt des bénéficiaires du Régime de pensions du Canada. Il laisse entendre que le fonds est plutôt enrichi injustement aux frais de la collectivité.

[29] Ces arguments excèdent la compétence du Tribunal. Celui-ci ne traite pas les questions d’équité. La compétence du Tribunal se limite à des questions précises découlant des décisions de révision du ministreNote de bas de page 11.

[30] De plus, le Tribunal ne peut pas aider l’appelant s’il avance que le ministre a fait une erreur administrative ou lui a donné un avis erroné. L’appelant doit présenter ces allégations au ministre. S’il n’est pas satisfait de la réponse du ministre, il pourrait demander un contrôle judiciaire à la Cour fédérale du CanadaNote de bas de page 12.

[31] Les questions que l’appelant soulève dans le présent appel ne peuvent pas l’emporter sur la décision que la loi m’oblige à rendre. Je suis lié par la disposition sur l’ouverture de la pension.

Pertes occasionnées

[32] L’appelant a accumulé un grand nombre de preuves concernant la perte qu’il a subie en raison de sa demande de pension de retraite tardive. Cette perte dépasserait 22 000 $. C’est une somme considérable.

[33] Je suis très sensible à la situation de l’appelant. Il admet qu’il avait mal compris les règles sur le début des paiements de la pension de retraite. Il a pris le nom de la pension de retraite au sens littéral : il croyait qu’il pouvait recevoir des paiements seulement s’il était à la retraiteNote de bas de page 13. Je ne nie aucunement que l’appelant a subi une perte de prestations et que celle-ci a pu avoir des répercussions sur lui. Toutefois, ma compassion ne me permet pas d’ignorer la loi ou la compétence limitée du Tribunal.

Conclusion

[34] Je conclus que l’appelant n’est pas admissible à des paiements rétroactifs additionnels de sa pension de retraite du Régime de pensions du Canada.

[35] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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