Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : AJ c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 1711

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : A. J.
Représentante ou représentant :
John R. Evans
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 21 mars 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : James Beaton
Mode d’audience : Par écrit
Date de la décision : Le 29 novembre 2023
Numéro de dossier : GP-23-1060

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante, A. J.Note de bas de page 1, n’est pas admissible à une prestation de décès ou à une pension de survivant du Régime de pensions du Canada à l’égard de son époux décédé, M. R. J’explique dans la présente décision pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] M. R. est décédé le 29 octobre 2014. L’appelante a présenté une demande de prestation de décès et de pension de survivant du Régime de pensions du Canada le 27 septembre 2017Note de bas de page 2.

[4] Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté ses demandes parce que M. R. n’avait pas cotisé au Régime de pensions du Canada pendant un nombre d’années suffisant pour être admissible à l’une ou l’autre des prestations.

[5] Selon la loi, il devait cotiser au Régime de pensions du Canada au moins le tiers du nombre d’années « entièrement ou partiellement comprises » dans sa période cotisable. Sa période cotisable a commencé lorsqu’il a eu 18 ans en 1990 et s’est terminée lorsqu’il est décédé en 2014Note de bas de page 3. Donc, sa période cotisable compte 25 années entièrement ou partiellement incluses. Le tiers de 25 est 8,3 ans. Le ministre a arrondi ce chiffre à neuf ans. Il devait cotiser pendant au moins neuf ans, mais il n’a cotisé que pendant huit ans.

[6] L’appelante a porté en appel la décision du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

Ce que je dois décider

[7] Je dois décider si l’appelante est admissible à une prestation de décès ou à une pension de survivant du Régime de pensions du Canada.

Motifs de ma décision

[8] Le représentant de l’appelante conteste la décision du ministre pour les motifs suivants :

  1. 1) Selon les règles d’interprétation législative, l’exigence relative aux cotisations de M. R. devrait être arrondie à huit ans plutôt qu’à neuf ans.
  2. 2) Le registre des gains de M. R. devrait être modifié pour tenir compte des cotisations supplémentaires faites en 2006 et en 2007.
  3. 3) Je devrais faire droit à l’appel pour des motifs d’ordre humanitaireNote de bas de page 4.

[9] Je traiterai chacun des arguments de l’appelante séparément.

Les exigences en matière de cotisations doivent être arrondies à l’unité supérieure

[10] La Cour d’appel fédérale s’est exprimée sur la question de savoir si les exigences en matière de cotisations devraient être arrondies à l’unité supérieure ou inférieure dans l’affaire intitulée Skoric. La Cour a affirmé que les mots « entièrement ou partiellement » ordonnent au ministre et au Tribunal d’arrondir à l’unité supérieure :

[…] la loi ne permettrait pas qu’une partie d’une année comprise dans la période minimale d’admissibilité soit « arrondie » au nombre entier le plus près si cela avait pour conséquence que la durée de cette période serait moindre que le tiers de la durée de la période cotisable prévue par la loi. La question de savoir si la partie de l’année que l’on cherche à arrondir dépasse ou non la moitié de l’année semble dénuée de pertinence en l’espèceNote de bas de page 5.

[11] Le représentant soutient que le nombre 8,3 serait normalement arrondi à huit selon les conventions mathématiques habituelles. Malgré cela, je dois suivre les décisions de la Cour d’appel fédérale. L’exigence relative aux cotisations de M. R. doit être arrondie à neuf ans.

Ni le ministre ni le Tribunal ne peuvent modifier un registre des gains

[12] L’appelante veut que je modifie le registre des gains de M. R. pour tenir compte des cotisations au Régime de pensions du Canada qui, selon elle, ont été faites en 2006 et en 2007. Je ne peux pas faire cela.

[13] Selon les articles 97(1) et 97(2) du Régime de pensions du Canada, il existe « une présomption irréfragable que toute inscription au registre des gains […] est exacte et ne peut faire l’objet d’une contestation » après quatre ans. La seule exception est s’il « apparait au ministre » que le montant de l’inscription est inférieur à ce qu’il devrait être. Cette exception ne s’applique pas en l’espèce. Malgré tout, c’est finalement le ministre du Revenu national, et non le ministre de l’Emploi et du Développement social ou le Tribunal, qui fait les inscriptions dans le registre des gainsNote de bas de page 6.

[14] Dans la présente affaire, la succession de M. R. a déjà demandé au ministre du Revenu national de modifier le registre des gains. Le ministre du Revenu national a refusé parce que plus de 10 ans se sont écoulésNote de bas de page 7. Le ministre de l’Emploi et du Développement social et le Tribunal doivent accepter le registre des gains tel qu’il est.

Le Tribunal ne peut pas rendre de décisions pour des motifs d’ordre humanitaire

[15] La Cour fédérale a confirmé dans l’affaire intitulée Miter que le Tribunal n’a pas compétence en equity, ce qui inclut le pouvoir de rendre une décision pour des motifs d’ordre humanitaireNote de bas de page 8. Cela signifie que le Tribunal doit agir dans les limites de sa loi habilitante. La loi qui régit les travaux du Tribunal ne lui permet que de rendre des décisions que le ministre de l’Emploi et du Développement social aurait pu prendreNote de bas de page 9. Comme le ministre ne peut pas prendre de décisions pour des motifs d’ordre humanitaire, le Tribunal ne le peut pas non plus.

[16] Le représentant de l’appelante a fait valoir que la déclaration de la Cour fédérale était erronée. Il a présenté trois affaires pour appuyer le fait que le Tribunal a une compétence en equity. Toutes ces affaires portent sur les doctrines de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée ou du principe de la chose jugée. En termes simples, ces doctrines permettent au Tribunal de refuser de trancher un appel lorsque la même question a déjà été tranchée.

[17] Contrairement à l’argument du représentant, la préclusion découlant d’une question déjà tranchée et le principe de la chose jugée ne sont pas des doctrines en equity. Il s’agit de doctrines de common law.

[18] La Cour suprême du Canada l’a affirmé en termes clairs dans l’une des affaires mentionnées par le représentant. Dans la décision Danyluk, la Cour a cité le résumé fait par le juge Finch du droit de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée. Le juge Finch a qualifié la préclusion découlant d’une question déjà tranchée « de doctrine issue de l’equity ». Immédiatement après avoir cité le juge Finch, la Cour a affirmé que le résumé du juge Finch était « un énoncé fidèle du droit applicable », mis à part le fait que la préclusion découlant d’une question déjà tranchée « soit généralement considérée comme une doctrine de common law […]Note de bas de page 10 ».

[19] Dans une affaire plus récente, la Cour suprême du Canada a fait référence au principe de la chose jugée et à la préclusion découlant d’une question déjà tranchée comme étant des doctrines de common lawNote de bas de page 11.

[20] Bien qu’elles concernent l’exercice du pouvoir discrétionnaire, il ne s’agit pas de pouvoirs en equity. Elles ne permettent pas au Tribunal de tenir compte des motifs d’ordre humanitaire, ou de tout autre motif au-delà de ceux que la loi énonce, lorsqu’il rend des décisions.

[21] Les deux autres affaires citées par le représentant sont celles de la Commission des relations de travail de l’Ontario portant sur la préclusion découlant d’une question déjà tranchéeNote de bas de page 12. La décision Danyluk confirme que leurs commentaires selon lesquels la préclusion découlant d’une question déjà tranchée est une doctrine en equity sont inexacts. Quoi qu’il en soit, ces affaires ne s’appliquent pas au Tribunal, mais c’est le cas de l’arrêt Miter. Le représentant n’a donné aucune raison impérieuse pour laquelle je peux faire abstraction de la décision Miter.

Conclusion

[22] Je conclus que l’appelante n’est pas admissible à une prestation de décès ou à une pension de survivant du Régime de pensions du Canada.

[23] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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