Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : DB c Ministre de l’Emploi et du Développement social et LW, 2024 TSS 150

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : D. B.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante ou représentant : Viola Herbert
Partie mise en cause : L. W.

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 18 avril 2023
(GP-21-1677)

Membre du Tribunal : Pierre Vanderhout
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 18 janvier 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Témoins de l’appelante
Représentante de l’intimé
Mise en cause
Date de la décision : Le 16 février 2024
Numéro de dossier : AD-23-707

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. La mise en cause a toujours droit à une pension de survivant du Régime de pensions du Canada.

Aperçu

[2] Le présent appel porte sur la pension de survivant du Régime de pensions du Canada qui a été versée à la suite du décès de J. C. (cotisant).

[3] Au cours des dernières années de sa vie, le cotisant était atteint d’atrophie multisystématisée. Même si ses capacités cognitives semblaient demeurées intactesNote de bas de page 1, sa maladie l’a finalement privé de la capacité de marcher, de parler et d’accomplir les fonctions vitales essentielles. En octobre 2015, il a dû emménager dans la résidence de retraite de X. Il a vécu chez X jusqu’à son décès le 20 juillet 2020. Comme il a cotisé au Régime de pensions du Canada pendant de nombreuses années, une pension de survivant du Régime de pensions du Canada est payable à son survivant.

[4] Après le décès du cotisant, l’appelante et la mise en cause ont toutes deux demandé la pension de survivant du Régime de pensions du Canada. Dans un premier temps, le ministre de l’Emploi et du Développement social a accordé la pension à l’appelante. Cependant, après la demande de la mise en cause, le ministre a décidé que c’était plutôt la mise en cause qui avait droit à la pension. L’appelante a fait appel de cette décision. Toutefois, le ministre a maintenu sa décision. La division générale du Tribunal l’a également maintenue. Par conséquent, l’appelante a porté la décision de la division générale en appel à la division d’appel.

[5] L’appelante a épousé le cotisant le 17 juin 1989Note de bas de page 2, et elle était toujours légalement mariée avec lui au moment de son décès. Cependant, ils se sont séparés vers 2005. Je n’ai vu aucune preuve d’une entente de séparation officielle ou d’une procédure de divorce. Après leur séparation, les deux ont eu des relations avec d’autres personnesNote de bas de page 3. Dans le présent appel, je me préoccuperai seulement de la relation entre le cotisant et la mise en cause.

[6] Le cotisant et la mise en cause ont commencé à se voir en 2009Note de bas de page 4. Les parties ne s’entendent pas sur le moment où ils sont devenus conjoints de fait. Cependant, tout le monde convient que le cotisant et la mise en cause ont été conjoints de fait de 2012 jusqu’au milieu de l’année 2015, lorsqu’ils vivaient ensemble au domicile de la mise en cause à X.

[7] Dans le présent appel, je dois décider si le cotisant et la mise en cause étaient toujours conjoints de fait pendant la dernière année de la vie du cotisant. L’appelante affirme que la relation a pris fin au milieu de l’année 2015, à peu près au moment où le cotisant a acheté une maison en rangée à X (le Condo à X) et y est emménagé. La mise en cause affirme que la relation s’est poursuivie jusqu’au décès du cotisant en juillet 2020.

[8] Je conclus que la mise en cause et le cotisant ont vécu en union de fait de façon continue au moins la dernière année de la vie du cotisant.

Question en litige

[9] La question en litige dans le présent appel est de savoir si la mise en cause a droit à une pension de survivant du Régime de pensions du Canada à titre de conjointe de fait du cotisant décédé.

Analyse

[10] Le Régime de pensions du Canada prévoit qu’une pension de survivant doit être versée au survivant d’un cotisant qui a versé suffisamment de cotisations au RégimeNote de bas de page 5. Toutes les parties conviennent que le cotisant a versé suffisamment de cotisations au Régime de pensions du Canada pour déclencher le versement d’une pension de survivantNote de bas de page 6. Elles ne sont toutefois pas d’accord sur la question de savoir qui est le survivant du cotisant.

[11] Le Régime de pensions du Canada précise que le survivant d’un cotisant décédé est son conjoint de fait au moment du décès du cotisant. Toutefois, si le cotisant n’avait pas de conjoint de fait au moment de son décès, le survivant du cotisant est la personne qui était mariée au cotisant au moment de son décès. Par conséquent, l’appelante a droit à la pension de survivant du cotisant sauf si la mise en cause était la conjointe de fait du cotisant le 20 juillet 2020Note de bas de page 7.

[12] Je vais maintenant examiner le sens de « conjoint de fait ».

[13] Le Régime de pensions du Canada définit le conjoint de fait d’un cotisant de la façon suivanteNote de bas de page 8 :

[Une] personne qui, au moment considéré, vit avec un cotisant dans une relation conjugale depuis au moins un an. Il est entendu que, dans le cas du décès du cotisant, moment considéré s’entend du moment du décès.

[14] Cela signifie que la mise en cause doit démontrer qu’elle a cohabité de façon continue avec le cotisant dans une relation conjugale pendant au moins la période d’un an se terminant le 20 juillet 2020. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle a toujours vécu avec le cotisant dans une relation conjugale pendant cette période. Si elle ne le prouve pas, l’appelante doit obtenir gain de cause dans cet appelNote de bas de page 9.

La mise en cause et le cotisant vivaient-ils ensemble dans une relation conjugale pendant la période d’un an se terminant le 20 juillet 2020?

[15] Le Régime de pensions du Canada ne définit pas l’expression « vivre dans une relation conjugale ». Cependant, une décision de 2001 appelée Betts énonce des facteurs qui sont habituellement pertinents à cette question. Je les appellerai les « facteurs de la décision Betts ». Les facteurs de la décision Betts sont les suivantsNote de bas de page 10 :

  1. a) Interdépendance financière
  2. b) Relation sexuelle
  3. c) Résidence commune
  4. d) Achat de cadeaux lors d’occasions spéciales
  5. e) Partage des responsabilités du foyer
  6. f) Utilisation partagée des biens
  7. g) Partage des responsabilités pour les enfants
  8. h) Vacances communes
  9. i) Attentes en matière de dépendance mutuelle
  10. j) Bénéficiaire dans le testament de l’autre
  11. k) Bénéficiaire de la police d’assurance de l’autre
  12. l) Endroit où chacun conserve ses vêtements
  13. m) Soins mutuels en cas de maladie et connaissance des besoins médicaux
  14. n) Communications entre les parties
  15. o) Reconnaissance publique des parties
  16. p) Attitude et comportement de la collectivité
  17. q) État matrimonial selon divers documents
  18. r) Arrangements funéraires

[16] Tous les facteurs de la décision Betts ne sont pas pertinents ou convaincants dans chaque cas. Il n’est pas nécessaire que tous les facteurs de la décision Betts indiquent le même résultatNote de bas de page 11.

[17] Les couples peuvent tout de même être des conjoints de fait si des raisons médicales les forcent à vivre séparément. La « cohabitation » n’est pas toujours la même chose que la « corésidence ». Deux personnes peuvent cohabiter même si elles ne vivent pas sous le même toit. La séparation physique ne met pas nécessairement fin à l’union de fait si les deux personnes ont l’intention mutuelle de poursuivre cette relation. Une union de fait prend fin lorsque l’une ou l’autre des personnes la considère comme terminée et a démontré que cet état d’esprit particulier a un caractère définitifNote de bas de page 12.

[18] Je remarque que certaines décisions de la Cour fédérale, comme la décision McLaughlin, font référence à une liste de considérations beaucoup plus courte que les facteurs de la décision BettsNote de bas de page 13. Toutefois, lors de la révision, ces autres considérations portent sur les mêmes éléments que les facteurs de la décision Betts.

[19] Avant d’appliquer les facteurs de la décision Betts à la présente affaire, je vais exposer le contexte factuel de façon plus détaillée. Je vais me concentrer sur les conditions de vie de la mise en cause et du cotisant.

Principaux renseignements généraux sur les conditions de vie

[20] Comme je l’ai mentionné, les parties conviennent que la mise en cause et le cotisant vivaient en union de fait en 2012Note de bas de page 14. Cette relation a duré au moins jusqu’en 2015. Il se peut qu’ils aient vécu en union de fait avant cette date, lorsque le cotisant était propriétaire d’une maison à XNote de bas de page 15. La mise en cause affirme que leur union de fait a commencé en 2009Note de bas de page 16.

[21] Le cotisant a vendu la propriété de X en 2012, lorsqu’il a emménagé dans la maison X de la mise en cause. Ils ont vécu ensemble à la maison X jusqu’en 2015. Toutefois, l’appelante considère l’achat et l’occupation du Condo à X par le cotisant comme un tournant. Elle dit que le cotisant a acheté et occupé lui-même le Condo à X. Elle affirme que le manque d’implication de la mise en cause montre que l’union de fait avait pris fin.

[22] Le cotisant a offert d’acheter le Condo à X le 28 juin 2015. L’offre a été acceptée. Celle-ci avait pour date de clôture le 12 août 2015Note de bas de page 17. Il a occupé le Condo à X le jour de la clôture ou peu de temps aprèsNote de bas de page 18. La question de savoir si la mise en cause avait également occupé le Condo à X avec lui est un sujet de conflit. La mise en cause a dit qu’elle avait emménagé dans la maison en rangée avec le cotisant, mais qu’elle avait une chambre à coucher séparée en raison de ses cauchemars causés par l’atrophie multisystématiséeNote de bas de page 19. Elle a dit qu’elle restait entièrement dévouée à son conjoint de faitNote de bas de page 20. Cependant, elle passait la plupart des nuits au foyer X, pour les raisons expliquées plus en détail ci-dessous.

[23] Le cotisant a acheté le Condo à X principalement en raison de son atrophie multisystématisée. Il voulait être proche des soins et des services médicaux, car X est une petite communauté située à une certaine distance du centre plus important de XNote de bas de page 21. Cependant, son atrophie multisystématisée a progressé si rapidement qu’il ne pouvait pas continuer à y vivre. Il tombait souvent et avait besoin d’une supervision constante. La mise en cause affirme que le cotisant et elle avaient pleinement l’intention de continuer leur union de fait après l’achat du Condo à X, et qu’ils l’ont fait. Elle a dit que son déménagement subséquent à X a entraîné une séparation involontaireNote de bas de page 22.

[24] Le cotisant a emménagé à X le 8 octobre 2015, de sorte qu’il avait un endroit sécuritaire pour vivreNote de bas de page 23. C’était seulement environ deux mois après qu’il a emménagé dans le Condo à X. Il a ensuite mis le Condo à X en vente. La mise en cause n’a pas occupé le Condo à X après le déménagement du cotisant à X. Le Condo à X a été vendu en 2016.

[25] La mise en cause n’a pas emménagé à X. Elle est demeurée en santé et a continué de travailler à temps plein. Elle a occupé la maison à X pendant plusieurs autres années.

[26] L’appelante a cité des éléments de preuve alléguant le manque d’engagement de la mise en cause envers le cotisant pendant qu’il occupait le Condo à X. Les enfants de l’appelante, E. C. et L. C., par exemple, ont passé la nuit au Condo à X à plusieurs reprises pour veiller sur le cotisant. D’autres membres de la famille semblent l’avoir fait également. Quant à la mise en cause, il semble qu’elle passait rarement la nuit au Condo à X, même si elle y avait une chambre à coucherNote de bas de page 24. Toutefois, la période clé est l’année précédant le décès du cotisant. Même si les événements qui ont précédé cette période peuvent être pertinents, j’hésite à trop m’appuyer sur une période de deux mois qui a eu lieu près de cinq ans avant son décès.

[27] Je vois également des circonstances uniques concernant le Condo à X. Toutes les parties acceptent que la mise en cause et le cotisant avaient un golden retriever nommé M. Toutes les parties reconnaissent également que ce type de chien n’était pas autorisé dans le Condo à X. La mise en cause et le cotisant ont fini par persuader le conseil d’administration du Condo à X de permettre à M. d’y vivre en tant que « chien d’assistance ». Il semble que cette permission n’ait été accordée qu’au dernier mois du cotisant au Condo à XNote de bas de page 25. À ce moment-là, le cotisant (et apparemment la mise en cause) avait déjà commencé à chercher une maison de retraite ou une maison de soins infirmiersNote de bas de page 26. La Cour fédérale a déclaré que le maintien d’une résidence séparée en raison de préoccupations liées à un animal de compagnie ne signifie pas nécessairement qu’il n’y a pas de relation conjugaleNote de bas de page 27.

[28] Dans les circonstances, il était raisonnable pour la mise en cause de passer la nuit avec M. au foyer X. Une fois que M. a été autorisée à être au Condo à X, c’était seulement une question de jours ou de semaines avant que le cotisant déménage à X. Par conséquent, il était également raisonnable pour la mise en cause de passer la nuit au foyer X (avec M.) à ce moment-là.

[29] Je vais maintenant appliquer les facteurs de la décision Betts à la preuve dans le présent appel. Par souci de commodité, je mettrai la première référence à chaque facteur de la décision Betts en caractères gras. Même si ma conclusion doit porter sur la dernière année de vie du cotisant, j’ai également examiné les éléments de preuve provenant des années qui ont précédé cette dernière année. En effet, je dois surtout décider si l’union de fait s’est poursuivie après 2015 et jusqu’au décès du cotisant. Les parties conviennent déjà qu’une union de fait a existé au moins jusqu’en 2015.

Application des facteurs de la décision Betts

[30] À la fin de sa vie, le cotisant vivait dans une maison de retraite et il avait beaucoup de difficulté à bouger et à communiquer. Sa maladie avait tellement progressé qu’au cours des dernières années de sa vie, il devait se nourrir à l’aide d’une sonde d’alimentation. Par conséquent, certains facteurs de la décision Betts sont peu ou pas pertinents. Il n’était plus possible pour lui et la mise en cause d’avoir une relation sexuelle. Ils ne pouvaient pas partager les responsabilités du foyer ou avoir des vacances communes. Le partage des responsabilités pour les enfants n’est pas non plus pertinent, car ils n’ont pas d’enfants ensemble. Leurs enfants issus de relations antérieures étaient tous bien avancés dans l’âge adulte à ce moment-là. Comme la mise en cause était en santé et qu’elle travaillait toujours à temps plein, on ne pouvait pas s’attendre à ce qu’elle vive à X aussi. De plus, il n’aurait pas été raisonnable pour elle de conserver ses vêtements à X.

[31] L’atrophie multisystématisée du cotisant a rendu difficile l’application égale de certains facteurs de la décision Betts à chaque personne. Par exemple, il n’aurait pas été raisonnable qu’il s’occupe de la mise en cause si elle était malade. Ainsi, certains facteurs de la décision Betts ne peuvent être pris en considération que d’un seul point de vue.

Facteurs de la décision Betts qui appuient l’existence d’une union de fait avec la mise en cause

[32] La mise en cause et le cotisant se sont acheté des cadeaux bien après le déménagement du cotisant à X. À l’audience, la mise en cause a dit qu’elle avait acheté au cotisant des choses comme des vêtements et la machine du Dr Ho pour améliorer la circulation dans les piedsNote de bas de page 28. Le cotisant, quant à lui, a acheté une bague en diamant à la mise en cause le 21 juin 2017Note de bas de page 29. Même si c’était avant sa dernière année, sa capacité d’acheter des cadeaux était déjà considérablement réduite à ce moment-là. Il a aussi acheté un pyjama pour elle un Noël alors qu’il était déjà à XNote de bas de page 30.

[33] Il était peu probable que le cotisant utilise les biens de la mise en cause dans sa vie quotidienne. Toutefois, je vois des éléments de preuve montrant que la mise en cause a utilisé une partie des biens du cotisant avec sa permission. Dans son testament, il a laissé sa motocyclette et son tracteur de jardin à la mise en causeNote de bas de page 31. Bien que ce testament date de 2017, la mise en cause semblait déjà avoir le tracteur lorsque le cotisant a déménagé à XNote de bas de page 32. Je ne vois rien qui me porte à croire que ces legs ont été ignorés. Ce facteur appuie modérément la mise en cause.

[34] Le cotisant s’attendait à une dépendance mutuelle entre lui et la mise en cause. Il a accordé à la mise en cause une procuration continue (ainsi qu’à L. C. et E. C.) pour ses biens personnels en septembre 2015Note de bas de page 33. En juillet 2016, il a accordé à la mise en cause une procuration pour ses soins personnels. Il en a également accordé une à ses sœurs, B. C. et A. CNote de bas de page 34. Je ne vois aucune preuve que l’une ou l’autre des procurations en faveur de la mise en cause a déjà été révoquée.

[35] La mise en cause a été le premier point de contact du cotisant pour X au cours de ses dernières années. L’administratrice de X, J. P., a déclaré que la mise en cause [traduction] « était responsable de toutes les décisions [du cotisant] tant sur le plan financier que sur le plan de ses préoccupations en matière de santé ». J. P. affirme que la mise en cause a également communiqué les [traduction] « besoins et les souhaits du cotisant à tous les membres de son équipe de soins de santé »Note de bas de page 35. J. P. a déclaré plus tard que la mise en cause [traduction] « s’occupait activement de son bien-être, lui offrait un soutien émotionnel et prenait des décisions financières en tant que proche aidante et compagne »Note de bas de page 36. Lorsque la mise en cause était parfois incapable de rester longtemps en 2017, le cotisant devenait inquietNote de bas de page 37.

[36] De même, il est évident que la mise en cause s’est occupée du cotisant lorsqu’il était malade. Comme je l’ai mentionné, elle était son principal contact chez X. C’est elle qui s’occupait de ses médicamentsNote de bas de page 38. Elle l’amenait à ses rendez-vous médicauxNote de bas de page 39. Elle avisait les membres de sa famille lorsqu’il était disponible (ou non) pour assister à des événements ou avoir de la visiteNote de bas de page 40. En raison de son état de santé, le cotisant n’aurait pas pu s’occuper de la mise en cause lorsqu’elle était malade.

[37] Dans son testament, le cotisant a laissé à la mise en cause un legs important : son REER chez Assante Wealth ManagementNote de bas de page 41. Bien qu’il ait fait ce testament en 2017, je ne vois aucune preuve qu’il ait jamais été remplacé. Toutefois, je ne vois aucune preuve montrant que la mise en cause avait un testament.

[38] De même, la mise en cause était la bénéficiaire d’une police d’assurance vie détenue par le cotisant auprès de Purple ShieldNote de bas de page 42. Le cotisant n’était pas le bénéficiaire d’une police d’assurance vie de la mise en cause. Toutefois, la mise en cause a déclaré qu’elle n’en avait pasNote de bas de page 43.

[39] La capacité du cotisant à communiquer était grandement restreinte au cours de la dernière année de sa vie. Il ne pouvait pas parler et ne pouvait communiquer qu’en utilisant un tableau. Néanmoins, la preuve laisse croire qu’il communiquait toujours avec la mise en cause. En mai 2020, elle a fait une [traduction] « visite à la fenêtre » avec lui pendant la partie la plus restrictive de la pandémie de COVID-19Note de bas de page 44. Elle était également avec lui quelques heures avant son décèsNote de bas de page 45. À l’audience, elle a dit qu’elle lui envoyait régulièrement des messages textes au coucher et qu’elle avait continué de le faire jusqu’en juillet 2020.

[40] Je vois également des éléments de preuve qui démontrent que le cotisant exprimait ses souhaits par l’intermédiaire de la mise en cause. Cela s’est poursuivi pendant une bonne partie de son séjour à X. En octobre 2018, par exemple, la mise en cause a informé les membres de sa famille que le cotisant ne voulait aller nulle part le jour de son anniversaire. Il préférait que des gens lui rendent visite à X.Note de bas de page 46 Son affection pour la mise en cause et sa relation avec celle-ci ont été démontrées au moyen d’une carte d’anniversaire qu’il lui a probablement remise en 2018 ou en 2019. La carte dit : [traduction] « [...] c’est toi que je veux pour toujours à mes côtés et dans mon cœur ». Sa mauvaise écriture montre que c’était vers la fin de sa vieNote de bas de page 47.

[41] L’appelante était également en contact régulier avec le cotisant au cours de la dernière année de sa vie. Je traiterai de l’incidence de cette communication plus loin dans la présente décision.

[42] Au cours de la vie du cotisant, les gens semblaient reconnaître le cotisant et la mise en cause comme conjoints de fait. En mai 2017, un avocat a rencontré les deux personnes au sujet d’une procurationNote de bas de page 48. En janvier 2018, le conseiller financier du cotisant a confirmé que son REER d’Assante serait transféré [traduction] « à [son] épouse » (la mise en cause) à son décèsNote de bas de page 49. En juillet 2020, seulement cinq jours avant le décès du cotisant, P. J., l’amie de la mise en cause, a envoyé un courriel à la mise en cause pour lui demander comment les choses se déroulaient. P. J. a appelé le cotisant le « mari » de la mise en causeNote de bas de page 50. À l’audience de la division d’appel, la mise en cause a dit que ses contacts précédents avec P. J. avaient eu lieu entre quelques mois et un an avant le courriel de juillet 2020 de P. J. Cela appuie que l’union de fait s’est poursuivie pendant la dernière année de la vie du cotisant.

[43] Beaucoup d’autres personnes ont par la suite affirmé que le cotisant et la mise en cause formaient un couple en union libre jusqu’au décès du cotisant. T. B. (ami de la mise en cause)Note de bas de page 51, A. H. (amie de la mise en cause),Note de bas de page 52 J. P. (administratrice à X)Note de bas de page 53, M. A. (pharmacienne et employeuse de la mise en cause)Note de bas de page 54, T. J. (conseiller financier de la mise en cause)Note de bas de page 55, le Dr William Tillmann (médecin du cotisant)Note de bas de page 56, C. B. (amie du cotisant et de la mise en cause)Note de bas de page 57, et le Dr Nemat Daraei (médecin de la mère du cotisant), ont tous appuyé cette conclusion par une lettre ou une déclaration sous sermentNote de bas de page 58. À l’exception de T. J., j’ai de la difficulté à voir comment ces personnes pourraient tirer un avantage financier en affirmant que l’union de fait avait perduré. Les autres n’en tireraient aucun intérêt personnel non plus.

[44] L’attitude et le comportement de la collectivité et des membres de la famille sont plus compliqués. Bon nombre des personnes citées dans la section « Reconnaissance publique » ci-dessus seraient considérées comme des « membres de la collectivité ». Je n’ai vu que peu ou pas de preuve de la « collectivité » niant l’existence d’une union de fait entre le cotisant et la mise en cause.

[45] Cependant, après l’annulation de l’admissibilité de l’appelante à la pension de survivant du Régime de pensions du Canada, les membres de la famille du cotisant ont commencé à nier que la relation avait duré jusqu’à son décès. Ils ont laissé entendre que la relation avait pris fin lorsque le cotisant avait emménagé dans le Condo à X. Ils ont dit que le fait qu’il était le seul à avoir la propriété légale du Condo à X et que la mise en cause n’y était pas de façon continue prouvait que les deux n’avaient plus une relation conjugale. Parmi ces membres de la famille se trouvaient E. C., L. C., A. C., B. C. et la belle-fille du cotisant, K. B. Ces éléments de preuve ont pris la forme de nombreuses déclarations déposées avant l’audience. L. C., E. C. et J. ont également présenté des éléments de preuve semblables à l’audience de la division d’appel.

[46] Comme je l’ai mentionné plus haut, j’estime que les raisons pour lesquelles la mise en cause n’a pas résidé exclusivement au Condo à X sont raisonnables et concordent avec l’existence d’une relation continue. De même, il était raisonnable que le cotisant soit le seul propriétaire légal, puisque la mise en cause possédait déjà une maison à son nom.

[47] Toutefois, je juge également que le moment où les déclarations des membres de la famille du cotisant sont faites est critique. Avec le directeur des funérailles, l’appelante, E. C., L. C. et A. C. ont rédigé l’avis de décès ainsi qu’un « signet » qui a été distribué lors des funérailles du cotisant. Le texte était le suivantNote de bas de page 59 :

[traduction]
[Le cotisant] laisse en deuil sa mère, O. C., et est précédé par son père, feu W. C. Il était le compagnon aimant de [la mise en cause] et il manquera énormément à ses enfants [L. C.] et [E. C.] ainsi qu’à leur mère [l’appelante].

[48] Le libellé de l’avis de décès laisse clairement entendre que, du point de vue de la famille, la mise en cause et le cotisant étaient toujours ensemble au moment de son décès. Cette position est très différente de celle que l’appelante, E. C., L. C. et A. C. ont adoptée par la suite à l’audience et dans leurs observations écrites. Ce n’est qu’après l’annulation de la pension de survivant de l’appelante qu’elle et les membres de la famille du cotisant ont dit que la mise en cause et le cotisant avaient cessé d’être un couple en 2015. Cela est tout à fait contraire au fait d’appeler la mise en cause la [traduction] « compagne aimante » du cotisant au moment de son décès.

[49] E. C. et L. C. ont écrit qu’ils [traduction] « essayaient seulement d’être inclusifs » envers la mise en causeNote de bas de page 60. L. C. a également écrit que le libellé [traduction] « ne devrait pas être considéré comme un fait établi », car il ne s’agissait [traduction] « pas d’un fait qui a été vérifié ». Cependant, en même temps, L. C. a déclaré : [traduction] « nous voulions reconnaître que [la mise en cause] avait joué un rôle important dans sa vie à un moment donné, et ne pas l’ignorer complètementNote de bas de page 61 ».

[50] À l’audience, L. C. a dit que le cotisant tenait toujours à la mise en cause même s’ils n’étaient plus conjoints de fait. L. C. a dit qu’ils avaient décidé de reconnaître que la mise en cause [traduction] « avait déjà été une compagne aimante ». E. C. a dit qu’ils étaient une famille attentionnée et qu’ils n’aimaient pas les conflits. Il a dit que le cotisant tenait à beaucoup de personnes, alors ils ont pensé que la formulation suggérée serait bien. A. C. a dit que les membres de la famille du cotisant étaient simplement « très gentils » et qu’ils avaient accepté la formulation suggérée par le salon funéraire. A. C. a ajouté que la mise en cause avait été invitée à l’une des réunions qui ont eu lieu après le décès [traduction] « par gentillesse ». A. C. a également dit que le cotisant lui avait dit qu’il ne voulait pas de la mise en cause à ses funérailles éventuelles.

[51] J’ai du mal avec ces explications. L’appelante, L. C., et E. C. ont tous dit par la suite que l’appelante et le cotisant avaient convenu de renouveler leurs vœux de mariage, mais qu’ils n’avaient pas pu le faire avant le décès du cotisantNote de bas de page 62. Cependant, L. C. et E. C. n’étaient pas présents lorsque cette question a été soi-disant abordée. Fait tout aussi important, je vois très peu de preuves sur les détails de ce plan. Les témoins de l’appelante se sont concentrés sur la présence de l’appelante (l’appelante, A. C., B. C. et le beau-frère B.) plutôt que sur les détails du planNote de bas de page 63.

[52] À l’audience, j’ai interrogé l’appelante au sujet de ce plan. Elle a dit que le renouvellement des vœux était son idée, parce que le cotisant ne pouvait plus parler. Elle a dit qu’elle lui avait posé la question juste avant la pandémie de COVID-19 et qu’il était d’accord. Cependant, je n’ai vu aucune preuve indiquant comment ou quand cela pourrait se produire ni qui aurait pu célébrer la cérémonie. Ces détails seraient particulièrement importants étant donné l’incapacité du cotisant à parler et son déclin physique avancé.

[53] Malgré ces éléments de preuve concernant le renouvellement des vœux de mariage, l’appelante (ainsi que A. C., E. C. et L. C.) a quand même décidé de désigner la mise en cause comme la [traduction] « compagne aimante » du cotisant dans l’avis de décès. Cela montre qu’il existait une union de fait continue. De même, malgré la déclaration ultérieure de A. C. selon laquelle le cotisant ne voulait pas que la mise en cause assiste à ses funérailles, elle a quand même permis à la mise en cause de participer de façon importante aux funérailles et de parler de « compagnon aimant ».

[54] Dans les circonstances, je ne peux pas accorder beaucoup d’importance à la preuve concernant le renouvellement des vœux de mariage. Je préfère accorder plus d’importance aux déclarations et aux actions démontrables faites pendant que le cotisant était encore en vie ou immédiatement après son décès. Pour cette raison, j’estime que les membres de la famille et de la collectivité considéraient le cotisant et la mise en cause comme des conjoints de fait jusqu’au moment du décès du cotisant.

[55] Un autre facteur de la décision Betts concerne les funérailles et la description des parties. Une part de ce facteur favorise la mise en cause : elle a été décrite comme la [traduction] « compagne aimante » du cotisant. Elle a également fait la lecture à l’enterrement, à la demande des membres de sa famille. Elle a également pris des dispositions pour que la caserne de pompiers participe aux funérailles parce le cotisant y avait travaillé. Cependant, d’autres aspects de ce facteur de la décision Betts favorisent l’appelante, puisque les membres de la famille du cotisant semblaient s’être occupés de la majeure partie des autres arrangements funérairesNote de bas de page 64. Pour ce qui est des frais funéraires, l’intention initiale du cotisant était que l’argent provienne de ses comptes bancairesNote de bas de page 65. Je suis d’avis que la description de la « conjointe aimante » est si claire et directe qu’elle l’emporte sur les autres aspects et favorise l’union de fait.

Facteurs de la décision Betts qui n’appuient pas l’existence d’une union de fait avec la mise en cause

[56] Le cotisant et la mise en cause avaient relativement peu d’interdépendance financière. Ils n’avaient pas de carte de crédit ou de compte bancaire conjoint. Ils n’étaient pas propriétaires d’une maison ensembleNote de bas de page 66. Toutefois, la mise en cause a bel et bien utilisé la carte bancaire du cotisant et les chèques en son nom. Elle payait des factures et faisait des dépôts pour luiNote de bas de page 67. Cela atténue leur indépendance apparente d’une façon limitée.

[57] La mise en cause a dit que le cotisant et elle ont produit leurs déclarations de revenus séparémentNote de bas de page 68. À l’audience, elle a dit qu’ils se déclaraient comme célibataires aux fins de l’impôt. Cependant, elle a laissé entendre que le cotisant s’était décrit comme un conjoint de fait dans un formulaire gouvernemental en 2015. Même si c’est vrai, les nombreuses autres déclarations de « célibataire » ont davantage de poids.

Conclusion sur les facteurs de la décision Betts

[58] Les facteurs de la décision Betts ne fournissent pas une réponse unanime. Ils ont également certaines limitations : certains facteurs ne sont pas pertinents ou sont relativement faibles. Dans l’ensemble, cependant, je juge que les facteurs favorisent l’union de fait entre la mise en cause et le cotisant au moins pendant la dernière année de sa vie.

[59] L’application des facteurs de la décision Betts n’est pas un exercice mathématique strict. Certains facteurs peuvent avoir un poids différent, selon les circonstancesNote de bas de page 69. Dans la présente affaire, le cotisant avait une maladie en phase terminale qui a affecté sa qualité de vie de façon importante. Cela signifie que les facteurs liés à ses soins sont plus importants que d’habitude. Ces facteurs ont favorisé la mise en cause.

[60] De même, le simple nombre de déclarations ou de témoins ne permet pas de trancher l’affaire. Le moment choisi pour les déclarations et les relations avec les témoins sont essentiels. Dans la présente affaire, la mise en cause et l’appelante ne s’entendent pas sur la question de savoir qui devrait obtenir gain de cause. Cependant, au moins certains des témoins de l’appelante auraient pu avoir un intérêt personnel dans l’issue de l’affaire. L’appelante a répété qu’elle s’assurerait que E. C. et L. C. recevraient le produit de la pension de survivantNote de bas de page 70. Cela ne veut pas dire que je ne crois pas leur preuve. Cependant, lorsque je vois des contradictions, je préfère les déclarations des personnes qui n’ont aucun intérêt personnel dans l’issue.

[61] Dans la présente affaire, la plupart des témoins indépendants appuyaient la mise en cause. Il s’agissait notamment de professionnels comme le Dr Tillmann, le Dr Asadollahi et le Dr Daraei. Le Dr Tillmann a dit que la mise en cause et le cotisant étaient conjoints de fait depuis au moins 2015 jusqu’au décès du cotisantNote de bas de page 71. Le Dr Asadollahi connaissait la mise en cause depuis 2012 et a dit qu’elle et le cotisant étaient restés en couple jusqu’au décès du cotisant. Le Dr Asadollahi a appuyé cette affirmation en décrivant les soins et le soutien que la mise en cause avait fournis au cotisantNote de bas de page 72. Le Dr Daraei connaissait la mise en cause et le cotisant depuis 2013. Il a dit qu’ils étaient en couple depuis ce temps et il a décrit les soins et le soutien que la mise en cause avaient fournis au cotisant ainsi qu’à sa mèreNote de bas de page 73.

[62] La preuve de J. P. appuyait aussi fortement la mise en cause. Je remarque que J. P., en tant qu’administratrice des foyers de soins, a refusé de fournir à A. C. une déclaration de soutien concernant la participation de A. C. aux soins du cotisant. Après avoir discuté de la demande de A. C. avec l’équipe de gestion de X, J. P. a écrit ce qui suitNote de bas de page 74 :

[traduction]
Selon nos dossiers [la mise en cause] était la principale personne-ressource [du cotisant]. Elle a contribué activement à son bien-être, en lui offrant du soutien émotionnel, en prenant des décisions financières, en tant que proche aidante et compagne. Nous ne pouvons pas vous envoyer une lettre de recommandation contenant de faux renseignements.

[63] J’estime également que la plupart des éléments de preuve à l’appui de l’appelante ont été créés seulement après que la pension de survivant du Régime de pensions du Canada a été contestée. Je ne vois aucune preuve convaincante montrant que la mise en cause et le cotisant avaient l’intention de mettre fin à leur union de fait. L’exception possible à cette règle serait la preuve relative à la présence accrue de l’appelante dans la vie du cotisant peu de temps avant son décès. Je vais examiner cela séparément ci-dessous.

[64] Enfin, l’analyse suivie dans des décisions comme celle de McLaughlin m’aurait mené à la même conclusion. Les catégories de comportement social, sociétal et personnel de McLaughlin étaient particulièrement pertinentes dans la présente affaire. La preuve dans le présent appel favorise la mise en cause dans chacune de ces catégories.

Autres questions soulevées par l’appelante

[65] L’appelante a soulevé de nombreuses questions dans le présent appel. Je vais en aborder brièvement quelques-unes ci-dessous. Toutefois, aucune d’entre elles n’a d’incidence sur l’issue du présent appel.

Incohérences et faussetés

[66] Bon nombre des observations de l’appelante et de ses témoins portent sur des incohérences ou des faussetés présumées dans les déclarations de la mise en causeNote de bas de page 75.

[67] Premièrement, je fonde ma conclusion ci-dessus fortement sur des éléments de preuve objectifs, plutôt que sur des déclarations faites dans le cadre de la présente instance. J’examine également l’ensemble de la preuve, plutôt que chaque élément de preuve pris de façon isolée. Néanmoins, j’estime que les déclarations incohérentes ou erronées ne se limitaient pas à une seule partie.

[68] Par exemple, L. C. a écrit qu’un article de journal de mai 2020 disait que le cotisant était à X depuis six ans. Cet article découlait d’une entrevue avec la mise en causeNote de bas de page 76. La période de six ans est manifestement incorrecte, car toutes les parties reconnaissent que le cotisant a déménagé là en octobre 2015. Ainsi, même s’il y était resté pendant une partie de six années civiles, son véritable séjour là-bas a duré un peu moins de cinq ans.

[69] En même temps, l’appelante et ses témoins ont donné des années différentes pour sa « réconciliation » avec le cotisant. Elle fait référence à une réconciliation en 2016Note de bas de page 77, tandis que L. C. et E. C. disent que cela s’est produit en 2017Note de bas de page 78. Bien que la nature de tout rapprochement potentiel soit potentiellement pertinente et qu’elle sera examinée plus en détail ci-dessous, la légère différence dans l’année civile n’est pas importante ou pertinente pour ma décision. De même, l’erreur susmentionnée dans l’article de mai 2020 n’est pas non plus significative ou pertinente.

[70] Je constate de nombreuses incohérences dans la preuve. Cela ne me surprend pas. Le cotisant était atteint d’une terrible maladie. L’atrophie multisystématisée a été un lourd fardeau pour le cotisant et pour les personnes qui s’occupaient de lui. La pandémie de COVID-19 a bouleversé les vies et les habitudes. Les témoins travaillaient à temps plein, allaient à l’école ou n’étaient pas régulièrement à X. Dans la présente décision, j’ai seulement abordé les incohérences qui pourraient être pertinentes à l’issue du présent appel.

La réconciliation possible

[71] Lorsque j’ai discuté de l’attitude des membres de la famille à l’égard de l’union de fait, j’ai tenu compte de la relation entre l’appelante et le cotisant à la toute fin de sa vie. L. C., l’appelante, et E. C. ont tous dit plus tard que l’appelante et le cotisant avaient convenu de renouveler leurs vœux de mariage. A. C. a dit que le cotisant ne voulait pas que la mise en cause assiste à ses funérailles. Toutefois, comme je l’ai mentionné plus haut, l’appelante, L. C. et E. C. ont quand même convenu que l’avis de décès du cotisant ferait référence à la mise en cause comme étant sa [traduction] « compagne aimante ». Ils lui ont également permis de faire la lecture à l’enterrement. Ces deux gestes témoignent d’une union de fait continue reconnue par les membres de sa famille.

[72] Malgré mes conclusions au sujet de cette preuve, je reconnais que l’appelante et le cotisant ont recommencé à se parler vers la fin de sa vie. J’admets que l’appelante a rendu visite au cotisant et qu’elle a communiqué avec lui par messages textes et sur Skype. Il s’agit d’un changement important par rapport aux mauvais sentiments qui ont découlé de leur séparation initiale en 2005.

[73] Toutefois, le fait que la communication a repris entre l’appelante et le cotisant n’est pas fatal à l’union de fait entre la mise en cause et le cotisant. L’appelante n’était pas n’importe qui. Elle était toujours légalement mariée au cotisant. Elle était la mère de ses enfants. Le cotisant a conservé ses capacités cognitives, malgré son déclin physique. Il était probablement heureux que ses enfants n’aient plus à choisir entre lui et leur mère. Je remarque également que les contacts ultérieurs de l’appelante avec lui se sont souvent déroulés en présence d’autres personnesNote de bas de page 79. À l’audience, la mise en cause a déclaré que l’appelante lui avait envoyé un texto pour demander si elle pouvait aller rendre visite au cotisant vers décembre 2016.

[74] De même, je n’accorde aucune importance au fait que l’appelante et ses enfants ont vu le cotisant après que la mise en cause l’a vu pour la dernière fois. Ils l’ont tous vu à l’hôpital, quelques heures seulement avant son décès. Étant donné la pandémie, il était impossible pour tout le monde de le voir en même temps. La mise en cause a dit qu’elle avait été avec lui toute la journée, jusqu’à la finNote de bas de page 80. À l’audience, elle a dit qu’ils portaient toujours les bracelets qu’ils s’étaient donnés.

[75] Dans les circonstances, le contact entre l’appelante et le cotisant n’a aucune incidence sur ma conclusion concernant sa relation avec la mise en cause.

Participation d’autres personnes aux soins du cotisant

[76] L’appelante a souvent fait remarquer que la mise en cause n’avait pas tenu compte de toutes les préoccupations concernant le cotisant. Elle dit aussi que d’autres personnes l’emmenaient souvent à des rendez-vous aussi. E. C. et L. C. ont fourni des éléments de preuve semblablesNote de bas de page 81. Le but était de laisser entendre que la mise en cause ne vivait plus en union de fait avec le cotisant.

[77] J’admets que la mise en cause n’a pas tenu compte de toutes les préoccupations. Cependant, je ne trouve pas cela convaincant. La mise en cause a dit qu’elle transmettait souvent des renseignements aux membres de sa famille. Elle a dit qu’il avait [traduction] « une famille très nombreuse qui a gentiment offert de l’aider à subvenir à certains de ses besoins ». Elle a dit qu’elle [traduction] « ne voyait pas de problème à leur déléguer certaines des tâches plus difficiles à l’occasion »Note de bas de page 82.

[78] Je trouve cela raisonnable. Même si la mise en cause a dit qu’elle avait amené le cotisant à [traduction] « la majorité » de ses rendez-vous médicaux, elle travaillait tout de même à temps plein pour des raisons financièresNote de bas de page 83. Son employeuse a mentionné la fréquence à laquelle elle recevait des appels de X et prenait congé du travail pour amener le cotisant à des rendez-vousNote de bas de page 84. En même temps, la mise en cause a également aidé la mère du cotisant avec ses rendez-vous médicaux et ses soinsNote de bas de page 85. Dans ces circonstances, je ne tire aucune conclusion négative au sujet de la délégation de certains rôles à des membres de la famille du cotisant par la mise en cause.

Promesse de transférer le produit de la pension aux enfants

[79] L’appelante a souvent fait référence au désir apparent du cotisant que sa pension de survivant aille à ses enfants. À l’audience, elle a mis la mise en cause au défi de respecter ces souhaits si la mise en cause obtenait gain de cause dans le présent appel.

[80] Bien que l’appelante ait fait référence à un « billet à ordre » concernant ce souhait, elle a admis à l’audience que la mise en cause n’en avait jamais signé. La mise en cause a également dit qu’elle n’avait jamais rien signé de la sorte. Elle a fait valoir que le testament 2017 du cotisant refléterait déjà ses souhaits.

[81] De toute façon, le Tribunal ne peut pas ordonner à une partie comment utiliser une pension de survivant du Régime de pensions du Canada. Celui-ci précise qui a légalement droit à une telle pension, mais il n’en va pas plus loin. Je dois interpréter et appliquer les dispositions énoncées dans le Régime de pensions du Canada. Aucune de ces dispositions ne pourrait s’appliquer à un tel souhait du cotisant ni l’exécuter.

Observations finales sur la présente instance

[82] La présente instance semble avoir éloigné la mise en cause de l’appelante et de la famille du cotisant. C’est malheureux, compte tenu de la preuve concernant le cotisant lui-même. De l’avis général, c’était un homme bienveillant et généreux.

[83] Je ne peux pas forcer les parties à oublier leurs différences d’opinions. Je peux seulement décider qui a droit à la pension de survivant. Toutefois, la norme dans la présente affaire est la « prépondérance des probabilités ». Même si la mise en cause a réussi à respecter cette norme, cela ne signifie pas que tous les éléments de preuve la favorisent ou que tout ce qu’elle a dit est exact. Cela ne signifie pas non plus que tout ce qui a été dit par l’appelante était erroné. J’invite les parties à s’en souvenir.

Conclusion

[84] L’appel est rejeté. La mise en cause a toujours droit à la pension de survivant du Régime de pensions du Canada.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.