Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : SR c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 171

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : S. R.
Représentante ou représentant : Susan Poste
Partie défenderesse : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante ou représentant : Viola Herbert

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le
6 octobre 2022 (GP-21-1475)

Membre du Tribunal : Kate Sellar
Mode d’audience : Par écrit
Date de la décision : Le 23 février 2024
Numéro de dossier : AD-23-553

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Décision

[1] L’appel de la requérante est rejeté. Voici les motifs de ma décision.

Aperçu

[2] S. R. (la requérante) a commencé à recevoir une pension de survivant du Régime de pensions du Canada (RPC) en juillet 2003. Elle a reçu une pension réduite parce qu’elle répondait aux exigences du RPC en vigueur à ce moment-là. Les voici :

  • Elle avait moins de 45 ans au moment du décès de son époux.
  • Elle n’avait pas d’enfant à charge.
  • Elle n’était pas invalide.

[3] Le RPC a changé le 1er janvier 2019. Service Canada a recalculé la pension de survivant du RPC de la requéranteNote de bas de page 1. Celle-ci a commencé à recevoir la pleine pension à compter du 1er janvier 2019.

[4] La requérante a demandé un versement rétroactif du montant soustrait de sa pension de survivant du RPC de juillet 2003 à décembre 2018. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande une première fois et après révision.

[5] La requérante a fait appel au Tribunal. Le 6 octobre 2022, la division générale a rejeté l’appel sans tenir d’audience (rejet sommaire). Elle a décidé qu’il n’avait aucune chance raisonnable de succès. Elle a conclu que le RPC permettait à la requérante de recevoir la pleine pension de survivant, mais seulement le 1er janvier 2019.

[6] La requérante a fait appel de la décision de la division générale. La division d’appel a accueilli son avis d’appelNote de bas de page 2. La requérante a participé à une conférence préparatoire en août 2023. En septembre 2023, le Tribunal l’a autorisée à présenter d’autres arguments écrits liés à une affaire que le ministre a abordée pendant la conférence préparatoireNote de bas de page 3.

[7] La requérante soutient que la division générale a commis une erreur en omettant d’examiner si les règles du RPC violaient ses droits garantis par la Charte. J’ai décidé que la division générale n’a pas commis d’erreur au titre de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.

Questions en litige

[8] Voici les questions en litige dans le présent appel :

  1. a) La division générale a-t-elle omis de donner à la requérante une occasion équitable de soulever l’argument fondé sur la Charte devant la division générale?
  2. b) La division générale a-t-elle omis d’exercer sa compétence en ne discutant pas de l’argument fondé sur la Charte dans sa décision?
  3. c) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que la requérante n’avait pas droit à un versement rétroactif de la pleine pension de survivant avant le 1er janvier 2019?
  4. d) La division générale a-t-elle commis une erreur de fait en ignorant l’argument fondé sur la Charte de la requérante?

Analyse

[9] Je peux accueillir l’appel si la requérante démontre que la division générale a fait l’une des choses suivantes :

  • omettre de lui offrir un processus équitable;
  • outrepasser sa compétence ou refuser de l’exercer;
  • commettre une erreur de droit;
  • fonder sa décision sur une erreur de fait, commise soit :
    1. (a) de façon « abusive ou arbitraire »;
    2. (b) en ignorant ou en comprenant mal les faits.

L’argument fondé sur la Charte de la requérante ne peut pas constituer le fondement d’une erreur commise par la division générale

[10] La requérante n’a pas démontré que la division générale a commis une erreur. Par conséquent, je dois rejeter son appel.

La division générale n’a pas omis de donner à la requérante une occasion équitable de soulever l’argument fondé sur la Charte

[11]  Si la division générale omet d’offrir un processus équitable aux parties, il peut y avoir une erreur. L’obligation d’équité dépend d’une variété de facteurs selon l’affaireNote de bas de page 4. Une partie de l’obligation d’agir équitablement est d’accorder aux personnes le droit de se faire entendre. Ce droit consiste à leur donner la possibilité de répondre aux questions de la personne qui prend la décision. Il consiste également à leur donner la possibilité de présenter des arguments sur chaque fait ou facteur susceptible d’avoir une incidence sur la décisionNote de bas de page 5.

[12] Lorsque la requérante a fait appel devant la division générale, elle a clairement soulevé la question du droit à l’égalité protégé par l’article 15 de la CharteNote de bas de page 6. La division générale a tenu une conférence préparatoire pour discuter de cette question et expliquer les exigences relatives à l’avis d’appel mettant en cause la Charte.

[13] La division générale a envoyé une lettre pour donner suite à la conférence préparatoire. Dans cette lettre, elle a accordé un délai à la requérante pour fournir le formulaire requis de l’avis d’appel mettant en cause la Charte. La date limite (le 3 septembre 2021) est passée sans que la requérante le fournisse. Elle n’a pas demandé une prolongation du délai. Le Tribunal a envoyé une autre lettre datée du 7 septembre 2021, déclarant qu’il n’avait pas reçu l’avis d’appel, donc il avait compris qu’elle n’avait pas l’intention de présenter un argument fondé sur la Charte. La lettre précisait que le Tribunal allait procéder à l’appel et n’allait pas aborder les questions relatives à la Charte.

[14] Plusieurs jours plus tard, la division générale a écrit à la requérante pour lui expliquer qu’elle avait l’intention de rejeter l’appel sans tenir d’audienceNote de bas de page 7. La lettre précisait que le Tribunal doit rejeter un appel de façon sommaire s’il est convaincu que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Le Tribunal a reçu les coordonnées de la nouvelle représentante de la requérante. Peu de temps après, la division générale a reçu les arguments qui expliquaient pourquoi l’appel ne devrait pas être rejetéNote de bas de page 8. Ceux-ci n’ont pas fait allusion à la Charte ni à la discrimination. Ils portaient sur la situation financière de la requérante et sur les raisons pour lesquelles elle nécessitait que la pleine pension de survivant commence plus tôt.

[15] La requérante n’a pas démontré que le processus suivi par la division générale pour traiter son argument fondé sur la Charte était injuste. Je suis convaincue que la division générale lui a donné l’occasion de le présenter. La première étape de ce processus consistait à fournir le formulaire rempli de l’avis d’appel mettant en cause la Charte, et la requérante ne l’a pas fait. Sans cette étape, l’appel ne pouvait tout simplement pas aller de l’avant sous l’angle de la CharteNote de bas de page 9.

[16] Les arguments de la requérante équivalent à une demande de défendre des questions relatives à la Charte devant la division d’appel. Cependant, la requérante ne peut pas soulever un argument fondé sur la Charte pour la première fois de cette façon. Elle doit démontrer que la division générale a commis une erreur. Je ne vois aucune erreur provenant du fait de ne pas avoir abordé la Charte. La requérante a laissé tomber cette partie de son appel à la division généraleNote de bas de page 10. Elle soutient qu’elle ne l’a jamais laissée tomber, mais en omettant de fournir son avis d’appel, elle a décidé de ne pas procéder à cette partie de l’appel.

La division générale n’a pas omis d’exercer sa compétence en ne discutant pas de l’argument fondé sur la Charte dans sa décision

[17] La division générale peut commettre une erreur lorsqu’elle omet de trancher une question qu’elle a le pouvoir de trancher ou tranche une question qu’elle n’a pas le pouvoir de trancher.

[18] La requérante soutient que la division générale a commis une erreur de compétence en décidant de rejeter l’appel de façon sommaire. Elle soutient que la division générale n’aurait pas dû trancher cette question sans d’abord décider si la façon dont le RPC s’appliquait à elle était discriminatoire compte tenu de son âge et de son invaliditéNote de bas de page 11.

[19] La requérante n’a pas démontré que la division générale a commis une erreur de compétence. La division générale ne pouvait pas trancher une question relative à la Charte sans l’avis d’appel, et la requérante ne l’a pas fourni. Une fois la date limite passée, la division générale devait décider ce qu’il restait de l’appel. La division générale doit rejeter l’appel de façon sommaire lorsqu’elle décide qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès.

[20] La requérante n’a pas démontré que la division générale a outrepassé sa compétence.

La division générale n’a pas commis d’erreur de droit en concluant que la requérante n’avait pas droit aux versements rétroactifs qu’elle a demandés

[21] La division générale commet une erreur lorsqu’elle interprète mal la loi ou applique le mauvais critère juridique.

[22] Je crois comprendre que selon la requérante, la division générale aurait dû conclure qu’elle avait droit à une pleine pension de survivant à compter de juillet 2003, lorsqu’elle a commencé à recevoir la pension partielle.

[23] Je ne peux pas conclure que la division générale a commis une erreur de droit à ce sujet. La division générale a souligné qu’elle doit respecter la loi telle qu’elle est énoncée dans le RPC. Elle a expliqué que rien dans le RPC ne permettait le versement rétroactif d’une pension de survivant après la modification de la loi en janvier 2019Note de bas de page 12. Par conséquent, l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès.

[24] La requérante a donné de bonnes raisons pour expliquer son besoin financier lié aux versements rétroactifs, et elle présente toujours ces arguments devant la division d’appel. Cependant, je ne trouve aucune erreur de droit dans la conclusion de la division générale. En effet, rien dans la loi ne lui permettait d’examiner pourquoi la requérante avait besoin de la pleine pension de survivant avant janvier 2019.

La division générale n’a pas commis d’erreur de fait en ignorant l’argument fondé sur la Charte de la requérante

[25] La division générale peut commettre une erreur de fait lorsqu’elle se trompe sur les faits (en ignorant ou en comprenant mal la preuve).

[26] J’ai examiné le dossier et je suis convaincue que la division générale n’a pas ignoré ou mal compris la preuve de la requéranteNote de bas de page 13. Lorsque la requérante a fait appel à la division générale, elle a déclaré que mettre en place une condition d’âge (qui existait avant 2019) pour recevoir une pleine pension de survivant était discriminatoire au sens de l’article 15 de la Charte compte tenu de son âge et de son invalidité. Elle n’avait aucun contrôle sur son âge au moment du décès du cotisant.

[27] La division générale n’a pas ignoré ou mal compris les faits concernant l’âge ou l’invalidité de la requérante. Elle est présumée avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve. La requérante peut renverser cette présomption dans le cas où la preuve serait assez importante pour que la division générale en discuteNote de bas de page 14. La division générale ne pouvait pas examiner l’argument fondé sur la Charte (relatif à la discrimination) au sujet de son âge et de son invalidité sans l’avis d’appel mettant en cause la Charte.

[28] La requérante n’a pas prouvé que la division générale a commis une erreur que je peux aborder.

Conclusion

[29] L’appel est rejeté. La requérante n’a pas prouvé que la division générale a commis une erreur.

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