Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : SL c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 337

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : S. L.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision du ministre de l’Emploi et
du Développement social datée du 9 août 2023
(communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Adam Picotte
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 2 avril 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 4 avril 2024
Numéro de dossier : GP-23-1484

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante, S. L., n’est pas admissible à une prestation de survivant. Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelante est l’ancienne conjointe de fait du cotisant décédé, S. P. (le « cotisant décédé » ci-après). Le cotisant décédé est décédé le 27 janvier 2023. Au moment de son décès, l’appelante ne vivait plus avec lui depuis mai 2019.

[4] L’appelante affirme que sa séparation du cotisant décédé était involontaire et que, par conséquent, elle devrait avoir droit à une prestation de survivant au titre du Régime de pensions du Canada.

[5] Le ministre affirme que même si la séparation était involontaire, en raison d’une ordonnance de non-communication prise par les Services aux victimes en Colombie-Britannique, les parties ne vivaient pas dans une relation conjugale pendant l’année précédant le décès du cotisant et que, par conséquent, l’appelante n’a pas droit à une prestation de survivant.

Ce que l’appelante doit prouver

[6] Pour obtenir gain de cause, l’appelante doit prouver qu’elle était le survivant du cotisant décédé.

[7] Au titre du Régime de pensions du Canada, une prestation de survivant est versée au survivant d’un cotisant qui a versé des cotisations pendant au moins la période minimale d’admissibilité.

[8] Le terme « survivant » s’entendNote de bas de page 1 :

  1. a) à défaut de la personne visée à l’alinéa b), de l’époux du cotisant au décès de celui-ci;
  2. b) du conjoint de fait du cotisant au décès de celui-ci.

[9] Le Régime de pensions du Canada définit un conjoint de fait comme suitNote de bas de page 2 :

La personne qui, au moment considéré, vit avec un cotisant dans une relation conjugale depuis au moins un an. Il est entendu que, dans le cas du décès du cotisant, « moment considéré » s’entend du moment du décès.

[10] Une relation conjugale implique habituellement que les parties s’identifient comme « conjoints de fait » et aient des intérêts financiers communs. Une Cour a déclaré que la question est de savoir « si les parties viv[ai]ent dans une relation conjugale qui [était] semblable au mariage »Note de bas de page 3.

[11] Le Régime de pensions du Canada ne définit pas la notion de « cohabitation dans une relation conjugale ». Cependant, une décision de 2001 intitulée Betts énonce des facteurs qui sont habituellement pertinents à cette questionNote de bas de page 4. Je les appellerai les « facteurs de la décision Betts ». Les plus pertinents aux fins du présent appel sont les suivants :

    a) Interdépendance financière

    b) Relations sexuelles

    c) Résidence commune

    d) Achat de cadeaux lors d’occasions spéciales

    e) Vacances communes

    f) Bénéficiaire du testament de l’autre

    g) Bénéficiaire de la police d’assurance de l’autre

    h) Attitude et comportement des membres de la collectivité

    i) Arrangements funéraires

    j) État matrimonial dans divers documents

[12] La Cour suprême du Canada a déclaré qu’une conjointe de fait légalement séparée n’a pas droit à une pension de survivant. Elle a examiné la situation d’une femme qui, quelques années avant le décès du cotisant, était physiquement séparée de son ancien conjoint de fait et avait l’intention de rendre la séparation permanente. La Cour a décidé qu’au moment du décès du cotisant, elle n’était pas une conjointe de fait séparée, mais bien une ancienne conjointe de fait. Cela signifie qu’elle n’était plus une conjointe dans tout sens juridique reconnu en common lawNote de bas de page 5.

[13] Il incombe à l’appelante de prouver qu’il était plus probable qu’improbable qu’elle vivait dans une relation conjugale avec le cotisant depuis au moins un an au moment de son décèsNote de bas de page 6.

Motifs de ma décision

L’appelante ne vivait plus dans une relation conjugale avec le cotisant décédé au moment de son décès

[14] À l’audience orale du présent appel, l’appelante a parlé de sa relation avec le cotisant décédé. Elle m’a dit qu’elle avait noué une relation avec lui à l’âge de 17 ans. Ensemble, ils ont eu trois enfants. Ils ont cohabité de 2014 à 2019. Pendant cette période, ils vivaient dans une relation conjugale. Ils partageaient un foyer, élevaient trois enfants ensemble et étaient généralement acceptés par la communauté dans son ensemble comme vivant dans une relation semblable au mariage. Cependant, cela a changé en 2019.

[15] En mai 2019, l’appelante a été hospitalisée à la suite d’une altercation physique au cours de laquelle le cotisant décédé l’a blessée. Ses blessures étaient d’une telle gravité qu’elle a été examinée pour une fracture possible de la colonne vertébrale.

[16] À la suite de l’altercation physique, une ordonnance de non-communication a été rendue contre le cotisant décédé. Cela l’a empêché de communiquer avec l’appelante ou leurs enfants. Pendant une courte période, l’appelante est demeurée en contact avec le cotisant décédé. Toutefois, cette situation a pris fin au milieu de l’année 2019, lorsque les Services d’aide aux victimes ont informé l’appelante que si elle continuait à communiquer avec le cotisant décédé, ses enfants seraient mis sous protection.

[17] Par conséquent, l’appelante a cessé de communiquer avec le cotisant décédé, sauf à deux occasions. Il s’agissait de journées uniques : une fois, lorsque l’appelante a croisé le cotisant décédé dans un Walmart et une autre fois, lorsqu’elle s’est arrêtée chez la mère du cotisant décédé pour rendre visite à ce dernier. À part ces deux incidents, l’appelante n’a pas vu le cotisant décédé au cours des trois ans et demi qui ont suivi, jusqu’à son décès en janvier 2023.

[18] Au cours de l’audience orale, j’ai parlé à l’appelante de toute relation qu’elle entretenait avec le cotisant décédé. Elle m’a expliqué qu’elle n’entretenait aucune relation avec lui. Il n’a laissé aucune police d’assurance-vie, n’avait pas de testament et l’appelante n’a pas participé à ses arrangements funéraires. Ils se sont rarement vus après l’altercation physique de 2019 et, par conséquent, ne passaient pas de temps ensemble.

[19] Bien qu’une entente de pension alimentaire ait été établie pour les enfants, le cotisant décédé ne respectait pas le calendrier de paiements. L’appelante a expliqué que le cotisant décédé avait principalement été au chômage de 2019 jusqu’à son décès en 2023. Par conséquent, il n’a fourni aucun soutien financier à l’appelante ou à leurs enfants.

[20] L’appelante m’a dit que de 2019 à 2023, elle s’inquiétait du cotisant décédé, car il était toxicomane. Elle a tenté de communiquer avec lui, mais sans succès.

[21] Lors de l’audience orale, il était clair pour moi que l’appelante a continué de se soucier du cotisant décédé après leur séparation. Cependant, je ne peux pas conclure qu’ils ont maintenu une relation conjugale. L’appelante a reçu l’ordre de ne plus communiquer avec le cotisant décédé et elle s’est généralement conformée à cet ordre. Elle a quitté leur domicile commun et a cessé de communiquer avec lui, sauf pendant une courte période à la suite de l’altercation physique.

[22] Elle n’a pas passé de temps avec lui, sauf pour une seule interaction à la maison de sa mère à la suite de l’altercation physique. Il n’a fourni aucun soutien financier à l’appelante ou à leurs enfants.

[23] Les facteurs de la décision Betts exigent que les personnes vivent dans une relation semblable au mariage. Des aspects tels que l’interdépendance financière, les relations sexuelles continues, la résidence commune, le temps partagé et les vacances communes, et le fait de se désigner mutuellement comme bénéficiaires dans les testaments et les polices d’assurance ne sont pas présents dans la présente affaire. Lorsque je pense aux facteurs de la décision Betts et à la nature de la relation, je ne suis pas en mesure de conclure qu’une relation conjugale existait après mai 2019. Pour cette raison, je ne suis pas convaincu que l’appelante s’est acquittée de son fardeau de prouver qu’une relation conjugale existait dans l’année précédant le décès du cotisant.

[24] Par conséquent, je dois rejeter l’appel.

Conclusion

[25] Je conclus que l’appelante n’est pas admissible à une prestation de survivant.

[26] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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