[TRADUCTION]
Citation : BL c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 979
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu
Décision
Partie appelante : | B. L. |
Partie intimée : | Ministre de l’Emploi et du Développement social |
Partie intimée : | Janice Wong |
Décision portée en appel : | Décision de révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 5 mai 2023 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Anita Nathan |
Mode d’audience : | En personne |
Date de l’audience : | Le 16 juillet 2024 |
Personnes présentes à l’audience : | Appelante Témoin de l’appelante Représentante de l’intimé |
Date de la décision : | Le 13 août 2024 |
Numéro de dossier : | GP-24-187 |
Sur cette page
- Décision
- Aperçu
- Ce que l’appelante doit prouver
- Questions que je dois examiner en premier
- Motifs de ma décision
- Conclusion
Décision
[1] L’appel est accueilli.
[2] L’appelante, B. L., a droit à une pension de survivant du Régime de pensions du Canada (RPC) par suite du décès du cotisant, H. L. La présente décision explique pourquoi j’accueille l’appel.
Aperçu
[3] L’appelante affirme qu’elle vivait en union de fait avec H. L. au moment du décès de ce dernier, le 14 juin 2022Note de bas de page 1. Elle affirme également qu’elle et H. L. vivaient ensemble depuis février ou mars 2021. L’appelante a demandé une pension de survivant du RPC. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a refusé sa demande.
[4] L’appelante a fait appel de la décision du ministre auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.
Ce que l’appelante doit prouver
[5] Selon la loi, pour avoir droit à une pension de survivant, il faut être la survivante ou le survivant de la personne cotisante décédéeNote de bas de page 2. Le RPC définit « survivant » comme le conjoint de fait ou (s’il n’y a pas de conjoint de fait) l’époux du cotisantNote de bas de page 3.
[6] Dans le cadre du RPC, un conjoint de fait est une personne qui, au moment du décès du cotisant, vit avec ce dernier dans une relation conjugale depuis au moins un anNote de bas de page 4.
[7] Le Régime de pensions du Canada ne définit pas la [TRADUCTION] « cohabitation dans une relation conjugale ». Toutefois, les tribunaux ont énoncé des facteurs qui sont habituellement pertinents quant à cette question. Les facteurs sont les suivantsNote de bas de page 5 :
- a) Interdépendance financière
- b) Relation sexuelle
- c) Résidence commune
- d) Achat de cadeaux lors d’occasions spéciales
- e) Partage des responsabilités du foyer
- f) Utilisation partagée des biens
- g) Partage des responsabilités pour les enfants
- h) Vacances communes
- i) Attentes en matière de dépendance mutuelle
- j) Bénéficiaire dans le testament de l’autre
- k) Bénéficiaire de la police d’assurance de l’autre
- l) Endroit où chacun conserve ses vêtements
- m) Soins mutuels en cas de maladie et connaissance des besoins médicaux
- n) Communications entre les parties
- o) Reconnaissance publique des parties
- p) Attitude et comportement de la collectivité
- q) État matrimonial selon divers documents
- r) Arrangements funéraires
[8] Les facteurs susmentionnés ne sont pas tous pertinents ou convaincants dans tous les cas. Il n’est pas nécessaire que tous les facteurs aboutissent au même résultatNote de bas de page 6.
[9] Ainsi, pour obtenir gain de cause, l’appelante doit prouver qu’elle était la conjointe de fait de H. L. au moment du décès de ce dernier. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités (c’est-à-dire qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était sa conjointe de fait).
Questions que je dois examiner en premier
J’ai accepté les documents déposés en retard
[10] L’appelante a déposé les factures de son fournisseur de services Internet après la date limite de dépôtNote de bas de page 7. Lors de l’audience, elle a expliqué son retard à déposer les documents par le fait qu’elle ne savait pas qu’elle pouvait obtenir une copie des factures. Elle ne l’a appris que lorsqu’elle a appelé le fournisseur pour discuter d’une question non liée à la présente affaire, et ce, après la date limite de dépôt. Les factures sont acceptées parce qu’elles contiennent des éléments de preuve pertinents et nouveaux pour la question portée en appel. Même si elle aurait pu en principe les déposer plus tôt, l’appelante ne savait pas qu’elle pouvait y avoir accès. Les factures n’ont pas retardé la procédure puisqu’elles ont été déposées avant l’audience. Le ministre n’a pas non plus subi de préjudice, car sa représentante a assisté à l’audience et a donc eu l’occasion de poser des questions à l’appelante sur les factures et de présenter des observations à leur sujet.
[11] À ma demande, deux documents ont été déposés après l’audience. Le premier était une copie des mêmes photos que celles déposées précédemment par l’appelante, mais indiquant les dates auxquelles les photos ont été prisesNote de bas de page 8. L’autre est une copie non caviardée du dossier de révisionNote de bas de page 9. J’ai demandé à l’appelante et au ministre de produire ces deux documents car ils sont pertinents pour la question portée en appel et seront donc admis.
Motifs de ma décision
[13] Je conclus que l’appelante et H. L. étaient des conjoints de fait. Par conséquent, l’appelante a droit à une pension de survivant.
[12] Pour expliquer ma décision, je vais :
- a) résumer la preuve de l’appelante;
- b) résumer la position du ministre;
- c) démontrer que la preuve appuie le fait que l’appelante a droit à une pension de survivant.
Preuve de l’appelante
Résidence
[13] L’appelante et H. L. se sont mariés le 7 avril 1977Note de bas de page 10. Ils ont divorcé le 16 novembre 1993, date à laquelle l’appelante a déménagé du domicile communNote de bas de page 11.
[14] L’appelante affirme qu’elle a recommencé à avoir une relation amoureuse avec H.L., mais elle a présenté des éléments de preuve contradictoires au sujet du moment où cela s’est produit. Dans son avis d’appel, elle a mentionné qu’un an après le divorce, elle et H. L. ont recommencé à vivre ensemble en tant que conjointsNote de bas de page 12. Dans les observations écrites qu’elle a déposées, elle a déclaré que H. L. et elle s’étaient réconciliés et avaient recommencé à vivre ensemble six mois après le divorceNote de bas de page 13.
[15] À l’audience, l’appelante a d’abord déclaré que H. L. et elle avaient vécu séparément pendant un an. Plus tard cependant, elle a déclaré que H. L. et elle étaient demeurés amis après le divorce en 1993 et qu’ils avaient renoué une relation amoureuse en 1998 ou 1999. Son affirmation selon laquelle ils ne se sont jamais remariés est cohérente.
[16] À l’audience, l’appelante a déclaré qu’elle et H. L. avaient vécu séparément jusqu’en 2016, année où elle a perdu son emploi et a emménagé avec H. L. dans une résidence située au X. Elle a déclaré qu’ils avaient acheté ensemble une maison de trois chambres à coucher avant leur divorce. Après leur divorce, elle a déménagé et H. L. a continué à résider dans cette maison. Elle a vécu à la résidence située au X avec H. L. de 2016 à 2018. L’appelante a déclaré qu’elle et H. L. dormaient dans la même chambre et le même lit à cette époque.
[17] L’appelante a déposé un document d’approbation de prêt hypothécaire daté du 6 juin 2007, montrant qu’elle et H. L. détenaient tous deux l’hypothèque pour la résidence située au XNote de bas de page 14.
[18] Elle a également déposé une lettre d’assurance Economical datée du 23 novembre 2016, qui lui est adressée et dont l’adresse mentionnée est celle de la résidence située au XNote de bas de page 15.
[19] En 2018, H. L. n’ayant plus les moyens de payer l’hypothèque, l’appelante et lui ont vendu la résidence située au X. À l’appui de son témoignage, l’appelante a déposé un état du compte de prêt hypothécaire de la CIBC daté du 19 juin 2018, indiquant qu’elle-même et H. L. étaient les emprunteurs hypothécaires de la résidence située au XNote de bas de page 16. Elle a également déposé un relevé de mainlevée d’hypothèque de la CIBC daté du 11 septembre 2018Note de bas de page 17. Selon le document, les emprunteurs sont l’appelante et H. L. et la propriété est la résidence située au X. Enfin, l’appelante a déposé une facture d’un cabinet d’avocats datée du 12 septembre 2018, qui est adressée à elle-même et à H. L., et leur adresse est le XNote de bas de page 18. Elle a déclaré que la facture concernait la vente de la maison située au X.
[20] H. L. a ensuite acheté seul un appartement en copropriété de deux chambres à coucher situé au X. L’appelante et H. L. ont tous deux emménagé dans l’appartement en copropriété situé au X en 2018. À l’appui de la preuve, l’appelante a déposé un document intitulé Direction re Title [Orientation concernant le titre de copropriété] daté du 10 septembre 2018Note de bas de page 19. Le document est signé par l’appelante et par H. L. et renvoie à l’appartement en copropriété situé au X. Il y est indiqué que l’appelante et H. L. sont des conjoints, que H. L. est la seule personne à détenir le titre de copropriété et que l’appartement en copropriété a été acheté au comptant. L’appelante a déclaré que son avocat avait créé le document à l’occasion de l’achat de l’appartement en copropriété.
[21] L’appelante a déclaré qu’elle a vécu avec H. L. dans l’appartement en copropriété situé au X jusqu’en septembre ou octobre 2020. Une fois encore, l’appelante a déclaré qu’elle et H. L. dormaient dans la même chambre et le même lit. À l’appui de son témoignage, elle a déposé une lettre de la compagnie d’assurance Allstate datée du 27 novembre 2018, adressée à la fois à l’appelante et à H. L., et leur adresse sur le document est celle de l’appartement en copropriété situé au XNote de bas de page 20.
[22] En 2014 ou en 2015, l’appelante a présenté une demande de logement subventionné. Elle a obtenu un appartement situé au X. Elle a quitté la copropriété pour s’installer dans la résidence située au X en septembre ou en octobre 2020.
[23] Vers février ou mars 2021, H. L. a vendu l’appartement en copropriété situé au X. H. L. avait l’intention d’acheter un autre appartement en copropriété à X ou au X, mais il était très malade et restait souvent à l’hôpital, de sorte qu’il a emménagé avec l’appelante dans la résidence située au X.
[24] Bien qu’ils aient vécu dans des résidences différentes pendant environ six mois à l’époque où l’appelante a déménagé de l’appartement en copropriété situé au X pour emménager dans la résidence située au X, l’appelante a déclaré qu’elle et H. L. ont continué à entretenir une relation amoureuse.
[25] L’appelante a déclaré que H. L. a vécu avec elle dans la résidence située au X pendant environ un an et deux mois, de février ou mars 2021 au 14 juin 2022, date à laquelle il est décédé. Il s’agissait d’un appartement comptant une chambre à coucher. Ils dormaient dans la même chambre et le même lit, sauf lorsque H. L. subissait des traitements de chimiothérapie. Il dormait alors sur le canapé.
[26] L’appelante a déposé plusieurs documents pour étayer la preuve selon laquelle H. L. vivait avec elle dans la résidence située au X :
- Selon des factures du fournisseur de services Internet Telcan datées du 7 février 2021Note de bas de page 21, du 7 mars 2021Note de bas de page 22 et du 7 avril 2021Note de bas de page 23, le titulaire du compte est H. L. et son adresse est la résidence située au X.
- Dans un rapport en vue d’obtenir une demande de consultation pour H. L., rédigé par le Dr Farooq Khan et daté du 6 mai 2021, l’adresse qui y figure est celle de la résidence située au XNote de bas de page 24.
- Dans une note de l’oncologue à X, datée du 7 mai 2021, le dr Reingold note que la demande de consultation est due au fait que H. L. a déménagé dans la région X. Il indique également que H. L. allait à une pharmacie sur X à X, et qu’il devra probablement commencer à fréquenter une nouvelle pharmacie dans la régionNote de bas de page 25. Le certificat de preuve de décès indique que H. L. est finalement décédé à XNote de bas de page 26.
- Dans un formulaire d’orientation des patients du Programme régional de cancérologie du Centre-Est daté du 17 mai 2021, il est noté que H. L. déménage de X à X. L’appelante a expliqué que X faisait référence à l’hôpital et non à son adresse. X était l’hôpital le plus proche de X pour traiter le cancer. L’appelante affirme que si H. L. n’avait pas emménagé avec elle à X, il n’aurait pas été contraint de changer d’hôpital.
- Dans une lettre des Services de soutien à domicile et en milieu communautaire datée du 6 juillet 2023, il est indiqué que H. L. recevait des services à l’adresse de l’appelante au XNote de bas de page 27. Cette dernière a déclaré que H. L. recevait des soins infirmiers à son appartement à elle.
- Dans un dossier médical non daté de X, l’adresse de H. L. est indiquée comme étant le X à X.
[27] Dans sa déclaration solennelle d’union de fait, l’appelante a déclaré avoir vécu avec H. L. du 1er janvier 2020 au 14 juin 2022Note de bas de page 28. Dans sa demande de pension de survivant, elle a déclaré qu’elle et H. L. ont commencé à vivre ensemble le 1er janvier 2022Note de bas de page 29. L’appelante croit qu’elle a commis une erreur dans la demande lorsqu’elle a écrit 2022 comme étant l’année où elle et H. L. ont commencé à vivre ensemble.
[28] L’appelante a déclaré qu’il n’était pas vrai qu’elle vivait avec H. L. depuis le 1er janvier 2020, comme elle l’avait affirmé dans la déclaration solennelle. Elle a donné différentes explications pour ces renseignements erronés. Elle a d’abord dit que c’était plus facile, puis qu’il pouvait s’agir d’une erreur, et enfin qu’elle ne savait pas pourquoi elle avait mis le 1er janvier 2020. Elle a déclaré que la période exacte pendant laquelle elle et H. L. vivaient ensemble est celle qu’elle a donnée à l’audience, c’est-à-dire de février ou mars 2021 jusqu’à la date de son décès en juin 2022.
Interdépendance financière
[29] L’appelante a déclaré qu’elle et H. L. détenaient un compte conjoint lorsqu’ils avaient la maison située au X. Lorsque la maison située au X a été vendue, ils n’avaient plus de compte conjoint, mais l’appelante affirme que H. L. lui a donné accès à son compte. H. L. était malade depuis qu’ils avaient emménagé dans l’appartement en copropriété situé au X. L’appelante était donc autorisée à retirer de l’argent de son compte pour faire l’épicerie, acheter des articles pour la maison, payer les médicaments de H. L. et acheter des cadeaux pour leur petit-fils.
[30] À l’appui de la preuve, l’appelante a déposé un formulaire de demande de délivrance ou de maintien de carte de débit de la CIBC datée du 19 mai 2021Note de bas de page 30. Selon elle, il s’agit du formulaire qu’elle a signé pour avoir accès au compte de H. L. Le formulaire est signé uniquement par l’appelante. Le nom du titulaire du compte n’est pas précisé. Je ne suis pas certaine que la carte de débit délivrée était associée au compte de H. L., car ni son nom ni sa signature ne figurent sur le formulaire.
[31] L’appelante a déclaré que H. L. n’avait pas accès à son compte, car elle n’avait pas d’argent.
[32] L’appelante a déclaré que, lorsqu’elle et H. L. habitaient ensemble à X, il payait l’hypothèque, les services publics et l’épicerie. Elle payait le téléphone, le service Internet et l’assurance automobile pour les deux voitures.
[33] Il n’y avait pas d’hypothèque sur la copropriété à X. H. L. payait les frais d’entretien. Comme c’était le cas auparavant, l’appelante payait le téléphone, le service Internet et l’assurance automobile.
Responsabilités du foyer
[34] L’appelante a déclaré qu’elle s’occupait de toutes les tâches ménagères telles que le ménage, l’épicerie, la cuisine et l’entretien extérieur comme la tonte du gazon et le déneigement, alors que H. L. assumait davantage de responsabilités financières.
Fidélité
[35] L’appelante déclare que, depuis qu’elle et H. L. ont repris leur relation en 2016, ils ont été fidèles l’un à l’autre.
[36] Il s’agissait également d’une relation conjugale de 2016 à 2020, après quoi H. L. est tombé gravement malade.
Attentes en matière de dépendance mutuelle
[37] L’appelante a déclaré qu’avant que H. L. ne tombe malade, ils passaient tout leur temps ensemble. Ils parlaient de leur journée et prenaient toujours leurs repas ensemble. H. L. aidait l’appelante à gérer ses finances et il aimait sa cuisine, donc elle lui rendait la pareille en cuisinant pour lui.
Soins au défunt
[38] L’appelante a déclaré qu’elle emmenait H.L. à ses rendez-vous lorsqu’il était malade, qu’elle allait chercher ses médicaments et s’assurait qu’il les prenait, et qu’elle lui faisait ses piqûres.
[39] Lorsque H. L. est devenu incapable de s’occuper seul de son hygiène personnelle, l’appelante l’aidait à aller à la toilette, le lavait, lui nettoyait les ongles, l’habillait, le massait et le nourrissait.
[40] H. L. a été hospitalisé pendant les deux mois qui ont précédé son décès. L’appelante lui rendait visite tous les jours et restait avec lui environ huit heures par jour. Lors d’autres occasions où il était à l’hôpital, elle lui rendait également visite tous les jours et restait environ trois heures par jour.
Cadeaux
[41] H. L. offrait à l’appelante des cadeaux à l’occasion de toutes les fêtes, comme la fête des Mères, les anniversaires de naissance, Noël et la Saint-Valentin. Il lui achetait des cartes, des fleurs, des articles pour la maison et, une fois, une bague avec un diamant.
[42] H. L. ne s’intéressait pas aux biens matériels; il préférait les repas préparés à la maison, donc l’appelante lui faisait la cuisine lors d’occasions spéciales.
Reconnaissance publique des parties
[43] L’appelante a déclaré que leurs deux enfants les considéraient, elle et H. L., comme un couple. Leur petitefille était déposée chez eux tous les vendredis après-midi et restait avec eux jusqu’au dimanche soir. L’appelante soutient que, du point de vue de leur petite-fille, ils formaient un couple. Les enfants de l’appelante et du défunt leur rendaient également visite les fins de semaine.
[44] En ce qui concerne le public, personne ne savait que l’appelante et H.L. étaient divorcés. Ils se présentaient comme époux et épouse.
Arrangements funéraires
[45] L’appelante a déclaré avoir organisé les funérailles de H. L. avec l’aide de son fils et de sa fille. Elle a choisi le salon funéraire, acheté les fleurs, organisé la nourriture, payé une cérémonie culturelle appelée puja, qui impliquait également de cuisiner et de faire un don, et s’est occupée de la crémation de H. L.
Autres éléments de preuve déposés par l’appelante
[46] L’appelante a déposé un certain nombre d’autres documents pour démontrer qu’elle vivait en union de fait avec H. L.
[47] L’appelante a déposé la procuration permanente relative aux biens et aux soins personnels de H.L.; les deux documents sont datés du 24 novembre 2018 et désignent l’appelante comme mandataireNote de bas de page 31. Dans ces documents juridiques, H. L. désigne l’appelante comme sa conjointe.
[48] L’appelante a déposé le testament de H. L. daté du 24 novembre 2018Note de bas de page 32. Elle a été nommée fiduciaire testamentaire et désignée comme la conjointe de H. LNote de bas de page 33. Elle s’est vu léguer les biens de H. L., y compris les biens immobiliers et l’argent dans les comptes bancaires de ce dernier à son décèsNote de bas de page 34.
[49] Dans une lettre de X datée du 23 septembre 2020, il était écrit qu’H. L. aurait intérêt à ce que sa proche aidante, l’appelante, l’accompagne à ses rendez-vous afin de préciser les détails de son plan de soins médicaux et de l’aider à planifier ses soinsNote de bas de page 35.
[50] Selon une demande d’assurance-vie non datée présentée par H. L., la bénéficiaire est l’appelante, désignée comme sa conjointeNote de bas de page 36.
[51] Enfin, l’appelante a déposé plusieurs photos de famille datées de février 2021, de mars 2021, de septembre 2021, de février 2022, d’avril 2022, de mai 2022, ainsi qu’une photo de mai 2023 qui semble représenter une cérémonie pour le décès de H. LNote de bas de page 37.
Témoin de l’appelante
[52] L’amie de l’appelante, D. T., a témoigné. Elle a rencontré l’appelante et H. L. en mars 2021 dans le cadre de ses activités professionnelles. D. T. était chauffeuse pour la Société d’aide à l’enfance. Elle se rendait à la résidence située au X pour récupérer le petit-enfant de l’appelante. C’est là qu’elle a rencontré l’appelante et H. L.
[53] L’appelante et D. T. ont noué une amitié. Elles se sont rapprochées quelques mois avant le décès de H. L.
[54] D. T. se rendait à la résidence située au X jusqu’à trois fois par semaine et H. L. était toujours présente. Parfois l’appelante répondait à la porte, parfois c’était H. L. qui le faisait.
[55] D. T. a déclaré qu’elle croyait que l’appelante et H. L. entretenaient une relation amoureuse. Lorsqu’elle a rencontré H. L., celui-ci lui a été présenté comme le conjoint de l’appelante. L’appelante parlait d’H. L. en tant que conjoint.
[56] D. T. croyait que H. L. résidait avec l’appelante. Elle a constaté que H. L. recevait des soins infirmiers, notamment un traitement par voie IV, à la résidence située au X. Il était souvent torse nu et assis sur le balcon. D. T. a également vu des effets personnels de H. L. à la résidence située au X, notamment ses chaussures, son chandail et sa couverture.
Position du ministre
[57] La position du ministre est la suivante : l’appelante et H. L. ne résidaient pas ensemble au moment du décès de ce dernier ou au cours de l’année qui l’a précédé. Par conséquent, l’appelante ne répond pas à la définition de survivant. Le ministre s’appuie principalement sur les déclarations de l’appelante et de H. L. à des organismes publics selon lesquelles ils étaient divorcés ou séparés.
[58] Le ministre souligne que le défunt a présenté une demande de prestations de Sécurité de la vieillesse et du Supplément de revenu garanti en date du 9 février 2022 et qu’il a indiqué que son adresse était le XNote de bas de page 38. C’est à cette adresse que l’appelante dit avoir résidé de 1993 à 2016, après le divorce et avant de recommencer à résider avec H. L. Son fils y a résidé après son départNote de bas de page 39. Dans la demande, H. L. a déclaré ce qui suit : [TRADUCTION] « Je suis célibataire et je n’ai pas de conjointeNote de bas de page 40 ». Il a également déclaré comme état matrimonial qu’il était divorcé depuis le 17 décembre 1993Note de bas de page 41.
[59] Dans la demande de pension du RPC présentée par le défunt, également datée du 9 février 2022, il indique à nouveau que son adresse est le X et que son état matrimonial est celui de « divorcé »Note de bas de page 42.
[60] En réponse, l’appelante soutient que, si H. L. résidait au X, pourquoi a-t-il été transféré à un hôpital à Oshawa?
[61] Le ministre souligne également que, dans une procuration non datée de la CIBC, l’appelante est mentionnée comme [TRADUCTION] « ex-épouse »Note de bas de page 43. Il s’agit d’un document différent des deux procurations mentionnées ci-dessus. L’appelante affirme qu’elle tenait à indiquer qu’ils étaient séparés sur les documents officiels en raison de sa demande de logement subventionné dans laquelle elle déclarait être divorcée.
[62] Enfin, dans le résumé de décès X, l’appelante est également d comme [TRADUCTION] « ex-épouse » là où le médecin discute d’une demande d’autopsieNote de bas de page 44.
[63] Le ministre a également interrogé l’appelante sur la manière dont elle qualifiait sa relation auprès de l’organisme public qui lui avait permis d’obtenir son logement subventionné. Elle a expliqué que, lorsqu’elle a présenté sa demande en 2014, elle avait indiqué qu’elle était divorcée. L’appelante a déclaré qu’elle n’avait pas mis à jour son état matrimonial lorsque H. L. a emménagé au X. Interrogée par le ministre, elle a également précisé que, dans ses déclarations de revenus de 2016 à 2022, elle avait indiqué qu’elle était séparée.
L’appelante se voit accorder une pension de survivant
[64] J’estime que l’appelante était la conjointe de fait de H. L. au moment du décès de ce dernier et qu’ils cohabitaient au moment du décès et pendant l’année précédente.
[65] Tout d’abord, je tiens à aborder la question de la crédibilité de l’appelante. Certains aspects de son témoignage ont soulevé des préoccupations à cet égard. Tout d’abord, elle a déposé des éléments de preuve contradictoires quant au moment où elle et H. L. ont repris une relation amoureuse après le divorce. Toutefois, je note que ce point n’est pas essentiel à l’appel, car je ne m’intéresse qu’à l’année précédant le décès de H. L.
[66] De manière plus préoccupante, l’appelante a donné des dates incorrectes dans une déclaration solennelle concernant la période pendant laquelle elle et H. L. ont résidé ensemble. Elle a ensuite expliqué de différentes façons cette erreur. Cela donne à penser qu’elle ne prend pas au sérieux les serments et les déclarations. Je souligne également qu’elle a admis qu’elle n’avait pas dit la vérité aux organismes gouvernementaux concernant son état matrimonial, notamment dans une demande de logements subventionnés et dans des déclarations de revenus.
[67] Toutefois, l’appelante a également déposé des documents à l’appui de divers aspects de la preuve. Cela renforce sa crédibilité et fournit une preuve documentaire de la relation d’union de fait. Par conséquent, j’accepte la preuve de l’appelante selon laquelle elle était dans une union de fait et qu’elle a cohabité avec H. L. pendant au moins un an avant le décès de ce dernier. En raison des préoccupations à l’égard de la crédibilité de l’appelante, je n’aurais pas pu accepter seulement son témoignage. Sa demande est accueillie en raison des éléments de preuve documentaire qu’elle a déposés.
[68] Voici une liste des éléments de preuve présentés par l’appelante et des documents qu’elle a déposés à l’appui de son témoignage :
- L’appelante a déclaré qu’elle était propriétaire de la maison située au X avec H. L. Elle a fourni un document d’approbation de prêt hypothécaire de la CIBC daté du 6 juin 2007 pour étayer cette affirmationNote de bas de page 45.
- L’appelante a déclaré qu’elle était retournée vivre au X en 2016. Elle a déposé une lettre d’assurance Economical datée du 23 novembre 2016Note de bas de page 46 et une facture d’un avocat datée du 12 septembre 2018Note de bas de page 47 qui indiquent toutes deux que son adresse était le X.
- L’appelante a déclaré avoir vendu la maison située au X en 2018. Elle a déposé un relevé de mainlevée d’hypothèque de la CIBC daté du 11 septembre 2018, indiquant qu’elle et H. L. étaient les emprunteurs pour la résidence située au XNote de bas de page 48.
- L’appelante a déclaré qu’elle et H. L. ont ensuite déménagé dans son appartement en copropriété situé au X. Elle a déposé une lettre de la compagnie d’assurance Allstate datée du 27 novembre 2018, adressée à la fois à l’appelante et à H. L., et leur adresse sur le document est celle de l’appartement en copropriété situé au XNote de bas de page 49.
- L’appelante déclare que H. L. a emménagé avec elle en février ou en mars 2021 et qu’ils ont vécu ensemble jusqu’à son décès. Même si j’ai déjà mentionné les éléments de preuve documentaire qu’elle a déposés à l’appui de cette affirmation, je crois bon de les répéter :
- Selon des factures du fournisseur de services Internet Telcan datées du 7 février 2021Note de bas de page 50, du 7 mars 2021Note de bas de page 51 et du 7 avril 2021Note de bas de page 52, le titulaire du compte est H. L. et son adresse est la résidence située au X.
- Dans un rapport en vue d’obtenir une demande de consultation pour H. L., rédigé par le Dr Farooq Khan et daté du 6 mai 2021, l’adresse qui y figure est celle de la résidence située au XNote de bas de page 53.
- Dans une note de l’oncologue à X, datée du 7 mai 2021, le dr Reingold note que la demande de consultation est due au fait que H. L. a déménagé dans la région X.
- Dans un formulaire d’orientation des patients du Programme régional de cancérologie du Centre-Est daté du 17 mai 2021, il est noté que H. L. déménage de X à X. L’appelante a expliqué qu’il s’agissait d’un transfert de l’hôpital X à l’hôpital d’Oshawa.
- Dans une lettre des Services de soutien à domicile et en milieu communautaire datée du 6 juillet 2023, il est indiqué que H. L. recevait des services à l’adresse de l’appelante au XNote de bas de page 54.
- Dans un dossier médical non daté de X, l’adresse de H. L. est indiquée comme étant le X à X.
[69] L’appelante a également déposé divers documents appuyant le fait qu’elle et H. L. vivaient en union de fait. Il s’agit notamment du document intitulé Direction re Title [Orientation concernant le titre de copropriété] daté du 10 septembre 2018Note de bas de page 55, qui est signé par l’appelante et H. L. et qui indique que les parties sont des conjoints. Il y a également les éléments de preuve documentaire résumés dans la section « Autres éléments de preuve déposés par l’appelante » ci-dessus, notamment les deux procurations, la demande d’assurance-vie et le testament de H. L. dans lequel il désigne l’appelante comme sa conjointe, la lettre de X qui indique que l’appelante est la proche aidante de H. L., les photos de famille et le témoignage de D. T.
[70] Selon les éléments de preuve documentaire et le témoignage de l’appelante, je reconnais que celle-ci était la conjointe de fait de H. L. depuis 2016 et qu’ils ont vécu ensemble de février ou mars 2021 jusqu’au moment du décès de H. L. 14 juin 2022. J’accepte la preuve de l’appelante selon laquelle elle et H. L. dormaient dans la même chambre et le même lit, qu’elle dépendait financièrement de H. L. pour subvenir à ses besoins, qu’elle avait accès à son compte bancaire et qu’elle contribuait aux tâches domestiques en faisant l’épicerie, la cuisine, le ménage et l’entretien de l’extérieur. Je reconnais également que la relation était exclusive depuis 2016 et qu’il s’agissait d’une relation conjugale jusqu’à ce que H. L. tombe malade en 2020. Je reconnais qu’il y avait une dépendance mutuelle et que l’appelante s’est occupée de H. L. pendant qu’il était malade. Ils s’échangeaient des cadeaux ou des services, et leurs enfants et le public les considéraient comme des conjoints. J’accepte également que l’appelante et ses enfants ont organisé les funérailles de H. L. Cela démontre que l’appelante et H. L. vivaient en union de fait.
[71] Le ministre a souligné des éléments de preuve qui contredisent la position de l’appelante, et j’en ai tenu compte. Les éléments de preuve les plus préoccupants sont les demandes de prestations de Sécurité de la vieillesse, du Supplément de revenu garanti et du RPC présentées par H. L., dans lesquelles il déclare être célibataire et vivre à X.
[72] L’appelante a expliqué que, sur les documents officiels, elle indiquait être divorcée en raison de sa demande de logement subventionné. J’ai abordé les préoccupations liées à la crédibilité que cela soulève, mais j’accepte l’explication de l’appelante, car elle est raisonnable. Elle croyait que, si elle déclarait à un organisme gouvernemental qu’elle était en couple, cela pourrait compromettre son droit au logement subventionné car, lorsqu’elle a présenté sa demande, elle a déclaré qu’elle était divorcée. L’appelante avait déclaré qu’elle n’avait pas d’argent et qu’elle comptait beaucoup sur H.L. pour la soutenir financièrement. Il est donc logique qu’elle veuille conserver son appartement subventionné.
[73] J’ignore la raison pour laquelle H. L. s’est présenté comme célibataire et vivant à X dans sa correspondance avec le gouvernement. Il s’agissait peut-être aussi de protéger le droit de l’appelante au logement subventionné. Cependant, je peux confirmer que dans d’autres documents officiels (deux procurations, son testament et sa demande d’assurance-vie), H.L. a désigné l’appelante comme sa conjointe, et la plupart des éléments de preuve démontrent qu’il ne vivait pas à X, mais plutôt à X avec l’appelante. Par conséquent, je suis d’avis qu’il n’a pas indiqué sa véritable adresse dans ses demandes de prestations de Sécurité de la vieillesse, du Supplément de revenu garanti et du RPC. Cela rend plus crédible le fait qu’il n’a pas non plus indiqué son véritable statut matrimonial.
[74] Dans l’ensemble, j’estime que la plupart des éléments de preuve indiquent que l’appelante et le défunt ont vécu ensemble en union de fait de février ou mars 2021 jusqu’au moment du décès de ce dernier.
[75] L’appelante s’est acquittée du fardeau qui lui incombait selon la prépondérance des probabilités; elle a donc droit à une pension de survivant.
Hospitalisation d’H. L.
[76] J’ai conclu que l’appelante et H. L. ont vécu ensemble de février ou mars 2021 jusqu’au décès de ce dernier le 14 juin 2022.
[77] Une lettre des Services de soutien à domicile et en milieu communautaire indique que H. L. a été hospitalisé pendant la majeure partie de cette période. Il y est indiqué que H. L. a été hospitalisé du 3 mai 2021 au 16 février 2022, puis du 20 avril 2022 au 1er juin 2022Note de bas de page 56.
[78] Deux personnes peuvent cohabiter sans vivent sous le même toitNote de bas de page 57. En l’espèce, j’estime que l’appelante et H. L. pouvaient quand même être conjoints de fait même si des raisons médicales les obligeaient à vivre séparément. Je suis toujours d’avis que H. L. vivait avec l’appelante à partir de février ou mars 2021, car lorsqu’il n’était pas hospitalisé, il résidait avec elle à la résidence située au X.
Conclusion
[79] Je conclus que l’appelante a droit à une pension de survivant parce qu’elle vivait dans une relation conjugale et en union de fait avec H. L. au moment du décès de ce dernier et pendant l’année précédente.
[80] Par conséquent, l’appel est accueilli.