[TRADUCTION]
Citation : GF c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 943
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel
Décision relative à une demande de
permission de faire appel
Parties demanderesse : | G. F. |
Partie défenderesse : | Ministre de l’Emploi et du Développement social |
Décision portée en appel : | Décision de la division générale rendue le 12 octobre 2023 (GP-20-589) |
Membre du Tribunal : | Kate Sellar |
Date de la décision : | Le 8 août 2024 |
Numéro de dossier : | AD-24-49 |
Sur cette page
- Décision
- Aperçu
- Question préliminaire
- Questions en litige
- Je n’accorde pas la permission de faire appel
- On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de droit
- Conclusion
Décision
[1] Je refuse au requérant la permission de faire appel. L’appel n’ira pas de l’avant. Voici les motifs de ma décision.
Aperçu
[2] G. F. (requérant) a continué de travailler bien après avoir eu 65 ans. Il a eu 70 ans en novembre 2012. Il a demandé une pension de retraite du Régime de pensions du Canada en avril 2015.
[3] Le ministre de l’Emploi et du Développement social a accordé au requérant la pension de retraite à compter de mai 2014.
[4] Le requérant a contesté la décision du ministre. Il voulait recevoir les paiements de pension à partir de son 70e anniversaire. Il dit avoir perdu plus de 22 000 $ parce qu’il a présenté sa demande alors qu’il avait presque 73 ans.
[5] Le requérant a fait appel au Tribunal. La division générale a rejeté l’appel sans tenir d’audience. Le requérant a encore fait appel. La division d’appel a conclu que la division générale aurait dû tenir compte d’une éventuelle demande fondée sur la Charte présentée par le requérant. L’appel du requérant est alors retourné à la division générale. La division générale a rendu une ordonnance rejetant l’aspect de l’appel lié à la Charte. Par conséquent, le requérant ne pouvait pas soulever d’arguments fondés sur la Charte à l’audience de la division générale.
[6] La division générale a rejeté le reste de l’appel du requérant le 12 octobre 2023. Elle a conclu qu’il n’avait pas droit à des paiements rétroactifs supplémentaires. Elle a appliqué le Régime de pensions du Canada et a conclu que la pension de retraite du requérant avait commencé à lui être versée aussi tôt que cela avait été possibleNote de bas de page 1. Sa pension ne pouvait pas commencer en novembre 2012, quand il a eu 70 ans.
[7] Le requérant demande à la division d’appel la permission de faire appel de la décision rendue par la division générale le 12 octobre 2023Note de bas de page 2.
Question préliminaire
[8] Le requérant a demandé à un mathématicien de décider s’il recevrait la permission de faire appelNote de bas de page 3. Il explique que cela est nécessaire puisqu’il soulève une question d’interprétation législative et d’« égalité mathématique ».
[9] Le Tribunal n’a pas tenu compte de cette demande. La loi, le règlement et les règles ne prévoient pas de processus permettant aux parties de demander que leur dossier soit traité par des membres ayant un parcours scolaire ou professionnel particulier.
[10] Mes renseignements biographiques sont accessibles au public. Mon rôle à titre de membre affectée au présent appel est de décider si le requérant a soulevé un argument défendable concernant une erreur de la division générale. J’ai été dûment nommée pour accomplir cette tâche.
Questions en litige
[11] Voici les questions en litige dans le présent appel :
- a) La division générale aurait-elle pu commettre une erreur de fait dans l’appel du requérant?
- b) La division générale aurait-elle pu omettre d’offrir un processus équitable en n’abordant pas une série d’arguments que le requérant présente au sujet du Régime de pensions du Canada en général, de sa validité et de son applicabilité dans sa situation?
- c) La division générale aurait-elle pu commettre une erreur de droit qui justifierait d’accorder la permission de faire appel?
- d) La demande du requérant contient-elle des éléments de preuve qui n’ont pas été présentés à la division générale?
Je n’accorde pas la permission de faire appel
[12] Je peux accorder au requérant la permission de faire appel si la demande soulève un argument défendable selon lequel la division générale a fait l’une ou l’autre des choses suivantes :
- elle n’a pas suivi une procédure équitable;
- elle a agi au-delà de ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
- elle a commis une erreur de droit;
- elle a commis une erreur de fait;
- elle a commis une erreur en appliquant la loi aux faitsNote de bas de page 4.
[13] Je peux également donner la permission de faire appel si la demande contient des éléments de preuve qui n’ont pas été présentés à la division généraleNote de bas de page 5.
[14] Comme le requérant n’a pas soulevé d’argument défendable et n’a pas présenté de nouveaux éléments de preuve, je dois refuser la permission de faire appel.
On ne peut pas soutenir que la division générale a commis des erreurs de fait dans l’appel du requérant
[15] Le requérant soutient que la division générale a commis des erreurs de fait au sujet de la position du requérant dans l’appel. Il soutient également qu’elle a ignoré des éléments de preuve importants.
On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de fait au sujet de la position du requérant dans l’appel
[16] Le requérant soutient que la division générale a commis les erreurs suivantes au sujet de sa position dans l’appel :
- la conclusion selon laquelle il voulait que sa pension commence à la date où il a eu 70 ans;
- l’affirmation selon laquelle il ne contestait pas le calcul de la valeur totale de sa pensionNote de bas de page 6.
[17] Le requérant soutient que la division générale a mal compris la question portée en appel. Il dit que la question qu’il soulève est celle du traitement égal en matière de pension ou du droit de recevoir tous les paiements d’une rente viagère versée pour un travail accompli dans le passéNote de bas de page 7. J’admets que le requérant a déclaré à diverses reprises qu’il ne conteste pas le nombre de mois rétroactifs qu’il devrait obtenir. À un moment donné, il a soutenu que son appel portait sur la négligence de Service Canada. Actuellement, il dit que l’appel à la division d’appel porte essentiellement sur le traitement égal en matière de pensionNote de bas de page 8.
[18] Le requérant n’a soulevé aucun argument défendable selon lequel sa position dans le cadre de l’appel aurait été mal comprise par la division générale.
[19] J’ai tiré cette conclusion en me fondant sur le fait que, quand le requérant a demandé au ministre de réviser sa décision concernant la pension de retraite, il a déclaré qu’il voulait que ses prestations de retraite remontent au moment où il a eu 70 ansNote de bas de page 9. La décision de révision du ministre porte précisément sur la date d’entrée en vigueur de la pension de retraite. C’est cette décision de révision qui constitue le fondement de l’appel à la division généraleNote de bas de page 10. La division générale a empêché la demande fondée sur la Charte de passer à la prochaine étape. Par conséquent, la seule question en litige à la division générale portait précisément sur la pension.
[20] Le requérant voulait peut-être présenter des arguments plus généraux au sujet du traitement égal en matière de pension, mais il est impossible de soutenir que la division générale a mal compris sa position dans l’appel. La division générale connaissait son domaine de compétence. Elle a déterminé la question qu’elle devait trancher, en fonction de la décision de révision portée en appel. Comme je l’explique plus loin, la division générale a cerné d’autres arguments du requérant, mais elle n’avait pas d’autorité à leur égard.
[21] Par conséquent, l’argument selon lequel la division générale a commis une erreur en concluant que le requérant voulait que sa pension de retraite commence à l’âge de 70 ans n’a aucune chance raisonnable de succès.
[22] De même, le requérant n’a soulevé aucune cause défendable (ni fourni de document d’appui dans le dossier) sur la question de l’existence d’une erreur de fait concernant sa position sur la valeur totale.
On ne peut pas soutenir que la division générale a ignoré des faits importants
[23] Le requérant soutient que la division générale a ignoré des faits importants comme :
- la valeur du fonds d’investissement du Régime de pensions du Canada;
- les renseignements appuyant l’allégation de violation procédurale par le ministre relativement à la communication des répercussions si les personnes cotisantes présentaient une demande après avoir atteint 70 ansNote de bas de page 11.
[24] Je suis d’avis qu’il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur en ignorant ces faits.
[25] Dans sa décision, la division générale a :
- cité la loi sur l’autorité limitée du Tribunal;
- expliqué ce que la loi dit sur le début des pensions de retraite, puis l’a appliquée à la situation du requérant pour déterminer la date du début de sa pensionNote de bas de page 12.
[26] La division générale a même survolé les autres arguments du requérant et a expliqué pourquoi elle n’avait pas l’autorité de trancher ces questions. À proprement parler, même si la division générale n’était pas obligée de le faire, elle a précisé qu’elle n’avait pas le pouvoir de prendre de décision sur :
- la possibilité que le Régime de pensions du Canada se soit injustement enrichi aux dépens de certains membresNote de bas de page 13;
- les communications du ministre au sujet de la pension de retraiteNote de bas de page 14.
[27] Le requérant n’a soulevé aucun argument défendable sur la façon dont l’approche de la division générale constitue une erreur. La division générale a mis l’accent sur les faits pertinents, ceux qui concernaient les questions juridiques qu’elle avait la compétence de trancher.
Impossible de soutenir que la division générale a omis d’offrir un processus équitable en évitant d’aborder la validité et l’applicabilité des lois sur la pension de retraite
[28] Si je comprends bien, le requérant soutient que la division générale ne lui a pas offert un processus équitable, car elle aurait omis de répondre à une série d’arguments qu’il a présentés au sujet de la validité et de l’applicabilité du Régime. À mon avis, il n’affirme pas qu’il n’a pas pu présenter pleinement ses arguments ou qu’il ne savait pas comment s’y prendre pour se défendre. En fait, le requérant dit que la division générale aurait dû aborder et examiner les arguments qu’il a présentés sur les sujets suivants :
- si sa demande de pension de retraite était réellement « en retard »;
- les allégations selon lesquelles le ministre a enfreint les principes de justice fondamentale;
- si les règles relatives à la date de début de la pension de retraite sont nulles pour des raisons de criminalité;
- si les lois sur la pension de retraite sont inopérantes et sans effetNote de bas de page 15.
[29] Ce qui est nécessaire pour être équitable varie selon les circonstances. L’équité est fondamentalement liée à la possibilité qu’une personne soit entendue par un décideur impartial. La possibilité d’être entendue consiste pour une personne à avoir la possibilité de présenter des arguments sur chaque fait ou facteur pertinent dans le cadre de l’appelNote de bas de page 16.
[30] La division générale est responsable de son processus. Elle adopte l’approche de la prise de décision active. Aucune exigence générale (en matière d’équité ou autre) ne pousse la division générale à aborder chaque argument soulevé par le requérant, surtout lorsque cet argument n’a pas de rapport avec les questions que la division générale a le pouvoir de trancher. La Cour suprême du Canada a clairement indiqué que les instances supérieures ne peuvent pas s’attendre à ce que les décideurs administratifs répondent à chaque argument ou piste d’analyse possibleNote de bas de page 17. De même, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’il n’est pas nécessaire qu’une décision écrite traite de tous les faits et arguments portés à sa connaissanceNote de bas de page 18.
[31] La division générale a établi quand la pension de retraite du requérant devait commencer en appliquant le Régime de pensions du Canada aux faits de la demande. Elle a expliqué qu’en général, elle ne pouvait traiter de questions portant sur la contestation de la validité de cette loi ou sur l’équité des actions du ministreNote de bas de page 19.
[32] La question de savoir si le requérant a présenté sa demande « en retard » ou non n’a aucune incidence sur l’interprétation des règles relatives à la date de début, qui portent sur l’âge et la date de la demande. Sans aucun fondement en droit, le requérant affirme qu’il ne peut pas y avoir de demande tardive qui entraîne une limite à la rétroactivité, car aucun règlement ne précise une date limite pour faire une demandeNote de bas de page 20.
[33] La division générale a expliqué que la rétroactivité est limitée par les règles qui régissent le début des pensions. Elle a précisé que la date de début de la pension de retraite du Régime de pensions du Canada est entièrement fondée sur l’âge du requérant, la date de sa demande et toute date de début proposée dans la demandeNote de bas de page 21. Le requérant n’a pas démontré que la division générale avait tort sur ce point. Je ne vois pas comment on pourrait soutenir que la division générale devait se pencher sur la bonne interprétation des règles relatives à la date de début, étant donné qu’elle a cité la règle dans sa décision et que son sens était clair.
[34] De même, la division générale n’avait pas l’autorité pour répondre aux préoccupations concernant une application de la loi qui mènerait au non-respect éventuel des principes de justice fondamentale. La division générale a été claire à ce sujet : l’autorité du Tribunal se limite à des questions précises découlant des décisions de révision du ministreNote de bas de page 22.
[35] La division générale peut trancher toute question de droit nécessaire pour régler un appelNote de bas de page 23. Néanmoins, dans un appel concernant le Régime de pensions du Canada, le Tribunal peut seulement trancher les questions de droit ou de fait portant sur quatre éléments, dont aucun ne porte sur les principes généraux de la pension de retraiteNote de bas de page 24.
[36] L’appel portait sur la date du début de la pension de retraite du requérant. La division générale avait déjà décidé qu’elle n’entendrait pas sa contestation fondée sur la Charte au sujet du moment où les pensions de retraite commencent. Ni le Régime de pensions du Canada ni aucune autre loi ne donne l’autorité à la division générale d’examiner des questions générales concernant la politique sur les pensions. La division générale n’a pas non plus l’autorité de trancher des affaires en se fondant sur d’autres notions de common law concernant la validité d’une loi, sauf s’il s’agit d’un examen fondé sur la Charte.
[37] Aucune preuve ici n’appuie l’affirmation selon laquelle l’équité exigeait que la division générale examine en détail une série d’allégations concernant le fonctionnement et la validité du Régime de pensions du Canada. La division générale a expliqué que ces questions n’avaient pas été correctement portées à sa connaissance.
On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de droit
[38] Le requérant présente une série d’arguments au sujet des erreurs de droit commises par la division généraleNote de bas de page 25.
[39] Premièrement, il soutient que la division générale a commis une erreur de droit en affirmant qu’il n’était pas pertinent de tenir compte du comportement du ministre pour la question en appelNote de bas de page 26. Le requérant affirme que ce comportement est pertinent parce que les documents présentés au public par le ministre sur la question de la pension de retraite constituent des déclarations fausses et frauduleuses faites par négligenceNote de bas de page 27.
[40] Deuxièmement, le requérant soutient que la division générale n’a pas reconnu que la pension de retraite du Régime de pensions du Canada est un instrument financier de pension. Il affirme que ces instruments ne peuvent pas être assortis de conditions punitives liées à la date de la demande.
[41] Troisièmement, le requérant soutient que l’incidence de la règle (concernant les dates de début des pensions de retraite) sur les parties requérantes du Québec aurait dû être prise en considération.
[42] Quatrièmement, le requérant soutient que le ministre n’a pas agi conformément à ses obligations fiduciales.
[43] Le requérant n’a fourni aucun argument sur la façon dont la division générale a l’autorité d’examiner l’un ou l’autre de ces quatre éléments. Par conséquent, je ne vois pas comment on pourrait soutenir que la division générale a commis une erreur de droit dans la présente affaire. On ne peut pas soutenir qu’elle devait examiner ce genre de questions par souci d’équité. De même, on ne peut pas soutenir qu’elle devait examiner ces questions pour éviter une erreur de droit. Le requérant n’a fourni aucun élément pour appuyer l’idée que la division générale a compétence sur ces arguments.
[44] Cinquièmement (et finalement), le requérant soutient que, lorsqu’elle est bien lue et comprise, la loi fixe la date de début par défaut à 70 ans pour toutes les personnes qui demandent des prestations après l’âge de 70 ans. Il affirme que cette interprétation est plus conforme au contexte et à l’objet de la loi.
[45] Toutefois, le requérant n’a pas soulevé d’argument défendable pour justifier une erreur de droit puisqu’il n’a relevé aucune ambiguïté dans le texte du Régime de pensions du Canada. Le texte n’établit pas la date de début par défaut qu’il décrit. La division générale a cité la règle, a expliqué son sens et l’a appliquéeNote de bas de page 28. Le requérant n’a pas soulevé de cause défendable relativement à une erreur d’interprétation pour la date du début de la pension de retraite.
Le requérant n’a pas présenté de nouveaux éléments de preuve qui justifieraient de lui donner la permission de faire appel
[46] La demande du requérant ne contient pas d’éléments de preuve qui n’ont pas déjà été présentés à la division générale et qui portent sur une question tombant sous l’autorité de la division générale. Aucun nouvel élément de preuve ne peut donc servir de fondement pour une permission de faire appel.
[47] J’ai examiné le dossier. Je suis convaincue que la division générale n’a pas ignoré ou mal compris la preuveNote de bas de page 29. Le requérant continue de présenter des arguments au sujet d’éléments sur lesquels le Tribunal n’a pas compétence. Il a également déposé certains documents qu’il avait déjà déposés à la division générale, y compris ses arguments fondés sur la Charte, qui ne font pas l’objet du présent appel de la décision d’octobre 2023Note de bas de page 30.
[48] Dans sa décision, la division générale a appliqué la loi sur la date où les versements commencent à la situation du requérant. Le requérant souhaite contester la validité de la loi de façon plus générale, mais les éléments qu’il a soulevés n’ont aucune chance raisonnable de réussir à faire changer la décision de la division générale.
Conclusion
[49] J’ai refusé au requérant la permission de faire appel. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.