Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : BS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 1203

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : B. S.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Partie mise en cause : A. S.

Décision portée en appel : Décision de révision datée du 9 mai 2023 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Adam Picotte
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 19 septembre 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Mise en cause
Date de la décision : Le 8 octobre 2024
Numéro de dossier : GP-24-251

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante, B. S., n’est pas admissible à une pension de survivant. Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelante a demandé une pension de survivant du Régime de pensions du Canada le 19 mai 2017. Dans sa demande, elle a écrit qu’elle était la conjointe de fait de J. K. (le cotisant) depuis 2009. En même temps que sa demande, l’appelante a présenté une déclaration solennelle d’union de fait, un rapport d’incident de la police de Toronto, un relevé bancaire et une déclaration de revenus pour l’année 2015. Bien que l’adresse fournie par l’appelante soit différente de celle du cotisant, l’appelante a donné une explication qui a satisfait le ministre.

[4] Par conséquent, le ministre a d’abord accordé à l’appelante la pension sur la base du fait qu’elle avait vécu avec le cotisant dans une relation conjugale pendant au moins un an immédiatement avant son décès. Toutefois, après avoir reçu d’autres renseignements en 2020, le ministre a renvoyé le dossier pour une enquête plus approfondie. À la suite de cette enquête, on a annulé la pension de survivant de l’appelante et établi un trop-payé.

[5] L’appelante affirme que même si elle conservait son propre logement, elle vivait avec le cotisant et entretenait une relation solide avec lui qui était reconnue par la collectivité. Elle soutient qu’elle a eu une relation intime et sexuelle avec le cotisant pendant plus de six ans et qu’elle est donc admissible à une pension de survivant.

[6] À l’issue de son enquête, le ministre a conclu que l’appelante n’avait pas vécu en union de fait avec le cotisant pendant au moins un an. En conséquence, on a mis fin à sa pension de survivant et établi un trop-payé.

Ce que l’appelant doit prouver

[7] Bien que cette affaire concerne l’annulation de la pension de l’appelante, le fardeau de la preuve lui incombe toujours puisque le ministre a établi qu’elle n’avait jamais été admissible à la pension en premier lieuNote de bas page 1.

[8] Selon la loi, seuls la survivante ou le survivant d’une personne cotisante décédée a droit à une pension de survivantNote de bas page 2. Le Régime de pensions du Canada définit une survivante ou un survivant comme étant la conjointe ou le conjoint de fait ou l’épouse ou l’époux de la personne décédéeNote de bas page 3.

[9] Une conjointe ou un conjoint de fait est la personne qui vivait dans une relation conjugale depuis au moins un an avec la personne cotisante au moment de son décèsNote de bas page 4.

[10] Deux personnes peuvent cohabiter même si elles ne vivent pas sous le même toit et inversement, peuvent ne pas cohabiter même si elles vivent sous le même toitNote de bas page 5.

[11] Pour décider si deux personnes sont des conjointes ou conjoints de fait, je dois examiner les éléments suivantsNote de bas page 6 :

  1. a) le partage d’un toit, notamment le fait que les parties vivaient sous le même toit ou partageaient le même lit ou le fait que quelqu’un d’autre habitait chez elles;
  2. b) les rapports sexuels et personnels, notamment le fait que les parties avaient des relations sexuelles, étaient fidèles l’une à l’autre, communiquaient bien entre elles sur le plan personnel, prenaient leur repas ensemble, s’entraidaient face aux problèmes ou à la maladie ou s’offraient des cadeaux;
  3. c) les services, notamment le rôle dans la préparation des repas, la lessive, les courses, l’entretien ménager et d’autres services ménagers;
  4. d) les activités sociales, notamment le fait que les parties participaient ensemble ou séparément aux activités du quartier ou de la collectivité, et leur relation avec les membres de la famille de l’autre;
  5. e) l’image sociétale, notamment l’attitude et le comportement de la collectivité à leur égard en tant que couple;
  6. f) le soutien, notamment les dispositions financières prises par les parties pour subvenir à leurs besoins et pour acquérir et posséder des biens;
  7. g) l’attitude et le comportement des parties à l’égard des enfants.

Motifs de ma décision

[12] Je conclus que l’appelante n’est pas la survivante du cotisant. Ils n’ont jamais vécu ensemble dans une relation conjugale.

L’enquête sur le décès du cotisant ne permet pas de conclure à une union de fait

[13] Le dossier de révision contient un rapport général d’incident daté du 31 décembre 2016. Il s’agit d’un rapport de police sur le décès du cotisant. Le rapport précise que le 31 décembre 2016, l’appelante s’est rendue au domicile du cotisant et a frappé à la porte à plusieurs reprises sans obtenir de réponse. Elle a ensuite avisé le concierge et lui a demandé d’ouvrir la porte de l’appartement du cotisant. Il lui a répondu qu’il ne pouvait pas le faire sans la présence de la police. On a donc appelé le 911Note de bas page 7.

[14] À l’audience, j’ai demandé à l’appelante si elle avait accès à l’appartement du cotisant. Elle m’a répondu qu’elle avait la clé de son appartement et qu’elle pouvait donc aller et venir à sa guise. Toutefois, le rapport général d’incident ne confirme pas cette affirmation. J’ai fait part à l’appelante de la déclaration contenue dans le rapport général d’incident. Elle m’a dit que celle-ci était inexacte et qu’en fait, il y avait un verrou coulissant qui l’avait empêchée d’entrer dans l’appartement le 31 décembre 2016.

[15] Je ne trouve pas cette affirmation crédible. La déclaration du concierge précise qu’il ne pouvait pas ouvrir la porte sans la présence de la police. Lorsque la police est arrivée, elle a constaté qu’il y avait un verrou coulissant, mais qu’il était facile de l’enlever. L’explication de l’appelante à ce sujet ne concorde pas avec le rapport. Je préfère les renseignements contenus dans le rapport, car il a été rédigé par une tierce partie neutre qui n’a pas d’intérêt dans l’issue de cette affaire. Bien que l’appelante m’ait affirmé sous serment qu’elle avait une clé de l’appartement du cotisant, je ne la crois pas. Elle n’aurait pas eu à communiquer avec le concierge du cotisant si elle en avait eu une. J’estime que l’appelante n’avait pas accès à l’appartement du cotisant.

[16] De même, le cotisant n’avait pas la clé de l’appartement de l’appelante. Au cours de l’audience, A. S., la mise en cause et fille de l’appelante, a confirmé que lorsque le cotisant se rendait à leur appartement, sa mère déverrouillait la porte pour lui parce qu’il n’avait pas de clé. J’accepte ce témoignage comme étant crédible. La mise en cause a un intérêt financier potentiel dans l’issue de cette affaire. Son témoignage à cet égard ne sert pas la cause de sa mère. Par conséquent, je n’ai aucune raison de douter de sa véracité.

[17] Ces faits ne montrent pas que l’appelante et le cotisant avaient accès à leur logement respectif. J’estime que cet élément ne permet pas de conclure à l’existence d’une relation conjugale.

La preuve documentaire ne permet pas de conclure à une union de fait

[18] L’appelante a affirmé qu’elle et le cotisant ont vécu en union de fait pendant environ sept ans avant son décès. Cependant, il n’existe pratiquement aucun document à l’appui de cette affirmation.

[19] Ni l’appelante ni sa fille ne sont nommées dans le testament du cotisant. L’appelante n’a pas partagé de compte bancaire conjoint ou de police d’assurance avec le cotisant. Je trouve cela significatif. Avant son décès, le cotisant est devenu le bénéficiaire d’une fiducie importante. Cette fiducie devait lui verser à lui, puis aux membres survivants de sa famille, plus de 40 000 000 $. Si le cotisant avait entretenu une relation conjugale avec l’appelante, il est tout à fait raisonnable de penser qu’il aurait, en tant qu’avocat non pratiquant, désigné celle-ci et sa fille comme bénéficiaires de sa succession. Or, il ne l’a pas fait. Ceci va à l’encontre de la conclusion selon laquelle le cotisant et l’appelante vivaient dans une relation conjugale.

[20] De plus, le cotisant et l’appelante n’étaient pas copropriétaires de biens immobiliers, de véhicules ou d’autres choses de ce genre. S’ils avaient entretenu une relation conjugale depuis six ans, ils auraient probablement commencé à mettre en commun leurs biens. Or, il n’existe aucun élément de preuve en ce sens. Le fait que l’appelante n’a pas été en mesure d’expliquer pourquoi il n’en était pas ainsi est tout aussi important.

[21] En outre, le cotisant n’a jamais accompagné l’appelante et sa fille en vacances. L’appelante m’a dit que le cotisant la rejoignait à son appartement pour souper et qu’il y passait parfois la nuit. Cependant, il n’y passait que peu de temps. L’absence de documents montrant que les parties ont cohabité ne permet pas de conclure à une relation conjugale.

Le cotisant n’effectuait pas de services ménagers pour l’appelante

[22] Pendant l’audience, la mise en cause m’a parlé de sa relation avec le cotisant. Elle m’a dit qu’elle le percevait comme une figure paternelle. Toutefois, la relation qu’elle m’a décrite ne peut pas être raisonnablement assimilée à une relation père-fille.

[23] La mise en cause m’a dit qu’elle croyait sincèrement que le cotisant était une figure paternelle. Bien que je ne doute pas de sa conviction, elle n’a pas décrit le type de comportement qui reflète une relation paternelle. La mise en cause m’a dit qu’elle allait à l’hippodrome et qu’elle pariait sur des chevaux avec le cotisant. Il a assisté à un seul match de soccer auquel elle a participé pendant ses études secondaires. En général, il ne l’aidait pas à faire ses devoirs. De plus, elle n’a jamais passé la nuit chez lui.

[24] Bien que le cotisant ait conseillé la mise en cause sur ses études postsecondaires et qu’il ait révisé certains de ses travaux écrits, cette aide est restée limitée. La mise en cause n’a pas décrit le type de soutien émotionnel dont une jeune enfant aurait besoin de la part d’une figure paternelle. Elle n’a pas décrit de difficultés scolaires ou de problèmes avec ses amis ou avec sa famille que le cotisant l’aurait aidée à surmonter. Bien que ces éléments ne pas soient toujours présents dans les relations, les activités décrites par la mise en cause étaient généralement superficielles et n’avaient pas la profondeur émotionnelle que l’on observe habituellement dans une relation paternelle. Encore une fois, j’estime que cet élément ne permet pas de conclure à une relation conjugale.

La famille et les amis du cotisant ne reconnaissaient pas l’appelante comme étant sa conjointe de fait

[25] Le ministre a présenté des observations qui font référence à l’affaire 01-1033/17 impliquant la succession du cotisant et l’appelante. J’ai obtenu et examiné une copie de la décision rendue dans cette affaire et je l’ai envoyé à l’appelante.

[26] Bien que cette affaire traite de la question de savoir si les deux mêmes personnes dans la présente affaire vivaient dans une relation conjugale, je ne pense pas qu’il soit nécessaire de s’appuyer sur cette décision. Toutefois, j’accepte le fait que l’exécutrice testamentaire de la succession et les enfants biologiques du cotisant ne considéraient pas l’appelante comme étant sa conjointe de fait.

[27] L’exécutrice testamentaire était l’intimée dans l’affaire 01-1033/17 et a défendu avec succès la succession du cotisant contre l’affirmation de l’appelante selon laquelle elle était la conjointe de fait du cotisant. De plus, dans sa défense de la succession, l’exécutrice testamentaire a produit des déclarations sous serment des enfants biologiques du cotisant selon lesquelles aucun d’entre eux ne reconnaissait l’appelante comme étant la conjointe de fait du cotisant. Je n’ai pas d’éléments de preuve présentés par ces personnes, mais j’admets que la famille et les amis du cotisant ne reconnaissaient pas l’appelante comme étant sa conjointe de fait.

[28] Cet élément ne permet pas de conclure à une union de fait.

[29] Au cours de l’audience, la mise en cause m’a dit que lorsque le cotisant et l’appelante soupaient ensemble, ses enfants biologiques n’étaient pas présents. De même, lorsque le cotisant se joignait à l’appelante et à la mise en cause pour des événements ou des célébrations, il n’invitait pas ses enfants. Cet élément va à nouveau à l’encontre du fait que l’appelante et le cotisant vivaient dans une relation conjugale.

Les comportements sexuels et personnels du cotisant et de l’appelante n’appuient pas une relation conjugale

[30] J’admets que l’appelante et le cotisant avaient des relations sexuelles. Toutefois, des relations sexuelles ne sont pas assimilables à une relation conjugale. Il faut plus que de l’intimité sexuelle. Une relation conjugale implique un soutien et des soins mutuels. Elle est plus profonde et de nature plus personnelle et intime. Ce que j’ai trouvé frappant dans la présente affaire, et qui va à l’encontre d’une relation conjugale, c’est que le jour du décès du cotisant, l’appelante est sortie de l’hôpital. Elle n’a pas mentionné qu’il lui avait rendu visite pendant qu’elle était à l’hôpital ni qu’il lui avait apporté son soutien pendant cette période. Là encore, cela ne correspond pas à une relation conjugale.

Conclusion

[31] Je suis convaincu que l’appelante et le cotisant n’ont pas vécu en union de fait pendant au moins un an immédiatement avant son décès. J’en suis arrivé à cette conclusion en me fondant sur la preuve dont je dispose. J’ai accordé une grande importance au fait que l’appelante et le cotisant ne résidaient pas dans le même logement, qu’ils ne se soutenaient pas mutuellement comme dans une relation conjugale typique, qu’il n’y avait pas de liens juridiques entre eux et que la collectivité en général ne les considérait pas comme des conjoints de fait.

[32] Je conclus que l’appelante n’est pas admissible à une pension de survivant parce qu’elle n’a pas été la conjointe de fait du cotisant pendant au moins un an immédiatement avant son décès.

[33] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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