Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : DC c Ministre de l’Emploi et du Développement social et TW, 2024 TSS 1415

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Parties demanderesse : D. C.
Partie défenderesse : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante ou représentant :  
Partie mise en cause : T. W.
Représentante ou représentant :  

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 4 septembre 2024 (GP-21-1314)

Membre du Tribunal : Kate Sellar
Date de la décision : Le 15 novembre 2024
Numéro de dossier : AD-24-596

Sur cette page

Décision

[1] Je refuse d’accorder au demandeur, D. C., la permission de faire appel. L’appel n’ira pas de l’avant. Voici les motifs de ma décision.

Aperçu

[2] Le demandeur est le père de GC et de GOC. La mise en cause est la mère de GC et de GOC. Le demandeur a reçu une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) et la prestation d’enfant de cotisant invalide du RPC pour GC et GOC à compter de novembre 2014.

[3] Le ministre de l’Emploi et du Développement social a décidé de verser les prestations à la mise en cause plutôt qu’au demandeur à compter de juillet 2016. Le ministre a décidé que le demandeur n’avait pas la garde et la surveillance de GC et de GOC depuis juin 2016. Cette décision a entraîné un trop-payé de 3 738,36 $ pour chaque enfant pour la période de juillet 2016 à novembre 2017.

[4] Le demandeur a demandé une révision du changement de bénéficiaire et du trop-payé. Le ministre a maintenu sa décision. Le demandeur a fait appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[5] La division générale du Tribunal a accueilli l’appel. La division d’appel a renvoyé l’appel à la division générale pour réexamen.

[6] La division générale a accueilli l’appel en partie. Dans sa décision rendue le 4 septembre 2024, la division générale a tiré les conclusions suivantes :

  • Le demandeur avait la garde et la surveillance de GC et de GOC de juin 2016 au 28 décembre 2016.
  • La mise en cause avait la garde et la surveillance à partir du 29 décembre 2016 jusqu’à novembre 2017 et par la suite.

[7] Le demandeur souhaite obtenir la permission de faire appel de la décision de la division générale.

Questions en litige

[8] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) Est-il possible de soutenir que la division générale n’a pas assuré l’équité du processus lorsqu’elle a :
    1. (i) refusé d’examiner les documents que le demandeur disait vouloir produire?
    2. (ii) demandé au demandeur d’éteindre sa caméra pendant l’audience par téléconférence?
    3. (iii) permis à la mise en cause de témoigner sur des questions non pertinentes et n’a pas permis au demandeur de témoigner sur les mêmes questions?
  2. b) Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence en rendant une décision sur une question (la garde et la surveillance des enfants) que les tribunaux avaient déjà tranchée?
  3. c) Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en refusant d’entendre les allégations de vol et de fraude que le demandeur a portées contre la mise en cause?
  4. d)  La demande présente-t-elle des éléments de preuve qui n’ont pas été présentés à la division générale?

Je n’accorde pas au demandeur la permission de faire appel

[9] Je peux accorder la permission de faire appel si le demandeur montre dans sa demande qu’il est défendable que la division générale a commis au moins l’une des erreurs suivantes :

  • elle n’a pas assuré l’équité du processus;
  • elle a agi au-delà de ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
  • elle a commis une erreur de droit;
  • elle a commis une erreur de fait;
  • elle a commis une erreur en appliquant le droit aux faitsNote de bas de page 1.

[10] Je peux également accorder la permission de faire appel si la demande présente des éléments de preuve qui n’ont pas été présentés à la division généraleNote de bas de page 2.

[11] Comme le demandeur n’a pas soulevé un argument défendable ni présenté de nouveaux éléments de preuve, je dois refuser la permission de faire appel.

Il est impossible de soutenir que la division générale n’a pas assuré l’équité du processus pour le demandeur

Un processus équitable à la division générale

[12] L’obligation d’équité dépend des circonstancesNote de bas de page 3. Lorsqu’une personne soulève une question d’équité, il faut se demander :

  • si elle connaissait la preuve à réfuter et si elle a eu la possibilité de répondre;
  • si une décideuse ou un décideur impartial a examiné sa preuve pleinement et équitablementNote de bas de page 4.

Il est impossible de soutenir que la division générale n’a pas assuré l’équité du processus en refusant d’examiner des documents.

[13] Le demandeur soutient que lorsqu’il a offert de fournir plus d’un millier de photos, de reçus, de fichiers audio, de vidéos et de documents écrits pour attaquer la crédibilité de la mise en cause à l’audience, il aurait dû être autorisé à le faireNote de bas de page 5.

[14] Lorsque le membre de la division d’appel a renvoyé le présent appel à la division générale, il a fourni des instructions précises pour le processus :

Pour cette raison, j’ordonne également à la division générale d’examiner soigneusement les observations ultérieures pour en vérifier la pertinence. La division générale ne doit admettre que les documents qui, selon son jugement, sont directement liés à la question de savoir qui avait la garde et la surveillance des enfants après juillet 2016. L’appelant et la mise en cause sont avisés que tout document qui ne répond pas à cette question ne sera pas pris en considérationNote de bas de page 6.

[15] La décision de la division générale explique que le demandeur a été agressif et parfois verbalement violent pendant l’audienceNote de bas de page 7. La division générale décrit les tentatives de garder la bienséance pendant l’audience pour que le demandeur conserve sa capacité de témoignerNote de bas de page 8.

[16] De plus, la division générale a expliqué que le demandeur a eu beaucoup de mal à s’abstenir de discuter de questions qui n’avaient peu ou presque rien à voir avec l’admissibilité à la prestation d’enfant de cotisant invalide. Il n’a pas été autorisé à fournir des éléments de preuve non pertinents, y compris ceux qui concernent le caractère et le comportement de la mise en cause pendant et après leur mariageNote de bas de page 9.

[17] Le demandeur n’a pas soulevé d’argument défendable sur une erreur. Lorsqu’il est question d’un processus équitable, il ne s’agit pas de savoir si le demandeur a été autorisé à fournir tout élément de preuve qu’il jugeait important, peu importe sa pertinence ou la date à laquelle il a demandé l’autorisation. Il s’agit plutôt de savoir si le demandeur connaissait la preuve à réfuter et a eu l’occasion d’y répondre. La division générale a clairement dit que la crédibilité et le comportement de la mise en cause n’avaient rien à voir avec la preuve que le demandeur devait réfuter.

[18] Je ne vois aucun argument sur un lien possible entre le type de document et le témoignage que le demandeur voulait fournir à l’audience, et la question en litige dans le présent appel. La division d’appel s’attendait à ce que la division générale rencontre ce problème et est allée jusqu’à aviser les parties que la décision de la division générale trierait soigneusement les documents pour en vérifier la pertinence et ne tiendrait pas compte de ceux qui n’étaient pas pertinents.

[19] De plus, rien n’indique que la crédibilité de la mise en cause était en litige. La tâche de la division générale consistait à évaluer la preuve des parties concernant la garde et la surveillance des enfants. La division générale est un tribunal et ne respecte pas les règles strictes de la preuve comme le fait une cour. Toutefois, elle doit offrir un processus simple, rapide et équitableNote de bas de page 10. La réorientation des parties non représentées qui cherchent à produire des éléments de preuve non pertinents est une partie importante du maintien d’un processus simple et rapide qui demeure équitable.

[20] Il est impossible de soutenir que la division générale a violé le droit à l’équité du demandeur en lui refusant la permission de fournir ces autres éléments de preuve.

Il est impossible de soutenir que la division générale n’a pas assuré l’équité du processus en demandant au demandeur d’éteindre sa caméra pendant l’audience par téléconférence

[21] Le demandeur fait valoir que lui dire d’éteindre sa caméra à l’audience et de participer par téléconférence comme les autres parties est [traduction] « totalement allé à l’encontre de l’objectif » de sa demande. Je crois que le requérant fait référence à sa demande de rouvrir l’audience pour qu’il puisse y participer après avoir manqué la première audience prévue. Le demandeur est allé jusqu’à dire que les instructions de la membre de la division générale ont été données à des [traduction] « fins néfastes parce qu’il y avait quelque chose dont je n’étais pas censé être témoinNote de bas de page 11 ». Le demandeur n’a fourni aucun autre renseignement à l’appui de cette allégation.

[22] Comme je l’ai expliqué dans l’aperçu, la division générale devait réexaminer l’affaire en suivant les instructions de la division d’appel. La division d’appel a renvoyé l’affaire à la division générale pour qu’elle tienne soit une audience par téléconférence, soit une audience par vidéoconférence afin que le demandeur ait l’occasion de témoigner conformément à un processus équitableNote de bas de page 12. 

[23] Comme la division générale l’a décrit dans sa décision, l’audience par téléconférence a eu lieu en avril 2024. Le demandeur n’a pas assisté à l’audience, mais la mise en cause et la représentante du ministre y ont assisté. Par la suite, le demandeur a informé le Tribunal par courriel qu’il avait tenté de se connecter à l’audience, mais qu’il avait échoué en raison de son emplacementNote de bas de page 13.

[24] La division générale a décidé que trancher l’appel sans rouvrir l’audience pour donner au demandeur l’occasion de participer serait inéquitable sur le plan de la procédure. Elle a également envoyé une copie de l’enregistrement de la première audience à toutes les partiesNote de bas de page 14. Le Tribunal a délivré un nouvel avis d’audience par téléconférence. Aucun élément de preuve ne donne à penser que le demandeur a demandé que le mode d’audience soit modifié avant l’audienceNote de bas de page 15. La division générale a rouvert l’audience le 28 août 2024. Toutes les parties étaient présentes.

[25] Je ne vois pas d’argument défendable selon lequel le fait de demander au demandeur d’éteindre sa caméra pour s’assurer qu’il participait à la téléconférence, comme les autres parties, a eu une incidence sur l’équité du processus. Je ne vois aucune incidence possible sur la capacité du demandeur à connaître la preuve à réfuter et à présenter pleinement sa preuve devant une décideuse ou un décideur impartial.

[26] Le demandeur ne savait peut-être pas qu’il était possible d’utiliser la plateforme Zoom pour une téléconférence, mais ce fait ne rend pas l’audience par téléconférence inéquitable. Il n’a fourni aucun argument défendable sur la façon dont lui demander d’éteindre sa caméra pour participer à une audience par téléconférence l’a privé de son droit de se faire entendre.

Il est impossible de soutenir que la division générale n’a pas assuré l’équité de l’audience en permettant à la mise en cause de témoigner sur des questions non pertinentes et en ne permettant pas au demandeur de témoigner sur les mêmes questions

[27] Le demandeur soutient que la division générale n’a pas assuré un processus équitable en permettant à la mise en cause de témoigner sur des questions non pertinentes et en ne lui permettant pas de témoigner sur les mêmes questionsNote de bas de page 16.

[28] Les membres de la division générale doivent aider les parties à participer pleinement au processus d’appel. Pour ce faire, il leur faut notamment prendre les décisions en suivant des méthodes autres que la procédure accusatoire généralement suivie par les tribunaux. Ces méthodes peuvent consister à décider des questions à aborder et des procédures appropriées dans les circonstancesNote de bas de page 17.

[29] Dans la présente affaire, la décision de la division d’appel de renvoyer l’affaire à la division générale indiquait très clairement que les parties ont parfois [traduction] « eu de la difficulté à s’abstenir de se quereller sur des questions qui n’ont rien ou presque rien à voir avec la question en litige : l’admissibilité à la [prestation d’enfant de cotisant invalide]Note de bas de page 18 ».

[30] Dans ses documents, le demandeur n’a pas précisé quelle était la question sur laquelle la mise en cause avait pu témoigner, mais que lui n’avait pas eu le droit d’aborder dans son témoignage.

[31] Toutefois, le demandeur n’a fourni aucun renseignement à l’appui d’une cause défendable selon laquelle son droit de se faire entendre a été compromis d’une quelconque façon. Je ne suis pas certaine que le demandeur soutient que la division générale s’est fondée sur la question non pertinente sur laquelle, selon lui, la mise en cause avait été autorisée à témoigner.

[32] Si la question sur laquelle la mise en cause a témoigné n’était pas pertinente, comme le dit le demandeur, et celui-ci n’a pas été autorisé à témoigner à ce sujet, cela ne peut pas constituer un argument défendable sur une violation du droit à l’équité pour au moins deux raisons.

[33] Premièrement, l’équité n’exige pas que le demandeur ait la possibilité de répondre à des questions ou à des éléments qui ne font pas partie de la preuve à réfuter. Le demandeur reconnaît que les renseignements au sujet desquels il n’a pas été autorisé à témoigner n’étaient pas pertinents. Par conséquent, il n’a pas soulevé un argument défendable sur un manque d’équité.

[34] Deuxièmement, l’équité exige une personne qui rend des décisions impartiales. Pour décider s’il existe une crainte raisonnable de partialité, la question juridique qu’il faut se poser est la suivante : à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratiqueNote de bas de page 19? La personne examinant la partialité doit être raisonnable et la crainte de partialité doit être raisonnable dans les circonstances de l’affaireNote de bas de page 20.

[35] Le requérant n’a présenté aucun argument défendable selon lequel la façon dont la division générale a entendu les témoignages des parties amènerait une personne raisonnable à conclure qu’il y a eu partialité.

[36] J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale et j’ai constaté à quel point il était difficile de garder les témoins sur la bonne voie tout au long du processus. Je n’ai observé aucun signal d’alarme qui semblerait indiquer une crainte raisonnable de partialité.

[37] Le demandeur n’a pas soulevé d’argument défendable selon lequel il y a eu un manquement à l’équité du processus.

Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence en rendant une décision sur une question (la garde et la surveillance des enfants) que les tribunaux avaient déjà tranchée

[38] Le demandeur soutient que la division générale a commis une erreur de compétence en rendant une décision sur une question (la garde et la surveillance des enfants) qui avait déjà été tranchée par la Cour supérieure de justiceNote de bas de page 21.

[39] La division générale peut trancher toute question de droit ou de fait pour statuer sur tout appel dont elle est régulièrement saisieNote de bas de page 22. En ce qui concerne le RPC, le Tribunal peut trancher des questions de droit ou de fait concernant le versement d’une prestation à une personne ou son montantNote de bas de page 23.

[40] La division générale devait décider quel parent avait droit au versement de la prestation d’enfant de cotisant invalide de juin 2016 à novembre 2017Note de bas de page 24. Pour décider à qui la prestation était payable, la division générale devait tenir compte du texte du RPC en vigueur à l’époque, qui précisait que la prestation est versée au parent qui exerce la garde et la surveillance des enfantsNote de bas de page 25.

[41] Si un tribunal a rendu une ordonnance ou tiré des conclusions de fait sous-jacentes qui pourraient être pertinentes pour déterminer la garde et la surveillance dans le contexte du RPC ou d’un tribunal, celles-ci pourraient être des éléments de preuve pertinents pour la décision de la division générale. Cependant, le demandeur affirme qu’une ou un juge a déclaré [traduction] « au dossier et en audience publique qu’aucune des parties n’avait la garde des deux enfants restants du mariageNote de bas de page 26 ».

[42] Si elle était vraie, une telle déclaration n’annulerait pas la compétence de la division générale pour décider qui avait la garde et la surveillance aux fins de la prestation d’enfant de cotisant invalide. La déclaration n’aide pas non plus la division générale à tirer une conclusion sur cette question, puisqu’elle devrait décider qu’au moins un parent avait la garde et la surveillance des enfants pour déterminer quel parent avait droit au paiement.

[43] Le demandeur n’a pas soulevé d’argument défendable sur une erreur de droit relative à une conclusion du tribunal de la famille.

Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en refusant d’entendre les allégations de vol et de fraude que le demandeur a portées contre la mise en cause

[44] Le demandeur soutient que la division générale a commis une erreur de droit en refusant d’entendre les allégations de fraude et de vol qu’il a portées contre la mise en causeNote de bas de page 27.

[45] La division générale a reconnu dans sa décision que, lors de l’audience, le demandeur avait soulevé des questions au sujet du vol. Il a dit que les versements de la prestation d’enfant de cotisant invalide lui avaient été volés. Par conséquent, il ne croit pas qu’il devrait être responsable du trop-payé. La division générale a déclaré qu’elle n’a pas la compétence nécessaire pour déterminer si un vol a été commisNote de bas de page 28.

[46] Il n’est pas déraisonnable qu’une personne qui rend une décision omette de traiter d’allégations qui dépassent la portée de son mandat légalNote de bas de page 29. Comme la division générale n’a pas le mandat d’enquêter sur les fraudes ou les vols liés aux prestations du RPC, il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur en refusant d’entendre ces argumentsNote de bas de page 30.

Il n’y a aucune nouvelle preuve

[47] Le demandeur n’a présenté aucun nouvel élément de preuve qui n’a pas déjà été présenté à la division générale. Par conséquent, les nouveaux éléments de preuve ne peuvent pas non plus servir de fondement pour accorder la permission de faire appel.

[48] J’ai examiné le dossierNote de bas de page 31. Je suis convaincue qu’il est impossible de soutenir que la division générale a ignoré ou mal interprété d’autres éléments de preuve importants. Le comportement du demandeur lors de l’audience de la division générale était (pour le moins) difficile. La membre de la division générale a fait preuve de beaucoup de compétence, de professionnalisme et de retenue tout au long de l’audience. La division générale a appliqué la loi concernant le versement de la prestation d’enfant de cotisant invalide aux faits de l’appel et je ne vois aucun argument défendable sur une erreur.

Conclusion

[49] J’ai refusé d’accorder au demandeur la permission de faire appel. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.