[TRADUCTION]
Citation : PA c Ministre de l’Emploi et du Développement social et WA, 2024 TSS 1456
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu
Décision
Partie appelante : | P. A. |
Partie intimée : | Ministre de l’Emploi et du Développement social |
Partie mise en cause : | W. A. |
Représentante ou représentant : | Ilena Candiani |
Décision portée en appel : | Décision de révision datée du 5 juin, 2024 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Adam Picotte |
Mode d’audience : | En personne |
Date de l’audience : | Le 18 octobre, 2024 |
Personnes présentes à l’audience : | Appelant Intimé |
Date de la décision : | Le 25 octobre, 2024 |
Numéro de dossier : | GP-24-1231 |
Sur cette page
- Décision
- Aperçu
- Ce que je dois décider
- Questions que je dois examiner en premier
- Motifs de ma décision
- Quand le ministre doit traiter un partage des crédits et quand il ne doit pas le faire
- Conclusion
Décision
[1] L’appel est accueilli.
[2] Le ministre de l’Emploi et du Développement social doit annuler le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension de l’appelant et de la mise en cause. La présente décision explique pourquoi j’accueille l’appel.
Aperçu
[3] L’appelant et la mise en cause se sont mariés le 13 août 1994. Ils se sont séparés le 13 septembre 2000Note de bas page 1. Le 10 juin 2002, ils ont signé le procès-verbal de règlement pour un accord de séparationNote de bas page 2. Le 6 septembre 2002, une ou un juge de la Cour suprême de la Colombie-Britannique leur a accordé une ordonnance de divorceNote de bas page 3.
[4] Le 14 avril 2022, la mise en cause a présenté une demande de partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension, aussi appelé « partage des crédits »Note de bas page 4. Le partage des crédits consiste à combiner les cotisations des parties au Régime de pensions du Canada (RPC) pour certaines années et les répartir également entre elles lors d’une séparation ou d’un divorce.
[5] Le ministre a accueilli la demande de la mise en cause et a avisé l’appelant, comme il était tenu de le faire. Celui-ci a demandé au ministre d’annuler le partage des crédits parce que dans le procès-verbal de règlement, la mise en cause et lui avaient convenu de ne pas partager leurs cotisations au RPC. Le ministre a rejeté la demande.
[6] L’appelant fait appel de la décision du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Il a soumis le procès-verbal de règlement de juin 2002 une semaine avant l’audience. Ce document a été transmis au ministre et à la mise en cause deux jours avant l’audience orale.
[7] L’appelant affirme que par application du procès-verbal de règlement, le partage des crédits a été accordé à tort à la mise en cause.
[8] Le ministre a assisté à l’audience orale et a informé le Tribunal que [traduction] « le contenu du procès-verbal de règlement semble changer les choses ». Toutefois, il ne pouvait pas changer sa position à un stade aussi avancé du processus du Tribunal.
Ce que je dois décider
[9] Je dois décider si le ministre aurait dû traiter la demande de partage des crédits de la mise en cause.
Questions que je dois examiner en premier
L’audience n’a pas été enregistrée
[10] L’audience s’est déroulée selon une méthode hybride : l’appelant s’est présenté en personne et le ministre a participé par vidéoconférence. Généralement, l’audience est enregistrée lorsqu’il y a une vidéoconférence, ce qui semble avoir été le cas ici. Cependant, après que l’audience orale a eu lieu, aucun enregistrement n’était disponible. Ainsi, il n’y a pas d’enregistrement de l’audience pour la présente affaire.
Le ministre m’a demandé de reporter l’audience
[11] Comme l’appelante avait déposé le procès-verbal de règlement juste avant la date de l’audience, le ministre n’a pas eu pleinement l’occasion d’examiner les répercussions du document. Par conséquent, le jour de l’audience, le ministre a demandé un ajournement.
[12] J’ai examiné cette demande et j’ai finalement décidé qu’elle n’était pas conforme aux Règles de procédure du Tribunal de la sécurité sociale. Selon ces règles, le processus d’appel doit être simple et rapide, tout en respectant les principes d’équitéNote de bas page 5.
[13] Après avoir examiné la demande, j’ai décidé que j’avais tous les renseignements nécessaires pour rendre une décision rapide et équitable. Accorder un ajournement n’aurait que retardé un processus qui était presque terminé. J’étais aussi conscient que la mise en cause avait présenté sa demande initiale plus de deux ans avant la date de l’audience. Par conséquent, la conclusion rapide de cette affaire était d’une importance primordiale. Enfin, la mise en cause et sa représentante avaient toutes deux reçu le procès-verbal de règlement le 16 octobre 2024 et avaient confirmé le 17 octobre 2024 qu’elles n’assisteraient pas à l’audience oraleNote de bas page 6. J’ai donc décidé de procéder à l’audience comme prévu.
Motifs de ma décision
[14] Le ministre n’aurait pas dû traiter la demande de partage des crédits de la mise en cause. Il doit annuler le partage des crédits. Voici pourquoi.
Quand le ministre doit traiter un partage des crédits et quand il ne doit pas le faire
[15] Le ministre doit traiter le partage des crédits lorsqu’il est informé que les époux ont divorcéNote de bas page 7. L’exception s’applique lorsque ces quatre conditions sont remplies :
- 1) Les ex-époux ont conclu un contrat écrit après le 3 juin 1986 contenant une disposition qui fait expressément mention du Régime de pensions du Canada et indique qu’ils ne veulent pas faire le partage des crédits.
- 2) La disposition est expressément autorisée selon le droit provincial applicable.
- 3) Le contrat a été conclu avant que ne soit rendu un jugement de divorce.
- 4) La disposition n’a pas été annulée aux termes d’une ordonnance d’un tribunal.
[16] Si ces conditions sont réunies, le ministre ne doit pas effectuer le partage des créditsNote de bas page 8.
Les conditions 1, 2 et 3 sont remplies
[17] Pour des raisons que je soulignerai, il est évident d’après la preuve que les conditions 1, 2 et 3 sont remplies. L’accord de séparation n’a pas initialement été fourni par l’appelant ou la mise en cause, mais il est mentionné dans l’ordonnance de divorce. Bien qu’il aurait été utile à l’appelant de fournir ce document pendant le processus de demande, je comprends pourquoi il ne l’a pas fait.
[18] Le divorce a été prononcé en 2002. La demande de partage des crédits n’a été présentée que 20 ans plus tard.
[19] Compte tenu du temps écoulé, on comprend pourquoi l’appelant n’a pas été en mesure de produire le procès-verbal de règlement au moment où le ministre a reçu la demande. Il est également raisonnable que le ministre soit arrivé à la conclusion initiale qu’il fallait accueillir la demande de la mise en cause. Le seul document fourni au ministre par l’une ou l’autre des parties était l’ordonnance de divorce. Comme celle-ci n’a pas expressément mentionné le RPC ou le fait de ne pas vouloir le partage des crédits, elle ne remplissait pas les conditions pour empêcher le partage des crédits.
[20] Le procès-verbal de règlement a été conclu le 10 juin 2002. C’était après le 3 juin 1986, et avant que le jugement de divorce ne soit accordé le 6 septembre 2002.
[21] L’article 15 du procès-verbal de règlement prévoit ce qui suit :
[introduction]
Sous réserve des dispositions du présent accord, chaque partie conserve ses propres fonds, économies, investissements, assurances, régimes enregistrés d’épargne-retraite, pensions, y compris les crédits ouvrant droit à pension et prestations du Régime de pensions du Canada, obligations d’épargne du Canada, indemnités de départ et autres, pour son usage exclusif.
[22] Cette disposition mentionne expressément le Régime de pensions du Canada et indique que l’appelant et la mise en cause ne voulaient pas faire le partage des crédits.
[23] Le partage des crédits est autorisé en Colombie-Britannique. C’est là que l’entente de règlement a été exécutée. Les parties ont convenu que la loi de la Colombie-Britannique régissait l’accord de règlementNote de bas page 9.
La condition 4 est également remplie
[24] J’ai aussi examiné si la condition 4 était remplie. J’ai décidé qu’elle l’est. L’ordonnance de divorce est différente du procès-verbal de règlement. Le ministre a accueilli la demande de partage des crédits de la mise en cause en se fondant sur l’ordonnance de divorce. Toutefois, celle-ci n’annule pas la disposition de l’article 15 du procès-verbal de règlement.
[25] Le point 7 de l’ordonnance de divorce énonce que chaque partie doit conserver ses pensions respectivesNote de bas page 10. Cette disposition est formulée différemment dans le procès-verbal de règlement. Toutefois, je ne suis pas convaincu que l’une ou l’autre des parties ou la ou le juge avait l’intention de modifier l’accord de règlement en ce qui concerne le partage des crédits.
[26] En général, les accords de séparation lient les parties qui concluent de tels contrats. Toutefois, la ou le juge peut modifier les modalités d’un accord de séparation dans certaines circonstances. En général, il faut un changement important dans la situation des parties pour qu’un tel changement soit accordéNote de bas page 11. Rien dans les documents déposés n’indique que la situation de l’une ou l’autre des parties a subi un changement important entre juin et septembre 2002.
[27] De plus, les deux parties étaient représentées par une avocate ou un avocat lorsqu’elles ont signé l’accord de séparation, et sans doute aussi dans le cadre du processus de divorce. La ou le juge était au courant du procès-verbal de règlement, car il est expressément mentionné et figure dans l’ordonnance de divorceNote de bas page 12.
[28] De plus, l’ordonnance de divorce ne contredit pas le procès-verbal de règlement. Elle réitère simplement avec moins de précision ce qui allait se passer avec les pensions des parties. On ne sait pas non plus si la référence à la pension dans l’ordonnance de divorce visait le RPC ou les pensions privées des parties. Quoi qu’il en soit, la loi a reconnu que lorsqu’une ordonnance de divorce ne comporte pas toutes les conditions d’un accord de séparation, les conditions exclues ne deviennent pas nulles et non avenuesNote de bas page 13.Ces dispositions demeurent plutôt en vigueur, sauf en cas d’incompatibilité avec l’ordonnance de divorce, à moins qu’il y ait des éléments de preuve montrant que les parties ont abandonné leurs droits dans l’accord de séparation.
[29] Par conséquent, en l’absence d’une intention précise de modifier le procès-verbal de règlement, je ne suis pas convaincu que les parties ou la ou le juge avaient l’intention de maintenir ces dispositions par l’intermédiaire de l’ordonnance de divorce.
[30] Par conséquent, je suis convaincu que la condition 4 a été remplie.
Conclusion
[31] Je conclus que le ministre n’aurait pas dû traiter la demande de partage des crédits de la mise en cause. Les quatre conditions du Régime de pensions du Canada étaient remplies. Par conséquent, le ministre était lié par le procès-verbal de règlement. Elle n’avait pas le pouvoir de partager les cotisations au RPC de l’appelant et de la mise en cause.
[32] Par conséquent, l’appel est accueilli.