Régime de pensions du Canada (RPC) – autre

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[TRADUCTION]

Citation : TS c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2024 TSS 1599

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : T. S.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social
Représentante ou représentant : Viola Herbert

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le
26 juillet 2024 (GP-23-2000)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 18 décembre 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’intimé
Date de la décision : Le 27 décembre 2024
Numéro de dossier : AD-24-507

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Décision

[1] Je rejette l’appel. L’appelant n’a pas droit à une pension de retraite du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] L’appelant est un consultant et entrepreneur de 89 ans qui est né au Canada, mais qui a passé une grande partie de sa vie professionnelle à l’étranger. Il a demandé une pension de retraite du RPC trois fois sans succès. Chaque fois, Service Canada a refusé sa demande parce qu’il n’a aucune preuve de ses cotisations au RPC.

[3] Le présent appel concerne seulement la troisième demande de l’appelant, qui a été présentée en mars 2023Note de bas de page 1. Comme dans ses demandes précédentes, l’appelant reconnaît qu’il n’a jamais cotisé au RPC, mais prétend que les retenues sur la paie pour un emploi au fédéral qu’il a occupé dans les années 1950 auraient dû être transférées au RPC lors de sa création en 1966. Il affirme également qu’il avait droit à la pension de retraite du RPC en raison d’un accord réciproque de sécurité sociale conclu entre le Canada et l’Australie, où il a travaillé pendant plusieurs années.

[4] La division générale du Tribunal de la sécurité sociale a rejeté les demandes de l’appelant plus tôt cette année. Elle a conclu que les déductions effectuées avant 1966 n’avaient aucun rapport avec le RPC. Elle a également conclu que l’accord entre le Canada et l’Australie ne s’applique pas à la pension de retraite du RPC.

[5] En août, la division d’appel a accordé à l’appelant la permission de faire appel après avoir conclu que la division générale avait peut-être injustement refusé d’examiner certains de ses documents. Plus tôt ce mois-ci, j’ai tenu une audience pour discuter de son dossier en entier.

Question préliminaire

[6] Le 15 décembre 2024, quelques jours avant l’audience de la division d’appel, l’appelant a déposé des documents supplémentaires au Tribunal. Ils ont été transmis après la période de dépôt, qui a pris fin le 12 novembre 2024, et la période de réponse, qui a pris fin le 13 décembre 2024. Parmi les documents se trouvait une déclaration sous serment signé par l’appelant le 15 décembre 2024.

[7] À l’audience, j’ai demandé à l’appelant pourquoi il n’avait pas présenté ce dernier élément de preuve plus tôt. Il a répondu qu’il se représentait lui-même et qu’il avait de la difficulté à s’organiser à son âge.

[8] Malgré l’objection du ministre, j’ai décidé d’accepter les documents tardifs de l’appelant. La déclaration sous serment ne contenait aucun nouveau renseignement et récapitulait seulement les faits et les arguments que l’appelant avait présentés à de nombreuses reprises auparavant. Je n’ai rien vu qui laisse croire que le fait d’accepter ces documents, même s’ils sont en retard, porterait préjudice au ministreNote de bas de page 2.

Questions en litige

[9] Dans le présent appel, je devais voir si l’appelant avait un moyen d’être admissible à une pension de retraite du RPC. Pour ce faire, je devais répondre aux questions suivantes :

  • L’appelant a-t-il déjà travaillé au Canada? A-t-il déjà cotisé à un régime d’assurance sociale du gouvernement canadien avant la création du Régime de pensions du Canada? Si oui, quand? La loi permettait-elle de « transférer » de telles cotisations au Régime, même si celui-ci a seulement été créé des années plus tard?
  • Que des cotisations puissent ou non être créditées au compte du RPC de l’appelant, l’accord de sécurité sociale entre Canada et l’Australie lui permettrait-il de devenir admissible à une pension de retraite? Plus précisément, que signifient les dispositions de « totalisation » dans cet accord?

Analyse

[10] J’ai appliqué la loi à la preuve disponible et j’ai conclu que l’appelant n’est pas admissible à la pension de retraite du RPC. Il n’a jamais versé des cotisations au RPC et l’on ne peut pas lui en créditer par d’autres moyens. Sans cotisations, l’appelant ne peut pas bénéficier de l’accord de sécurité sociale entre le Canada et l’Australie.

L’appelant n’a pas cotisé au RPC

[11] Les deux parties conviennent que l’appelant n’a jamais cotisé directement au RPC. Selon les dossiers du ministre, l’appelant n’a jamais touché de revenu d’emploi au Canada ni cotisé au RPCNote de bas de page 3.

[12] L’appelant prétend avoir travaillé pour le ministère fédéral des Pêches de 1957 à 1959. Il se souvient qu’à cette époque, son revenu faisait l’objet de retenues sur la paie, mais il ne se souvient pas précisément à quelle fin. Il soutient que ces retenues auraient dû être transférées au RPC en son nom, au titre de la Loi sur la pension de la fonction publique.

[13] Je ne vois pas le bien-fondé de ces arguments.

[14] Pour être admissible à une pension du RPC, l’appelant doit prouver qu’il a au moins 60 ans et qu’il est cotisant au RPCNote de bas de page 4. Un cotisant est défini comme une personne qui a cotisé au RPC à titre d’employé ou de travailleur autonomeNote de bas de page 5. Le montant mensuel de base de la pension de retraite du RPC d’une personne est un pourcentage de ses gains ouvrant droit à pension. Sans gains ouvrant droit à pension ou cotisations au RPC, une personne ne peut pas obtenir de pension de retraiteNote de bas de page 6.

[15] Les cotisations au RPC comptent uniquement si elles sont versées pendant la période de cotisation. Celle-ci commence soit le 1er janvier 1966, soit lorsqu’une personne atteint l’âge de 18 ans, selon le plus tardif de ces deux événementsNote de bas de page 7. La période de cotisation ne peut pas commencer avant le 1er janvier 1966, car le Régime de pensions du Canadaest entré en vigueur à cette date.

[16] Le 18e anniversaire de l’appelant remonte à mai 1953. Comme cet événement s’est produit avant l’entrée en vigueur du RPC, la période de cotisation de l’appelant a commencé à la plus tardive des dates possibles. Selon la loi, l’appelant n’aurait pas pu cotiser au RPC avant le 1er janvier 1966.

[17] L’appelant n’a fourni aucune preuve objective selon laquelle il avait travaillé pour le ministère des Pêches ou versé des cotisations à un précurseur du RPC. Même s’il l’avait fait, il n’a pu citer aucun texte juridique qui lui aurait permis, ou qui aurait permis au ministre de transférer de telles cotisations au RPC après sa création. L’appelant a mentionné la Loi sur la pension de la fonction publique, mais cette loi régit le régime de pensions de la fonction publique du Canada, un régime nettement différent du RPC. Il ne contient aucune disposition permettant le transfert de crédits d’un régime à l’autre.

[18] Bref, l’appelant n’est pas cotisant au RPC. Il n’est donc pas admissible à la pension de retraite du RPC. Je vais maintenant expliquer pourquoi ses années de travail en Australie ne l’aident pas non plus à obtenir une pension de retraite.

L’accord de sécurité sociale entre le Canada et l’Australie n’aide pas l’appelant

[19] L’accord de sécurité sociale entre le Canada et l’Australie accorde aux personnes résidant dans l’un ou l’autre des pays de toucher des prestations de sécurité sociale de l’autre pays, pourvu qu’elles remplissent certaines conditions. L’appelant fait valoir que l’article 9 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse lui permet d’être admissible aux prestations du RPC, même s’il n’y a jamais versé de cotisations. Il dit que les sept années pendant lesquelles il a vécu et travaillé en Australie entre 1963 et 1971 devraient être prises en compte dans le calcul d’une pension de retraite.

[20] Je ne suis pas convaincu que l’accord de sécurité sociale dise ce que l’appelant pense qu’il dit.

[21] Premièrement, l’article 3 prévoit que l’accord de sécurité sociale s’applique à toute personne qui « verse ou a versé des cotisations aux termes du Régime de pensions du Canada ». Comme nous l’avons vu, l’appelant n’a jamais versé de cotisations au RPC.

[22] Ensuite, l’article 9 prévoit que si une personne n’a pas droit à une prestation du RPC en fonction de ses seules périodes admissibles canadiennes, l’admissibilité sera établie à partir de la « totalisation » de ces périodes et des périodes où elle a travaillé en Australie. Lu dans son contexte, cet article indique que pour qu’il y ait « totalisation », une personne doit avoir des périodes admissibles au Canada et en Australie. L’appelant a seulement des périodes admissibles en Australie.

[23] Enfin, l’article 11 précise que si une personne est admissible à une prestation du RPC seulement en raison de la disposition de totalisation des périodes à l’article 9, le montant de la prestation est exclusivement fondé sur ses gains ouvrant droit à pension. Par conséquent, seuls les revenus canadiens peuvent être pris en compte dans le calcul d’une pension de retraite du RPC. Autrement dit, les revenus australiens peuvent être utilisés pour établir l’admissibilité à une prestation du RPC, mais ils ne peuvent pas être utilisés pour calculer le montant de cette prestation.

[24] Encore une fois, l’appelant n’a aucun revenu canadien aux fins du RPC, donc il n’est admissible à aucune prestation du RPC; le montant équivaudrait donc à « 0 » dans tous les cas. Ses sept années de périodes admissibles en Australie entreraient en jeu seulement s’il avait au moins un an de cotisations valides au RPC. Même alors, elles l’aideraient seulement à être admissible à une prestation du RPC qui exige un nombre minimum d’années de cotisations, comme la prestation d’invalidité (4 ans) ou les prestations de décès et de survivant (10 ans). Il se trouve que la pension de retraite n’a pas de seuil minimal, alors elle est effectivement hors de portée de l’accord de sécurité sociale.

Le Tribunal ne peut pas corriger les erreurs administratives du ministre

[25] Enfin, l’appelant prétend que Service Canada a commis une erreur en traitant sa demande. Il affirme qu’il a causé un retard en orthographiant mal son nom dans sa demande au gouvernement australien pour obtenir des renseignements sur ses antécédents de travailNote de bas de page 8.

[26] Compte tenu des documents dont je dispose, je n’ai aucun moyen de confirmer la véracité de cette allégation. Mais même si elle était vraie, je ne peux pas intervenir.

[27] Premièrement, j’ai conclu que la loi ne permettait en aucun cas à l’appelant d’obtenir une pension de retraite du RPC. Il ne peut pas prétendre que le délai a nui à sa demande d’une prestation à laquelle il n’avait jamais eu droit.

[28] Deuxièmement, la prétendue erreur du ministre s’est produite en octobre 2020, suivant la deuxième demande de l’appelant. Je n’ai pas le pouvoir d’examiner la conduite du ministre conformément à une demande autre que sa troisième demande.

[29] Troisièmement, quelles que soient les erreurs administratives du ministre, elles dépassent ma compétence. Le Tribunal a été créé par voie législative et, à ce titre, n’a que les pouvoirs que lui confère la loi qui le régit. Il est tenu d’interpréter et d’appliquer les dispositions telles qu’elles sont énoncées dans le Régime de pensions du Canada.

[30] Selon le Régime de pensions du Canada, le ministre peut prendre des mesures correctives s’il est convaincu qu’une personne s’est vu refuser une prestation en raison d’un avis erroné ou d’une erreur administrativeNote de bas de page 9. L’utilisation des mots « peut » et « convaincu » dans cette disposition donne à penser qu’une telle décision est purement discrétionnaire. En d’autres mots, le ministre n’a pas à corriger son erreur s’il estime que ce n’est pas justifié. La jurisprudence dit que les tribunaux administratifs, comme le Tribunal, ne peuvent pas forcer le ministre à réviser ou à annuler une décision qu’il a prise volontairementNote de bas de page 10. Comme le ministre n’a jamais admis qu’il y avait eu erreur dans la présente affaire, je ne peux rien faire pour l’obliger à la corriger.

Conclusion

[31] L’appelant n’a pas droit à une pension de retraite du RPC. Il n’a jamais versé de cotisations au RPC, et toute cotisation qu’il a versée au régime de pensions de la fonction publique dans les années 1950 ne peut pas être créditée à son compte du RPC. Sans cotisations au RPC, l’appelant ne peut pas bénéficier de l’accord de sécurité sociale entre le Canada et l’Australie.

[32] L’appel est rejeté.

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